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Décisions

Cass. crim., 16 janvier 2007, n° 06-80.914

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Bordeaux, ch. corr., du 10 janv. 2006

10 janvier 2006

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par X, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 10 janvier 2006, qui, pour tromperie et usurpation d'appellations d'origine, l'a condamné à 1 000 euro d'amende ; Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 213-1 du Code de la consommation, 122-4 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a reconnu Xavier X coupable de tromperie et l'a condamné à une peine d'amende ;

"aux motifs que la législation applicable au cognac procède essentiellement du décret du 13 janvier 1938 qui énonce que les appellations contrôlées grandes fines champagnes, grande champagne, petite champagne, fine champagne, borderies, fins bois, bons bois sont exclusivement réservées aux eaux-de-vie qui, répondant aux conditions ci-après énumérées, proviendront de vins récoltés respectivement pour chacune d'entre elles sur les territoires ci-après désignés étant entendu que leur distillation sera effectuée à l'intérieur du territoire délimité de l'appellation cognac " (article 1er) et du règlement CEE du 24 avril 2001 ayant donné lieu à des accords ponctuels après concertation entre la DGCCRF, l'Inao et le BNIC et le syndicat des bouilleurs de profession, distillateur du cognac pour la défense de l'AOC Cognac dont le dernier en date du 20 novembre 2001, applicable à la campagne 2001-2002 a été diffusé à l'ensemble de la profession ; que ce document (appelé "relevé de prescriptions") interdisait le mélange de vins et d'eau-de-vie de crus différents et accordait un facteur de dilution inférieur à 3,5 % et précisait que le non-respect de ces prescriptions pourrait entraîner l'application stricte des dispositions du décret du 13 janvier 1938 ; que le prévenu ne saurait utilement invoquer les termes d'un accord de 1991 selon lequel le droit à une appellation régionale est conservé par voie de tolérance à l'issue d'opérations de distillation mettant en œuvre des matières premières issues de crus différents sous réserve que les changements de crus soient limités au maximum pendant la campagne pour éviter les chevauchements et que seuls soient mélangés les vins d'un cru déterminé et les matières imparfaites d'un autre cru (arrêt, pp.8-10) ; que le prévenu ne saurait utilement soutenir qu'il n'aurait eu connaissance de ces prescriptions que par une lettre du 1er octobre 2003 alors que le document qu'il invoque se réfère à la réglementation de la campagne 2003-2004 et que les documents joints à cet envoi font état d'un rappel des prescriptions concernant la gestion des imparfaits ; qu'en effet, ce document de gestion des imparfaits invite expressément à la stricte observation des règles de dilution telles qu'acceptées pour la campagne 2001-2002 par l'Inao et la DGCCRF et reconduites pour la campagne 2003-2004, ce qui prouve que ces éléments avaient déjà été portés à la connaissance des distillateurs lors de la précédente campagne ainsi que cela résulte de la lettre du président du syndicat des bouilleurs et distillateurs de cognac en date du 20 novembre 2001 adressée au directeur de la DGCCRF auquel il faisait part de l'envoi à ses adhérents de divers documents dont le relevé de prescriptions ; que Xavier X qui n'a pas respecté les pourcentages de dilution tolérés et a contribué à la mise sur le marché, où ils ont été livrés à la vente, des cognacs portant les appellations d'origine petit champagne, borderies et fins bois, auxquelles ils ne pouvaient prétendre, a bien commis le délit de tromperie qui lui est reproché, sa mauvaise foi découlant du non-respect délibéré des obligations auxquelles il était contraint pour la réalisation du produit (arrêt, pp.11-12) ;

"alors, d'une part, qu'en matière de réglementation économique, le fait de se conformer à un usage local constitue une cause d'irresponsabilité tirée de l'autorisation de la loi ; que concernant la distillation du cognac, un usage admettait un facteur de dilution important lors de la distillation malgré les prescriptions de l'article 1er du décret du 13 janvier 1938, ce dont attestait l'accord de 1991 aux termes duquel le droit à l'appellation " était conservé à l'issue des opérations de distillation qui mettent en œuvre des matières premières issues de crus différents à la condition notamment que les mélanges soient seulement des mélanges de vin d'un cru déterminé et de matières imparfaites d'un autre cru " ; qu'aucune des constatations de l'arrêt n'établit que cet usage local, exonérant le prévenu de toute responsabilité pour tromperie et remis en cause par le " relevé de prescriptions " du 20 novembre 2001, n'était plus en vigueur au jour des faits qui lui étaient reprochés, commis entre le 1er novembre 2001 et le 22 janvier 2002 ; que la condamnation est privée de tout fondement légal ;

