CA Chambéry, ch. corr., 23 mars 2011, n° 09-00393
CHAMBÉRY
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bessy
Conseillers :
MM Baudot, Busché
RAPPEL DE LA PROCÉDURE :
LE JUGEMENT :
Le Tribunal, par jugement du 6 avril 2009, saisi à l'égard de B des chefs de :
Récidive de recel habituel de biens provenant d'un délit, courant juin, juillet et août 2005, à Chambéry, infraction prévue par les articles 321-1 al. 1, al. 2, 321-2 1° du Code pénal, Art. 132-8 et suivants du nouveau Code pénal et réprimée par les articles 321-2 al. 1, 321-3, 321-9, 321-11 du Code pénal, Art. 132-8 et suivants du nouveau Code pénal,
Usage de faux document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité, ou accordant une autorisation, courant juin, juillet et août 2005, à Chambéry, infraction prévue par les articles 441-2 al. 2, al. 1, 441-1 al. 1 du Code pénal et réprimée par les articles 441-2 al. 2, al. 1, 441-10, 441-11 du Code pénal,
Tromperie sur la nature, la qualité substantielle, l'origine ou la quantité d'une marchandise, le 25/7/2005, à Saint-Etienne, infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3, L. 216-8 al. 5 du Code de la consommation,
Tromperie sur la nature, la qualité substantielle, l'origine ou la quantité d'une marchandise, le 26/6/2005, à Chambéry, infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3, L. 216-8 al. 5 du Code de la consommation,
Usage de fausse plaque ou de fausse inscription apposée sur un véhicule a moteur ou remorque, courant juin et juillet 2005, à Chambéry et Aix-les-Bains, infraction prévue par l'article L. 317-2 § I du Code de la route et réprimée par les articles L. 317-2, L. 224-12 du Code de la route ,
en application de ces articles :
Sur l'action publique :
- l'a déclaré coupable des faits qui lui sont reprochés,
- en état de récidive légale, en ce qui concerne l'infraction de recel habituel de biens provenant d'un délit pour avoir été condamné le 18/10/2002 à la peine définitive de 2 ans d'emprisonnement dont 1 an 6 mois avec sursis assortis d'une mise à l'épreuve pendant 3 ans prononcée par le Tribunal correctionnel de Chambéry pour escroquerie,
- l'a condamné à une peine de trois ans d'emprisonnement dont dix huit mois avec sursis,
- a ordonné la confiscation des scellés saisis au cours de la procédure et enregistrés au greffe sous le n° de registre 2006/00092,
Sur l'action civile :
- a reçu Monsieur Z en sa constitution de partie civile,
- a déclaré Messieurs T et B solidairement responsables du préjudice qu'il a subi,
- a condamné solidairement Messieurs T et B à lui payer la somme de 15 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel,
- a débouté Monsieur Z de sa demande de réparation au titre du préjudice moral,
- a condamné solidairement Messieurs T et B à lui verser la somme de 400 euro au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
DÉCISION :
Convaincu de recel, d'usage de faux documents, de tromperie sur la nature, la qualité substantielle, l'origine ou la quantité d'une marchandise, d'usage de fausse plaque ou de fausse inscription apposée sur un véhicule à moteur, condamné à 3 ans d'emprisonnement dont 18 mois avec sursis et à indemniser Monsieur Z, partie civile, Monsieur B a interjeté appel du jugement du Tribunal correctionnel de Chambéry du 6 avril 2009 .
Le 10 août 2005, le service cartes grises de la préfecture de Savoie a alerté la gendarmerie du dépôt par Monsieur B d'un dossier d'immatriculation d'un véhicule Lancia Musa importé d'Italie comportant des documents dont la validité paraissait douteuse.
L'enquête a déterminé que ce véhicule et les documents provenaient d'un vol.
Les déclarations de Monsieur Riad. B ont permis d'identifier le vendeur en la personne d'un italien dénommé T. Il est apparu que celui-ci était en relation avec Monsieur B, connu des autorités judiciaires pour diverses escroqueries.
Au cours de leurs investigations, les enquêteurs ont découvert que d'autres véhicules avaient fait l'objet des mêmes manœuvres frauduleuses.
Monsieur T a prétendu que Monsieur B était à l'origine des transactions frauduleuses, que c'est lui qui avait eu l'idée de maquiller et vendre des voitures dès 2004, qu'il dirigeait seul les transactions et s'occupait de toutes les démarches administratives. Il a précisé que son rôle consistait à ramener les voitures en France car Monsieur B. était interdit de territoire en Italie. Il a ajouté que sa présence lors des transactions constituait une garantie à l'égard des clients.
Faits relatifs au véhicule Mercedes ML n° 5105 YB 73
Le 28 juin 2005, Monsieur B a acquis un véhicule Mercedes, importé d'Italie. Ce véhicule a été revendu le 29 juillet 2005 à Monsieur Jacky D qui a formellement identifié Monsieur T comme étant l'ancien propriétaire, présent au garage lorsqu'il l'avait acheté.
