Livv
Décisions

CA Pau, 1re ch., 11 octobre 2011, n° 08-04873

PAU

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Groupama Alsace

Défendeur :

Sideme (SA), Ace Europe (SA), Hyperdistribution (SA), Maaf Assurances (SA), Compagnie Omniasig, Arctic (Sté), Syndicat des Copropriétaires

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pons

Conseillers :

M. Lesaint, Mme Sorondo

TGI Dax, du 12 nov. 2008

12 novembre 2008

Madame X est propriétaire d'un appartement dans un immeuble en copropriété situé (...), qui a été détruit lors d'un incendie survenu le 19 août 2000. Elle avait souscrit une assurance multirisque habitation auprès de la Maaf.

Suite à ce sinistre, une expertise judiciaire a été ordonnée en référé et confiée à Monsieur Y, qui a conclu que l'incendie trouve son origine dans le boîtier électrique contenant les équipements de démarrage et de protection du moto-compresseur d'un réfrigérateur.

Ce réfrigérateur a été acheté auprès d'un magasin Leclerc exploité par la SA Hyperdistribution. Il avait été importé par la SA Sideme de Roumanie où il avait été fabriqué par la société Arctic.

Le boîtier électrique aurait été fabriqué par l'entreprise B

Par acte d'huissier du 23 avril 2004, Madame X et la Maaf ont assigné la SA Hyperdistribution devant le Tribunal de grande instance de Dax aux fins d'obtenir réparation de leurs préjudices sur le fondement de l'article 1386-1 du Code civil.

Par acte d'huissier du 22 juillet 2004, la SA Hyperdistribution a appelé en garantie la SA Sideme.

Par exploit du 29 novembre 2004, la SA Sideme a appelé en garantie la société Arctic et l'assureur de celle-ci, la compagnie Omniasig, sur le fondement des articles 1382 et 1386-1 du Code civil, et 124-3 du Code des assurances.

Par acte d'huissier du 18 mai 2006, la société Arctic a appelé en garantie la société B sur le fondement des articles 1135 et 1625 du Code civil.

Parallèlement, le syndicat des copropriétaires du (...) représenté par son syndic, la société L, et son assureur, la compagnie Groupama Alsace, ont assigné la SA Sideme et son assureur, la SA Ace Europe.

Ces procédures ont été jointes.

Par jugement du 12 novembre 2008, le tribunal a :

- condamné la société Arctic et la compagnie Omniasig à réparer les préjudices subis par Madame X et la Maaf, sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du Code civil relatifs à la responsabilité des produits défectueux,

- condamné la société Arctic et la compagnie Omniasig à payer à Madame X la somme de 25 094,05 euro au titre de son préjudice matériel et celle de 15 000 euro au titre du préjudice moral, et à la Maaf la somme de 36 995,05 euro au titre de son action subrogatoire,

- mis hors de cause la société Hyperdistribution, la SA Sideme et la SA Ace Europe,

- débouté la compagnie Groupama Alsace de ses demandes dirigées contre la SA Sideme et la SA Ace Europe, au motif que la responsabilité du distributeur est subsidiaire à celle du fabricant,

- débouté la société Arctic de toutes ses demandes,

- débouté la société Omniasig de toutes ses demandes,

- débouté la SA Sideme de ses demandes plus amples ou contraires,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné la société Arctic et la société Omniasig à payer à Madame X et à la Maaf une indemnité de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Arctic et la société Omniasig à payer à la SA Sideme et la SA Ace Europe une somme de 1 000 euro chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Arctic et la société Omniasig à payer à la société Hyperdistribution une somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Arctic et la société Omniasig aux dépens.

La compagnie Groupama a formé appel par déclaration reçue au greffe le 12 décembre 2008.

La société Arctic et la compagnie Omniasig ont formé appel incident.

Sur requête en rectification d'erreur matérielle de la société Arctic et de la compagnie Omniasig et par arrêt du 29 mars 2010, la Cour a supprimé du dispositif la mention de leur condamnation à payer à Madame X la somme de 25 094,05 euro au titre du préjudice matériel.

