CA Montpellier, 3e ch. corr., 2 avril 2009, n° 08-01704
MONTPELLIER
Arrêt
Infirmation partielle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Weisbuch
Conseillers :
Mmes Leca, Hebrard
Avocats :
Mes Abratkiewicz, Erragne
RAPPEL DE LA PROCEDURE :
Monsieur Christophe X a été cité par le Ministère Public devant le Tribunal correctionnel de Béziers pour avoir :
* à Lezignan-la-Cebe courant 2005 et depuis temps non couvert par la prescription en qualité de gérant de la Sarl Y étant vendeur de produits ou prestations de service, omis d'établir en double exemplaire ou de délivrer une facture.
infraction prévue par les articles L. 441-3 al. 1, L. 441-5 du Code de commerce, l'article 121-2 du Code pénal et réprimée par les articles L. 441-4, L. 441-5 du Code de commerce, les articles 131-38, 131-39 5° du Code pénal
* à Lezignan-la-Cebe, courant 2005 et depuis temps non couvert par la prescription, trompé Madame T, en employant des manœuvres frauduleuses, en l'espèce en vendant un véhicule appartenant à Monsieur Claude K, et de l'avoir ainsi déterminé(e) à remettre des fonds, valeurs ou bien quelconque, au préjudice de Monsieur Claude K,
infraction prévue par l'article 313-1 al. 1, al. 2 du Code pénal, et reprimée par l'article 313-1 al. 2, 313-7, 313-8 du Code Pénal,
* à Lezignan-la-Cebe, courant 2005 et depuis temps non couvert par la prescription, contrefait, falsifié ou altéré un document délivré par une administration publique en vue de constater un droit, une identité, une qualité ou d'accorder une autorisation, en l'espèce le certificat d'immatriculation et le certificat de cession du véhicule Citroën Saxo immatricule 3110 YS 34.
infraction prévue par les articles 441-2 al. 1, 441-1 al. 1 du Code pénal et réprimée par les articles 441-2 al. 1, 441-10, 441-11 du Code pénal
* à Lezignan-la-Cebe, courant 2005 et depuis temps non par la prescription, fait usage d'un certificat d'immatriculation et d'un certificat de cession du véhicule Citroën Saxo immatriculé 3110 YS 34, document délivre par l'administration en vue de constater un droit, une identité, une qualité ou d'accorder une autorisation et qu'il savait être contrefait, falsifié, altéré, incomplet ou inexact.
infraction prévue par les articles 441-2 al. 2, al. 1, 441-1 al. 1 du Code pénal et réprimée par les articles 441-2 al. 1, 441-10, 441-11 du Code pénal
* à Lezignan-la-Cebe, courant 2005 et depuis temps non couvert par la prescription, trompé Monsieur D, contractant, sur les qualités substantielles de la marchandise en l'espèce en déclarant à celui-ci, acheteur du véhicule que le moteur avait été refait à neuf ce qui était faux,
infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, art L. 216-3 du Code de la consommation.
Par jugement contradictoire en date du 5 septembre 2008, le tribunal correctionnel de Béziers, saisi par citation directe du Ministère public, a :
Sur l'action publique :
Rejeté l'exception de nullité soulevée par le prévenu Christophe X,
Requalifié le délit d'escroquerie au préjudice de Madame T en délit d'abus de confiance au préjudice de Monsieur K,
Relaxé le prévenu Christophe X pour :
* avoir à Lezignan-la-Cebe, courant 2005 et depuis temps non couvert par la prescription, trompé Monsieur D, contractant, sur les qualités substantielles de la marchandise en l'espèce en déclarant à celui-ci, acheteur du véhicule que le moteur avait été refait à neuf ce qui était faux,
infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3, L. 216-8 al. 5 du Code de la consommation
Déclaré X coupable :
* à Lezignan-la-Cebe courant 2005 et depuis temps non couvert par la prescription en qualité de gérant de la Sarl Y étant vendeur de produits ou prestations de service, omis d'établir en double exemplaire ou de délivrer une facture.
infraction prévue par les articles L. 441-3 al. 1, L. 441-5 du Code de commerce, l'article 121-2 du Code pénal et réprimée par les articles L. 441-4, L. 441-5 du Code de commerce, les articles 131-38, 131-39 5° du Code pénal
* à Lezignan-la-Cebe, courant 2005 et depuis temps non par la prescription, fait usage d'un certificat d'immatriculation et d'un certificat de cession du véhicule Citroën Saxo immatriculé 3110 YS 34, document délivre par l'administration en vue de constater un droit, une identité, une qualité ou d'accorder une autorisation et qu'il savait être contrefait, falsifié, altéré, incomplet ou inexact.
