CA Rouen, ch. civ. et com., 17 mars 2011, n° 10-02529
ROUEN
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Daewoo Electronics (SA)
Défendeur :
Assurances du Crédit Mutuel (SA), Ducy (Consorts)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Brunhes
Conseillers :
Mmes Vinot, Bertoux
Avoués :
SCP Colin-Voinchet Radiguet-Thomas Enault, SCP Lejeune Marchand Gray Scolan
Avocats :
Mes Dupuy-Loup, Lafont
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 25 août 2008, un incendie s'est produit dans la maison d'habitation des époux Ducy à [...]. L'incendie a sérieusement endommagé la maison et son contenu.
Les sapeurs-pompiers intervenus auraient signalé que l'incendie pourrait provenir du réfrigérateur de marque Daewoo installé dans la cuisine, réfrigérateur que les époux Ducy avaient acheté le 13 janvier 2007 à la société Conforama.
À l'initiative des époux Ducy et de leur assureur, la société Assurances du Crédit Mutuel Iard (ACM), qui ont alors assigné les sociétés Conforama et Daewoo, par ordonnance de référé du 5 novembre 2008, une expertise judiciaire a été décidée.
L'expert a déposé son rapport le 22 avril 2009.
Après le dépôt de ce rapport et en visant les articles 1386-1 et suivants du Code Civil, la famille Ducy et les ACM ont assigné la société Daewoo pour qu'elle soit déclarée entièrement responsable de l'incendie et condamnée à réparer leurs préjudices.
Régulièrement assignée, la société Daewoo Electronics n'a pas constitué avocat et n'a pas comparu.
Faisant droit aux demandes, par jugement du 30 avril 2010, le Tribunal de grande instance d'Évreux a condamné la société Daewoo Electronics à payer les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter de la décision :
- 262 137,28 euro à la société Assurances du Crédit Mutuel pour préjudices matériels,
- 33 172,75 euro et 167,34 euro aux époux Ducy pour solde de préjudice non indemnisé par l'assureur et frais d'assurance de mobil-home,
- 7 000 euro et 5 000 euro à M Ducy pour préjudice de jouissance et préjudice moral,
- 7 000 euro et 5 000 euro à Mme Ducy pour préjudice de jouissance et préjudice moral,
- 2 800 euro et 5 000 euro aux époux Ducy en qualité de représentants de leur fils mineur Nicolas pour son préjudice de jouissance et son préjudice moral,
- 5 000 euro à Émilie Ducy pour préjudice moral,
- 3 000 euro aux époux Ducy et à leur assureur ACM en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,
ce avec exécution provisoire.
La société Daewoo Electronics a relevé appel et a conclu à l'infirmation du jugement.
Par ses dernières écritures du 3 février 2011, elle a demandé que la cour :
À titre principal,
juge qu'au regard des circonstances de fait de l'espèce, il n'est pas établi par les ACM et les consorts Ducy, à qui incombe la charge de la preuve, l'existence d'un défaut de sécurité du calorstat ou klyxon du réfrigérateur,
juge qu'en ne débranchant pas l'alimentation du réfrigérateur alors qu'ils s'absentaient pour une longue période les consorts Ducy ont méconnu les consignes du manuel d'utilisation du réfrigérateur et commis une faute directement à l'origine de l'incendie,
par conséquent, juge que les consorts Ducy sont responsables des dommages occasionnés par l'incendie du 25 août 2008, déboute les ACM et les consorts Ducy de l'ensemble de leurs demandes, ordonne la restitution à la société Daewoo des sommes versées en première instance et consignées entre les mains du bâtonnier de Paris,
à titre subsidiaire
juge que les consorts Ducy sont responsables, dans une proportion qui ne saurait être évaluée à moins de 50 %, les dommages occasionnés par l'incendie survenu le 25 août 2000,
juge que le procès-verbal du 12 février 2006 "de constatations relatives aux causes et circonstances et à l'évaluation des dommages" n'a pas été signé par la société Daewoo et qu'il doit lui être déclaré inopposable,