Dans ses dernières écritures déposées le 1er décembre 2009, la compagnie Groupama Alsace demande de réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes, de condamner la société Sideme et la compagnie Ace Europe solidairement à lui payer la somme de 255.182,47 euro au titre du préjudice indemnisé et celle de 21.781,86 euro au titre des frais d'expertise avancés, outre la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, dont distraction au profit de la SCP P.L.-C.

Elle soutient qu'elle est subrogée dans les droits de la copropriété qu'elle a indemnisée, suivant quittance établie le 10 juin 2002. Elle se prévaut des dispositions des articles 1386-1 et 1386-6 du Code civil. En application du second de ces textes, l'importateur est assimilé au producteur et donc responsable de plein droit. L'article 1386-7 du Code civil, qui prévoit une responsabilité subsidiaire, ne concerne que le vendeur, le loueur ou le crédit-bailleur.

Dans ses dernières écritures déposées au greffe le 21 janvier 2010, la SA Sideme et la SA Ace Europe demandent :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la compagnie Groupama de ses demandes, de la condamner à leur payer une somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction, pour ceux d'appel, au profit de la SCP M. - X, et de condamner in solidum la société Arctic et la compagnie Omniasig à leur payer une somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts,

- subsidiairement, de condamner solidairement la compagnie Omniasig et la société Arctic à les relever indemnes de toutes condamnations, sur le fondement des articles 1142 et 1386-1 du Code civil, ainsi qu'à leur payer une indemnité de procédure de 2 000 euro et aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction, pour ceux d'appel, au profit de la SCP M. - C.

Elles soutiennent qu'en application des articles 1386-6 et 1386-7 du Code civil, est responsable le producteur, c'est-à-dire le fabricant d'un produit fini, le producteur de matière première ou celui qui appose son nom ou sa marque sur le produit, l'importateur de produits fabriqués hors CEE lorsque le producteur ne peut pas être identifié. En l'espèce, le fabricant est identifié et le produit n'a pas été fabriqué hors de l'Union Européenne.

Elles contestent la réalité du préjudice subi par le syndicat, car l'indemnité invoquée par la compagnie Groupama Alsace correspond au coût de la réhabilitation de l'appartement de Madame X.

Subsidiairement, elles invoquent la garantie de la société Arctic et de la société Omniasig sur le fondement des articles 1142 et 1386-1 et suivants du Code civil.

Dans ses dernières écritures déposées le 16 mars 2010, la société Arctic demande :

- de dire qu'il n'est pas établi que le réfrigérateur Arctic est à l'origine de l'incendie, d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à indemniser Madame X et la Maaf,

- subsidiairement, de condamner Madame X à la garantir de toute condamnation,

- infiniment subsidiairement, de retenir un partage de responsabilité à hauteur de 50 % à la charge de Madame X et de réduire en conséquence de moitié l'indemnisation due,

- de condamner l'entreprise B à la relever indemne de toute condamnation,

- de condamner les parties succombantes à lui payer une indemnité de procédure de 6 000 euro et aux dépens, dont distraction au profit de la SCP de G. - D. -L..

Elle considère qu'il n'est pas établi avec certitude que le réfrigérateur acheté par Madame X est un Arctic TT 114 Curtiss.

Elle conteste l'avis de l'expert, et invoque celui de Monsieur M, expert mandaté par elle. Le réfrigérateur n'est pas équipé d'un condensateur de démarrage ou de fonction, ni d'un relais de démarrage électromagnétique retrouvés par l'expert, et ses dimensions ne sont pas celles retrouvées par l'expert. Outre que le réfrigérateur ne peut être en cause d'après les observations de Monsieur M, l'installation électrique de l'appartement n'était pas conforme aux normes et les instructions d'installation du réfrigérateur n'avaient pas été respectées.

Concernant le préjudice de la compagnie Groupama, elle fait valoir qu'il s'agit au centime près de celui subi par Madame X, et que le contrat d'assurance n'est pas produit. Pareillement, il n'est pas démontré que l'état dépressif dont souffre Madame X trouve son origine dans l'incendie.

