CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 10 avril 2008, n° 06-03390
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
IL (Sté), I (Sarl)
Défendeur :
X (Sarl)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mandel
Conseillers :
Mmes Valantin, Lonne
Avoués :
SCP Jullien - Lecharny - Rol - Fertier, SCP Debray - Chemin
Avocats :
Me Pech de la Clause, Desmazieres de Sechelles
La société IL, sise aux USA, fabrique et vend des matériels et des consommables destinés à l'analyse biochimique dans le domaine de la santé animale. Elle est présente en France à travers sa filiale, la Sarl I.
Estimant que la Sarl X commettait, à leur encontre, des actes de concurrence déloyale, les sociétés I ont fait établir des constats par huissiers de justice, et ont assigné en référé la société X.
Par ordonnance du 7 janvier 2004, le juge des référés a fait interdiction à X de reproduire, d'offrir ou de vendre le logiciel Vet Test et ce, sous astreinte provisoire de 1 000 euro par jour, suite à toute l'infraction constatée, commençant à courir 15 jours après la signification de l'ordonnance ; fait injonction à X de fournir à I la liste exhaustive des clients auxquels elle avait fourni le logiciel Vet Test et ce, sous astreinte provisoire de 100 euro par jour de retard, commençant à courir 15 jours après la signification de l'ordonnance ; fait injonction à X de restituer à I tous les logiciels fournis à ses clients et ce, sous astreinte provisoire de 100 euro par jour de retard, commençant à courir un mois après la signification de l'ordonnance.
X ayant fait appel de cette ordonnance, par arrêt du 16 juin 2004, la Cour d'appel de Versailles a confirmé les mesures ordonnées et a de plus, fait injonction à X de supprimer de sa publicité toute référence à l'identité des produits fabriqués pour la médecine humaine et le marché vétérinaire et ce, sous astreinte de 100 euro par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt.
Par exploit en date du 8 décembre 2004, les sociétés IL et Sarl I ont assigné au fond la société X devant le Tribunal de commerce de Versailles aux fins de voir constater les agissements fautifs de la société X comme constitutifs de contrefaçon, de publicité mensongère, de tromperie et de concurrence déloyale. En conséquence, elles sollicitaient des mesures d'interdiction sous astreinte ainsi que la condamnation de la société X à payer à la société de droit américain IL une indemnité de 50 000 euro en réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon du logiciel VetTest, et ce avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation en référé délivrée le 18 novembre 2003, la condamnation de la société X à payer à la société de droit français I Sarl une indemnité de 166 000 euro à titre de réparation de l'atteinte portée à la valeur patrimoniale qui s'attache à sa réputation professionnelle et à son image de marque, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation en référé délivré le 18 novembre 2003 ainsi qu'une indemnité provisionnelle de 150 000 euro à valoir sur la réparation du préjudice matériel par elle subi du fait des agissements fautifs commis sur le territoire français à valoir sur son préjudice à déterminer par expertise, mesure par ailleurs requise. Les sociétés I sollicitaient également des mesures de publication du jugement à intervenir.
La Sarl X a conclu au rejet des prétentions des sociétés I, et reconventionnellement a demandé au tribunal de juger que la campagne de dénigrement orchestrée par les sociétés IL et Sarl I à son encontre était constitutive d'une faute engageant leur responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, et en conséquence, de les condamner solidairement à lui payer à la somme de 300 000 euro en réparation de son préjudice, outre une indemnité sur le fondement de l'article 700 du CPC et d'ordonner la publication du jugement.
Par ailleurs, les 11 et 14 octobre 2005, la société X, après y avoir été autorisée par ordonnance, a fait assigner au fond et à bref délai, les sociétés IL, la Sarl I, la société IE, la société O, devant le Tribunal de commerce de Versailles, sollicitant la jonction de cette instance à celle introduite à son encontre le 8 décembre 2004 et demandant notamment au tribunal de dire que les contrats conclus entre les sociétés O, IL et IE ainsi que l'accord de modification conclu entre les mêmes parties le 12 novembre 2002 violent l'article 81 paragraphe CE et sont en conséquence nuls et ne bénéficient pas de l'exemption par catégorie prévue par le règlement n°2790/1999, de dire que les comportements des sociétés O et/ou IL et/ou I consituent et ont constitué autant de violations des articles 81 CE et 82 CE, de débouter ces sociétés de leurs demandes au titre de la contrefaçon de logiciels, de la concurrence déloyale et publicité mensongère, de dire n'y avoir lieu au maintien des mesures ordonnées en référé, de faire droit à des demandes de dommages et intérêts (20 000 euro pour procédures abusives et 400 000 euro pour le préjudice subi par la mise en œuvre d'une entente et d'un abus de position dominante) et à une demande de publication du jugement à intervenir, le cas échéant, de demander un avis au Conseil de la concurrence ou de saisir la Commission Européenne d'une demande de renseignements et, en tout état de cause, lui transmettre le ou les jugements à intervenir.
Le 25 janvier 2006, le Tribunal de commerce de Versailles a rendu deux jugements disant n'y avoir lieu à prononcer la jonction de ces deux instances.
La Sarl X a déposé ultérieurement des conclusions complémentaires de demande de jonction.
