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Décisions

CA Pau, 1re ch., 17 août 2010, n° 08-03463

PAU

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Bernardino (Epoux)

Défendeur :

Oceanic Auto (Sté), Hyundai France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Negre

Conseillers :

Mme Belin, M. Augey

Avoués :

Me Vergez, SCP De Ginestet - Duale - Ligney, SCP Longin - Dupeyron - Mariol

Avocats :

SCP Duvignac - Duvignac - Cazenave, Mes Pelloit, Claude, SCP Duvignac - Cazenave

TI Bayonne, du 14 mai 2008

14 mai 2008

FAITS ET PROCEDURE

Suivant facture du 14 mai 2002, les époux Bernardino ont fait l'acquisition, auprès de la Sarl 3A, concessionnaire de la marque Hyundai à Dax, d'un véhicule de ladite marque, modèle 'trajet', véhicule de démonstration livré avec 73 km au compteur, moyennant le prix de 164 900 euro.

A la suite d'une avarie survenue à la boîte de vitesses évoquée dans un rapport du cabinet Adour Expertises (Monsieur Lesbats) du 26 mars 2004, faisant état d'un kilométrage de 85 439 kilomètres, le constructeur a refusé sa garantie à Monsieur Bernardino, suivant courrier du 29 janvier 2004, au motif qu'il n'avait pas respecté les préconisations du carnet d'entretien.

En date des 22 mars 2004, 13 décembre 2004 et 31 janvier 2005, le véhicule a été confié pour réparation à la Sarl Océanic Auto, concessionnaire Hyundai à Bayonne.

Par ordonnance de référé du 27 avril 2005, une expertise a été ordonnée. L'expert désigné, Monsieur Michel Berdal a établi, en date du 26 janvier 2006, un rapport dans lequel il mentionnait notamment :

" ... Le 22 mars 2004, le véhicule affichant 86 317 kilomètres, il a été remorqué aux établissements Océanic Auto ... suite à un blocage de la boîte de vitesses, au niveau du premier et du deuxième rapport.

La réparation a été prise à titre commercial, au titre de la garantie.

Le 13 décembre 2004, le véhicule affichant 114 226 kilomètres, une nouvelle intervention sur la boîte de vitesses a eu lieu au titre de la garantie, par les établissements Océanic Auto.

Le 31 janvier 2005, le véhicule affichant 115 646 Kilomètres, le câble de passage de vitesses qui s'était rompu a été remplacé par les établissements Océanic Auto.

Les époux Bernardino ont vendu leur véhicule. "

L'expert notait ensuite dans ses conclusions :

" ... Nous avons contacté les établissements Océanic Auto, afin de nous assurer qu'ils étaient en possession de la boîte de vitesses litigieuse. Après recherches, ils nous ont indiqué qu'aucune pièce détachée n'avait été conservée.

Aucun examen technique n'a pu être effectué sur les pièces détachées qui n'ont pas été conservées, ni sur le véhicule qui a été vendu.

Aucun démontage, ni constat contradictoire, concernant la boîte de vitesses n'ont été effectués, il nous est par conséquent techniquement impossible d'apporter des appréciations sur l'origine des désordres, concernant la boîte de vitesses.

En ce qui concerne les documents qui nous ont été fournis, les périodicités des vidanges de la boîte de vitesses préconisées par le constructeur ne semblent pas avoir été respectées (annexe 12), aucun justificatif à ce titre n'a été fourni.

Aucune réclamation, concernant les éventuels préjudices subis par les époux Bernardino, ne nous a été fournie.

D'après l'historique qui nous a été tracé, les réparations concernant la boîte de vitesses ont été faites dans le cadre de la garantie, à titre commercial.