juge nulles et de nul effet les conclusions de l'expert relatives au chiffrage des préjudices des consorts Ducy, fixés par le procès-verbal du 12 février 2009 signé par lui, en violation du principe du contradictoire,
juge les ACM irrecevables à agir en remboursement des sommes fixées en sa faveur par le jugement pour défaut de droit et d'intérêt à agir en qualité de subrogés dans les droits et actions des consorts Ducy,
en conséquence,
ordonne la restitution à la société Daewoo de la somme de 262 137,28 euro payée aux ACM en raison de l'exécution provisoire du jugement,
juge, au vu des pièces du débat, que les préjudices matériels des consorts Ducy doivent être évalués à 167,34 euro, et à titre subsidiaire à 20 167,34 euro,
juge, au vu des pièces du débat, que les préjudices de jouissance des consorts Ducy doivent être évalués à 10 400 euro (4 000 euro pour chacun des époux, 2 000 euro pour Nicolas, 400 euro pour Émilie), et leurs préjudices moraux à 10 500 euro (3 000 euro pour chacun des époux, 3 000 euro Nicolas, 1 500 euro Émilie),
en conséquence,
ordonne la levée du séquestre constitué entre les mains du bâtonnier,
juge que les sommes séquestrées seront restituées à la société Daewoo à l'exception des sommes suivantes revenant au consorts Ducy : 14 167 euro, à titre subsidiaire 34 167 euro, aux époux Ducy pour leurs préjudices matériel, de jouissance, et moral, 5 000 euro à Nicolas pour préjudices de jouissance et moral, 1 900 euro à Émilie pour ces mêmes préjudices,
condamne solidairement les ACM et les consorts Ducy à lui verser la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Assurances du Crédit Mutuel Iard et les consorts Ducy (Nicolas Ducy, né le 9 juillet 1992 et donc devenu majeur, intervenant désormais à titre personnel) ont conclu le 10 février 2011 à ce que la cour :
dise mal fondé l'appel de la société Daewoo Electronics et l'en déboute,
constate que Nicolas Ducy est devenu majeur et en conséquence condamne la société Daewoo à lui payer, sommes allouées par le jugement, 2 800 euro en réparation de son préjudice de jouissance et 5 000 euro pour son préjudice moral,
confirme le jugement pour le surplus,
condamne la société Daewoo à verser en cause d'appel la somme de 4 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions de procédure du 11 février 2011, la société Daewoo a demandé le rejet des débats des conclusions déposées le 10 février précédent, jour de la clôture, par les ACM et les consorts Ducy. Ces derniers ont sollicité par leurs conclusions de procédure du 15 février 2011 que cette demande soit rejetée.
La cour constate que les dernières conclusions de fond du 10 février 2011 des ACM et des consorts Ducy ne contiennent aucun moyen nouveau et aucune prétention nouvelle par rapport aux conclusions précédentes. Il n'est donc pas justifié qu'elles soient rejetées des débats.
Il y a lieu de se référer aux conclusions des parties pour l'exposé de leurs moyens.
SUR CE, LA COUR
Sur la responsabilité
Au soutien de son appel, la société Daewoo indique qu'elle conteste l'existence d'un défaut interne du calorstat ou klyxon, qu'il n'est pas exact de dire qu'elle a reconnu cette existence lors de l'expertise, que l'inflammation de l'appareil ne saurait suffire à faire la preuve de l'existence d'un défaut en l'absence de détermination de la cause exacte de cette inflammation.
La société appelante fait aussi valoir que la cause de la surchauffe électrique du calorstat est indéterminée, que notamment des causes externes pourraient l'expliquer comme une surtension au niveau du réseau EDF ou une surtension occasionnée par la foudre, qu'il y avait aussi possibilité d'un manque de ventilation.