Par jugement en date du 31 mars 2006 auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens antérieurs des parties, le Tribunal de commerce de Versailles a :
- donné acte à la Sarl X de ce qu'elle avait indiqué l'adresse de son nouveau siège social tant au tribunal qu'aux sociétés IL INC et Sarl I,
- dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les conclusions de la Sarl X transmises le 14 février 2006,
- dit recevable la demande itérative de jonction formulée par la Sarl X et l'en a déboutée,
- dit que la Sarl X s'est livrée à des actes de contrefaçon,
- condamné la Sarl X à payer à la société IL la somme de 10 000 euro de dommages et intérêts,
- fait interdiction à la Sarl X d'offrir ou de vendre le logiciel Vet Test et ce, sous astreinte de 2 000 euro par infraction constatée à compter de la signification du jugement,
- fait 'interdiction'(en fait injonction) à la Sarl X de supprimer de sa publicité toute référence à l'identité des produits fabriqués pour la médecine humaine et le marché vétérinaire et ce, sous astreinte de 500 euro passé un délai d'un mois par infraction constatée, à compter de la signification du jugement,
- débouté les sociétés IL et Sarl I de leur demande de voir interdire à la Sarl X la vente des réactifs QCR Dry test,
- débouté les sociétés IL et X de leurs demandes de dommages et intérêts,
- dit n'y avoir lieu à ordonner une expertise judiciaire,
- dit n'y avoir lieu d'ordonner la publication du jugement,
- débouté la Sarl X de ses demandes reconventionnelles,
- débouté toutes les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné la Sarl X à payer à chacune des sociétés IL et I Sarl la somme de 2 500 euro au titre de l'article 700 du CPC,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné la Sarl X aux dépens.
Le tribunal, après avoir écarté la demande de jonction formée par X, a considéré que la société X s'était livrée à des actes de contrefaçon du logiciel de pilotage de l'appareil Vet Test. Par ailleurs, le tribunal a estimé que les plaquettes destinées à des analyses en médecine vétérinaire ayant des caractéristiques différentes de celles utilisées en médecine humaine, que les réactifs vendus par X étant différents et ayant une destination différente de ceux de I, la mention selon laquelle il s'agirait des mêmes produits est constitutive de publicité trompeuse. En conséquence, le tribunal a fait injonction à X de supprimer de sa publicité toute référence à l'identité des produits fabriqués pour la médecine humaine et le marché vétérinaire mais néanmoins n'a pas interdit à X de vendre les réactifs QCR Dry Test. Estimant que les préjudices invoqués n'étaient étayés par aucune pièce, le tribunal a débouté les sociétés I de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts et rejeté également la demande d'expertise.
Le tribunal a par ailleurs écarté la demande reconventionnelle en retenant que les arguments avancés par X ne permettaient pas d'établir un abus de position dominante, du dénigrement ou un harcèlement juridique.
Sur l'action introduite par la société X, les sociétés IL, I Sarl, IE et O ayant soulevé une exception d'incompétence au profit du Tribunal de commerce de Paris , le Tribunal de commerce de Versailles par jugement en date du 22 septembre 2006 a fait droit à cette exception et cette affaire est à ce jour pendante devant le Tribunal de commerce de Paris .
Les sociétés IL et I ont interjeté appel du jugement du 31 mars 2006.
En premier lieu, elles ont demandé à la cour, par une requête en rectification d'erreur matérielle du 16 mai 2006, de remplacer le mot "interdiction" par "injonction" dans ses motifs : "le tribunal fera injonction à X de supprimer de sa publicité toute référence à l'identité des produits fabriqués pour la médecine humaine et le marché vétérinaire".
La société X ayant saisi le conseiller de la mise en état d'un incident aux fins d'exception d'incompétence au profit de la Cour d'appel de Paris, le conseiller de la mise en état par ordonnance d'incident du 6 février 2007, a dit la société X irrecevable en son exception.
Sur déféré de la société X, la cour par arrêt du 24 mai 2007 a :
- dit la société X recevable en sa requête aux fins de déféré,
- infirmé l'ordonnance du 6 février 2007,
- dit la société X recevable mais mal fondée en son exception d'incompétence.
Dans le dernier état de leurs écritures (conclusions du 21 novembre 2007), les sociétés IL et I demandent à la cour, à titre principal, de déclarer irrecevable la demande de sursis à statuer formée par la société X en ce qu'elle est présentée après des exceptions dont avait été déjà saisi notamment le conseiller de la mise en état et une défense au fond et qu'en tout état de cause tardivement dans un but dilatoire tout en précisant que le règlement du litige pendant devant le Tribunal de commerce de Paris n'aura aucune influence sur la présente affaire.
Au fond, elles demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la société X a commis des actes de contrefaçon de logiciel et de publicité mensongère et fait injonction à cette dernière, sous peine d'astreinte, d'offrir ou de vendre le logiciel Vet Test et de supprimer de sa publicité toute référence à l'identité des réactifs fabriqués pour la médecine humaine et le marché vétérinaire.
Pour le surplus, elles en poursuivent la réformation et demandent à la cour de dire et juger que X a commis des actes constitutifs de tromperie et de concurrence déloyale au préjudice des sociétés IL et I Sarl, d'interdire à la société X, sous astreinte de 5 000 euro par infraction constatée, d'offrir à la vente, de vendre et de mettre en vente les réactifs QCR Dry Test et de diffuser toute publicité relative à ces réactifs auprès des vétérinaires propriétaires ou utilisateurs de l'analyseur Vet Test 8008, d'ordonner à la société X de retirer du marché les plaquettes de réactifs qu'elle a commercialisées sous la dénomination QCR Dry Test, dans un délai de un mois à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 2 000 euro par infraction constatée et/ou par jour de retard.
Subsidiairement, elles demandent qu'il soit fait injonction à la société X de supprimer de sa publicité toute mention tendant à faire penser que les réactifs QCR Dry Test sont conçus pour une utilisation dans l'analyseur Vet Test 8008 en matière d'analyse de biochimie animale et notamment la mention "tests de biochimie pour appareil Vet Test 8008" sous astreinte de 3 000 euro par infraction constatée, lui faire injonction d'insérer dans toute publicité et toute documentation commerciale, en caractère de dimension égale au texte publicitaire lui-même, un avertissement, sous astreinte de 3 000 euro par infraction constatée, de condamner la société X à payer à la société de droit américain IL une indemnité de 50 000 euro en réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon de logiciels et ce avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation en référé délivrée le 18 novembre 2003, de condamner la société X à payer à la société de droit français Sarl I une indemnité de 166 000 euro à titre de réparation de l'atteinte portée à la valeur patrimoniale qui s'attache à sa réputation professionnelle et à son image de marque, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation en référé délivrée le 18 novembre 2003, de condamner la société X à payer à la société de droit français Sarl I une provision de 150 000 euro à valoir sur la réparation du préjudice matériel subi du fait des agissements fautifs commis sur le territoire français, de désigner un expert aux fins d'évaluation de son préjudice.
