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Décisions

CA Angers, ch. com., 21 septembre 2010, n° 09-01147

ANGERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

FMC Automobiles (Sté)

Défendeur :

Lixxbail (Sté), MR Ouest (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vallée

Conseillers :

Mmes Breton, Schutz

Avoués :

SCP Chatteleyn & George, SCP Gontier - Langlois, Me Vicart

Avocats :

Mes Florentin, Barret, Boizard

T. com. Angers, du 22 avr. 2009

22 avril 2009

Par contrat du 18 janvier 2007, la société MR Ouest a passé commande, auprès de la société Garage Clenet, concessionnaire de la marque Ford à Angers, d'un véhicule neuf Ford Transit, commercialisé par la SAS FMC Automobiles.

Le financement de cette acquisition a été obtenu de la société Lixxbail moyennant un contrat de crédit-bail.

Le 23 mai 2007, le Garage Clenet a procédé au remplacement du turbocompresseur, à l'échange de la télécommande de portes et à la réparation de l'éclairage du véhicule, puis, à une nouvelle intervention en septembre 2007 en vue de mettre fin aux mêmes désordres que ceux constatés quatre mois auparavant (perte de puissance et sifflement du turbo).

Le 22 novembre 2007, le concessionnaire Ford a procédé à un nouvel échange du turbo compresseur. D'autres interventions ont encore eu lieu dans les jours suivants sur la sonde de température d'huile moteur, le calculateur de gestion du moteur et l'initialisation de la pompe d'injection.

Le 4 février 2008, le véhicule est à nouveau tombé en panne après une intervention d'un autre garage Ford.

A la suite de deux réunions d'expertise amiable et contradictoire il a été décidé de remplacer le turbocompresseur et une pipe d'échappement et la ligne d'échappement complète. La société MR Ouest a, le 21 avril 2008, repris possession de son véhicule qui s'est retrouvé immobilisé dès le lendemain.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 mai 2008, le cabinet d'expertise SAEL a vainement mis en demeure la société FMC Automobiles de prendre position sur une reprise du véhicule de la société MR Ouest en vue de son échange par un véhicule comparable de la marque.

Par acte des 23 et 24 juillet 2008, la société MR Ouest, estimant que le véhicule était atteint d'un vice caché, a assigné la société FMC Automobiles et la société Lixxbail devant le tribunal de commerce d'Angers aux fins de voir prononcer la résolution de la vente et de prononcer la résiliation du contrat de crédit-bail et la condamnation de cette dernière à lui rembourser la totalité des loyers dont elle s'est acquittée depuis le 19 janvier 2007. Elle a en outre sollicité la condamnation solidaire de la société Lixxbail et de la société FMC Automobiles à lui payer une somme de 10 000 euro au titre de son préjudice économique.

La société FMC Automobiles a conclu à l'irrecevabilité et au mal fondé des demandes.

La société Lixxbail a conclu à l'irrecevabilité et en tout cas au mal fondé des demandes formées contre elle et, dans l'hypothèse du prononcé de la résolution de la vente, a sollicité la condamnation solidaire de la société MR Ouest et de la société FMC Automobiles à lui rembourser le prix d'achat du véhicule, soit la somme de 30 110 euro HT (36 083, 82 euro TTC) outre les intérêts à 1 % par mois, du 19 janvier 2007 jusqu'au prononcé du jugement ainsi qu'à lui payer l'indemnité contractuelle de 5 % calculée sur la somme de 34 320 euro correspondant au montant des loyers.

Par jugement du 22 avril 2009, le Tribunal de commerce d'Angers a :

- déclaré l'action de la société MR Ouest à l'encontre de la société FMC Automobiles recevable,

- prononcé la résolution judiciaire de la vente du véhicule,

- prononcé la résiliation du contrat de crédit-bail,

- condamné la société FMC Automobiles à payer à la société MR Ouest la totalité des loyers dont cette dernière s'est acquittée auprès de la société Lixxbail depuis le 19 janvier 2007, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et jusqu'à parfait paiement,

- condamné la société FMC Automobiles à verser à la société MR Ouest une somme de 7 500 euro au titre du préjudice économique et de 6 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné solidairement les sociétés FMC Automobiles et MR Ouest à payer à la société Lixxbail une somme égale à 60 % du prix d'achat du véhicule de 30 170 euro HT,