Elle fait état ensuite de l'avertissement contenu dans la notice d'utilisation et relative aux risques d'incendie en l'absence de débranchement de l'appareil en cas d'absence prolongée, soutient qu'en ne débranchant pas leur réfrigérateur alors qu'ils étaient partis pour une période prolongée de 15 jours et ainsi en ne respectant pas les consignes d'utilisation, les époux Ducy ont commis une faute.
Selon l'article 1386-1 du Code civil, "le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime".
En vertu de l'article 1386-4 du même Code, "un produit est défectueux au sens du présent titre lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre".
Suite à sa visite des lieux le 13 janvier 2009 en présence des parties et de leurs experts techniciens, l'expert a établi un compte rendu repris dans son rapport (p. 13) :
"Il est, à partir de ces constatations contradictoires, fort vraisemblable que le départ du feu soit la conséquence directe du dysfonctionnement électrique du calorstat du réfrigérateur. De plus, ces constatations commentées, expliquées aux parties et à leurs experts ont emporté un accord technique contradictoire et unanime sur l'origine et la cause du départ du sinistre ainsi démontrées.
Enfin et pour être exhaustif, j'ai revérifié et remesuré les hauteurs respectives des impacts blancs repérés sur le mur d'appui de l'appareil par rapport au sol puis les hauteurs de l'installation du calorstat en position de fonctionnement sur le moteur de l'appareil : ces deux mesures donnent bien le même résultat et confirment définitivement qu'il s'agit bien de la défaillance du calorstat du réfrigérateur comme cause de déclenchement de l'incendie."
Dans ses conclusions, après réception des nombreux dires des parties, l'expert a confirmé ces points (p. 27, 28) :
"l'origine géographique du feu se situe au niveau du boîtier électrique arrière du réfrigérateur Daewoo, boîtier klyxon ou calorstat (...)",
"la cause du sinistre la plus vraisemblable est celle d'une surchauffe électrique emmagasinée sur le calorstat ou klyxon puis de sa défaillance qui a conduit à la mise à feu à ce niveau du matériel",
et, de façon encore plus nette à la fin de son rapport (p. 31) :
"le réfrigérateur (...) Daewoo (...) figure comme la seule et unique cause du départ du sinistre (...) la défaillance de l'appareillage électrique, appelé klyxon ou calorstat, figure également comme la seule origine possible et démontrée du sinistre de la propriété Ducy".
Compte tenu de l'ensemble des développements de l'expertise et sans qu'il soit alors possible de s'arrêter aux termes "fort vraisemblable" ou "le plus vraisemblable" qui sont employés, les conclusions du rapport sont claires.
La société Daewoo soutient donc que l'origine de la surchauffe du calorstat n'est pas connue et elle avance plusieurs hypothèses.
L'expert explique dans sa note n° 2 qu'il a pris contact, avec les services de distribution EDF qui lui ont indiqué qu'aucune anomalie connue comme une surtension n'avait été repérée dans les jours précédant le sinistre, et avec la station météo de Boos qui lui a précisé qu'aucune situation d'orage n'avait eu lieu ce du 25 août 2008 sur le secteur de Francheville.
Contrairement au moyen soulevé par la société Daewoo, s'agissant du recueil d'informations auprès de sachants, l'expert n'était pas tenu de préciser les nom, demeure et profession des personnes alors interrogées et n'a donc pas violé les dispositions de l'article 242 du Code de procédure civile.
La société appelante signale ensuite qu'elle a interrogé le centre météorologique de l'Eure, que deux impacts de foudre de très forte intensité ont été enregistrés à 18 et 15 km de l'hôtel de ville de Francheville le 12 août 2008.
Cette remarque n'a pas de portée en l'espèce car il résulte des renseignements du dossier que le voisin des époux Ducy a découvert le développement de l'incendie le 25 août 2008 en fin de matinée, et d'autre part, selon les renseignements techniques fournis par l'expert, le temps de développement de l'incendie est évalué en la cause entre 8 et 10 heures.