N'ayant pu effectuer aucun constat technique, nous ne sommes pas en mesure d'indiquer si les défaillances du véhicule objet du litige sont consécutives à un défaut d'entretien ou à un défaut de fabrication. "

Par actes des 3 et 5 juillet 2007, les époux Bernardino ont assigné la Sarl Océanic Auto et la SAS Hyundai France devant le Tribunal d'instance de Bayonne, lequel, par jugement du 14 mai 2008 :

- a déclaré seules applicables au litige les dispositions de l'article 1147 du Code civil,

- a débouté les époux Bernardino de leurs demandes,

- a débouté la société Océanic Auto de sa demande reconventionnelle,

- a condamné les époux Bernardino aux dépens ainsi qu'à payer à la société Océanic Auto et à la société Hyundai France la somme de 800 euro chacune en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Considérant notamment que dès lors que les prestations de la société Océanic Auto n'avaient pas été facturées aux époux Bernardino, il n'avait pas à rechercher si ladite société avait rempli son obligation de réparateur mais seulement si le préjudice allégué pouvait être en relation avec sa défaillance et que par ailleurs, les époux Bernardino ne pouvant demander réparation de leur préjudice au titre de la garantie contractuelle dont les conditions générales mentionnaient clairement que les frais annexes et défauts de jouissance du véhicule n'étaient pas pris en charge, il leur revenait donc la charge de rapporter la preuve d'un manquement de la société Hyundai France à ses obligations, ce qu'ils faisaient d'autant moins qu'ils avaient contribué au dépérissement de la preuve en revendant leur véhicule et en ne s'assurant pas la conservation des pièces qu'ils auraient pu estimer litigieuses lors des diverses réparations effectuées, le tribunal a retenu, aux motifs de sa décision, d'une part, le défaut de lien de causalité entre les manquements supposés de la société Océanic Auto dans son obligation de réparateur et les préjudices allégués et d'autre part, l'absence de démonstration d'une faute de la société Hyundai France.

Par déclaration du 14 août 2008, les époux Bernardino ont interjeté appel de ce jugement.

Suivant conclusions du 9 juin 2009, les époux Bernardino demandent à la cour, au visa de la garantie contractuelle accessoire au contrat de vente, des dispositions des articles 1134, 1184, 1641 et suivants et 1147 et suivants du Code civil et du rapport d'expertise de Monsieur Berdal :

- de condamner conjointement et solidairement les sociétés Hyundai France et Océanic Auto à réparer l'intégralité du préjudice par eux subi,

- en conséquence, de les condamner sous la même solidarité à leur payer la somme de 1 720 euro au titre du trouble de jouissance consécutif à l'immobilisation du véhicule ainsi que la somme de 2 500 euro en réparation de leur préjudice matériel et moral,

- de les condamner sous la même solidarité à leur payer la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Suivant conclusions du 8 décembre 2009, la société Océanic Auto demande à la cour :

- de confirmer en tout point le jugement entrepris,

- de débouter les époux Bernardino de l'ensemble de leurs demandes,

- à titre reconventionnel, de condamner les époux Bernardino au paiement de la somme de 1 500 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, sur le fondement de l'article 559 du Code de procédure civile, ainsi que de la somme de 1 000 euro, s'ajoutant à la condamnation de première instance, sur le fondement de l'article 700 du même Code.

Suivant conclusions du 7 avril 2009, la société Automobiles Hyundai France (ci-après, la société Hyundai) demande à la cour, au visa des articles 1641 et suivants du Code civil, du règlement européen n° 1400/2002 du 31 juillet 2002 et de la jurisprudence y afférente et du rapport d'expertise judiciaire du 26 janvier 2006 :

- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- à défaut, de dire l'action des époux Bernardino prescrite faute d'avoir respecté le bref délai et en conséquence, de prononcer l'irrecevabilité de l'action,

- de constater que les époux Bernardino ne justifient pas de l'existence du vice caché qu'ils allèguent,

- de constater que le rapport d'expertise amiable versé aux débats par les époux Bernardino a été établi par leur expert privé et qu'il ne présente pas, de ce fait, les qualités d'objectivité et d'impartialité que doit présenter tout élément de preuve recevable,