infraction prévue par les articles 441-2 al. 2, al. 1, 441-1 al. 1 du Code pénal et réprimée par les articles 441-2 al. 1, 441-10, 441-11 du Code pénal
* d'avoir à Lezignan-la-Cebe, courant 2005, et depuis temps non couvert par la prescription, commis un abus de confiance au préjudice de Monsieur K,
et en répression l'a condamné à la peine de 3 mois d'emprisonnement assortie d'un sursis simple dans son intégralité et 4 000 euro d'amende, et à la peine complémentaire d'interdiction d'exercer toute activité professionnelle en lien direct avec les infractions commises pour une durée de 5 ans ;
Sur l'action civile :
A reçu Monsieur K en sa constitution de partie civile, l'a débouté de sa demande d'indemnisation de son préjudice matériel et condamné le prévenu à lui verser la somme de 1 euro de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et la somme de 500 euro en application des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
A déclaré Madame T irrecevable en sa constitution de partie civile.
LES FAITS
Le 17 juillet 2006, Madame T se rendait au commissariat de police de Béziers afin de porter plainte contre Monsieur Christophe X garagiste à Lezignan-la-Cebe (34). Elle exposait avoir fait l'acquisition d'un véhicule de marque Citroën Saxo immatriculé 3110 YS 34 au prix de 4 000 euro auprès de ce garagiste qui lui remettait un certificat de vente au nom de l'ancien propriétaire Monsieur Claude K ainsi que la carte grise du véhicule.
Suite à des problèmes techniques sur le véhicule Madame T prenait contact avec l'ancien propriétaire qui l'informait que le véhicule qu'elle détenait avait été cédé à Monsieur P pour destruction après un accident et qu'aucun certificat de vente n'avait été établi.
Monsieur K déposait plainte pour ces faits auprès du commissariat de Sète, il déclarait que suite à un accident Monsieur Christophe X qui avait assuré l'évacuation du véhicule lui avait indiqué que le coût des réparations dépasserait la valeur du véhicule et l'avait ainsi déterminé à lui céder le véhicule et à lui remettre une déclaration de destruction.
Monsieur X était placé en garde à vue. Il reconnaissait avoir revendu le véhicule appartenant à Monsieur K alors que ce dernier l'avait cédé pour destruction, mais il contestait avoir établi le faux certificat de cession et falsifié la carte grise.
Sa compagne, Madame A-G, exerçant la fonction de secrétaire dans l'entreprise, reconnaissait avoir elle-même falsifié la date de cession figurant sur la carte grise et établi le faux certificat de cession.
La perquisition effectuée dans les locaux de l'entreprise et une réquisition aux services préfectoraux permettaient de constater qu'en 2005 Monsieur X avaient procédé à la cession de trois véhicules qui lui avaient été cédé pour destruction par Madame D, Monsieur B, Madame M, en utilisant une carte grise falsifiée et un faux certificat de cession, et plusieurs véhicules avaient été présentés au contrôle technique par le garage qui destinaient ces véhicules à la vente.
Les ventes de véhicules n'étaient accompagnées d'aucune facturation et il n'était tenu aucun registre de police.
Monsieur D portait plainte contre Christophe X pour escroquerie estimant avoir été trompé par celui-ci dans l'estimation des frais à engager pour la réparation d'un véhicule 405 accidenté lui appartenant, pour avoir prétendu que le moteur d'un véhicule 306 ayant appartenu à Monsieur B avait été refait à neuf, ce qui était faux, l'ayant ainsi déterminé à acheter ce véhicule.
Madame T n'a pu régulariser la situation administrative de son véhicule.
Monsieur X mettait en cause sa compagne comme étant l'auteur des faux et mettait les reventes de véhicules sur le compte d'une mauvaise gestion.
PRETENTIONS DES PARTIES :
Monsieur K demande la confirmation du jugement entrepris.
Le prévenu a soulevé in limine litis la nullité de la garde à vue, au fond a sollicité la confirmation du jugement entrepris sur la relaxe du chef de tromperie au préjudice de Monsieur D, a demandé la réformation et sollicité sa relaxe du chef des autres infractions retenues contre lui.