Elle se prévaut d'une faute commise par Madame X tenant à l'emplacement du réfrigérateur sous une plaque de cuisson en contradiction avec les instructions du manuel d'installation, faute de nature à réduire ou supprimer la responsabilité du producteur en application de l'article 1386-13 du Code civil. Elle doit donc être condamnée à la relever indemne de toute condamnation, et subsidiairement, un partage de responsabilité doit être prononcé.

Elle soutient que la preuve est rapportée que le boîtier électrique a été fabriqué par l'entreprise B, dont la responsabilité est en conséquence engagée sur le fondement de l'article 1386-1 du Code civil.

Dans ses dernières écritures déposées le 16 mars 2010, la compagnie Omniasig demande :

- de dire qu'il n'est pas établi que l'origine de l'incendie se situe sur le réfrigérateur, et d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à indemniser Madame X et la Maaf,

- subsidiairement, de condamner Madame X à la relever indemne de toute condamnation prononcée au profit de toute autre partie à l'instance,

- infiniment subsidiairement, de retenir un partage de responsabilité de moitié à la charge de Madame X et de réduire en conséquence de moitié l'indemnisation des dommages subis par cette dernière,

- de condamner l'entreprise B à la relever indemne de toute condamnation,

- de condamner les parties qui succomberont à lui payer une indemnité de 6 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens, dont distraction au profit de la SCP de G. - D. - L.

Elle présente la même argumentation que la société Arctic.

Dans ses dernières écritures déposées le 11 mai 2010, le syndicat des copropriétaires de la (...) demande de lui donner acte qu'il s'en remet à justice sur la demande de la compagnie Groupama tout en réservant ses droits quant à une éventuelle indemnisation complémentaire qui pourrait être rendue nécessaire par les travaux à effectuer dans les parties communes et privatives.

Dans ses dernières écritures déposées le 11 mai 2010, la SA Hyperdistribution demande :

- à titre principal, de confirmer le jugement, en ce qu'il l'a mise hors de cause, de débouter les sociétés Arctic, Omniasig et Sideme de toutes leurs demandes, et de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné les sociétés Omniasig et Arctic à lui payer la somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens,

- reconventionnellement, de condamner solidairement la société Maaf Assurances ou tout autre succombant à lui payer une indemnité de procédure de 6 000 euro, ainsi qu'aux dépens, dont distraction au profit de la SCP R,

- subsidiairement, de dire que la société Sideme supportera toutes condamnations éventuellement mises à sa charge,

- subsidiairement, de dire que la société Arctic supportera toutes condamnations éventuellement mises à sa charge.

Elle fait valoir que, n'étant que le vendeur de l'appareil, elle ne peut être mise en cause que sur le fondement de l'article 1386-7 du Code civil. Dans sa rédaction antérieure à la loi du 9 décembre 2004, ce texte a été déclaré non conforme à la directive n° 85-374 CEE relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, par arrêt du 25 avril 2002 de la Cour de justice des Communautés Européennes. Le vendeur n'est responsable que si le producteur demeure inconnu.

Par deux arrêts du 24 janvier 2006, la Cour de cassation a précisé que pour les produits mis en circulation avant le 25 juillet 1985, la directive n'existait pas et n'est donc pas applicable, de sorte que le droit national s'applique. En l'espèce, le réfrigérateur a été mis en circulation postérieurement.

Elle relate les circonstances d'achat du réfrigérateur, par le biais de la centrale d'achat Scalandes, et celles de vente à Madame X, à l'effet de démontrer que le réfrigérateur en cause est bien un Curtiss TT 114 acheté à la société Sideme.

Elle approuve le rapport d'expertise, et soutient que la responsabilité des produits défectueux ne nécessite pas que les causes exactes du sinistre soient identifiées. Il suffit de constater que le produit n'a pas offert la sécurité que l'on est en droit d'attendre. Sauf à démontrer que le produit n'est de façon certaine pas à l'origine du sinistre, le producteur ne peut s'exonérer de sa responsabilité.