L'expert note par ailleurs après la visite et l'étude des lieux et au sujet de l'installation réfrigérateur dans la cuisine, que celui-ci était posé dans un coin de cette cuisine et largement ventilé sur au moins trois de ses faces, qu'il n'est alors pas possible de mettre en question un éventuel problème de ventilation.
La société Daewoo cite le texte de l'avertissement contenu dans la notice d'utilisation du produit :
"Si vous prévoyez de ne pas utiliser le réfrigérateur pendant une période prolongée, le débrancher et sortir tous les aliments" "En cas de panne de courant, les aliments risquent de s'abîmer et d'autres accidents (court-circuit, incendie, etc.) risquent de se produire".
Mais d'abord la société Daewoo n'apporte pas la preuve que les époux Ducy auraient été en possession de cette notice d'utilisation.
De plus cette notice ne fixe pas d'élément et de temps précis au regard de l'absence prolongée et de la recommandation afférente pour le débranchement.
Ainsi aucune faute de la victime n'est caractérisée à cet égard.
Dans ces conditions, au vu du rapport de l'expert et de ces motifs, il est établi que la surchauffe électrique puis l'inflammation du calorstat du réfrigérateur ont provoqué l'incendie, qu'ainsi ce produit était défectueux au sens de l'article 1386-4 du Code civil et que la société Daewoo doit en assumer la responsabilité puisqu'elle n'apporte la démonstration d'aucune circonstance ou cause qui pourrait l'en n'exonérer.
Sur le préjudice
La société Daewoo fait valoir l'absence de caractère contradictoire du chiffrage des dommages retenu lors de la réunion d'expertise du 12 février 2009 et demande dans le dispositif de ses conclusions que le procès-verbal "de constatations relatives aux causes et circonstances et à l'évaluation des dommages" de cette date, qu'elle n'a pas signé, lui soit déclaré inopposable.
L'expert s'est longuement expliqué dans son rapport sur sa démarche d'incitation faite aux parties de se rapprocher pour discuter des postes de préjudice, sur les initiatives alors prises à cet égard par les époux Ducy et leur assureur, demandeurs à ce sujet, et sur son suivi de ces opérations, sur l'absence de réponse sur une éventuelle assistance de la société Daewoo dans ce domaine du chiffrage des préjudices et sur son absence à la réunion 12 février 2009 consacrée à ce sujet, sur le fait qu'il décidait alors de se rendre à cette réunion.
La société Daewoo soutient qu'il ne pouvait s'agir d'une réunion d'expertise judiciaire mais qu'il s'agissait seulement d'une réunion d'expertise amiable, qu'il n'y a pas eu ensuite de véritable débat contradictoire sur les préjudices.
Mais ces moyens ne sont pas déterminants.
Il apparaît en effet que l'expert a clairement informé les parties du déroulement des opérations d'expertise, que la société Daewoo a pris elle-même la décision de ne pas se rendre à cette réunion du 12 février 2009, qu'elle a eu connaissance ensuite des chiffrages proposés, qu'elle a fait parvenir ses observations sur ce plan à l'expert et que celui-ci a estimé "et c'était dans le cadre de sa mission comme il l'indique" qu'il ne pouvait au vu de leur forme et de leur présentation en tirer des éléments clairs.
Au demeurant et au vu de l'ensemble des éléments recueillis lors de l'expertise puis de ceux ensuite fournis par les parties, la question de l'évaluation des préjudices est en toute hypothèse soumise au juge, l'a été en première instance puis est à présent en discussion devant la cour.
La société Daewoo fait valoir que l'assureur ACM ne justifie pas de son droit et de son intérêt à agir.