Elles réclament par ailleurs que soit ordonnée la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir aux frais de X, et elles demandent la condamnation de X à leur payer à chacune une indemnité de 40 000 euro par application de l'article 700 du CPC et les dépens.
Les sociétés IL et I Sarl font valoir :
- que la demande de sursis à statuer formée par X pour la première fois le 11 septembre 2007 est irrecevable en ce que cette dernière a, préalablement à la demande de sursis à statuer, soulevé des exceptions et présenté une défense au fond. Elle ajoute que la cause qui serait susceptible de justifier la demande de sursis à statuer est apparue dès que le Tribunal de commerce de Versailles a refusé de joindre l'action introduite par X à celle d'ores et déjà pendante devant lui, soit depuis le 25 janvier 2007 (en fait 2006),
- qu'en tout état de cause, cette demande est mal fondée, dans la mesure ou il n'existe aucun lien entre la présente affaire et celle pendante devant le Tribunal de commerce de Paris , et qu'il n'existe donc aucun risque de contrariété entre les deux décisions à intervenir (absence d'identité des parties et d'identité d'objet et de cause) ; que de toute façon, il a déjà été jugé à de nombreuses reprises, tant par les premiers juges que par la Cour, que les deux affaires étaient distinctes et que celle soumise à la Cour ne concernait en rien le droit communautaire de la concurrence, et que les deux actions ne méritaient pas d'être jugées ensemble par un seul et même juge,
- que X s'est livrée à des actes de contrefaçon de logiciel en exploitant le logiciel attaché à l'analyseur Vet Test 8008 qu'I commercialise, et en fournissant des copies de ce logiciel aux vétérinaires à partir d'une copie obtenue auprès de QCR qui est elle-même une contrefaçon ; que X n'a jamais été titulaire d'une licence d'utilisation du logiciel,
- que X s'est également rendue coupable de publicité trompeuse en diffusant des documents publicitaires dans lesquels elle affirme que les tests qu'elle commercialise sous la dénomination QCR Dry Test sont les mêmes que ceux fabriqués pour le marché vétérinaire par Johnson & Johnson alors que les plaquettes QCR Dry Test ne sont pas identiques aux plaquette Vet Test principalement en ce que les plaquettes QCR Dry Test sont destinées à la médecine humaine alors que les réactifs fournis par I sont conçus pour être utilisés dans l'analyseur Vet Test 8008 dans le domaine de la médecine animale ; que ce mensonge est d'autant plus grave qu'il constitue une tromperie sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition et la teneur en principe utile des réactifs QCR Dry Test proposés à la vente ; qu'en outre, des études (étude réalisée par J & J le 6 mai 2004) ont démontré les nombreuses différences entre les deux produits, et surtout, l'étude réalisée par l'Ecole Vétérinaire de Toulouse et le rapport du docteur Baudin ont démontré que l'utilisation des plaquettes QCT Dry Test dans l'analyseur Vet test 8008 conduit à des résultats imprécis et inexacts susceptibles d'engendrer de graves erreurs de diagnostic ; que cette absence de fiabilité et d'efficacité de l'usage des plaquettes QCR Dry Test avec l'analyseur Vet test 8008 (alors qu'elles devraient être utilisées dans un appareil de médecine humaine appelé Vitros) a été confirmée par d'éminents spécialistes,
- que X a commis par ailleurs des actes de concurrence déloyale distincts en détournant de la clientèle des sociétés I par des moyens illicites, en entretenant une confusion dans l'esprit du public quant à l'origine des produits du fait des publicités et affiches commerciales laissant entendre aux vétérinaires que les réactifs qu'elle vend sont conçus pour un usage sur l'analyseur Vet Test, et par le dénigrement opéré par X à l'encontre d'I,
- que les agissements fautifs de X entraînent plusieurs types de préjudice : l'atteinte au droit moral de la société IL en qualité d'auteur du logiciel Vet Test, un préjudice économique pour la société française I du fait de la perte des ventes de réactifs Vet Test ainsi qu'un préjudice moral correspondant à l'atteinte portée à son image de marque et à sa réputation professionnelle auprès des vétérinaires sollicités par X.
La Sarl X dans le dernier état de ses écritures
(conclusions du 14 décembre 2007) demande à la Cour à titre principal de lui donner acte de ce qu'elle n'acquiesce pas à l'arrêt du 24 mai 2007, de dire et juger que le Tribunal de commerce de Versailles a manqué aux obligations découlant des articles 10 CE, 81 CE et 82 CE et aux articles 1 et 6 du règlement CE n°1/2003 du conseil du 16 décembre 2002, en ne joignant pas la présente espèce avec l'affaire pendante devant le Tribunal de commerce de Paris et en ne se mettant pas en mesure d'appliquer correctement les articles 81 CE et 82 CE par une appréciation globale de l'ensemble des faits de l'espèce, et par conséquent, de surseoir à statuer jusqu'à ce que le litige dont le Tribunal de commerce de Paris est saisi soit définitivement tranché.