"alors, d'autre part, qu'en l'absence de système d'information légale sur l'évolution des usages locaux en cours, les juges du fond ne peuvent écarter le bénéfice d'un usage constituant une cause d'irresponsabilité sans constater que le prévenu a eu une connaissance effective de sa caducité ; qu'aucune des constatations de l'arrêt n'établissent que le prévenu ait su que l'usage admettant un facteur de dilution lors de la distillation du cognac et l'exonérant de toute responsabilité pour tromperie n'était plus en vigueur ; que la condamnation est privée de tout fondement légal" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 115-16 du Code de la consommation, 122-4 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a reconnu Xavier X coupable d'usurpation d'AOC et l'a condamné à une peine d'amende ;

"aux motifs que la législation applicable au cognac procède essentiellement du décret du 13 janvier 1938 qui énonce que les appellations contrôlées grandes fines champagnes, grande champagne, petite champagne, fine champagne, borderies, fins bois, bons bois sont exclusivement réservées aux eau-de-vie qui, répondant aux conditions ci-après énumérées, proviendront de vins récoltés respectivement pour chacune d'entre elles sur les territoires ci-après désignés étant entendu que leur distillation sera effectuée à l'intérieur du territoire délimité de l'appellation cognac " (article 1er) et du règlement CEE du 24 avril 2001 ayant donné lieu à des accords ponctuels après concertation entre la DGCCRF, l'Inao et le BNIC et le syndicat des bouilleurs de profession, distillateur du cognac pour la défense de l'AOC Cognac dont le dernier en date du 20 novembre 2001, applicable à la campagne 2001-2002 a été diffusé à l'ensemble de la profession ; que ce document (appelé " relevé de prescriptions ") interdisait le mélange de vins et d'eaux-de-vie de crus différents et accordait un facteur de dilution inférieur à 3,5 % et précisait que le non-respect de ces prescriptions pourrait entraîner l'application stricte des dispositions du décret du 13 janvier 1938 ; que le prévenu ne saurait utilement invoquer les termes d'un accord de 1991 selon lequel le droit à une appellation régionale est conservé par voie de tolérance à l'issue d'opérations de distillation mettant en œuvre des matières premières issues de crus différents sous réserve que les changements de crus soient limités au maximum pendant la campagne pour éviter les chevauchements et que seuls soient mélangés les vins d'un cru déterminé et les matières imparfaites d'un autre cru (arrêt, pp.8-10) ; que le prévenu ne saurait utilement soutenir qu'il n'aurait eu connaissance de ces prescriptions que par une lettre du 1er octobre 2003 alors que le document qu'il invoque se réfère à la réglementation de la campagne 2003-2004 et que les documents joints

à cet envoi font état d'un rappel des prescriptions concernant la gestion des imparfaits ; qu'en effet, ce document de gestion des imparfaits invite expressément à la stricte observation des règles de dilution telles qu'acceptées pour la campagne 2001-2002 par l'Inao et la DGCCRF et reconduites pour la campagne 2003-2004, ce qui prouve que ces éléments avaient déjà été portés à la connaissance des distillateurs lors de la précédente campagne ainsi que cela résulte de la lettre du président du syndicat des bouilleurs et distillateurs de cognac en date du 20 novembre 2001 adressée au directeur de la DGCCRF auquel il faisait part de l'envoi à ses adhérents de divers documents dont le relevé de prescriptions ; que Xavier X qui n'a pas respecté les pourcentages de dilution tolérés et a contribué à la mise sur le marché, où ils ont été livrés à la vente, des cognacs portant les appellations d'origine petit champagne, borderies et fins bois, auxquelles ils ne pouvaient prétendre, a bien commis le délit de tromperie qui lui est reproché, sa mauvaise foi découlant du non-respect délibéré des obligations auxquelles il était contraint pour la réalisation du produit (arrêt, pp.11-12) ;