Dans l'hypothèse où sa responsabilité serait retenue, la société Sideme devrait la garantir de toutes condamnations sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du Code civil.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 26 novembre 2009, la société Maaf Assurances et Madame X demandent :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la société Arctic et la compagnie Omniasig tenues de réparer leurs préjudices,

- de condamner solidairement la société Arctic et la compagnie Omniasig à payer, à Madame X la somme de 25 094,05 euro au titre de son préjudice matériel et celle de 60 000 euro au titre de son préjudice de jouissance et moral, et à la Maaf la somme de 36 995,05 euro, outre les intérêts de ces sommes à compter du jugement de première instance, et une indemnité de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- de condamner solidairement la société Arctic et la compagnie Omniasig ou toute autre partie succombante aux entiers dépens, dont ceux d'exécution forcée si elle s'avère nécessaire, et dont distraction au profit de la SCP L.-L.-D.-M.

Elles font valoir qu'il n'existe pas de doute sur l'identification du réfrigérateur ni sur la cause du sinistre. Au demeurant, il n'est pas nécessaire de déterminer la cause exacte du sinistre mais seulement d'établir que le produit en question n'a pas offert à son acheteur une sécurité qu'il était en droit d'attendre. Elles contestent le non-respect de préconisations d'installation du réfrigérateur, dont il n'est pas démontré qu'elles lui ont été remises. Contrairement à ce que sous-entendent la société Arctic et la compagnie Omniasig, l'appareil n'était pas encastré. Madame X n'a ainsi commis aucune faute. Madame X a subi un préjudice matériel décomposé comme suit :

- honoraires sur estimation mobilier 520,68 euro

- franchise contractuelle 121,96 euro

- découvert sur mobilier 15 761,70 euro

- découvert sur privation de jouissance 8 689,71 euro

La perte de son logement et de tous ses objets et souvenirs personnels a particulièrement affecté son état de santé. Elle est incapable de reprendre une activité professionnelle.

La société B assignée n'a pas constitué avoué.

L'ordonnance de clôture est en date du 5 avril 2011

SUR QUOI :

Sur la demande de mise hors de cause de la SA Hyperdistribution

Aux termes de l'article 1386-7 du Code civil dans sa rédaction en vigueur à la date des faits, le vendeur, le loueur, ou tout autre fournisseur professionnel, est responsable dans les mêmes conditions que le producteur, du dommage causé par un défaut du produit. Cependant, ces dispositions ne sont pas conformes à la directive 85-374-CEE du Conseil des Communautés Européennes du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, qui, en son article 3, prévoit que le fournisseur n'est responsable que si le producteur ne peut être identifié. L'application de la directive doit prévaloir, et, en l'espèce, le producteur du réfrigérateur en cause est connu. C'est ainsi à bon droit que la SA Hyperdistribution sollicite sa mise hors de cause.

Sur l'action de la société Maaf et de Madame X contre les sociétés Arctic et Omniasig

En application des articles 1386-1 et suivants du Code civil, le producteur d'un bien meuble est responsable du dommage causé par un défaut de son produit. Il appartient à la victime de prouver le dommage, le défaut, c'est-à-dire le fait que le produit n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, et le lien de causalité entre le défaut et le dommage. La preuve du lien de causalité peut résulter de présomptions, pourvu qu'elles soient graves, précises et concordantes.

En l'espèce, il ressort du rapport de Monsieur L., expert judiciaire, que Madame X a acquis un appartement en décembre 1999, qu'elle a ensuite fait rénover. L'installation électrique a été réalisée par l'entreprise Lassabe, et l'aménagement d'une cuisine intégrée a été confié à Monsieur D, artisan. Les travaux ont été achevés en mai 2000 et Madame X a emménagé le 14 juillet 2000. A partir de l'observation des lieux, l'expert a identifié le volume de démarrage de l'incendie, à l'intérieur duquel le niveau de carbonisation est le plus élevé, et dont la forme correspond à celle d'un cône de combustion à la pointe duquel se situe le point de départ de l'incendie, à l'arrière et au bas du réfrigérateur, au niveau des équipements électriques de démarrage du moto-compresseur. Il précise que sur la carrosserie extérieure du réfrigérateur, sont nettement visibles les traces de développement de l'incendie, matérialisées par une ligne oblique dont le point de départ est dans l'environnement immédiat du moto-compresseur, au-dessous de laquelle l'émaillage blanc subsiste et au-dessus de laquelle toute la carcasse est calcinée. Le réfrigérateur était posé au sol, sous le plan de travail, dans lequel étaient encastrées des plaques de cuisson.