- débouté la société Lixxbail de sa demande de paiement à son profit par la société FMC Automobiles d'intérêts de retard de 1 % par mois à compter du 19 janvier 2007 jusqu'au jour du prononcé du jugement,

- condamné la société MR Ouest au paiement à la société Lixxbail de la somme égale à 5% du montant total de 34 320 euro des loyers HT, stipulés au contrat de crédit-bail,

- décidé que la société FMC Automobiles sera tenue de garantir la société MR Ouest de l'ensemble des condamnations prononcées contre elle au profit de la société Lixxbail,

- condamné la société FMC Automobiles à payer à la société Lixxbail la somme de 3 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- rejeté toutes les autres demandes,

- condamné la société FMC Automobiles aux entiers dépens.

LA COUR

Vu l'appel formé contre ce jugement par la société FMC Automobiles ;

Vu les dernières conclusions du 11 septembre 2009 aux termes desquelles la société FMC Automobiles, appelante, poursuivant l'infirmation du jugement, demande à la cour, avec une indemnité de procédure, au visa des articles 1121, 1641 et suivants du Code civil, 16 du Code de procédure civile, de la convention européenne des droits de l'homme, de déclarer irrecevables et en toute hypothèse mal fondées les demandes des sociétés MR Ouest et Lixxbail dirigées contre elle, et de les débouter, subsidiairement de lui accorder une indemnité de dépréciation évaluée à 50% du prix du véhicule et de réformer le jugement sur le montant de l'article 700 du Code de procédure civile qui lui a été imputé ;

Vu les dernières conclusions du 4 mai 2010 aux termes desquelles la société MR Ouest, intimée, demande à la cour, avec une indemnité de procédure, la confirmation du jugement ;

Vu les dernières conclusions du 21 janvier 2010 aux termes desquelles la société Lixxbail, intimée et appelante incidente, demande à la cour, avec une indemnité de procédure, de lui donner acte qu'elle s'en rapporte à justice en ce qui concerne la résolution de la vente, et, en cas de confirmation de la résolution de la vente et de la résiliation du crédit-bail, de condamner la société FMC Automobiles et la société MR Ouest solidairement à lui payer la somme de 30 170 euro HT (36 083,32 euro TTC) outre les intérêts à 1 % par mois du 19 janvier 2007 jusqu'au jour du prononcé de l'arrêt puis au taux légal ensuite, de condamner la société MR Ouest à payer à la société Lixxbail l'indemnité contractuelle de 5% sur 34 320 euro (41 046,72 euro TTC) montant des loyers ;

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la résolution de la vente et la résiliation du crédit bail

La société FMC Automobiles fait valoir que la preuve d'un vice caché qui incombe à celui qui l'invoque doit être établie par expertise judiciaire conforme aux exigences de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et qu'il est impossible, en l'absence d'une telle mesure, de déterminer les causes exactes des dysfonctionnements constatés.

La société MR Ouest rétorque que la contradiction a bien été respectée dans le cadre des opérations d'expertise et que la société FMC Automobiles a bien été informée des problèmes rencontrés par le véhicule en cause et dont l'origine est établie par leur historique qui révèle l'existence d'un vice caché.

La société Lixxbail s'en rapporte à justice sur ce point et ne fait valoir ni moyen ni argument.

Aucun texte n'impose le recours à une expertise judiciaire pour la détermination de l'existence ou non d'un vice caché. Il appartient au juge de se déterminer en fonction des moyens de preuve qui lui sont soumis, à la condition que ceux-ci aient été débattus contradictoirement.

Il ressort des éléments soumis à l'appréciation de la cour qu'une expertise amiable a été diligentée, certes par un technicien mandaté par la société MR Ouest, mais dont les travaux ont été réalisés au cours de deux réunions en présence d'un représentant de la société appelante, et auxquels, de ce fait, la société FMC Automobiles a été associée, de sorte que les conclusions de ce rapport lui sont parfaitement opposables, sans contradiction avec les exigences de la convention européenne des droits de l'homme.