A titre subsidiaire, elle demande de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les sociétés I de leur demande de voir interdire à la Sarl X la vente des réactifs QCR Dry Test, de leurs demandes de dommages et intérêts, d'expertise judiciaire et de publication. Pour le surplus, formant appel incident, elle demande que les sociétés I soient déboutées de leur demande de condamnation de X au titre de la contrefaçon de logiciel et de paiement de dommages et intérêts de ce chef, ainsi que de leur demande de condamnation de X à supprimer de sa publicité toute référence à l'identité des produits fabriqués pour la médecine humaine et le marché vétérinaire, et qu'il soit jugé que la campagne de dénigrement orchestrée par les sociétés IL et Sarl I à son encontre est constitutive d'une faute engageant leur responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du Code civil. En conséquence, elle réclame la condamnation solidaire des sociétés IL et I Sarl à lui payer la somme de 300 000 euro en réparation de son préjudice, la publication du dispositif de l'arrêt dans le magazine "la semaine vétérinaire" aux frais des sociétés I sous astreinte de 10 000 euro par numéro de retard. Elle sollicite par ailleurs la condamnation solidaire des appelantes à lui payer la somme de 30 000 euro sur le fondement de l'article 700 du CPC et les dépens.
Elle fait valoir :
- que l'action principale intentée par les sociétés I étant pendante devant la Cour d'appel de Versailles et l'action reconventionnelle et de mise en cause intentée par X contre IL, I Sarl, IE et O étant pendante devant le Tribunal de commerce de Paris , la Cour d'appel de Versailles doit surseoir à statuer en attendant la décision du tribunal de commerce dès lors que l'action principale est une action qui sert à mettre en œuvre et à protéger une entente répréhensible au sens des articles 81 et 82 CE ; que de plus, elle soutient que le point de savoir si les accords entre O, IL et IE et les comportements de ces sociétés ainsi que I sarl sont bien conformes au droit communautaire de la concurrence et si le logiciel en cause est le moyen et la conséquence de l'entente considérée constitue une question préalable à l'action en contrefaçon du logiciel. Enfin, elle expose que le sursis à statuer pour une bonne administration de la justice peut être ordonné en tout état de cause,
- qu'en toute hypothèse la prétendue contrefaçon du logiciel Vet Test n'est pas avérée, I n'ayant jamais fourni la preuve d'une quelconque protection concernant ledit logiciel et ne pouvant se prévaloir de la présomption de l'article L 113-5 du CPI dans la mesure où les sociétés I n'exploitent pas ce logiciel qui est concédé gratuitement au propriétaire détenteur de l'analyseur Vet Test ; X expose qu'elle a tout au plus envoyé gratuitement à l'instigation de I Sarl à quelques clients une disquette contenant une version périmée du logiciel ; que X est propriétaire d'un Vet Test 8008, acquis régulièrement d'occasion auprès de QCR qui lui a remis gracieusement la disquette indispensable à son fonctionnement ; que les vétérinaires auxquels une copie de la disquette a été envoyée sont également propriétaires d'un Vet Test 8008 et que tout propriétaire d'un Vet Test étant en droit d'utiliser cet appareil, cela implique qu'il soit en possession du logiciel ; que si l'utilisateur n'a plus de disquette, il est en droit d'utiliser une copie de sauvegarde selon l'article L. 122-6-1 du Code de la propriété intellectuelle. Elle ajoute qu'à ce jour l'incident est clos,
- que le document commercial litigieux indiquant que "Johnson & Johnson fabrique les mêmes tests pour la médecine humaine et pour le marché vétérinaire", est la stricte reprise par traduction de la publicité fournie par QCR et utilisée en Grande Bretagne, laquelle n'a jamais été accusée par I de publicité trompeuse ; que la publicité précise que le produit décrit dans la publicité est "adapté au marché vétérinaire" ; qu'il n'existe pas de différences de compositions entre les plaquettes à usage humain et à usage vétérinaire, que les sociétés I affirment de façon inexacte et non prouvée qu'il existerait des différences au niveau des substances actives contenues dans les plaquettes Vet Test et QCR Dry Test ; qu'il existe une identité entre les réactifs Vitros pour la médecine humaine et les réactifs Vet Test pour la médecine vétérinaire,
- que les accusations de tromperie quant à la nature et aux qualités substantielles des plaquettes commercialisées par X ne sont pas fondées ; qu'en effet, l'analyse comparative des résultats obtenus avec les réactifs QCR Dry Test et Vet Test n'est pas contradictoire, et n'a donc aucun caractère probant, et que rien ne permet de savoir si les résultats obtenus à l'aide des réactifs Vet Test sont plus fiables que ceux obtenus à l'aide des réactifs QCR Dry Test,
- qu'aucun acte de concurrence déloyale n'a été commis ; que X n'a pas cherché à détourner la clientèle du groupe I en proposant un produit à moindre coût, mais que X réalise des économies en utilisant un processus moins coûteux, que le risque de confusion est écarté quand il s'agit d'un public de professionnels, et qu'aucun dénigrement ne peut lui être reproché, le groupe I n'étant même pas cité dans les publicités,
- que les sociétés I font une utilisation abusive du droit de protection du logiciel Vet Test, puisque la protection de ce logiciel n'a pour seul objectif que d'assurer le verrouillage du marché de la vente des plaquettes sur lequel le groupe I ne détient aucun droit exclusif ; que ce comportement cause un préjudice à la société X, qui doit donner lieu à réparation.