Le prévenu soulève la nullité de la garde à vue et de la procédure subséquente, au motif qu'il a effectué 33 heures 20 de garde à vue dans le cadre d'une enquête préliminaire sans que n'apparaisse à la procédure la décision du procureur de la République compétent de prolongation de la garde à vue et sans que les droits afférents à la prolongation lui ait été notifiés.
Subsidiairement et au fond, il demande sa relaxe au motif que le délit de tromperie n'est pas constitué pour les motifs retenus par les premiers juges et au motif que le délit de faux ne peut être retenu contre lui alors que le certificat de cession au nom de K porte la vraie signature de ce dernier et que sa compagne reconnaît avoir elle même surchargé la carte grise. Pour les délits d'escroquerie requalifié en abus de confiance et usage de faux document administratif, il soutient qu'il n'y a eu aucun abus de confiance dès lors que le véhicule a été cédé par Monsieur K volontairement afin de ne pas payer les frais de réparation et de remorquage, peu important la destination donnée par Monsieur X à ce véhicule après la vente, qui a pu faire des réparations pour le revendre.
Le Ministère Public a requis la confirmation du jugement déféré.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité des appels
Les appels du prévenu et du Ministère Public, interjetés dans les formes et délais de la loi, sont recevables.
L'appel des parties civiles interjeté hors délais prévus aux articles est irrecevable.
Sur la nullité de la garde à vue :
Attendu que le rejet de l'exception de nullité sera confirmée dès lors que la Cour constate comme l'ont fait les premiers juges que l'autorisation de prolongation de garde à vue délivré par le ministère public par fax le 24 avril 2007 est présente à la procédure et qu'il résulte des mentions du procès verbal 04167/2006 des officiers de police judiciaire de la gendarmerie de Pézenas que les droits de Monsieur X lui ont été régulièrement notifiés au moment de la prolongation de la garde à vue le 24 avril 2007 à 23 h 45 ;
Sur le fond :
Sur les délits de falsification de documents administratifs et de tromperie au préjudice de Monsieur D :
Attendu que c'est par une juste appréciation de la cause que les premiers juges ont relaxé le prévenu du chef de faux dans la mesure où sa compagne reconnaît avoir elle-même commis les falsifications dans les documents administratifs relatifs aux véhicules revendus ;
Attendu que de même le délit de tromperie sur les qualités substantielles ne peut être constitué sur les seules déclarations de Monsieur D selon lesquelles il s'estime trompé sur les qualités substantielles du véhicule acheté à Monsieur X, sans aucune constatation technique permettant de confirmer la réalité de la tromperie et alors que Monsieur D dans son audition en date du 10 décembre 2006 se plaint principalement de l'appréciation de la valeur de son véhicule accidenté, ce qui n'entre pas dans la prévention de tromperie sur les qualités substantielles du véhicule acquis ;
Attendu que c'est donc à juste titre que le tribunal tirant des circonstances de la cause les conséquences juridiques qui s'imposaient a relaxé le prévenu des fins de la poursuite du chef de ces infractions ;
Sur le délit d'usage de faux et d'escroquerie :
Attendu qu'il résulte des procès verbaux d'enquête que Monsieur X a revendu à Madame T le véhicule ayant appartenu à Monsieur K en usant d'un faux certificat de cession et d'une carte grise falsifiée établis par sa secrétaire. Que cette dernière a reconnu avoir établi les faux. Que Monsieur X ne peut convaincre la Cour de ce que la signature sur le certificat de cession est bien celle de Monsieur K alors que la date portée sur ce document n'est pas celle de la cession effectuée le 30 août 2005par Monsieur K qui a remis sa carte grise barrée et signée et un certificat de destruction à cette date. Que Monsieur X ne pouvait ignorer que le certificat de cession était un faux alors même qu'il a reconnu que Monsieur K avait cédé son véhicule pour destruction. Qu'en conséquence de quoi il convient de confirmer le jugement qui a déclaré Monsieur X coupable de l'infraction d'usage de faux ;
Attendu que c'est à juste titre que le tribunal a relevé que la prévention d'escroquerie au préjudice de Monsieur K est incomplète sur les manœuvres frauduleuses en ce qu'elle ne vise que le fait de vendre un véhicule appartenant à Monsieur K ;
Que néanmoins les faits visés ne peuvent s'analyser en délit d'abus de confiance au préjudice de ce dernier dès lors que la remise du véhicule par l'effet du contrat de vente n'est pas précaire c'est à dire à charge pour l'acquéreur de le restituer ou d'en faire un usage déterminé, et dès lors que la vente n'a pas été faite sous condition ;