"alors, d'une part, qu'en matière de réglementation économique, le fait de se conformer à un usage local constitue une cause d'irresponsabilité tirée de l'autorisation de la loi ; que, concernant la distillation du cognac, un usage admettait un facteur de dilution important lors de la distillation malgré les prescriptions de l'article 1er du décret du 13 janvier 1938, ce dont attestait l'accord de 1991 aux termes duquel le droit à l'appellation " était conservé à l'issue des opérations de distillation qui mettent en œuvre des matières premières issues de crus différents à la condition notamment que les mélanges soient seulement des mélanges de vin d'un cru déterminé et de matières imparfaites d'un autre cru " ; qu'aucune des constatations de l'arrêt n'établit que cet usage local, exonérant le prévenu de toute responsabilité pour usurpation d'AOC et remis en cause par le " relevé de prescriptions " du 20 novembre 2001, n'était plus en vigueur au jour des faits qui lui étaient reprochés, commis entre le 1er novembre 2001 et le 22 janvier 2002 ; que la condamnation est privée de tout fondement légal ;

"alors, d'autre part, qu'en l'absence de système d'information légale sur l'évolution des usages locaux en cours, les juges du fond ne peuvent écarter le bénéfice d'un usage constituant une cause d'irresponsabilité sans constater que le prévenu a eu une connaissance effective de sa caducité ; qu'aucune des constatations de l'arrêt n'établissent que le prévenu ait su que l'usage admettant un facteur de dilution lors de la distillation du cognac et l'exonérant de toute responsabilité pour usurpation d'AOC n'était plus en vigueur ; que la condamnation est privée de tout fondement légal" ;

Les moyens étant réunis : - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 21 février 2002, un agent de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a effectué un contrôle dans les locaux de la société Distillerie de la Salle, à Cherves-Richemont (Charente) ; qu'il a établi un procès-verbal relevant que cette société distillait le cognac, pour le compte de tiers, selon la méthode charentaise qui permet, en deux distillations successives, d'obtenir de l'eau-de-vie après élimination des produits "imparfaits" ou "flegmes", lesquels peuvent être distillés à nouveau, mélangés avec du vin ; que cet agent a constaté que, lors des opérations effectuées du 2 décembre 2001 au 22 janvier 2002, des imparfaits, issus de la distillation d'un cru récolté sur les territoires réservés à l'appellation contrôlée "fins bois", avaient été distillés avec du vin provenant d'aires destinées à l'appellation "borderies", que les flegmes provenant du cru "borderie" avaient été incorporés au vin d'appellation "petite champagne" dont les imparfaits avaient été, à leur tour, mélangés au cru "fins bois" ; que Xavier X, dirigeant de la société, a été poursuivi des chefs de tromperie et usurpation d'appellations d'origine pour avoir mis en circulation les eau-de-vie ainsi obtenues sous les appellations d'origine "petite champagne", "borderie" et "fins bois" sans tenir compte de ces mélanges, en méconnaissance des dispositions du décret du 13 janvier 1938 selon lesquelles ces appellations contrôlées sont réservées aux eau-de-vie provenant de vins récoltés respectivement pour chacune d'entre elles sur des territoires expressément désignés ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de ces deux délits et écarter son argumentation fondée sur l'existence d'un usage ayant donné lieu, en 1991, à un accord reconnaissant le droit de conserver l'appellation d'origine en cas de mise en œuvre de matières premières issues de crus différents, l'arrêt énonce que cet accord a été remplacé par un document intitulé "relevé de prescriptions", adopté par la profession le 20 novembre 2001 et applicable à la campagne 2001-2002 ;

que les juges ajoutent que ce nouvel accord, dont Xavier X a eu connaissance, puisqu'il a été diffusé à l'ensemble des professionnels, ne tolère le mélange de flegmes dans le cru suivant que si le facteur de dilution est inférieur à 3,5 % ; qu'ils relèvent encore que le document précisait que l'inobservation des prescriptions pourrait entraîner l'application stricte du décret du 13 janvier 1938 ; qu'enfin ils retiennent que, le taux de 3,5 % ayant été largement dépassé, les eau-de-vie ne pouvaient être déclarées que sous l'appellation générique "cognac" et qu'en contribuant à leur mise sur le marché sous des appellations d'origine auxquelles elles ne pouvaient prétendre, le prévenu a trompé, de façon délibérée, le contractant sur l'origine et sur la qualité substantielle des produits et a frauduleusement utilisé les appellations d'origine ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que l'usage local invoqué ne peut avoir de portée à l'encontre des dispositions du décret du 13 janvier 1938 fixant les conditions de production et délimitant les aires des différentes appellations d'origine de la région délimitée de Cognac, la cour d'appel a justifié sa décision ; d'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de la règle non bis in idem et des articles L. 115-16, L. 213-1 du Code de la consommation et 591 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a reconnu coupable Xavier X à la fois de tromperie et d'usurpation d'AOC et l'a condamné à une peine d'amende ;