L'expert met très clairement hors de cause l'installation électrique de l'appartement, dont il n'a été observé aucune non-conformité, ainsi que les conditions d'installation du réfrigérateur en milieu confiné, qui, si elles étaient de nature à dégrader ses performances frigorifiques et électriques, n'ont pas pu être à l'origine du sinistre.

Par ailleurs, il est établi que le réfrigérateur en cause est un modèle Curtiss Table Top 114 fabriqué par la société Arctic. En effet, sont produits une facture de la société Sideme à la centrale d'achats Scalandes du 15 mars 2000 portant notamment sur 176 réfrigérateurs TT 114 Curtiss, un justificatif de leur réception le 10 mars 2000, une facture d'achat par la société Hyperdistribution auprès de la centrale d'achats Scalandes le 21 mars 2000 de différents produits dont deux réfrigérateurs TT 114 Curtiss, un bon de livraison de ces produits le même jour, un ticket de caisse du 29 mars 2000 portant sur la vente à Madame X notamment d'un réfrigérateur table top au prix de 749 F dans le cadre d'une opération promotionnelle et le prospectus publicitaire afférent à cette opération promotionnelle où il apparaît que le réfrigérateur proposé à la vente était un Curtiss Table Top 114.

En outre, il a été constaté par l'expert que les dimensions de la carcasse (55 x 58 x 83) sont conformes à celles du modèle Curtiss Table Top 114. Quant à l'identification des caractéristiques électriques du réfrigérateur, contrairement aux dires de la société Arctic et de la compagnie Omniasig, l'expert n'a nullement affirmé avoir constaté la présence d'un condensateur de démarrage, mais, avoir, eu égard à l'absence initiale de communication d'informations sans lesquelles, compte tenu de l'état des éléments électromécaniques, entièrement calcinés, il n'était pas possible d'identifier le montage, retenu l'hypothèse de la configuration la plus utilisée pour ce genre d'appareil (montage de type RSIR ou CSIR).

Par ailleurs, l'expert précise que doit être pris en compte non le seul état de la résistance PTC (explosée - contacts sur enroulement encore apparents), mais celui de l'ensemble des circuits électriques situés dans le boîtier de protection et de raccordement. Celui-ci renferme dans un faible volume un bornier (disparu dans l'incendie), un relais de protection thermique (calciné, bakélite cassée, protection non enclenchée), une résistance variable PTC et de la connectique. Il observe que dans l'environnement exigu du boîtier, de part sa conception, il y avait nécessairement la proximité de deux points du circuit électrique ayant une différence de potentiel de 240 V et présentant de ce fait un danger de court-circuit, lequel était de nature à dégager une énergie suffisante pour enflammer les matériaux combustibles environnants.

Il résulte donc des constatations de l'expert que l'incendie a pour origine le réfrigérateur, lequel n'a ainsi pas présenté la sécurité à laquelle l'acquéreur peut légitimement s'attendre.

Suivant l'article 1386-13 du Code civil, la preuve d'une faute de la victime est de nature à exonérer partiellement ou totalement le producteur. En l'espèce, la notice du réfrigérateur mentionne que doit être laissé au-dessus de l'appareil un espace libre de 25 à 50 cm et qu'il doit être éloigné de toute source de chaleur. De fait, le réfrigérateur était sous le plan de travail dans lequel la table de cuisson avait été encastrée ; l'espace entre le réfrigérateur et le plan de travail était de 10 mm environ, et une alèse de compensation de 12 cm avait été prévue sur la face avant pour satisfaire aux contraintes de ventilation par convection naturelle. Si certes, les prescriptions d'installation n'étaient ainsi pas respectées,