Attendu que la décision de requalification de l'escroquerie en abus de confiance sera en conséquence infirmée ;
Attendu que les manœuvres frauduleuses de l'escroquerie poursuivie sont en fait constituées par l'usage du faux certificat de cession qui est déjà poursuivi ;
Attendu, en outre, que le préjudice économique provoqué par l'escroquerie n'est pas établi ; Que la cour relève, comme l'ont fait les premiers juges statuant sur l'action civile, que le préjudice économique de Monsieur K n'est pas caractérisé dès lors qu'il a cédé un véhicule accidenté à Monsieur X qui l'a revendu au prix de 4 000 euro après réparations ;
Attendu qu'il y a lieu en conséquence, de confirmer la relaxe du chef d'escroquerie, étant relevé que les faits sont déjà poursuivis sous la qualification d'usage de faux ;
Sur le délit d'absence de facturation :
Attendu que les faits sont établis par les constatations régulières des procès-verbaux et que l'infraction, reconnue par le prévenu est caractérisée en tous ses éléments ; que c'est par une juste appréciation des faits et circonstances de la cause que les premiers juges ont à bon droit retenu le prévenu dans les liens de la prévention; qu'il convient donc de confirmer le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité ;
Sur la peine :
Attendu que les peines principales prononcées à l'encontre de Monsieur X seront confirmées comme étant proportionnées à la gravité des faits commis et la personnalité du prévenu.
Attendu néanmoins que la peine complémentaire d'interdiction d'exercer une activité professionnelle en lien direct avec les infractions commises pendant 5 ans n'est pas justifiée eu égard au fait que Monsieur X n'a jamais été condamné auparavant et que les peines principales constituent une sanction et un avertissement suffisants, dont il appartiendra au condamné d'en tirer les enseignements dans sa pratique professionnelle.
Sur l'action civile :
Attendu que l'appel des parties civiles est irrecevable ayant été interjeté hors délai prévu aux articles 498 et 500 du Code de procédure pénale ;
Attendu que saisie des intérêts civils sur le seul appel du prévenu, la cour ne peut aggraver les condamnations prononcées contre Monsieur X et ne peut réformer la déclaration d'irrecevabilité de la constitution de partie civile de Madame T ;
Attendu que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions, les dommages et intérêts alloués à Monsieur K. étant justifiés à titre d'indemnisation du préjudice moral directement causé par l'usage d'un faux commis à son insu dans un document portant son nom.
Par ces motifs, LA COUR statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de Monsieur Christophe X, par arrêt contradictoire à l'égard de Monsieur Claude K, par défaut à l'égard de Madame Isabelle T, en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi, En la forme : Reçoit les appels du prévenu et du Ministère Public, Déclare irrecevables les appels des parties civiles. Au fond : Sur l'action publique : Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité, renvoyé Monsieur X des fins de la poursuite pour falsification de documents administratifs et tromperie sur les qualités substantielles d'une marchandise, déclaré Monsieur X coupable d'usage de faux document administratif et vente sans facturation, condamné Monsieur X à une peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis, à une peine d'amende de 4 000 euro. Infirme le jugement entrepris sur la requalification du délit d'escroquerie en délit d'abus de confiance, sur la déclaration de culpabilité pour ce délit et sur le prononcé de la peine complémentaire d'interdiction d'exercer une activité professionnelle en lien direct avec les infractions commises pendant 5 ans. Statuant à nouveau, Dit n'y avoir lieu à requalification, Dit Monsieur X non coupable du délit d'escroquerie au préjudice de Monsieur K, et le renvoie des fins de la poursuite du chef de cette infraction. Dit n'y avoir lieu à interdiction d'exercer une activité professionnelle en lien direct avec les infractions commises. Sur l'action civile : Confirme le jugement en toutes ses dispositions civiles. Dit que le condamné sera soumis au paiement du droit fixe de procédure d'un montant de 120 euro prévu par l'article 1018A du Code général des impôts. Le tout conformément aux articles visés au jugement et au présent arrêt et aux articles 512 et suivants du Code de procédure pénale.