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Décisions

CA Rennes, 1re ch. B, 10 décembre 2010, n° 09-06025

RENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Stanquic

Défendeur :

Ursault, Ferrero

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Simonnot

Conseillers :

Mme Le Brun, M. Gimonet

Avoués :

SCP Castres - Colleu - Perot - Le Couls - Bouvet, SCP Gauvain & Demidoff

Avocats :

SCPA Kermarrec Moalic, Me Pailler

TGI Quimper, du 16 juil. 2009

16 juillet 2009

Le 3 mars 2006, Monsieur Ursault a vendu à Monsieur Stanquic une vedette de marque Neptune, Day Cruiser, construite en 1970, équipée d'un moteur de marque Yamaha, et sa remorque au prix de 6 750 euro.

Se plaignant de dysfonctionnements du moteur, Monsieur Stanquic a fait expertiser le bateau par Monsieur Bost, puis a sollicité en référé, par acte du 24 août 2007, une expertise judiciaire.

Commis en remplacement de Monsieur Noblet, initialement désigné par ordonnance du président du Tribunal de grande instance de Quimper du 3 octobre 2007, Monsieur Leziaud a dressé son rapport le 29 mai 2008.

Au vu de ce rapport, Monsieur Stanquic a fait assigner Monsieur Ursault, par acte du 17 juillet 2008, devant le Tribunal de grande instance de Quimper, aux fins de résolution de la vente, avec toutes conséquences de droit.

Par jugement contradictoire du 16 juillet 2009, le tribunal a :

- constaté l'existence d'un défaut de conformité en l'absence de plaque signalétique sur la coque du navire,

- débouté Monsieur Stanquic de sa demande de résolution de la vente,

- débouté Monsieur Ursault de sa demande de dommages-intérêts au titre du préjudice de jouissance,

- débouté Monsieur Stanquic de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral,

- débouté Monsieur Stanquic de sa demande d'indemnisation au titre des frais d'expertise amiable,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné Monsieur Ursault à payer à Monsieur Stanquic 2 500 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- laissé aux parties la charge de leurs propres dépens.

Appelant, Monsieur Stanquic, aux termes de ses dernières écritures signifiées le 12 juillet 2010 auxquelles il est renvoyé pour exposé de ses moyens, conclut à la résolution de la vente et demande à la cour de :

- dire que Monsieur Ursault devra restituer l'intégralité du prix de vente de 6 700 euro, avec intérêts au taux légal et capitalisation à compter du mois d'octobre 2006,

- lui donner acte de ce qu'il restituera le bateau à Monsieur Ursault au lieu qu'il précisera à ce dernier,

- condamner Monsieur Ursault à lui payer :

- 6 251,60 euro au titre du préjudice de jouissance pour la période allant du 23 octobre 2006 au 22 octobre 2008, avec intérêts de droit et capitalisation à compter du 22 octobre 2008,

- 10 000 euro au même titre pour la période subséquente, avec intérêts de droit à compter des conclusions et capitalisation,

- 3 000 euro au titre du préjudice moral, avec intérêts de droit et capitalisation à partir du 24 juillet 2008, date de l'assignation, et capitalisation,

- 1 588, 86 euro au titre des frais d'expertise amiable, avec intérêts de droit et capitalisation à compter du 24 juillet 2008 et capitalisation,

- 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 30 juillet 2010 auxquelles il est renvoyé pour exposé de ses moyens, Monsieur Ursault conclut à la confirmation du jugement, sauf à réparer l'erreur matérielle l'affectant en ses dispositions relatives à l'article 700 du Code de procédure civile en condamnant Monsieur Stanquic à lui payer 2 500 euro à ce titre. Il sollicite le rejet des demandes de Monsieur Stanquic et, subsidiairement, la réduction à de justes proportions des dommages-intérêts. Il demande une somme de 4 000 euro au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 7 octobre 2010.

DISCUSSION ET MOTIFS DE LA DECISION

a) sur les vices cachés

Que Monsieur Stanquic soutient que le moteur et la coque présentent des vices cachés ;

Que le moteur est un moteur de marque Yamaha type 85 AETL datant de l'année 1994 ;

Que l'expert a procédé à la dépose de la culasse pour examiner les cylindres et a donné l'avis que la détérioration, par lui constatée, résultait du seul fonctionnement du moteur ;

Qu'il s'ensuit que la dégradation du moteur, qui avait plus de dix ans lors de la vente, est la conséquence de son usure normale ;

Que seule une usure anormale relevant de la garantie des vices cachés, les détériorations du moteur relevées par l'expert judiciaire n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 1641 du Code civil ;

Que l'expert a remarqué une difficulté d'évacuation des eaux de pluie, la présence de fissures, et un délaminage du bordé sur bâbord arrière au niveau de la reprise du plancher et de chaque bord, au dessus du bouchain, une zone présentant un renflement anormal pouvant être attribué à une surcharge d'enduit ou à un délaminage ; qu'il a relevé que la coque avait été transformée et a donné l'avis que cette transformation, faite sur une coque qui avait déjà dix ans, ne vieillit pas très bien et présente de nombreux défauts à réparer ;

Qu'il s'agit également d'un phénomène d'usure normale d'un bateau vendu d'occasion ; que les défauts de la coque n'entrent pas dans les prévisions de l'article 1641 du Code civil ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de se prononcer sur l'efficacité de la clause de non-garantie des vices cachés qui avait été stipulée au contrat de vente ;

b) sur les non-conformités

Que Monsieur Stanquic se plaint de l'absence de la plaque d'identification du moteur et de la plaque signalétique ;