l'expert indique clairement que ce fonctionnement en milieu confiné a dégradé ses performances frigorifiques et électriques mais n'a eu aucun rôle causal dans l'incendie. D'ailleurs, la notice fait état de ces prescriptions comme nécessaires à un bon rendement frigorifique de l'appareil, et non à la sécurité. En outre, la plaque de cuisson était éteinte lors du démarrage de l'incendie, et sa présence a pu seulement favoriser sa propagation par suite de son inflammation. Ainsi, la preuve d'une faute de la victime n'est pas rapportée, et la responsabilité de la société Arctic est donc entière.

Madame X a été indemnisée par son assureur au titre de ses dommages mobiliers à hauteur de 35 029,43 euro, après déduction d'une franchise de 121,96 euro et de frais d'expertise de 1 966,59 euro. Elle invoque la franchise, des honoraires d'estimation du mobilier de 520,68 euro et un préjudice pour " découvert sur mobilier " de 15 761,70 euro. L'expert a évalué la valeur vénale des meubles et objets mobiliers détruits à 22 360,41 euro, précisant que dans la liste fournie par Madame X, les équipements électroménagers ont été surévalués en qualité et en prix et que certains n'existaient pas à la date du sinistre. Madame X ne fournit aucune explication ni justificatif et l'indemnité servie est supérieure au préjudice subi. Ces demandes ne peuvent donc être accueillies. Elle fait état par ailleurs d'un préjudice pour " découvert sur privation de jouissance " de 8 689,71 euro, et produit à l'appui de cette demande une attestation d'un agent immobilier suivant laquelle le loyer d'un appartement de type F3, meublé et de catégorie 3 étoiles au centre-ville de Dax serait de 1 067,14 euro par mois. Or, d'après le rapport d'expertise, l'appartement est un F2 de 70 m². Par ailleurs, le coût retenu pas l'expert, de 609,80 euro mensuellement, est raisonnable pour un tel logement, et Madame X ne produit pas de justificatif de l'indemnité reçue. Concernant son préjudice moral, Madame X a dû se reloger dans l'urgence ; elle a subi la perte de ses biens personnels et a présenté un syndrome anxio-dépressif réactionnel. Ce préjudice a été raisonnablement évalué par le premier juge à la somme de 15 000 euro. La condamnation de la société Arctic et de la compagnie Omniasig au paiement de cette somme sera donc confirmée, étant précisé qu'ils sont tenus solidairement.

La société Maaf verse aux débats une quittance subrogative conforme à sa demande. La condamnation de la société Arctic et de la compagnie Omniasig au paiement de la somme de 36 995,05 euro sera en conséquence confirmée. Ils sont pareillement tenus solidairement.

Sur l'appel en garantie de la société Arctic et de la compagnie Omniasig contre la société B

Il n'est pas fourni d'élément de preuve de ce que le boîtier électrique défectueux a été fabriqué par la société B. Dès lors, l'appel en garantie sera rejeté.

Sur l'action de la compagnie Groupama Alsace contre la SA Sideme et la SA Ace Europe

Suivant l'article 1386-6 du Code civil, est assimilé au producteur toute personne agissant à titre professionnel qui importe un produit dans la Communauté européenne en vue de sa vente, de sa location, avec ou sans promesse de vente, ou de toute autre forme de distribution. L'importateur est donc responsable au même titre que le producteur, et non, comme le fournisseur, dans la seule hypothèse où le producteur n'est pas identifié. Par ailleurs, la Roumanie a adhéré à la Communauté européenne le 1er janvier 2007, donc postérieurement aux faits de l'espèce. Ainsi, la SA Sideme, qui a importé le réfrigérateur défectueux dans l'Union européenne, voit sa responsabilité engagée.