Sur ce, LA COUR
I. Sur la demande de sursis à statuer :
Considérant qu'en vertu de l'article 74 alinéa 1 du Code de procédure civile les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non recevoir ;
Considérant qu'en l'espèce la société X a formé par conclusions en date du 11 septembre 2007 une demande tendant à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal de commerce de Pairs dans le litige opposant X aux sociétés IL, I Sarl, IE BV et O ;
Or considérant qu'à cette date X avait déjà soulevé d'autres exceptions (exception d'incompétence et exception de sursis à statuer dans l'attente d'un avis de la cour de cassation par ailleurs sollicité) exceptions soulevées par conclusions du 23 novembre 2006, 27 décembre 2006 et 20 mars 2007 ; que la cause du sursis aujourd'hui invoquée existait dès le 25 janvier 2006, date à laquelle le Tribunal de commerce de Versailles a refusé de joindre l'instance introduite par les sociétés IL et I à l'encontre de la société X avec celle introduite par la société X à l'encontre des sociétés IL, I Sarl, IE et O et s'est déclaré incompétent pour connaître de la seconde au profit du Tribunal de commerce de Paris ;
Que la demande de sursis à statuer est donc irrecevable ;
Qu'au surplus une bonne administration de la justice ne commande pas de surseoir à statuer puisqu'ainsi que la cour l'a déjà jugé par son arrêt du 24 mai 2007 dans le cadre de la présente procédure la société X n'a formé aucune demande tendant à voir sanctionner les sociétés IL et I pour des pratiques d'entente ou d'abus de position dominante sur le fondement des articles 81 et 82 du traité CE ; que l'entente contraire au droit de la concurrence que X reproche aux société Ortho Clinical Diagnostics, IL et I d'avoir mis en œuvre est indépendante des actes de contrefaçon de logiciel, de publicité mensongère, tromperie et concurrence déloyale imputés à X ;
II. Sur la contrefaçon de logiciel :
Considérant que la société X fait tout d'abord valoir que la société I ne justifie pas de ses droits sur le logiciel Vet Test 8008 ;
Mais considérant qu'en vertu de l'article L. 113-5 du Code de la propriété intellectuelle, la personne morale qui divulgue et exploite sous son nom une œuvre tel qu'un logiciel est présumée, à l'égard des tiers contrefacteurs, être titulaire sur cette œuvre du droit de propriété incorporelle de l'auteur ;
Considérant qu'en l'espèce la société IL justifie divulguer et exploiter sous son nom le logiciel Vet Test et concéder notamment des licences d'exploitation ; qu'elle doit donc être présumée titulaire des droits de propriété incorporelle sur ce logiciel ;
Qu'il importe peu que le droit d'utiliser ce logiciel soit concédé à tout acheteur d'un appareil Vet Test et que celui-ci reçoive gratuitement les disquettes permettant la mise à jour du logiciel ; que X ne peut valablement soutenir que IL n'exploite pas le logiciel au motif qu'elle en concède gratuitement l'usage ; qu'en effet le droit d'usage de ce logiciel étant subordonné à l'achat d'un appareil Vet Test lequel ne peut être utilisé sans le logiciel, il en résulte que IL en tire nécessairement un profit ; que X est donc mal fondée à soutenir que IL n'exploite pas le logiciel en cause ;
Considérant que sur la matérialité de la contrefaçon X fait valoir qu'elle n'est pas caractérisée puisqu'elle a acquis régulièrement en Grande Bretagne, un Vet Test 8008 d'occasion et que son vendeur QCR lui a remis la disquette indispensable à son fonctionnement ;
Mais considérant qu'il résulte des éléments du dossier que X a adressé une copie de cette disquette à 11 de ses clients ce qu'au demeurant elle ne conteste pas ; que par ailleurs plusieurs médecins vétérinaires ont attesté que X leur avait proposé une disquette pour leur permettre d'utiliser leur appareil Vet Test avec les réactifs Dry Test qu'elle leur fournissait ; qu'enfin les procès-verbaux de constat des 18 et 21 août 2008 et le constat dressé par Monsieur Soreau de l'APP établissent que X a fourni aux docteurs Besson et Auptel une disquette informatique version 6.7 A reproduisant les fichiers composant le logiciel Vet Test version 6.7A d'I ;
Considérant que le fait d'avoir acheté un appareil Vet Test n'autorisait pas la société X à réaliser des copies de la disquette comportant les fichiers composant le logiciel Vet Test et à les adresser à des tiers dès lors qu'elle ne bénéficiait d'aucun contrat de licence dudit logiciel ; que de plus le contrat de licence soumis à chacun des utilisateurs du Vet Test 8008 précise que la licence n'est pas transférable, que le logiciel ne peut être utilisé par une autre personne ou entité à l'exception des employés du licencié et ne peut faire l'objet d'une sous-licence ; que les copies réalisées par X à partir de la disquette fournie par QCR lors de l'achat d'un Vet Test d'occasion le 2 décembre 2002 ne peuvent être qualifiées de copies de sauvegarde au sens de l'article L. 122-6-1 du CPI dès lors que la copie de sauvegarde ne peut être réalisée qu'en un seul exemplaire pour permettre à l'utilisateur légitime du programme de l'utiliser et n'est pas destinée à être fournie à un tiers ;
Considérant enfin que l'allégation de X selon laquelle I Sarl l'aurait incitée à commettre des actes de contrefaçon n'est confortée par aucun élément objectif et ne constitue pas un motif exonératoire de responsabilité ;
Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société X pour contrefaçon du logiciel ;
III. Sur la publicité trompeuse :
Considérant qu'en vertu de l'article L. 121-1 du Code de la consommation est interdite :
" toute publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, lorsque celles-ci portent sur un ou plusieurs des éléments ci-après : existence, nature, composition, qualités substantielles, teneur en principes utiles, espèce, origine, quantité, mode et date de fabrication, propriétés, prix et conditions de vente de biens ou services qui font l'objet de la publicité, conditions de leur utilisation, résultats qui peuvent être attendus de leur utilisation... " ;
Considérant que les documents publicitaires incriminés par les sociétés appelantes sont ainsi rédigés :