Or, il résulte de ce rapport que le véhicule litigieux a, depuis la date de son acquisition, subi 7 immobilisations, 4 remplacements de turbo, 3 remplacements de tubes d'échappement, celui la vanne EGR et du collecteur d'admission pour avoir parcouru 16 000 km sans que les interventions ne donnent de résultat. L'expert a précisé que " le problème trouve son origine ailleurs qu'au niveau du turbocompresseur et de la pipe d'échappement qui ne sont, en fait, que les conséquences d'une montée en température anormale qui engendre leurs déformations ".

L'historique des pannes survenues, la première au quatrième mois d'usage du véhicule, la carence récurrente des différentes interventions des garagistes agents ou concessionnaires de la marque et les constatations de l'expert auxquelles la société FMC Automobiles n'oppose aucun explication technique, démontrent à l'évidence que l'utilitaire présentait dès l'origine et antérieurement à la vente un vice le rendant impropre à l'usage auquel il était destiné. Il s'ensuit que le jugement entrepris doit être confirmé, en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente et par voie de conséquence la résiliation du crédit bail conformément aux dispositions de l'article 1722 du Code civil.

Sur le remboursement des loyers et le préjudice économique de la société MR Ouest

La société FMC Automobiles soutient que le jugement s'est fondé sur la responsabilité délictuelle inapplicable en présence d'un contrat liant les parties et en violation des dispositions de l'article 16 du Code de procédure civile faute d'avoir rouvert les débats ; que la société MR Ouest agissant sur le terrain des vices cachés ne peut, en vertu des règles de la stipulation pour autrui, exercer davantage de droits que l'acquéreur initial et obtenir le remboursement de la part de la société FMC Automobiles des loyers dont elle s'est acquittée auprès de son bailleur ; qu'elle est également irrecevable à demander une indemnité au titre du préjudice économique et que par ailleurs la somme de 7 500 euro accordée n'est justifiée ni dans son principe ni dans son montant.

La société MR Ouest réplique que le juge doit restituer l'exacte qualification aux faits qui lui sont soumis par application de l'article 12 du Code de procédure civile et que les premiers juges ont justement relevé qu'après la vente, la société avait la faculté de mettre en jeu la responsabilité délictuelle de la société FMC Automobiles. Elle ajoute que sur le fondement de l'article 1645 du Code civil le vendeur est tenu, outre la restitution du prix qu'il a reçu, de tous les dommages- intérêts envers l'acheteur.

La société Lixxbail a cédé ses droits et actions contre le fournisseur à la société MR Ouest aux termes de l'article 5-2 du contrat de crédit-bail. Celle-ci ne peut effectivement exercer à ce titre et sur le terrain contractuel davantage de droits que le bailleur et donc prétendre à des dommages-intérêts sur le fondement au demeurant erroné de l'article 1645 du Code civil qui ne concerne que le vendeur ayant la connaissance du vice, fait nullement établi en la cause.

La société FMC Automobiles ne sollicite pas l'annulation du jugement qui a certes retenu la responsabilité délictuelle de celle-ci pour la condamner au remboursement des loyers de la société MR Ouest sans rouvrir les débats. L'appelante ne poursuit que l'infirmation du jugement. Or, il est constant que dans ses écritures en cause d'appel, la société locataire reprend ce fondement de la responsabilité délictuelle au soutien de son préjudice personnel. Il convient donc de l'examiner pour constater que le manquement à ses obligations contractuelles par la société FMC Automobiles vis à vis de Lixxbail a causé indubitablement un dommage au tiers au contrat MR Ouest qui fonde l'action de celle-ci sur le terrain de la responsabilité délictuelle.

En conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges ont condamné la société FMC Automobiles à rembourser les loyers versés par la société MR Ouest à Lixxbail ainsi que la somme de 7 500 euro au titre du préjudice économique résultant de l'impossibilité pour l'entreprise d'utiliser le véhicule litigieux dans des conditions satisfaisantes. La décision doit être en conséquence confirmée sur ces points.

Sur les demandes de la société Lixxbail

La société appelante fait valoir que dès lors que la société bailleresse a cédé à son locataire son droit d'agir à l'encontre du constructeur au titre de l'article 1641 du Code civil, elle ne peut plus formuler aucune prétention à ce titre à l'égard du même constructeur, n'étant plus titulaire des droits qu'elle a cédés.

La société Lixxbail fonde sa demande sur l'article 5-3 du contrat pour demander la condamnation solidaire des sociétés MR Ouest et FMC Automobiles au remboursement du prix du véhicule.