L'enquête a révélé l'origine frauduleuse des documents fournis lors de la première vente :
- le certificat de propriété était signalé volé vierge depuis le 24 juin 2002 en Italie,
- la carte de circulation était fausse.
Ce véhicule était maquillé. Il avait en fait été volé en Italie le 6 juin 2005.
Monsieur B a expliqué que Monsieur T était venu le voir au début de l'été 2005 au volant d'une Mercedes type ML qu'il voulait vendre 30 000 euro. Il l'avait accompagné dans un garage de Chambéry où Monsieur T avait vendu la Mercedes et acquis une Smart. Il a convenu que toutes les transactions avaient été faites à son nom, selon lui, à la demande du garagiste car Monsieur T n'était pas domicilié en France. Le garagiste avait rempli les certificats de cession et d'immatriculation, lui même avait signé le certificat de cession et Monsieur T l'avait signé en qualité de vendeur. Sur ce certificat, le vendeur mentionné était une société italienne Caros, mais il savait que le tampon de la société présent sur le document était un faux puisque Monsieur T l'avait fait faire à Chambéry. Il a ajouté qu'il avait été surpris car Monsieur T s'était présenté sous le nom de S lors de la vente puis, quelques jours plus tard, sous le nom de T.
Les autorités italiennes ont confirmé que le document d'identité au nom de S était un faux.
Pour le paiement des 30 000 euro, Monsieur B a déclaré que le garagiste lui avait remis un chèque de 22 500 euro et avait fourni en complément une Smart d'une valeur de 7 500 euro. Monsieur B a convenu avoir encaissé le chèque, mais a soutenu avoir rendu l'argent à Monsieur T en deux retraits effectués quelques jours plus tard. Monsieur T lui aurait remis 1 000 euro pour cette opération.
L'étude de ses comptes a montré la fausseté de ces déclarations puisque s'il a effectivement déposé le chèque le 28 juin 2005, il n'a retiré que 1 000 euro le 2 juillet et 15 000 euro le 8 juillet. Il a persisté à nier avoir connu le caractère frauduleux de cette transaction.
Monsieur T a maintenu que son unique rôle avait consisté à amener la voiture en France. Il savait dès le départ que l'opération était illégale. Il a affirmé que les faux papiers se trouvaient dans le véhicule car Monsieur B s'en était occupé. De même, pour le document d'identité au nom de S supportant sa photographie, il a prétendu que c'était Monsieur B qui le lui avait procuré et c'est lui encore qui avait fait faire le faux tampon de la société Caros. Quant aux certificats de cession et d'immatriculation, il ne les avait pas remplis.
Faits relatifs au véhicule Volvo V50 immatriculé en Italie CM 496 PG
Le 25 juillet 2005, un véhicule Volvo a été vendu à Saint-Etienne. L'identité du propriétaire mentionnée sur le certificat de cession était celle d'un dénommé V. Giuseppe. Les documents fournis avaient une origine frauduleuse : il s'agissait d'un certificat de propriété volé vierge en Italie le 15 mai 2002, d'une carte de circulation volée vierge le 6 mars 2003. Cette voiture était maquillée et déclarée volée le 15 juin 2005 en Italie.
Monsieur Z, l'acquéreur, a expliqué l'avoir achetée le 25 juillet 2005 auprès de Monsieur B. Celui-ci lui avait proposé le véhicule fin juin, début juillet. Il l'avait rencontré deux fois à Saint-Etienne en compagnie d'un homme dénommé Pasquale et du propriétaire de la voiture, Monsieur Giuseppe V., dont le nom était mentionné sur les documents du véhicule. Sur photographie, Monsieur M. a formellement identifié ce dernier comme étant T. Il a précisé avoir remis un chèque de 5 000 euro à Monsieur B au second rendez vous.
Monsieur B a expliqué que suite à la vente de la première Mercedes, Monsieur T était revenu le voir avec un véhicule Volvo et une Lancia. Il l'avait mis en relation avec Monsieur M., à qui il devait de l'argent. Il a nié avoir connu l'origine frauduleuse de la voiture et a affirmé avoir vérifié la validité des documents, il a nié avoir participé à la vente, admettant seulement avoir encaissé le chèque de Monsieur M. Il dit avoir remis 9 000 euro en espèces à Monsieur T avant son départ. Les investigations bancaires n'ont mis en évidence aucun retrait de 9 000 euro.
Monsieur T a nié toute implication dans ces faits. Il a prétendu qu'il n'était jamais allé à Saint-Etienne.
Par la suite, Monsieur B a modifié ses déclarations et a soutenu que c'était Monsieur B qui s'était rendu à Saint-Etienne ce qu'a vivement contesté Monsieur M.
Faits relatifs au véhicule Lancia Musa n° CR970ZX :
L'enquête a établi que le certificat de propriété de ce véhicule et la carte de circulation sont signalés volés depuis plusieurs mois. Ces documents ont été falsifiés et le nom de Capelli mentionné ne ressort sur aucun fichier italien. Le véhicule n'a pas été signalé volé en Italie.
