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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 24 mars 2010, n° 08-12363

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Zani

Défendeur :

Garage Michel Ange (SA), Groupe Volkswagen France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Giroud

Conseillers :

Mmes Blum, Guilguet-Pauthe

Avoués :

SCP Lamarche - Bequet - Regnier - Aubert - Regnier - Moisan, SCP Bernabe - Chardin - Cheviller, SCP Monin - D'Auriac de Brons

Avocats :

Mes Gennetay, Bai Brami, Corvol

TGI Paris, du 25 mars 2008

25 mars 2008

Vu le jugement rendu le 25 mars 2008 par le Tribunal de grande instance de Paris qui a :

- débouté M. Mohamed Zani de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société Michel Ange et de la société Groupe Volkswagen France,

- reçu la société Michel Ange en sa demande reconventionnelle et l'a déclarée bien fondée,

- condamné M. Zani à payer à la société Michel Ange la somme de 12 500 euro TTC au titre des frais de gardiennage, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

- autorisé la société Michel Ange à déposer le véhicule auprès d'un tiers ou d'une "casse" à charge pour M. Zani de l'y récupérer,

- débouté la société Michel Ange du surplus de ses demandes,

- ordonné l'exécution provisoire,

- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné M. Zani aux dépens ;

Vu l'appel relevé par M. Mohamed Zani qui, par ses conclusions du 30 octobre 2008, demande à la cour d'infirmer le jugement et de :

- dire que M. Le Boulch n'a pas rempli la mission qui lui a été confiée par le tribunal,

- annuler les opérations d'expertise,

- ordonner une nouvelle mesure d'expertise judiciaire,

- désigner un expert judiciaire automobile afin de contre expertise,

- à titre subsidiaire, vu l'article 1147 du Code civil à l'égard de la société Garage Michel Ange et l'article 1641 du Code civil à l'égard de la SA Volkswagen, dire et juger que le garage Michel Ange a failli à son obligation de résultat mais également de conseil et d'information et qu'il existe un vice caché imputable à la SA Volkswagen,

- condamner in solidum la société Michel Ange et la société Volkswagen à lui payer la somme de 5 871,75 euro à titre de dommages et intérêts correspondant au coût du devis pour remettre le véhicule en état de marche, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'assignation,

- condamner la société Garage Michel Ange à lui payer la somme de 2 771,18 euro liée aux factures réglées n'ayant pas mis un terme aux désordres, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- en toute hypothèse, débouter la société Michel Ange et la société Groupe Volkswagen France de toutes leurs demandes,

- lui allouer la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner les sociétés Michel Ange et Volkswagen aux dépens ;

Vu les conclusions du 10 novembre 2009 de la société Michel Ange qui demande à la cour de confirmer le jugement et de :

- dire irrecevable la demande en nullité des opérations d'expertise formée par M. Zani, l'exception de nullité n'ayant pas été formée in limine litis, en application des articles 175 et 112 du Code de procédure civile,

- débouter M. Zani de l'intégralité de sa demande de contre expertise sur le fondement des articles 238 et suivants du Code de procédure civile ainsi que de ses autres demandes,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a partiellement déboutée des demandes indemnitaires à l'encontre de M. Zani,

- condamner M. Zani à lui payer la somme de 26 120 euro TTC, correspondant au coût des frais de gardiennage de son véhicule pour la période du 6 août 2004 au 28 juillet 2006, justifié par les factures n° 515369, 515367 et 515373 déjà émises, outre le coût des frais de gardiennage pour la période du 29 juillet 2006 au 25 mars 2008, avec intérêts de droit à compter des dates d'émission des factures pour le montant de 14 040 euro ainsi que des présentes écritures pour le montant de 12 080 euro,

- condamner M. Zani à lui verser la somme de 1 322,78 euro TTC au titre des frais d'assistance, avec intérêts de droit à compter du 12 janvier 2006, date de la facture n° 510570,

