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Décisions

CA Pau, ch. corr., 7 mai 2009, n° 08-01002

PAU

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Saint-Macary

Conseillers :

MM. Granger, Scotet

Avocat :

Me Ducamp

TGI Mont-de-Marsan, ch. corr., du 9 sept…

9 septembre 2008

RAPPEL DE LA PROCÉDURE :

Le Tribunal correctionnel de Mont-de-Marsan a été saisi en vertu d'une citation à prévenu en application de l'article 388 du Code de procédure pénale ;

Il est fait grief à X Francis :

D'avoir à Mazerolles (40), dans le département des Landes, en tout cas sur le territoire national et depuis un temps non couvert par la prescription, le 09 février 2006, trompé Monsieur V Michel, sur les qualités substantielles d'un véhicule Peugeot 406 Break immatriculé 7337 RA 40 :

- en mentionnant sur l'annonce de vente du véhicule paru le 30 janvier 2006 dans le journal " Le P'tit Basque " que le véhicule vendu était un véhicule 406 Break HDI 110 CV ST Pack Confort, alors qu'il s'agissait en réalité d'une 406 BK ST HDI II et que le véhicule ne pouvait prétendre à la dénomination " Pack confort " qui suppose que le véhicule dispose d'équipements de série supplémentaires, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, alors que de plus, le véhicule avait été acheté par la Sarl L qui l'avait importé d'Espagne où la variante " Pack Confort " n'était pas mise en œuvre,

- en communiquant à Monsieur V Michel un carnet d'entretien qui n'était pas celui du véhicule effectivement acquis par ce dernier, l'empêchant de ce fait d'avoir des indications fiables sur le véhicule, puisque le carnet d'entretien concerne un véhicule d'immatriculation espagnole " VI - 0998 - W " et que le véhicule vendu par Monsieur X Francis à Monsieur V Michel avait été initialement immatriculé en Espagne sous le numéro " 2807 BPY ", alors par ailleurs que sur le carnet d'entretien un tampon commercial de la Sarl L Carrosserie Mécanique superpose à plusieurs reprises le tampon commercial apposé par la SA de V en Espagne et que le kilométrage du véhicule lors des révisions a été rayé à trois reprises,

- en omettant d'indiquer à Monsieur V Michel que le véhicule avait été accidenté alors qu'il résulte du rapport d'expertise réalisé par Monsieur D-T, expert automobile à Anglet, que le véhicule a été accidenté en partie arrière droite, que les boucliers avant et arrière ne sont pas d'origine, que les longerons avaient été endommagés et que le véhicule avait été mal réparé, et que la remise en état a été réalisée hors des règles de l'art et est à reprendre, alors que Monsieur X Francis ne pouvait ignorer les dommages subis par ce véhicule, à la réparation duquel il a lui-même procédé et alors que par ailleurs la facture proforma établie le 02 mars 2006 par Monsieur L fait état de travaux de tôlerie, que son courrier du 31 mars 2006 à Monsieur V Michel fait état de la réparation d'un accroc sur la porte arrière et que le contrôle technique du 16 décembre 2005 confirmé le 21 décembre 2005 fait état d'une articulation de train avec un jeu important à l'arrière droit,

Infraction prévue par art. L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par art. L. 213-1, art. L. 216-2, art. L. 216-3 du Code de la consommation ;

LE JUGEMENT :

Le Tribunal correctionnel de Mont-de-Marsan, par jugement contradictoire, en date du 09 septembre 2008

a déclaré X Francis,

coupable de tromperie sur la nature, la qualité substantielle, l'origine ou la quantité d'une marchandise, le 09 février 2006, à Mazerolles (40),

Infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3, L. 216-8 al. 5 du Code de la consommation ;

et, en application de ces articles,

- l'a condamné à 1500 euro d'amende.

et, sur l'action civile,

- a reçu Monsieur V Michel en sa constitution de partie civile,

- a déclaré Monsieur X Francis responsable du préjudice subi par Monsieur V Michel,

- a condamné Monsieur X Francis à payer à Monsieur V Michel la somme de 300 euro à titre de dommages-intérêts,

LES FAITS :

Les services de la répression des fraudes (DGCCRF) de Mont-de-Marsan étaient conduits à procéder à une enquête à la suite d'un courrier adressé le 7 avril 2006 par M. V Michel qui se plaignait d'anomalies constatées sur un véhicule automobile Peugeot 406 break acquis le 9 février 2006 auprès de M. X Francis pour le prix de 10 300 euro.