- " Dry Test QCR Qui fabrique Quelle qualité Biologie Humaine, Biologie vétérinaire. La technologie de chimie sèche utilisée par le Vet Test 8008 fut à l'origine développée par la société Kodak puis revendue à la société Johnson & Johnson. Johnson & Johnson fabrique les mêmes tests pour la médecine humaine et pour le marché vétérinaire. La différence entre les deux marchés réside dans les volumes de tests réalisés. De ce fait, les conditionnements de médecine humaine sont beaucoup plus importants et les plaquettes ne comportent pas le code à barres indispensable à leur utilisation sur le Vet Test 8008. Les plaquettes Dry Test comme les autres, sont donc fabriquées par Johnson et Johnson aux USA ; Leur conditionnement est adapté au marché vétérinaire. Pour assurer leur bon fonctionnement, un code à barres est appliqué sur chacune d'entre elles. Ce code à barres identifie le type de test et assure leur bon fonctionnement sur l'appareil Vet Test 8008 ainsi que la qualité des résultats obtenus " ;
Considérant qu'il résulte des pièces mises aux débats que l'analyseur Vet Test destiné à la clientèle des vétérinaires et des cliniques vétérinaires et permettant de procéder à des analyses biochimiques est fabriqué par IL ; que cet appareil fonctionne avec des réactifs (plaquettes) vendues par les sociétés I sous la marque Vet Test, réactifs qui sont fabriqués par Ortho Clinical Diagnostics ; que cette dernière société fabrique également des réactifs pour usage humain qui sont dénommés Vitros ;
Considérant qu'il résulte d'une lettre d'Ortho Clinical Diagnostics (OCD) du 6 mai 2004 que les plaquettes Dry Test fabriquées par la société britannique QCR sont en réalité des plaquettes Vitros pour analyseurs destinés à des analyses d'échantillons humains qui ont été modifiées par QCR pour pouvoir être utilisées avec un analyseur Vet Test ; que QCR applique notamment un Code à barre sur ces plaquettes pour qu'elles puissent être lues avec le logiciel équipant l'appareil Vet Test ; que X ne conteste pas ces faits ; que OCD précise que les plaquettes Dry Test et les plaquettes Vet Test pour un usage vétérinaire présentent des différences quant au calibrage, aux fourchettes dynamiques, aux matériaux de conditionnement, aux conditions de fabrication environnementales et que les plaquettes pour analyseurs centraux Vitros (plaquettes à usage humain) n'utilisent pas les mêmes formulations de réactifs pour doser le cholestérol ; que l'annexe jointe à cette lettre indique notamment que certaines plaquettes conçues pour l'analyseur Vitros ont des quantités différentes de principes actifs, ou des formulations biochimiques complètement différentes de celles des plaquettes conçues pour les analyseurs Vet Test ; que les dimensions externes sont les mêmes mais que la taille des tampons de réaction à l'intérieur des plaquettes ne sont pas les mêmes ; qu'une étude réalisée par l'Ecole Vétérinaire de Toulouse démontre par ailleurs que l'utilisation des plaquettes QCR Dry Test dans l'analyseur Vet Test 8008 conduit à des anomalies pour le dosage de l'albumine et de l'amylase ; que X conteste la réalité de ces différences mais ne produit aucune analyse permettant de les contredire ;
Or considérant qu'à la lecture de la publicité incriminée, les médecins vétérinaires à qui elle s'adresse et qui utilisent un appareil d'analyse Vet Test 8008 sont amenés à croire que les tests utilisés pour la médecine humaine sont les mêmes que ceux utilisés pour la médecine vétérinaire et qu'en particulier Johnson & Johnson, en fait OCD, fabrique des plaquettes identiques pour les analyseurs à usage vétérinaire et les analyseurs à usage humain, la seule différence tenant au volume des tests réalisés et à la présence d'un code à barres sur les plaquettes à usage vétérinaire ; que les éléments susvisés démontrant que cette information est fausse, le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a condamné X pour publicité trompeuse peu important que cette société ait repris les arguments de son fournisseur QCR ou que X n'ait fait l'objet d'aucune réclamation de la part de sa clientèle ;
IV. Sur la tromperie :
Considérant qu'en vertu de l'article L. 213-1 du Code de la consommation, la tromperie consiste pour une personne, qu'elle soit ou non partie au contrat, à tromper ou tenter de tromper le contractant par quelque moyen ou procédé que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers 1° soit sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de toutes marchandises ;
Considérant qu'en l'espèce, il résulte des différentes analyses auxquelles I a fait procéder ainsi que de l'étude réalisée par OCD que les plaquettes commercialisées auprès des vétérinaires par X sous la dénomination QCR Dry Test conduisent à des résultats peu fiables, imprécis et susceptibles d'erreurs de diagnostic lorsqu'elles sont utilisées avec un appareil Vet Test 8008 ; que l'étude réalisée par l'Ecole Vétérinaire de Toulouse et analysée par le docteur Baudin, même si elle n'est pas contradictoire émane d'un tiers au litige et d'un organisme qui ne saurait être suspecté de partialité ; que le fait que le professeur Trumel assure des journées de formation dans le cadre de congrès organisés ou sponsorisés par I ne saurait remettre en cause son objectivité, étant observé que ce médecin n'est pas aux services des sociétés I ;
Considérant que l'étude menée à l'Ecole Vétérinaire de Toulouse en utilisant des plaquettes de réactifs Dry Test QCR et des plaquettes de réactifs I avec un analyseur Vet Test 8008 met en particulier en exergue des anomalies constatées avec les réactifs Dry Test QCR pour le dosage de l'albumine (mauvaise interprétation de taux faibles) et de l'amylase (surestimation des concentrations sanguines alors que la valeur réelle est normale en utilisant un analyseur de " référence ") pouvant amener le praticien à conclure par erreur à des troubles hépatiques ou à l'existence d'une pancréatite (page 11) ; que le docteur Baudin conclut son analyse en indiquant que l'étude menée par le laboratoire de biochimie de l'Ecole Vétérinaire de Toulouse a mis en évidence un certain nombre d'anomalies tant de qualité que de fiabilité, avec les réactifs de la société X ; que les deux vétérinaires de l'Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse ont conclu leur analyse en précisant que : " certains réactifs QCR ont présenté des anomalies les rendant inutilisables ; tous les réactifs I ont pu être utilisés ; la précision des réactifs I a été significativement supérieure à celle des réactifs QCR 2 (deux séries de réactifs QCR ayant été utilisées) de manière globale pour ASAT, amylase, cholestérol et ammonium ; une inexactitude forte a été relevée pour les réactifs QCR 1 et 2 sur les solutions de contrôle vettrol pour l'albumine, l'amylase et l'ammonium et à un moindre degré pour les réactifs QCR 2 pour l'ASAT " ;