- condamner en outre M. Zani à lui verser la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts pour "le préjudice commercial de réputation ainsi que matériel" qu'elle a subi, en application de l'article 1382 du Code civil "ou toute autre disposition applicable à suppléer au besoin d'office",

- ordonner la capitalisation des intérêts échus, année par année, à compter des présentes écritures, conformément à l'article 1154 du Code civil ,

- condamner M. Zani à lui verser la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens incluant les frais d'expertise ;

Vu les conclusions du 27 février 2009 de la société Groupe Volkswagen France qui demande à la cour de confirmer le jugement et de :

- dire irrecevable la demande de nullité des opérations d'expertise, conformément aux articles 175 et 112 du Code de procédure civile, l'exception de nullité n'ayant pas été formée in limine litis et constater qu'en tout état de cause, M. Zani n'établit pas l'existence d'une quelconque irrégularité affectant les opérations expertales de M. Le Boulch,

- rejeter la demande de désignation d'un nouvel expert ;

- débouter M. Zani de l'intégralité de ses demandes,

- en tout état de cause, débouter toutes les parties de toutes demandes à l'encontre de la société Groupe Volkswagen France,

- condamner M. Zani à lui payer la somme de 4 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Sur ce, LA COUR,

Considérant que M. Mohamed Zani, artisan taxi, est propriétaire d'un véhicule de marque Volkswagen acquis neuf, en 2002, auprès de la société Michel Ange, concessionnaire Volkswagen ; que le véhicule présentant des vibrations à l'accélération et dégageant des fumées, M. Zani, après s'être adressé sans résultats à d'autres garagistes, l'a confié, le 7 juin 2004, pour réparation, à la société Michel Ange ; que ce garage a procédé, sur devis accepté, au remplacement de l'embrayage ce qui n'a pas remédié aux désordres dont la cause n'a pu être déterminée en dépit du remplacement du volant moteur, des injecteurs puis de la pompe d'injection ; que fin juillet 2004, l'assureur protection juridique de M. Zani a demandé au garage de faire une proposition commerciale de reprise du véhicule sur lequel les parties ne se sont pas accordées ; que M. Zani a alors saisi le juge des référés aux fins de voir désigner un expert ; que celui-ci, M. Le Boulch, a déposé son rapport le 14 juin 2006 en concluant pour l'essentiel à l'absence de vice de construction, à l'utilité des travaux effectués par le garage Michel Ange pour rechercher la cause de la panne, à la mauvaise utilisation du véhicule par son conducteur seul responsable des désordres et à la persistance de ceux-ci qui nécessitent un remplacement du moteur ;

Qu'en octobre 2006, M. Zani a assigné la société Michel Ange et la société Groupe Volkswagen France pour voir dire leur responsabilité engagée, constater que M. Le Boulch n'a pas rempli sa mission et ordonner une nouvelle mesure d'expertise ; que la société Michel Ange a demandé reconventionnellement, outre l'autorisation de se séparer du véhicule, la condamnation de M. Zani au paiement de diverses sommes dont les frais de gardiennage du véhicule depuis le 7 juin 2004 ; que le jugement déféré a été rendu dans les termes précités ;

Considérant que M. Zani, appelant, soutient que l'expert, outre qu'il a multiplié les pertes de temps qui ont augmenté le montant des frais de parking, a adopté une méthode inefficace, qu'il n'a pas respecté le principe du contradictoire faisant notamment procéder au démontage du moteur et de la pièce défectueuse hors la présence des parties, ne répondant pas à ses dires et n'adressant aucune note aux parties avant de déposer un rapport émaillé de constatations fausses et de contradictions internes, que l'expert s'est inexplicablement refusé à effectuer les examens adéquats et s'est montré de parti pris, les opérations d'expertise se déroulant dans un climat d'hostilité envers M. Zani père qui le substituait à cette occasion, que l'ensemble de ces carences justifient l'annulation des opérations d'expertise ainsi qu'une nouvelle expertise ;