Les ACM produisent les conditions particulières du contrat Corail 3000 en date du 17 décembre 2005 signé par M. Hubert Ducy, contrat visant la maison de Francheville et souscrit en qualité de "propriétaire occupant", garantissent notamment les "dommages accidentels subis par les biens", dans lequel il est noté, avant signature, que l'assuré a reçu un exemplaire des conditions générales.
Ces conditions générales "Tous risques Habitation" sont également communiquées et visent à l'article 17 les dommages subis par le bâtiment et les biens mobiliers assurés.
Enfin il est produit un courrier du 19 août 2008 adressé par l'assureur à M. Hubert Ducy et justifiant, les références y étant portées, que le contrat était en cours.
De plus, et malgré les observations de la société Daewoo, les ACM justifient par un tableau récapitulatif, par des courriers, quittances, délégations de paiements, factures ainsi que les copies de ses écrans de règlement et de ses écrans de transactions financières, de l'ensemble des règlements effectués, soit la somme de 262 137,28 euro.
Sur ce montant, la société Daewoo expose que les sommes de 7019,32 euro pour le cabinet Elex et de 13 728,45 euro pour le cabinet Eticque ne peuvent être sollicitées par les ACM car, en vertu de l'article L. 121-12 du Code des assurances, le recours de l'assureur est limité au seul montant de l'indemnité versée à son assuré ou entre les mains d'un tiers ayant réparé le dommage, alors qu'il s'agit ici d'honoraires de cabinets d'expertise technique. La société appelante prétend en outre que le règlement de ces sommes par l'assureur n'est pas prouvé.
Il y a lieu d'observer que la prise en charge par l'assureur de ces frais d'expertise était prévue contractuellement dans le cadre de l'assurance et ainsi mentionné aux conditions générales dans les garanties comme "préjudices accessoires". Ce point n'est pas discuté.
En réalité ces frais participent à la réparation et à l'indemnisation de l'assuré ("l'indemnité" au sens de l'article L. 121-12 du Code des assurances) puisqu'il s'agit de frais nécessaires avant la mise en œuvre des travaux de réparation de la maison.
De plus les paiements des deux sommes en cause, les factures étant produites, sont justifiés par la copie de l'historique financier des ACM qui mentionne les émissions des chèques les 15 juin et 23 juillet 2009 pour ces montants, et par les fiches afférentes à chacun de ces règlements qui visent l'adresse et les références correspondant à leur facture pour chacun de ces cabinets d'expertise.
Les arguments de la société Daewoo doivent donc être rejetés et la demande des ACM, pour le montant sollicité de 262 137,28 euro, doit être reçue.
Les consorts Ducy ont demandé pour leur part :
les époux Ducy un préjudice matériel resté à charge pour mobilier, façade, part d'honoraires du cabinet d'expertise Eticque, frais d'assurance de mobil-home, pour chacun des membres de la famille, préjudice de jouissance et préjudice moral.
Le poste appelé mobilier et chiffré à 31 255,88 euro dans la demande est intitulé "contenu" dans le tableau d'évaluation des dommages établi par le cabinet Eticque le 12 février 2009. Il correspond selon les demandeurs à des travaux de restauration pour du mobilier, des devis ayant été sollicités.
Sans contester le principe même de ce préjudice relatif au mobilier, la société Daewoo expose que le montant réclamé est signalé comme représentant le coût du remplacement en valeur à neuf de tous les biens mobiliers de la famille Ducy alors qu'un grand nombre de ces biens ont été pollués par les fumées de l'incendie mais ont pu être nettoyés comme le poste "décontamination", qui a été comptabilisé dans les dommages, le montre.
Les consorts Ducy répondent en invoquant les indications portées sur un rapport intitulé "Etat Client mobilier" du cabinet Eticque et en signalant que des devis ont été sollicités pour cette restauration du mobilier. Cependant le rapport précédemment cité n'est pas joint.