"aux motifs qu'il résulte de l'ensemble des éléments précités que Xavier X, qui n'a pas respecté les pourcentages de dilution tolérés et a contribué à la mise sur le marché où ils ont été livrés à la vente, des cognacs portant les appellations d'origine petit champagne, borderies et fins bois, auxquelles ils ne pouvaient prétendre, trompant en cela des cocontractants sur l'origine et la qualité substantielle de la marchandises vendue, a bien commis le délit de tromperie qui lui est reproché, sa mauvaise foi découlant du non respect délibéré des obligations auxquelles il était contraint pour la réalisation du produit ; que concernant le délit d'utilisation frauduleuse des appellations d'origine, en l'espèce, petit champagne, borderies et fins bois, il n'est pas contesté que le prévenu a mis en circulation des eau-de-vie sous les appellations précitées alors qu'elles étaient issues de la distillation de matières premières qui ne provenaient pas en totalité ou dans la proportion admise, du terroir bénéficiant de cette appellation et qu'ainsi il s'est rendu coupable de l'infraction prévue par l'article L. 115-16 alinéa 4 du Code de la consommation (arrêt, p.12) ;

"alors que, pour qu'un fait unique constituant un cumul idéal d'infractions puisse recevoir plusieurs qualifications pénales différentes, il est nécessaire que ces infractions poursuivent la protection d'intérêts distincts ; que Xavier X a été poursuivi pour avoir mis en circulation, en connaissance de cause, les appellations d'origine petit champagne, borderies et fins bois, auxquelles ils ne pouvaient prétendre et qu'il a été condamné à ce titre pour tromperie et usurpation d'AOC, bien que ces deux infractions protègent un intérêt identique, en l'occurrence la défense des consommateurs ; qu'ainsi, la cour d'appel ne pouvait procéder à une double reconnaissance de culpabilité" ;

Attendu qu'en retenant les qualifications de tromperie et d'usurpation d'appellations d'origine, qui ne présentent entre elles aucune incompatibilité et qui sont susceptibles d'être appliquées concurremment, l'arrêt n'encourt pas le grief allégué au moyen, lequel doit, dès lors, être écarté ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 388 et 591 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a reconnu Xavier X coupable à la fois de tromperie et d'usurpation d'AOC et l'a condamné à une peine d'amende ;

"aux motifs qu'il convient encore de relever que le prévenu n'a pas observé les prescriptions limitant à 20 ou 30 % au maximum la capacité de charge de la distillerie puisque leurs constatations ont permis de mettre en évidence l'utilisation de 10 alambics le 15 décembre et de 10 alambics le 18 décembre à l'occasion de changements de crus ;

"alors que les juges correctionnels ne peuvent statuer légalement que sur les faits relevés dans l'ordonnance de renvoi ou la citation qui les a régulièrement saisis ; que la cour d'appel n'était saisie, par la citation, que pour des faits de " mise en vente sous les appellations d'origine contrôlée petite champagne, borderies et fins bois des eau-de-vie obtenues par la distillation de matières premières ne provenant pas exclusivement du territoire délimité qui leur est réservé et qui ne pouvaient en aucun cas bénéficier de ces appellations d'origine " ; qu'en revanche, la saisine ne portait aucunement sur le défaut d'observation de la réglementation sur la capacité de charge de la distillerie ; qu'il ne résulte d'aucune précision de l'arrêt que le prévenu ait accepté d'être jugé sur ces faits ; qu'ainsi, à supposer que la condamnation de Xavier X soit fondée sur les faits non visés dans la citation, l'arrêt ne serait être légalement justifié, dès lors qu'il procéderait d'un dépassement de la saisine de la cour d'appel" ;

Attendu qu'il ne résulte d'aucune énonciation de l'arrêt que la cour d'appel ait statué sur des infractions autres que celles dont elle était saisie ; qu'ainsi, le moyen manque en fait ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme.

Rejette le pourvoi.