Qu'il fait valoir à titre subsidiaire, que les conclusions de l'expert ne peuvent être suivies dès lors que "selon la théorie de l'expert, l'avarie est liée au passage de la 5ème à la 3ème" ce qui n'explique pas qu'un seul piston soit atteint", que "la cour constatera dès lors qu'un seul piston est atteint, l'existence d'un vice caché expliquant la panne", qu'il est fondé à solliciter la condamnation in solidum du garage Michel Ange et de la SA la société Volkswagen à lui payer la somme de 5 871,75 euro TTC à titre de dommages et intérêts correspondant au coût du devis pour remettre le véhicule en état de marche, que les frais d'immobilisation du véhicule ne peuvent lui être imputés puisque la société Michel Ange n'avait pas diagnostiqué la panne en juin 2004 et que le retard considérable pris dans les opérations d'expertise ne lui est pas imputable, que l'expert lui a demandé le règlement des réparations faites par la société Michel Ange sur des éléments dont aucun n'est à l'origine des désordres constatés puisque selon l'expert seule la came était en cause, que la société Michel Ange aurait dû dès l'origine proposer un échange standard du moteur au lieu de proposer le remplacement de la culasse pour la somme de 4 283,27 euro alors que la cause de l'avarie se situe sur le haut moteur, que la société Michel Ange a failli à son obligation non seulement de résultat mais encore de conseil et d'information, les devis qu'elle a proposés avant et en cours d'expertise n'ayant pas permis d'aboutir à la restitution d'un véhicule en état, qu'elle n'a pas non plus fait de diligences auprès du constructeur pour s'entourer de conseils avisés dès lors qu'elle ne parvenait pas à trouver la cause des désordres ;

Considérant que si les intimées ne sont pas fondées à soulever l'irrecevabilité de la demande de nullité d'une expertise judiciaire que M. Zani a critiqué dans la forme et le fond dès le début du procès, elles relèvent à juste titre que les opérations d'expertise ne sont affectées d'aucune irrégularité ; que ni la durée des opérations d'expertise ni l'absence d'essai sur route du véhicule ou d'examen endoscopique, ni le fait qu'un rapport de synthèse n'ait pas été rédigé avant le dépôt du rapport, ni même la mention de l'absence de M. Zani, toujours représenté par son père, au cours des réunions d'expertise ainsi que l'indication du climat conflictuel entre les parties ne sont de nature, en l'espèce, à vicier des opérations d'expertise ; que le premier juge a exactement relevé que l'objectivité, la précision et le caractère exhaustif du rapport d'expertise ne peuvent être remis en cause par M. Zani ; qu'en effet, l'expert a constamment respecté le principe de la contradiction, convoquant les parties à toutes les réunions, convenant avec leurs conseils (rapport page 17) de ce que "la dépose du moteur sera désaccouplée de la boîte de vitesse le matin, le moteur et la partie inférieure du moteur" étant examinés l'après midi ce qui a été fait contradictoirement (rapport pages 18 et 66), examinant et prenant des photographies, jointes à son rapport, des différents organes du véhicule, s'expliquant sur l'absence d'un essai sur route qui aurait pu endommager le véhicule, livrant aux parties les résultats de ses investigations techniques afin qu'elles puissent en débattre et sollicitant les dires de leurs conseils ; que les demandes de nullité des opérations d'expertise et de "contre expertise" ne sont pas justifiées ;