Monsieur B a expliqué avoir voulu acheter ce véhicule à un italien présenté par Monsieur B courant juin 2005. Il a formellement reconnu Monsieur T sur photographies. Il a précisé que Messieurs T et B étaient tous deux présents lors des démarches administratives. Il a remis 2 000 euro en échange des documents afférents à l'immatriculation et devait verser ultérieurement la somme de 6 000 euro restant.
Les enquêteurs ont découvert que la voiture avait été maquillée par modification du numéro de série. Il s'agissait en fait d'un véhicule Lancia Musa, loué à Annemasse, par Monsieur T courant février 2005. Monsieur T avait déposé plainte à Naples le 2 mars 2005 pour vol.
Monsieur B a affirmé que Monsieur T avait ramené ce véhicule en France courant juillet 2005 et qu'il avait rencontré son futur acquéreur par hasard. Il pensait que ce véhicule appartenait à l'épouse de Monsieur T.
Monsieur T a donné des versions différentes sur ces faits. Il a d'abord déclaré qu'il avait conservé le véhicule en raison de son retard pour le restituer. Il a affirmé ensuite qu'on le lui avait volé, mais qu'il l'avait récupéré. Monsieur B l'avait alors incité à le revendre en modifiant les plaques. Il l'avait ainsi ramené avec les faux documents fournis par des italiens sur lesquels il ne pouvait donner aucune précision.
Faits relatifs au véhicule Mercedes CP 850 XP
Monsieur B a avoué avoir tenté d'immatriculer un autre véhicule remis par Monsieur T courant juillet 2005. Ce véhicule a été découvert dans le garage du futur acquéreur, Monsieur C qui a expliqué que Monsieur B lui avait apporté la voiture début juillet 2005. Il lui avait remis 15 000 euro en espèces, soit la moitié de sa valeur. Il a affirmé n'avoir contracté qu'avec lui.
Les autorités italiennes ont indiqué que les documents italiens remis, à savoir un certificat de propriété signalé volé depuis le 15 mai 2002 et un certificat de circulation signalé volé vierge depuis le 26 septembre 2002, avaient une origine frauduleuse. Ces deux documents mentionnaient une entreprise italienne en qualité de propriétaire. Ce véhicule était maquillé et signalé volé.
Le certificat de cession et la demande de certificat d'immatriculation ont été établis au nom de la fille de Monsieur B les 9 et 11 juillet 2005. Monsieur B a soutenu qu'il n'était qu'un intermédiaire. Il a prétendu, contrairement aux déclarations de l'acquéreur, que Monsieur T était présent lors de la remise du véhicule.
Faits relatifs au véhicule de marque BMW, immatriculé en Italie CM 976 PH
L'enquête a démontré qu'un certain Z devait acquérir un véhicule BMW par l'intermédiaire de Monsieur T. Sur les documents italiens fournis, le certificat d'immatriculation n'était pas volé. En revanche, le certificat de propriété faisait partie d'un lot de 26 000 PRA vierges, volés à Vicenza le 15 février 2002.
Monsieur Z a reconnu avoir sollicité Monsieur T pour l'achat d'un véhicule. Celui-ci lui avait proposé cette BMW en lui montrant les papiers italiens, mais il s'était finalement rétracté. Il a mis Monsieur B hors de cause, même si ce dernier a reconnu s'être rendu à la Drire avec Messieurs T et Z lors de l'établissement des papiers.
Les faits ainsi relatés démontrent que Messieurs T et B ont agi de concert. Ils ont vendu des voitures volées ou détournées, après qu'elles eussent été maquillées et ont remis aux acquéreurs des documents volés et falsifiés. La répétition de tels agissements, les déclarations contradictoires et parfois mensongères des prévenus, les témoignages concordants des acheteurs trompés, les constatations faites sur les comptes de Monsieur B établissent son implication dans les faits et sa parfaite connaissance de l'origine frauduleuse des véhicules.
La culpabilité du prévenu est ainsi parfaitement établie. Le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions pénales, le premier juge, au vu des antécédents judiciaires et de la personnalité de Monsieur B ayant fait une juste application de la loi.
En condamnant Monsieur B, solidairement avec Monsieur T, à payer à Monsieur M. la somme de 15 000 euro à titre de dommages-intérêts, outre celle de 400 euro en application des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, le tribunal a apprécié avec exactitude le préjudice subi.
Le prévenu sera condamné, cependant, à lui payer une nouvelle somme de 500 euro pour tenir compte des frais nouveaux engagés par la partie civile en cause d'appel.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi, par arrêt contradictoire, Déclare les appels recevables en la forme, Au fond, Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré, Y ajoutant, Condamne Monsieur B à payer à Monsieur Z une somme de 500 euro sur le fondement des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale. Dit que la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 euro dont est redevable B. Le tout en vertu des textes susvisés. Le condamné est avisé de ce qu'en vertu des dispositions des articles 707-2, 707-3, R55 et suivants du Code de procédure pénale, que s'il s'acquitte du montant du droit fixe de procédure dans un délai d'un mois à compter du prononcé ou de la signification de la présente décision, ce montant est diminué de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1 500 euro.