- de constater en outre que ce rapport d'expertise amiable reste parfaitement taisant sur l'origine des désordres litigieux,

- de constater que l'expert judiciaire Berdal n'exclut pas comme cause des prétendus désordres un défaut d'entretien,

- de constater que les époux Bernardino ne démontrent pas avoir parfaitement entretenu leur véhicule conformément aux programmes d'entretien,

- de constater que le défaut d'entretien constitue une cause d'exclusion d'application de la garantie,

- de constater que les époux Bernardino ne rapportent nullement la preuve d'une quelconque défectuosité de leur véhicule, s'agissant d'une condition indispensable au bénéfice de la garantie contractuelle du constructeur,

- de dire et juger que c'est à bon droit qu'elle a refusé l'application de la garantie contractuelle,

- de constater l'absence de justification des prétendus préjudices,

- en conséquence, de dire et juger mal fondée l'action des époux Bernardino,

- de débouter les époux Bernardino de l'ensemble de leurs demandes,

- de condamner solidairement les époux Bernardino à lui verser la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'instruction de la procédure a été déclarée close par ordonnance du 26 janvier 2010.

MOTIFS DE L'ARRET

Attendu que les époux Bernardino demandent la condamnation des sociétés Océanic Auto et Hyundai France sur le fondement de la garantie légale des vices cachés, en faisant valoir :

- que la vente du véhicule litigieux ne les prive pas du droit de demander des dommages et intérêts au vendeur en application des dispositions de l'article 1645 du Code civil,

- que si l'expert Berdal n'a pu effectuer d'examen technique, c'est exclusivement par la faute de la société Océanic Auto qui n'a pas estimé opportun de conserver la boîte de vitesses litigieuse,

- qu'ils ont légitimement commencé par se tourner vers leur interlocuteur privilégié en assignant leur vendeur, la société Aquitaine Automobile, suivant acte du 7 décembre 2004, et que leur action n'est pas prescrite,

- que les premiers désordres étant apparus dès le mois de décembre 2003, il n'est pas contestable que le défaut préexistait à la vente ou à tout le moins, " existait déjà à l'état de germe " et que vu le rapport d'expertise de Monsieur Lesbats et les autres faits et circonstances de la cause, le vice caché est parfaitement caractérisé,

Qu'ils recherchent par ailleurs les mêmes sociétés au titre de la garantie contractuelle, en faisant valoir :

- que la clause d'exclusion de garantie est inopérante car abusive et donc réputée non écrite,

- que la périodicité des vidanges a été respectée et que l'entretien régulier du véhicule a été parfaitement effectué et que quand bien même cela n'eût pas été le cas, le désordre constaté ne peut en être la conséquence,

- et qu'en procédant par deux fois au titre de la garantie aux réparations imposées par les dysfonctionnements de la boîte de vitesses, la société Hyundai France a implicitement reconnu sa responsabilité, l'expert Berdal constatant d'ailleurs en page 12 de son rapport que 'les réparations concernant la boîte de vitesses ont été faites dans le cadre de la garantie';

Attendu que le sous-acquéreur est recevable à exercer l'action en garantie des vices cachés contre le vendeur originaire ou, le cas échéant, l'importateur ; qu'ayant acquis le véhicule litigieux de la Sarl 3A, concessionnaire Hyundai à Dax qui n'est pas dans la cause, les époux Bernardino sont donc recevables à intenter ladite action contre la société Hyundai France ;

Qu'en revanche, ils ne sont recevables à aucun titre à l'intenter à l'encontre de la Sarl Océanic Auto, concessionnaire Hyundai à Bayonne, qui n'est pas leur venderesse ;

Attendu toutefois que l'action directe dont dispose le sous-acquéreur, sans qu'il ait besoin de mettre en cause le vendeur intermédiaire, est nécessairement de nature contractuelle et doit être intentée dans le bref délai prévu par article 1648 du Code civil, s'agissant en l'occurrence, de la version ancienne de ce texte ;