Considérant que le professeur Siliart confirme qu'une bonne utilisation des appareils est très importante pour la qualité des résultats, que toutes les 'utilisations border line des appareils (suppression des temps d'attente, utilisation de plaquettes inadaptées et mal calibrées) peut gravement modifier les résultats' ;
Considérant que le manque de fiabilité des plaquettes fournies par X résulte également du fait que les plaquettes créées pour les appareils d'analyse Vitros n'ont pas été calibrées par OCD pour les appareils Vet Test ; que X soutient que son fournisseur QCR sélectionne des calibrations adaptées pour assurer la qualité des plaquettes mais n'en justifie pas ; que de plus chaque lot de plaquettes I étant fourni avec un calibrage spécifique, X ne démontre pas que QCR est à même de mettre en œuvre les courbes de calibration appropriées aux informations de calibrage contenues dans le logiciel équipant le Vet Test et dont les mises à jour sont régulièrement envoyées aux vétérinaires ayant acquis un tel appareil ;
Considérant que X affirme sans en apporter la preuve qu'il n'existe pas de différence de principes actifs ou de formulation biochimique entre les réactifs Vet Test et les réactifs QCR Dry Test ; qu'elle ne produit aucune analyse, aucun avis scientifique susceptible de contredire les résultats des examens fournis par I et d'établir que c'est le réglage de l'analyseur et non le réactif qui est différent ; qu'aucune conséquence ne peut être tirée des contrats du 1er janvier 1999 conclus entre OCD d'une part et IL et IE ses concessionnaires exclusifs d'autre part, dès lors que rien ne permet d'affirmer que les réactifs fabriqués par OCD pour les plaquettes aux fins d'analyse biochimique humaine (plaquettes Vitros) ont la même composition, le même dosage que les réactifs utilisés pour les plaquettes fabriquées par OCD pour l'appareil Vet Test et commercialisées sous la dénomination Vet Test ; que bien davantage le tableau 3 annexé à chacun des deux contrats précise que " les parties se sont accordées sur le conditionnement des panels jeunes animaux en préopératoire, des profils sanitaires généraux et des profils grands animaux. Toute modification de la composition de la lame ou du conditionnement du panel initial ou des profils initiaux doit faire l'objet d'une négociation de bonne foi et d'un accord mutuel entre OCD et I " ce qui implique que les plaquettes pour analyse vétérinaire n'ont pas la même composition que celles destinées à la biologie humaine ;
Considérant enfin que si X soutient qu'elle n'a jamais reçu aucune réclamation, les sociétés I quant à elles produisent des attestations de médecins vétérinaires faisant état du manque de fiabilité des plaquettes fournies par X ;
Considérant que ces divers éléments démontrent que les plaquettes QCR Dry Test présentaient pour certaines des anomalies, n'étaient pas fiables, étaient susceptibles de générer des erreurs de diagnostic ; qu'en vendant de telles plaquettes aux vétérinaires pour qu'ils les utilisent avec un appareil Vet Test sans s'être assurée au préalable de leur performance alors qu'elle ne conteste pas savoir que son fournisseur QCR employait des tests destinés à l'origine à la biologie humaine qu'il reconditionnait, la société X s'est rendue coupable d'actes de tromperie sur les qualités substantielles des plaquettes/réactifs QCR Dry Test, au sens de l'article L. 213-1 du Code de la consommation ;
V. Sur la concurrence déloyale :
Considérant que la Sarl I fait grief à la société X d'avoir commis des actes de détournement de clientèle et de dénigrement et d'avoir créé une confusion dans l'esprit du public ;
Considérant que le seul usage du slogan " pourquoi payer plus cher " n'est pas constitutif de dénigrement dès lors qu'il ne vise pas les plaquettes de la société I et ne porte aucun jugement malveillant sur les réactifs vendus par cette société ou les prix qu'elle pratique ; qu'il s'agit d'une formule courante et banale pour attirer la clientèle ;
Considérant que si la publicité examinée ci-dessus au paragraphe III est effectivement trompeuse, en revanche, la société I ne peut pas soutenir que X cherche à créer une confusion dans l'esprit de la clientèle en utilisant dans ses publicités et affiches le slogan " Dry Test, tests pour Vet Test 2008 " ; que les vétérinaires à qui s'adresse ce slogan et qui sont en possession d'un analyseur Vet Test ne sont nullement amenés à croire que X propose sous la marque Dry Test des réactifs I ; que les attestations produites aux débats par I elle-même démontrent bien au contraire que les vétérinaires font la distinction entre les plaquettes X dont ils dénoncent l'absence de fiabilité et les plaquettes I ;
Considérant en revanche qu'à l'égard de la Sarl I qui commercialise en France les plaquettes Vet Test ainsi que l'analyseur Vet Test et les disquettes contenant les courbes de calibration des réactifs et les mises à jour du logiciel Vet Test, la vente par X de plaquettes Vitros reconditionnées par QCR pouvant, grâce à l'apposition d'un sticker comportant un code à barres être lues par un appareil Vet Test et l'envoi de disquettes informatiques constituant une contrefaçon du logiciel Vet Test, sont constitutifs d'actes de concurrence déloyale ;
VI. Sur les mesures réparatrices :
Considérant qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a fait interdiction à la société X d'offrir ou de vendre le logiciel Vet Test sous astreinte de 2 000 euro par infraction constatée ;