La compagnie Groupama Alsace justifie avoir versé au syndicat des copropriétaires une indemnité de 255 182,47 euro au titre des frais de reconstruction des parties privatives et communes, et, au vu du contrat d'assurance versé aux débats (article 3 paragraphe 2), concernant les dommages matériels résultant d'un incendie, la garantie porte sur l'ensemble des biens immobiliers, qu'ils soient propriété indivise ou privative des copropriétaires ; l'assuré est d'ailleurs défini comme les copropriétaires pris ensemble ou individuellement. La compagnie Groupama ne produit en revanche aucun justificatif concernant des frais d'expertise de 21 781,86 euro.

Au vu de ces éléments, la compagnie Groupama Alsace, qui est subrogée dans les droits de l'assuré qu'elle a indemnisé, est fondée à prétendre au paiement de la somme de 255 182,47 euro. A défaut d'élément de preuve, sa demande concernant les frais d'expertise sera en revanche rejetée. La SA Sideme et son assureur, la SA Ace Europe, seront condamnés solidairement.

Sur l'appel en garantie de la SA Sideme et de la SA Ace Europe contre la société Arctic et la compagnie Omniasig

Les dispositions des articles 1386-1 et suivants du Code civil ne prévoient pas de recours entre importateur et producteur. Cependant, la vente par la SA Arctic d'un produit défectueux est constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle. En conséquence, elle sera condamnée à relever indemne la SA Sideme et la SA Ace Europe de l'ensemble des condamnations prononcées à leur encontre. La compagnie Omniasig, qui lui doit sa garantie, sera condamnée solidairement avec elle.

Sur les autres demandes

La SA Sideme et la SA Ace Europe qui succombent en leurs demandes à l'encontre de Groupama seront déboutées de leur demande de dommages-intérêts.

La société Arctic et la compagnie Omniasig, parties perdantes, seront condamnées aux dépens, ainsi qu'au paiement d'indemnités de procédure de 1 000 euro à la SA Hyperdistribution, de 1 500 euro à Madame X et la Maaf, et de 1 500 euro à la SA Sideme et la SA Ace Europe, en sus de celles accordées en première instance. La SA Sideme et la SA Ace Europe seront condamnées à payer à la compagnie Groupama Alsace la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, Après en avoir délibéré, statuant publiquement, par défaut et en dernier ressort, Confirme le jugement rendu le 12 novembre 2008 par le Tribunal de grande instance de Dax et rectifié par arrêt de la Cour d'appel de Pau du 29 mars 2010 , hormis en ce qu'il a mis hors de cause la SA Sideme et la SA Ace Europe et a débouté la compagnie Groupama Alsace de ses demandes dirigées contre celles-ci, L'infirme sur ces chefs, et statuant à nouveau, Déclare la SA Sideme responsable de l'incendie survenu le 19 août 2000 sur le fondement de de l'article 1386-6 du Code civil, Condamne la SA Sideme et la SA Ace Europe solidairement à payer à la compagnie Groupama Alsace la somme de 255 182,47 euro (deux cent cinquante-cinq mille cent quatre-vingt-deux euro quarante-sept centimes) à titre de dommages et intérêts, Rejette la demande de la compagnie Groupama Alsace du paiement de la somme de 21 781,86 euro au titre de frais d'expertise, Déboute la SA Sideme et la SA Ace Europe de leur demande de dommages-intérêts, Condamne la SA Sideme et la SA Ace Europe à payer à la compagnie Groupama Alsace la somme de 3 000 euro (trois mille euro) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Y ajoutant, Condamne la société Arctic et la compagnie Omniasig solidairement à relever indemnes la SA Sideme et la SA Ace Europe des condamnations prononcées à leur encontre, Condamne la SA Arctic et la compagnie Omniasig à payer les sommes ci-après sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile : - mille euro (1 000 euro) à la SA Hyperdistribution, - mille cinq cents euro (1 500 euro) à Madame X et la compagnie Maaf Assurances conjointement, - mille cinq cents euro (1 500 euro) à la SA Sideme et la SA Ace Europe conjointement, Condamne la SA Arctic et la compagnie Omniasig aux dépens et autorise la SCP P.-L.-C, la SCP M.-C, la SCP R. et la SCP L.-L.-D.-M. à recouvrer directement les dépens d'appel dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.