En l'absence de ce rapport et dans la mesure où le principe même de ce préjudice n'est pas discuté, il convient de retenir, comme l'admet la société Daewoo dans son subsidiaire, le montant de 20 000 euro.
Au titre de la façade, les consorts Ducy sollicitent 336,22 euro et la société Daewoo ne conteste pas ce poste de préjudice dans les développements de ses conclusions. Il sera en conséquence retenu.
Les consorts Ducy demandent 1 579,99 euro pour les frais d'honoraires du cabinet Eticque restés à leur charge.
Ils invoquent des correspondances de l'assureur des 8 juin et 6 octobre 2009 dont il résulte, selon leurs explications, qu'ils "n'ont été remboursés que de 10 981,34 euro et 1 167,12 euro de sorte qu'est bien demeurée à leur charge la somme de 1 579,99 euro ".
La société Daewoo s'y oppose en précisant que l'assureur ACM a réglé directement l'ensemble de ces honoraires, 13 728,45 euro, à ce cabinet.
Sur ce point, la correspondance du 23 mai 2009 de l'assureur au cabinet Eticque atteste du règlement par les ACM de l'ensemble de ses honoraires à ce cabinet.
Par ailleurs, d'une part la lettre des ACM aux époux Ducy relative à leur indemnité confirme cette prise en charge par l'assureur de ces honoraires (13 728,45 euro), d'autre part la correspondance du 6 octobre 2009 de l'assureur à M. Hubert Ducy signale le règlement à celui-ci de diverses sommes dont 1 167,12 euro pour des honoraires d'expert, sans préciser de quel expert il s'agit.
Le rapprochement de ces correspondances ne permet pas de faire le lien entre ces paiements et la preuve n'est donc pas apportée par les époux Ducy de ce qu'ils ont conservé à leur charge cette somme qu'ils réclament.
Les frais d'assurance du mobil-home sollicités par les consorts Ducy pour 167,34 euro ne sont pas discutés.
Préjudice de jouissance
La famille Ducy n'a pas occupé la maison depuis la date de l'incendie (25 août 2008) jusqu'en octobre 2009 et a dû louer un mobil-home, et la demande au titre du préjudice de jouissance, admise par le premier juge sauf pour la fille majeure Émilie, était basée sur 14 mois par une indemnisation de 500 euro par mois pour chacun des époux et 200 euro par mois pour le fils Nicolas.
La société Daewoo indique que la date de réception des travaux de réparation est le 16 octobre 2009 de sorte que leur préjudice de jouissance ne saurait excéder cette date, qu'il faut tenir compte de la valeur locative qui est de 800 euro (et non 1 200 euro par mois) dans des maisons similaires de la région, qu'elle propose alors une indemnisation de (800 euro x 13 mois) 10 400 euro.
Les pièces du dossier montrent que le procès-verbal de réception après travaux est effectivement du 16 octobre 2009 mais qu'il a comporté diverses réserves comme le précisent les consorts Ducy, notamment pour le branchement provisoire électrique. De plus l'incendie est du 25 août 2008.
Dans ces conditions une durée de 14 mois peut être retenue pour ce préjudice de jouissance.
Dans leurs dires envoyés à l'expert, les époux Ducy signalaient que leur fils résidait avec eux les week-ends et pendant les temps de vacances scolaires puisqu'il était en internat la semaine, que leur fille vivait dans la maison de façon occasionnelle. Pour cette dernière, dont il est noté qu'elle est étudiante, aucune précision n'est cependant fournie sur son temps de présence effective dans les lieux.
Compte tenu des conditions de vie précaire des époux Ducy et de leur fils Nicolas qui ont été contraints de vivre en mobil-home à côté de leur maison pendant cette durée d'environ 14 mois, il est équitable de fixer leur préjudice de jouissance à [(400 + 400 + 200) x 14 mois =] 14 000 euro.