La société MR Ouest ne fait valoir aucun moyen sur ce point mais sollicite la garantie de la société FMC Automobiles.

Il résulte de l'article 5-3 du contrat de crédit-bail que " si la résolution de la vente était prononcée et le contrat de crédit-bail résilié, le bailleur réclamerait au fournisseur le remboursement du prix d'achat du matériel et des intérêts de retard calculés au taux de 1 % par mois entre la date du règlement du prix d'achat du matériel et le jour du prononcé du jugement. A cet effet, le locataire garantit, vis à vis du bailleur, les obligations du fournisseur "

Il se déduit de cette clause que si, dans son alinéa précédent, il est expressément prévu que le bailleur a cédé ses droits et actions dont il dispose à l'égard du vendeur, il n'en demeure pas moins acquis qu'il conserve, dans l'hypothèse ici réalisée de la résolution de la vente et du crédit bail, la faculté de réclamer au fournisseur le remboursement du prix d'achat du véhicule, droit qu'il n'a par conséquent nullement cédé à son locataire qui ne peut d'ailleurs se voir rembourser une somme qu'il n'a pas versée. Il s'ensuit que de sorte que l'action de la société Lixxbail fondée sur la résolution de la vente et sur les conséquences de celle-ci est recevable contre le vendeur. La même clause qui prévoit la garantie du locataire, vis à vis du bailleur, des obligations du fournisseur, fonde l'action de la société Lixxbail vis à vis de la MR Ouest. En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné solidairement les sociétés FMC Automobiles et MR Ouest à rembourser à la société Lixxbail le prix du véhicule en tenant compte de la dépréciation de la chose à raison de l'utilisation qui en a été faite justement appréciée par le tribunal à 40 % de décote.

Le tribunal a justement décidé que la clause précitée, qui règle les conséquences de la résiliation de ce contrat de crédit-bail n'est applicable qu'aux seules parties à ce contrat, de sorte que la société Lixxbail est irrecevable à solliciter l'application des intérêts de retard au taux de 1 % à l'endroit de la société FMC Automobiles. De la même manière, ce taux de 1 % ne peut être retenu contre la société MR Ouest qui, contractuellement, n'est tenu qu'à la garantie du paiement des sommes dues par le fournisseur.

Aucun moyen n'est opposé par la société MR Ouest en ce qui concerne sa condamnation à payer à la société Lixxbail une indemnité forfaitaire prévue au contrat de crédit-bail en son article 5-3 qui prévoit effectivement que, afin de compenser le manque à gagner du bailleur, le locataire lui sera redevable d'une indemnité forfaitaire égale à 5 % du montant des loyers prévus aux conditions particulières. Il convient encore de confirmer la décision sur ce point.

Au total, la décision du tribunal concernant les demandes de la société Lixxbail doit être confirmée, sauf à préciser que les sommes allouées tant en ce qui concerne le prix d'achat du véhicule que le montant des loyers sont TTC.

Sur la demande de garantie de la société MR Ouest contre la société FMC Automobiles

Le vendeur qui a engagé sa responsabilité comme il a été dit ci-dessus vis à vis de la société MR Ouest doit garantie à celle-ci de toutes les sommes mises à sa charge, comme l'a justement décidé le tribunal.

Sur les frais

Il est équitable que la société FMC Automobiles supporte les frais irrépétibles engagés par la société Lixxbail et la société MR Ouest en première instance et en appel sauf à réduire celles accordées par les premiers juges à de plus justes proportions.

La société FMC Automobiles qui succombe doit les dépens.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf à dire que le remboursement du prix d'achat du véhicule à hauteur de 60 % est calculé sur la somme de 36 083,32 euro TTC et que l'indemnité contractuelle de 5 % est calculée sur le montant TTC des loyers (41 046,72 euro) et en ce qui concerne les sommes allouées au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Statuant à nouveau de ce dernier chef, Condamne la société FMC Automobiles à payer à la société MR Ouest la somme de 2000 euro et à la société Lixxbail la somme de 1 500 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais exposés en première instance, Y ajoutant, Condamne la société FMC Automobiles à payer à la société MR Ouest la somme de 2000 euro et à la société Lixxbail la somme de 1 500 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais exposés en appel, Condamne la société FMC Automobiles aux dépens d'appel recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.