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Décisions

CA Dijon, 1re ch. civ., 24 février 2011, n° 10-02090

DIJON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Citec Environnement (SA)

Défendeur :

Descamps

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Vieillard

Conseillers :

Mme Trapet, M. Lecuyer

Avoués :

SCP Fontaine Tranchand, Soulard SCP Andre, Gillis

Avocats :

Mes Roine, Berland

TGI Dijon, du 14 sept. 2010

14 septembre 2010

Exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties :

Le 21 avril 2009, une convention de "mise à disposition de bacs et de collecte des déchets verts" était conclue entre Monsieur Yves Descamps et la communauté d'agglomération dijonnaise.

Le lundi 10 août 2009, vers 18 heures, Monsieur Yves Descamps sortait le bac de déchets verts de 240 litres pour le ramassage.

En poussant le bac dans la remontée de son sous-sol, la poubelle a basculé et trois doigts de chaque main de Monsieur Yves Descamps ont été écrasés entre la barre du bac et le sol, lui occasionnant de graves blessures nécessitant une opération immédiate suivie d'une immobilisation de trois semaines. Il devait ensuite suivre des séances de kinésithérapie. Sa main droite présentait une perte d'amplitude ainsi qu'un déficit de force de l'ordre de moins 30 % et sa main gauche de l'ordre de moins 10 %.

Par acte du 16 juin 2010, Monsieur Yves Descamps a assigné la société Citec Environnement aux fins de voir ordonner sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du Code civil et 145 du Code de procédure civile, une expertise judiciaire aux frais avancés du demandeur.

Par ordonnance en date du 14 septembre 2010, le Président du Tribunal de grande instance de Dijon statuant en qualité de juge des référés a constaté que la SA Citec Environnement ne rapporte pas la preuve que Monsieur Yves Descamps ait engagé à son encontre une action sur le fondement des dispositions des articles 1386-1 et suivants du Code civil plus de dix ans après la mise en circulation du conteneur roulant 240 litres et a déclaré Monsieur Yves Descamps recevable en son action.

Il a ordonné une expertise qu'il a confiée à Monsieur Cyril Bourgeois aux fins de rechercher les causes de l'accident et de donner son avis sur divers points techniques.

La société Citec Environnement SA a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 22 novembre 2010, la société Citec Environnement sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de constater que le bac à déchets litigieux a été mis en circulation il y a plus de dix ans, de constater qu'à l'évidence l'action de M. Descamps est éteinte en application de l'article 1386-16 du Code civil. Elle demande en conséquence à la cour de dire et juger que Monsieur Yves Descamps ne justifie pas d'un intérêt légitime à solliciter une expertise du bac à déchets litigieux et de le condamner à lui verser 3 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions déposées le 23 décembre 2010, Monsieur Yves Descamps demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner la société Citec Environnement à lui verser une indemnité de 1 500 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date du 17 janvier 2011.

La cour d'appel se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, à la décision déférée ainsi qu'aux écritures d'appel évoquées ci-dessus.

Motifs de l'arrêt

La société Citec Environnement SA fait notamment valoir que le juge des référés saisi sur le fondement de l'article 145 Code de procédure civile doit se prononcer sur le motif légitime prévu par ce texte et le caractériser et qu'il est constamment admis que lorsque la mesure sollicitée n'est pas susceptible de permettre au juge du fond de trancher le litige ou qu'elle est inutile, il n'y a pas lieu de l'ordonner. Elle soutient qu'il relève donc des attributions du juge des référés d'apprécier si l'action au fond envisagée à la suite de la mesure sollicitée est ou non manifestement vouée à l'échec.

Elle fait valoir qu'en l'espèce, le bac a été mis en circulation il y a plus de dix ans, en fait depuis 1995 et que l'action est donc éteinte.

Monsieur Yves Descamps fait valoir, ainsi que l'indique le premier juge, que la mise en circulation doit s'interpréter comme la commercialisation ou la mise à disposition de chaque produit.

Il ressort des dispositions de l'article 1386-16 du Code civil que la responsabilité du producteur, fondée sur celle du fait des produits défectueux, est éteinte dix ans après la mise en circulation du produit même qui a causé le dommage à moins que, durant cette période, la victime n'ait engagé une action en justice.

A la faveur d'une lecture approfondie de cette disposition, il convient de relever qu'en soutenant que le produit doit s'entendre comme le modèle du produit alors que le texte dit que l'action est prescrite dix ans après la mise en circulation du produit même qui a causé le dommage la société Citec Environnement ajoute au texte.

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que l'ordonnance entreprise retient que les pièces produites aux débats par la société Citec Environnement ne permettent pas de déterminer la date à laquelle le bac à déchets litigieux a été mis en circulation effective au sens de l'article 1386-16 du Code civil et qu'elle ne rapporte pas la preuve que l'intimé a engagé son action sur le fondement des dispositions précitées plus de dix ans après la mise en circulation du produit litigieux.

Dans ces conditions, il n'est pas possible à la cour statuant en référé de dire, sans trancher le fond, que l'action que Monsieur Yves Descamps pourrait engager au fond serait vouée à l'échec.

En tout état de cause, il convient de préciser que l'expertise ordonnée dans le strict respect du principe de la contradiction ne saurait en aucun cas faire grief à la société Citec Environnement à laquelle il sera loisible d'assister aux opérations d'expertise et de déposer tout dire qu'elle estimera utile.

Il s'ensuit que l'ordonnance entreprise sera confirmée en toutes ses dispositions.

La société Citec Environnement sera déboutée de sa demande présentée en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur Yves Descamps la totalité des frais engagés par lui et non compris dans les dépens. La société Citec Environnement sera condamnée à verser à Monsieur Yves Descamps 1 200 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Citec Environnement sera condamnée aux dépens d'appel.

Par ces motifs : LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, publiquement, et en dernier ressort, Confirme l'ordonnance de référé du président du Tribunal de grande instance de Dijon rendue le 14 septembre 2010 en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Déboute la société Citec Environnement de sa demande présentée en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne la société Citec Environnement à verser à Monsieur Yves Descamps 1 200 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne la société Citec Environnement aux dépens d'appel.