La demande au titre du préjudice moral, chiffrée à 20 000 euro soit 5 000 euro pour chacun des parents et 5 000 euro pour chacun des enfants, a été accueillie par le premier juge.
Pour la société Daewoo ces sommes allouées sont manifestement excessives.
À propos de la situation personnelle de M. Hubert Ducy, il est justifié qu'il est titulaire d'une pension d'invalidité depuis le 1er avril 2008 et reconnu travailleur handicapé par décision de la CDAPH de l'Eure du 14 octobre 2008, et, par plusieurs certificats, son médecin atteste qu'il est cardiaque, a été perturbé psychologiquement depuis l'incendie de sa maison et est traité pour cet état d'anxiété. Il est souligné que M. Ducy a dû rester confiné pendant plusieurs mois dans le mobil-home après l'incendie.
Mme Ducy justifie également par des certificats médicaux avoir souffert d'insomnie et d'angoisse après les faits d'incendie, avoir consulté à plusieurs reprises son médecin à cause de ces troubles. Elle a subi un arrêt de travail de 15 jours à compter du 30 octobre 2009.
En corrélation avec ces troubles psychologiques et de santé, il est manifeste que le sinistre a perturbé la vie sociale et familiale. Les deux enfants, Nicolas et Émilie, l'expriment eux-mêmes chacun dans un écrit joint au dossier. Il est noté aussi que chacun des membres de la famille a perdu des souvenirs et des objets personnels.
Pour ces motifs, l'indemnisation à hauteur de 5 000 euro pour chaque membre de la famille, 20 000 euro pour tous, sera confirmée.
La société Daewoo succombe en son appel et sera dès lors condamnée aux entiers dépens qui comprennent les frais d'expertise judiciaire. Elle sera aussi condamnée à verser en appel aux intimés la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, la condamnation de ce même chef prononcée par le premier juge étant confirmée.
Par ces motifs : Rejette la demande présentée par la société Daewoo au titre du rejet des débats des conclusions déposées le 10 février 2011 par les intimés ; Constate que Nicolas Ducy est majeur depuis le 9 juillet 2010 et qu'il intervient en appel à titre personnel ; Dit que la société Daewoo Electronics est responsable, du fait du défaut du calorstat du réfrigérateur fabriqué par elle, des dommages occasionnés aux époux Ducy et à leurs enfants Nicolas et Émilie par l'incendie de leur maison du 25 août 2008 ; Rejette les demandes de la société Daewoo au titre de l'inopposabilité du procès-verbal du 12 février 2009 établi au cours de l'expertise à propos du chiffrage des préjudices, et de la nullité des conclusions de l'expert sur ce même chiffrage ; Dit la société Assurances du Crédit Mutuel Iard, assureur des époux Ducy, recevable en son action ; Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la société Daewoo à payer à la société Assurances du Crédit Mutuel Iard la somme de 262 137,28 euro pour préjudices matériels ; Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la société Daewoo à verser au titre du préjudice moral la somme de 5 000 euro à chacun des membres de la famille Ducy ; Réforme le jugement sur les autres postes de préjudice et : Condamne la société Daewoo à payer : - aux époux Ducy les sommes de 20 336,22 euro et 167,34 euro pour solde de préjudice non indemnisé par l'assureur et frais d'assurance du mobil-home, - à M. Ducy la somme de 5 600 euro pour son préjudice de jouissance, -à Mme Ducy la somme de 5600 euro pour son préjudice de jouissance, - à Nicolas Ducy la somme de 2 800 euro pour préjudice de jouissance ; Rejette les autres demandes présentées par la société Daewoo ; Condamne la société Daewoo aux entiers dépens, qui comprennent les frais d'expertise, avec droit de recouvrement conformément à l'article 699 du Code de procédure civile au profit des avoués de la cause ; Confirme la condamnation prononcée contre la société Daewoo en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Daewoo à verser aux consorts Ducy et aux ACM en cause d'appel la somme de 2 000 euro en application du même article.