Que par ailleurs il convient d'interdire à la société X de faire usage dans sa publicité de toute mention tendant à présenter les réactifs fabriqués par Johnson & Johnson pour la médecine humaine comme identiques à ceux fabriqués pour la médecine vétérinaire et à présenter les tests QCR Dry Test comme pouvant être utilisés sur un analyseur Vet Test 8008 et ce sous astreinte de 500 euro par infraction constatée passé un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt ;
Considérant que la cour ayant retenu que la société X s'était rendue coupable de tromperie sur les qualités substantielles des réactifs QCR Dry Test en les vendant pour un usage en médecine animale, il sera également fait interdiction à la société X de poursuivre la commercialisation de ces réactifs pour une utilisation avec un analyseur Vet Test 8008 sous astreinte de 100 euro par plaquette passé un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt ; que la société X ne peut valablement soutenir qu'une telle interdiction est contraire au droit communautaire de la concurrence dès lors que les réactifs en cause n'offrent pas de garanties suffisantes de fiabilité et sont susceptibles de provoquer de la part des vétérinaires des erreurs de diagnostic ;
Considérant qu'il sera également fait droit aux mesures de publication de la présente décision dans les conditions indiquées au dispositif afin que les utilisateurs des réactifs pour l'analyseur Vet Test 8008 soient pleinement informés ;
Considérant en revanche que rien ne justifie de faire droit aux autres mesures de publicité ou de retrait sollicitées par les sociétés I ;
Considérant sur les réparations pécuniaires que compte tenu du fait que les actes de contrefaçon du logiciel sont limités en nombre et que IL fournit un seul document comptable ne permettant pas de déterminer avec précision les coûts de mise à jour du logiciel Vet Test, l'atteinte à son droit d'auteur a été exactement réparée par le versement d'une somme de 10 000 euro ainsi qu'en ont décidé les premiers juges ;
Considérant sur le préjudice subi par la Sarl I que celle-ci sollicite une expertise et l'allocation d'une provision de 150 000 euro mais ne produit pas plus devant la cour que devant le tribunal le moindre document démontrant que la présence sur le marché des plaquettes QCR Dry Test a généré une perte de son chiffre d'affaires ; que les frais de calibration sont supportés par la Société IL et non par la société de droit français I ; que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté la Sarl I de sa demande de ce chef ;
Considérant en revanche que les notices mises aux débats établissent que la Sarl I a engagé des frais pour informer les vétérinaires des risques encourus en cas d'utilisation de plaquettes humaines avec l'analyseur Vet Test ; que le préjudice par elle subi de ce chef sera exactement réparé par le versement d'une somme de 20 000 euro ; qu'il sera fait droit au paiement des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
VII. Sur la demande de la société X :
Considérant que la société X reprend devant la cour sa demande en paiement de la somme de 300 000 euro et aux fins de publication estimant être victime d'actes de dénigrement et de harcèlement ;
Mais considérant que X qui succombe ne peut faire grief à I d'avoir informé les consommateurs et produit des courriers électroniques à l'appui de son argumentation ; que la cour n'est pas saisie de l'instance que X a par ailleurs engagé pour pratiques anticoncurrentielles au sens des articles 81 et 82 du traité CE ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société X de sa demande reconventionnelle ;
VIII. Sur l'article 700 du CPC :
Considérant que l'équité commande d'allouer à chacune des sociétés I une somme complémentaire de 3 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du CPC ;
Que la société X conservera la charge de ses frais hors dépens.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Rejette la demande de sursis à statuer, Confirme le jugement du 31 mars 2006 en ce qu'il a dit que la société X s'était livrée à des actes de contrefaçon du logiciel Vet Test, en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société IL la somme de 10 000 euro (dix mille euro) à titre de dommages et intérêts et en ce qu'il lui a fait interdiction d'offrir ou de vendre le logiciel Vet Test sous astreinte de 2 000 euro (deux mille euro) par infraction constatée à compter de la signification du jugement, Confirme le jugement en ce qu'il a dit que la société X avait commis des actes de publicité mensongère, Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la société X de sa demande reconventionnelle et en ce qu'il l'a condamnée à payer à chacune des sociétés IL et I une somme de 2 500 euro (eux mille cinq cents euro) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Le Reformant pour le surplus et Statuant a nouveau, Fait Interdiction à la société X d'utiliser dans sa publicité toute mention tendant à présenter 1) les réactifs fabriqués par Johnson & Johnson pour la médecine humaine comme identiques à ceux fabriqués pour la médecine vétérinaire et 2) les tests QCR Dry Test comme pouvant être utilisés sur un analyseur Vet Test 8008 et ce sous astreinte de 500 euro (cinq cents euro) par infraction constatée passé un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt, Dit que la société X a commis des actes constitutifs de tromperie au préjudice des sociétés IL et I Sarl et des actes de concurrence déloyale au préjudice de I Sarl, Fait Interdiction à la société X de poursuivre la commercialisation des réactifs QCR Dry Test pour une utilisation avec un analyseur Vet Test 8008 sous astreinte de 100 euro (cents euro) par plaquette, passé un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt, Condamne la société X à payer à la société I Sarl la somme de 20 000 euro (vingt mille euro) à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, Ordonne la publication du dispositif du présent arrêt aux frais de la société X à concurrence de 3 000 euro (trois mille euro) et à la diligence de la société I Sarl dans un numéro de son choix de la revue " la semaine vétérinaire ", Déboute les parties du surplus de leurs demandes, Condamne la société X à payer à chacune des sociétés IL et Sarl I une somme complémentaire de 3 000 euro (trois mille euro) par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société X aux dépens d'appel.