Considérant que M. Zani, qui a la charge de cette preuve, n'établit pas l'existence d'un vice caché qui aurait affecté son véhicule avant qu'il ne l'acquière ; qu'il ressort des constatations techniques contradictoirement faites par l'expert judiciaire qu'aucun vice de construction n'a pu être décelé, que la société Michel Ange a procédé au remplacement de pièces qui étaient usées et que l'usure de ces pièces résulte de la mauvaise utilisation du véhicule par son conducteur comme les anomalies persistantes ; que M. Zani ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'un manquement de la société Michel Ange à son obligation de résultat ou à son devoir de conseil ; que si la société Michel Ange n'est pas parvenue, comme deux autres garagistes avant elle, à déterminer l'origine de l'ensemble des désordres ni à y remédier, il apparaît que les différents travaux qu'elle a effectués étaient nécessaires pour remplacer les pièces détériorées par l'utilisateur ou poursuivre la recherche des causes du mauvais fonctionnement persistant et qu'elle ne pouvait procéder à la totale remise en état du véhicule sans l'ouverture puis le remplacement du moteur ce dont elle n'a pas été chargée ;

Que pour ces motifs et ceux pertinents du premier juge, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. Zani de l'intégralité de ses demandes à l'encontre tant de la société Groupe Volkswagen France que de la société Michel Ange ;

Considérant que le premier juge a exactement considéré que M. Zani n'est redevable des frais de gardiennage de son véhicule qu'à compter du 1er juillet 2006 puisqu'il n'est pas responsable de la durée de l'expertise, que le rapport d'expertise mettant en évidence l'origine des désordres et les moyens d'y mettre définitivement un terme par le remplacement du moteur n'a été déposé qu'en juin 2006 et que M. Zani n'a alors, en toute connaissance de cause, ni donné l'ordre de réparation nécessaire ni repris le véhicule qui s'est trouvé en gardiennage dans les locaux de la société Michel Ange jusqu'au 25 mars 2008 ; qu'au vu des conditions générales dont M. Zani avait connaissance dès lors qu'elles figurent au dos des devis ou factures que la société Michel Ange lui avait adressés, M. Zani est redevable d'une somme de 20 euro par jour au titre des frais de gardiennage de son véhicule pour la période du 1er juillet 2006 au 25 mars 2008 soit au total la somme de 12 680 euro (634 jours x 20 euro) avec intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2009, date des conclusions valant mise en demeure et capitalisation, à compter du 10 novembre 2010, dans les termes de l'article 1154 du Code civil ;

Considérant que la société Michel Ange est, en outre, bien fondée à obtenir remboursement par M. Zani du coût de l'assistance technique qu'elle a avancé à la demande de l'expert judiciaire dans le cadre des opérations d'expertise dont les frais sont à la charge de M. Zani ; que M. Zani sera condamné à lui payer à ce titre la somme de 1 322,78 euro avec intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 2007, date des conclusions de première instance valant mise en demeure et capitalisation dans les termes de l'article 1154 du Code civil à compter du 10 novembre 2009, date de la demande d'anatocisme ; qu'en revanche, ne justifiant d'aucun préjudice à ce titre, la société Michel Ange sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour "préjudice commercial de réputation et matériel" ;

Considérant que M. Zani qui succombe supportera les entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise ; que vu l'article 700 du Code de procédure civile, sa demande sur ce fondement sera rejetée et la somme de 1 000 euro sera allouée à chacune des intimées pour leurs frais irrépétibles.

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné M. Zani à payer à la société Michel Ange la somme de 12 500 euro TTC au titre des frais de gardiennage, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement et débouté la société Michel Ange de sa demande au titre des frais d'assistance ; Statuant à nouveau sur ces seuls chefs, Condamne M. Zani à payer à la société Michel Ange la somme de 12 680 euro avec intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2009 et la somme de 1 322,78 euro avec intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 2007 ; Ordonne la capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1154 du Code civil à effet au 10 novembre 2010 pour la somme de 12 680 euro et du 10 novembre 2009 pour la somme de 1 322,78 euro ; Déboute la société Michel Ange du surplus de ses demandes ; Y ajoutant, Condamne M. Zani à payer, en application de l'article 700 du Code de procédure civile , la somme de 1 000 euro à chacune des intimées ; Rejette toute autre demande ; Condamne M. Zani aux dépens de première instance, qui comprendront les frais d'expertise et aux dépens d'appel ceux-ci pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.