Que si la plaque d'identification du moteur était manquante lors de la vente, Monsieur Ursault l'a remise à Monsieur Stanquic lors des opérations d'expertise judiciaire ;

Que l'expert a constaté l'absence de la plaque d'identification du constructeur;

Qu'il a précisé que la plaque doit être fixée de manière inamovible dans le cockpit en général par quatre rivets, et qu'il n'a vu aucun trou ;

Que l'absence de cette plaque pouvait échapper à Monsieur Stanquic, sans compétence en matière navale, puisqu'il est instituteur de son état ;

Que le décret du 30 août 1984 décide que tout navire de plaisance doit être doté d'une plaque signalétique inaltérable et fixée à demeure ;

Que cette plaque doit comporter différentes informations et notamment préciser le nombre de personnes autorisées à bord ;

Que la vedette n'est donc pas conforme aux exigences réglementaires et n'est pas en droit de naviguer ;

Que le vendeur doit délivrer à l'acquéreur la chose convenue, l'obligation de délivrance pesant sur lui s'étendant aux accessoires de la chose sans lesquels son usage ne serait pas possible ;

Que tel est le cas de la plaque d'identification du navire qui constitue un accessoire qui doit être remis à l'acquéreur ;

Que certes la résolution de la vente pour non-conformité ne peut être prononcée qu'en présence d'une inexécution grave ;

Qu'avant les arrêtés des 30 septembre 2004 et 7 mars 2005, en cas de modification d'un navire existant, les services des affaires maritimes devaient intervenir pour valider une modification ;

Que, depuis les arrêtés précités, l'intervention préalable de l'administration est supprimée et le plaisancier doit procéder à une auto-certification ;

Que l'expert a indiqué que le navire n'est plus conforme à ses caractéristiques initiales ; que le pont et les aménagements de la vedette avaient été transformés vraisemblablement en 1992, la vedette d'origine qui était munie d'une petite cabine et d'un pare-brise étant devenue une coque ouverte avec une console centrale regroupant les commandes du moteur et la direction;

Qu'il a donné l'avis que cette transformation n'avait pas été faite par un chantier professionnel et qu'aucune demande d'approbation n'a été faite avant la réalisation des travaux ;

Que, puisque le bateau n'avait plus les caractéristiques ayant servi à son homologation initiale, l'expert a expliqué que, pour régulariser la situation, un chantier professionnel devait reprendre les démarches administratives à son compte et qu'il ne pouvait le faire sans procéder à des investigations complètes demandant certaines découpes et une reconstruction ; qu'il a estimé que le coût d'une telle prestation ne serait pas inférieur à 3 000 euro ;

Que Monsieur Ursault, sur lequel pèse l'obligation de prouver qu'il a rempli son obligation de délivrance, ne démontre pas que la transformation en cause avait donné lieu à un contrôle de sécurité positif des autorités administratives ;

Que le simple fait que le bateau ait été francisé le 19 octobre 1992 ne suffit pas à établir que la transformation avait été validée par les autorités administratives, étant relevé que la date exacte de la transformation est indéterminée ;

Que d'ailleurs le fait que l'expert n'ait pas vu de trous dans la paroi permet de retenir qu'après la transformation de la coque, aucune plaque n'a été apposée, ce qui montre bien qu'aucun contrôle de sécurité n'a été effectué ;

Qu'aussi, contrairement à l'appréciation du premier juge, il n'apparaît pas que le défaut de conformité soit facilement réparable puisqu'il générera des frais d'au moins 3 000 euro ;

Que, par conséquent, infirmant le jugement entrepris, il convient de prononcer la résolution de la vente ;

Que Monsieur Ursault sera condamné à restituer à Monsieur Stanquic le prix de vente ; que celui-ci étant de 6 750 euro, c'est manifestement à la suite d'une erreur de plume qu'il convient de réparer qu'il demande dans le dispositif de ses écritures restitution d'une somme de 6 700 euro ;

Qu'il convient de condamner Monsieur Ursault à restituer à Monsieur Stanquic 6 750 euro, avec intérêts au taux légal à compter du 17 juillet 2008, date de l'assignation introductive d'instance, en application de l'article 1153 du Code civil ;

Que les intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil ;

Que, corrélativement, Monsieur Stanquic devra restituer la vedette, équipée de son moteur, et la remorque à Monsieur Ursault ;

Que Monsieur Stanquic, qui n'a pas pu naviguer depuis octobre 2006, subit un préjudice de jouissance qui sera indemnisé par l'octroi d'une somme de 4 000 euro à titre de dommages-intérêts ;

Que le préjudice moral allégué n'est pas caractérisé ; que la demande en paiement de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice moral sera écartée ;

Que les frais d'expertise amiable sont des frais qui entrent dans le champ d'application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Qu'en indemnisation des frais de procédure non inclus dans les dépens, il convient d'allouer à Monsieur Stanquic 4 000 euro.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et par défaut : Infirme le jugement déféré ; Et statuant à nouveau : Prononce la résolution de la vente ; Condamne Monsieur Ursault à restituer à Monsieur Stanquic 6 750 euro, avec intérêts au taux légal à partir du 17 juillet 2008 et capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil contre restitution de la vedette, munie de son moteur, et de la remorque ; Condamne Monsieur Ursault à payer à Monsieur Stanquic : - 4 000 euro à titre de dommages-intérêts, - 4 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette toutes autres demandes ; Condamne Monsieur Ursault aux dépens de première instance et d'appel et dit que ceux d'appel pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.