Il ressortait du procès-verbal de contrôle dressé le 23 juin 2006 que :

- ce véhicule avait été vendu par le biais d'une annonce publicitaire parue le 30 janvier 2006 sous la dénomination " 406 break HDI 110 cv ST Pack Confort " alors que la dénomination commerciale était " 406 BK ST HDI AA " ; que la variante Pack Confort signifie que le véhicule dispose d'équipements de série supplémentaires ; que cette variante n'est mise en œuvre que pour le marché français alors que le véhicule avait été mis sur le marché pour la première fois en Espagne, les appellations commerciales et le niveau d'équipement différant d'un pays à l'autre pour un même constructeur,

- le carnet d'entretien communiqué par le vendeur n'était pas celui du véhicule, et faisait apparaître que le kilométrage lors des révisons avait été rayé à trois reprises,

- selon un rapport établi le 6 avril 2006, par Monsieur D-T expert automobile à Anglet, à la demande de M. V, le véhicule avait été accidenté en partie arrière et mal réparé, l'application de la peinture de mauvaise facture par souci d'économie, et la remise en l'état d'un accident en partie arrière effectuée hors les règles de l'art et donc à reprendre.

Le contrôleur de la DGCCRF notait que X Francis, gérant également de la Sarl L, avait retiré un avantage financier ayant acquis ce véhicule 7 000 euro le 4 mars 2004 pour le revendre pratiquement deux ans plus tard 10 300 euro avec 50 000 km supplémentaires au compteur. Qu'ayant pour activité la carrosserie et la mécanique automobile il ne pouvait ignorer son état général, ni son niveau d'équipement.

Entendu à la demande du Parquet de Mont-de-Marsan, X Francis reconnaissait avoir vendu le véhicule d'importation avec la dénomination Pack Confort parce qu'il comportait des options du modèle français, à l'exception toutefois de sièges chauffants. Il réfutait toute intention de nuire. Il soutenait également que c'était le client qui lui avait demandé à tout prix de lui fournir un carnet d'entretien, ce qu'il avait fait en enlevant les feuillets usagers d'un autre véhicule et en réactualisant le carnet du véhicule destinataire. Il ignorait par ailleurs que le véhicule avait été accidenté lorsqu'il l'avait lui même acquis sans le voir auprès de son vendeur espagnol, qui lui avait seulement indiqué que le bas de caisse et le bas des portes étaient peints en orange. Il précisait avoir repeint le véhicule avant de le vendre, peut être sans porter toute l'attention aux règles de l'art.

Par jugement du 13 juin 2007 la vente du véhicule a été annulée pour dol par le Tribunal d'Instance de Bayonne, qui a condamné X Francis à payer à Monsieur V les sommes de 10 000 euro et de 500 euro sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

Prétentions des parties :

M. X demande à la cour de le relaxer des fins de la poursuite, de débouter M. V de ses demandes ou subsidiairement d'ordonner un complément d'information aux fins de dire si le véhicule possédait des options correspondant à celui du Pack Confort, s'il avait été gravement accidenté et dire si cet accident pouvait avoir des conséquences pour son utilisateur.

Il fait valoir, notamment au vu d'un rapport d'expertise réalisé le 2 août 2008 à sa demande par le Cabinet L, que le véhicule vendu était en tous points conforme au niveau des équipements à celui commercialisé en France sous la dénomination Pack Confort ; que l'acquéreur savait que le carnet d'entretien n'était pas celui d'origine ; que lui même ignorait que le véhicule avait été accidenté, la très faible déformation constatée sur la jupe arrière ne pouvant être décelée de l'extérieur sans procéder au démontage du bouclier arrière et des garnitures de coffre arrière, le contrôle technique obligatoire n'ayant au demeurant rien signalé à cet égard. Il soutient que l'infraction de tromperie n'est pas constituée à défaut d'élément matériel portant sur les qualités substantielles du véhicule et d'élément intentionnel ; qu'en tout état de cause Monsieur V ne subi aucun préjudice ayant notamment obtenu gain de cause devant la juridiction civile.

Par lettre du 12 mars 2009 M. V demande à la cour de statuer conformément à sa constitution de partie devant le tribunal aux termes de laquelle il avait sollicité la condamnation de M. X à lui payer la somme de 1 850 euro à titre de dommages et intérêts.

MOTIVATION :

Les appels sont recevables et réguliers en la forme.

I-SUR L'ACTION PUBLIQUE :

Sur la culpabilité :

Il est établi que M. X Francis a vendu le véhicule litigieux mis en circulation pour la première fois en Espagne, sous l'appellation commerciale ST Pack Confort réservée aux modèles français qu'il savait pertinemment inexacte pour l'avoir lui même fait préalablement immatriculer en France et tout en sachant en sa qualité de professionnel de l'automobile que les niveaux d'équipements sont différents d'un pays à l'autre.