Attendu qu'au plus tard, les époux Bernardino ont eu connaissance du vice qu'ils invoquent par le rapport de l'expert Lesbats mandaté par leur assureur protection juridique, ce rapport en date du 26 mars 2004 faisant état, d'une part, d'une anomalie constatée au niveau du passage des vitesses et, d'autre part, d'un refus de prise en charge par le concessionnaire puis par l'importateur ;

Que l'assignation en référé délivrée le 15 avril 2005 à la société Hyundai France à la requête des époux Bernardino, était de nature à interrompre ce délai pour agir jusqu'à l'ordonnance du 27 avril 2005 et à faire courir un nouveau délai de forclusion ;

Que néanmoins, ce n'est que le 5 juillet 2007 que les époux Bernardino ont assigné au fond la société Hyundai France, alors même que par jugement du 7 décembre 2004, ils s'étaient vu débouter de leurs demandes contre la société 3A, qu'ils avaient déjà attraite pour obtenir la prise en charge de la réparation de désordres affectant la boîte de vitesses, au motif que les conditions de la garantie contractuelle n'étaient pas réunies ;

Attendu que dans ces circonstances, l'action intentée contre la société Hyundai France se trouve atteinte de forclusion, de sorte qu'il y a lieu de faire droit à la fin de non recevoir opposée par cette société aux époux Bernardino ;

Attendu que les époux Bernardino soutiennent cependant que la société Hyundai France aurait implicitement reconnu sa responsabilité en procédant par deux fois, au titre de la garantie, aux réparations imposées par les dysfonctionnements de la boîte de vitesses, s'agissant des interventions successives de la société Océanic Auto des 22 mars et 13 décembre 2004 et du 31 janvier 2005 ;

Mais attendu que même si ces interventions ont été effectuées gracieusement, à titre commercial selon la société Océanic Auto, et si l'explication de cette société, qui aurait notamment procédé à un changement de boîte de vitesses le 22 mars 2004 dans l'espoir d'un hypothétique achat de véhicule neuf par les époux Bernardino, peut légitimement surprendre, ces interventions n'engagent pas la société Hyundai France en l'absence de preuve d'un acquiescement, ne serait-ce qu'implicite, de cette dernière à une quelconque prise en charge ;

Et attendu, sur le fond, qu'il n'est pas établi que la société Océanic Auto ait été instituée gardienne, après ses interventions, de la boîte de vitesses litigieuse, le véhicule ayant été vendu par les époux Bernardino, et que faute d'avoir pu examiner celle-ci, l'expert judiciaire devait conclure que n'ayant pu effectuer aucun constat technique, il n'était pas en mesure d'indiquer si les défaillances du véhicule objet du litige étaient consécutives à un défaut d'entretien ou à un défaut de fabrication ;

Que ni la note sommaire de l'expert privé Lesbats, qui a par ailleurs discuté les préconisations du constructeur sur la fréquence des vidanges, ni les interventions successives de la société Océanic Auto à des kilométrages relativement élevés ne suffisent à établir l'existence d'un vice de construction et que pas davantage n'est démontré un quelconque manquement de ladite société à l'occasion de ses interventions ;

Attendu que la société Océanic Auto ne démontre pas pour autant en quoi l'exercice par les époux Bernardino de leur droit d'agir en justice et d'user d'une voie de recours aurait dégénéré en abus ; qu'elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts du chef de procédure abusive ;

Attendu qu'il échet de condamner les époux Bernardino aux dépens d'appel et qu'il est équitable, eu égard aux circonstances de la cause, d'allouer à chacune des sociétés intimées la somme de 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ; Dit les époux Bernardino recevables mais mal fondés en leur appel ; Déclare irrecevable leur action à l'encontre de la société Hyundai France et au besoin, les en déboute ; Pour le surplus, confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ; Déboute la société Océanic Auto de sa demande de dommages et intérêts ; Condamne les époux Bernardino aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la société Océanic Auto et à la société Hyundai France la somme de cinq cents euro (500 euro) chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.