Dans un courrier adressé à M. V le 31 mars 2006, M. X Francis reconnaissait expressément que le modèle français comportait des sièges chauffants, absents sur le modèle vendu. Il l'a également reconnu à deux reprises, tant lors du contrôle des services de la répression des fraudes que lors de son audition par les services de gendarmerie, le rapport d'expertise produit tardivement n'étant aucunement probant quant au fait qu'il serait en réalité équivalent au niveau des options au modèle commercialisé en France, puisque l'expert qu'il a mandaté se borne à une simple affirmation, sans apporter la moindre documentation comparative.

En tout état de cause, l'indication du modèle constitue un élément essentiel non seulement sur sa nature mais aussi sur son origine, l'acquéreur n'ayant pas été informé lorsqu'il a donné son consentement qu'il s'agissait d'un véhicule d'origine étrangère.

A son client qui demandait légitimement le carnet d'entretien, autre document essentiel permettant de vérifier le suivi du véhicule et d'en justifier en cas de revente, M. X Francis a fourni un carnet provenant d'un autre véhicule que son garage avait repris d'Espagne, après l'avoir modifié, surchargé avec les tampons de son garage, et rayé le kilométrage mentionné au moment des révisions.

Le véhicule avait été par ailleurs accidenté en partie arrière et réparé hors toutes les règles de l'art, puisqu'il présentait des plis résiduels sur le longeron arrière droit et la tôle de plancher latérale droite, nécessitant des travaux de reprise.

Le rapport d'expertise du cabinet L. produit par M. X Francis qui indique que la faible déformation sur la jupe arrière droite ne pouvait être visible de l'extérieur sans procéder au démontage du bouclier arrière et des garnitures de coffre est formellement contredit par les constatations effectuées par l'expert du cabinet D-T, puisqu'il a simplement suffi à ce dernier de placer le véhicule sur le pont élévateur, pour se rendre compte de l'existence de ces désordres.

Si M. X a vendu ce véhicule qu'il utilisait pour son usage personnel, il n'en demeure pas moins vrai qu'il est un professionnel de la réparation et de la carrosserie automobile disposant du matériel et des équipements nécessaires. Qu'à ce titre, il a reconnu qu'il effectuait lui même son entretien, notamment les vidanges impliquant nécessairement une intervention sous le véhicule, de sorte qu'il ne pouvait ignorer son état et les manquements grossiers de la réparation précédemment effectuée à la suite d'un accident, l'absence de mention de la déformation du longeron lors du contrôle technique obligatoire n'étant pas de nature à l'exonérer de sa propre responsabilité.

L'ensemble de ces éléments permettent d'établir que M. X Francis a intentionnellement trompé l'acquéreur sur la nature, l'origine, et les qualités substantielles du véhicule.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris qui l'a déclaré coupable du délit prévu et réprimé par l'article L. 213-1 du Code de la consommation .

Sur la peine :

En condamnant M. X Francis à la peine d'amende de 1 500 euro, le tribunal a prononcé une sanction adaptée à la nature de l'infraction, à sa personnalité et à la mention figurant déjà sur son casier judiciaire.

En conséquence, le jugement sera également confirmé sur la peine.

II-SUR L'ACTION CIVILE :

L'article 5 du Code de procédure pénale dispose que la partie qui a exercé son action devant la juridiction civile compétente ne peut la porter devant la juridiction répressive. Il n'en est autrement que si celle-ci a été saisie par le ministère public avant que le jugement sur le fond ait été rendu par la juridiction civile.

En l'espèce, M. V a saisi le tribunal d'instance aux fins d'obtenir l'annulation de la vente, expliquant dans son assignation du 18 août 2006 qu'il avait décidé de limiter sa réclamation à la somme principale de 10 000 euro, taux de compétence en premier et dernier ressort du tribunal d'instance, renonçant ainsi à réclamer les autres préjudices matériels subis. Le tribunal d'instance a fait droit à sa demande par jugement en date du 13 juin 2007 et ce avant même l'engagement des poursuites par le ministère public, en condamnant M. X à lui payer la somme de 10 000 euro et celle de 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile .

En conséquence, le jugement sera réformé en ce qu'il a reçu M. V dans sa constitution de partie civile, celle ci devant être déclarée irrecevable.

Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi ; Statuant publiquement, contradictoirement à l'égard de Monsieur X Francis, contradictoirement à signifier à l'égard de Monsieur V Michel, et en dernier ressort, Reçoit les appels comme réguliers en la forme, Sur l'action publique : Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions pénales, Constate que le Président n'a pu aviser le prévenu des dispositions de l'article 707-3 du Code de Procédure Pénale que s'il s'acquitte du montant de l'amende dans un délai d'un mois à compter de ce jour, ce montant est diminué de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1.500 euro et que le paiement de l'amende ne fait pas obstacle à l'exercice des voies de recours. Sur l'action civile : Infirme le jugement et statuant à nouveau, Déclare irrecevable M.V Michel en sa constitution de partie civile. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 euro dont est redevable le condamné.