CA Poitiers, 1re ch. civ., 4 juin 2009, n° 06-01241
POITIERS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Alu Rideau (SAS)
Défendeur :
Canet (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Savatier
Conseillers :
Mme Contal, M. Chapelle
Avoués :
SCP Musereau Mazaudon-Provost-Cuif, SCP Tapon-Michot
Avocats :
Mes Buet, Tessier
Faits et procédure
La Société Alu Rideau exploitant un fonds de commerce de menuiserie métallique pour vérandas a commandé à la Société Altec, spécialisée dans la fabrication d'équipement de levage et de manutention, une machine permettant de sortir des stocks les profils en aluminium et de les acheminer vers les lignes de production en utilisant un pont roulant préexistant.
L'équipement a été livré au début du mois de février 2003.
La Société Alu Rideau a avisé immédiatement la Société Altec que cette machine ne correspondait pas à ses attentes notamment au regard de la sécurité et a demandé à la Société Altec de reprendre cet appareil ou de faire une proposition permettant de remédier aux difficultés.
La Société Altec a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire par jugement du 8 décembre 2003.
Maître Canet, liquidateur de la Société Altec, a mis en demeure la Société Alu Rideau d'avoir à régler la facture d'un montant de 18 393,35 euro.
Devant le refus de la Société Alu Rideau de s'acquitter de cette facture, Maître Canet a fait assigner la Société Alu Rideau devant le Tribunal de commerce de La Roche sur Yon pour obtenir le paiement de la facture litigieuse.
Par jugement en date du 14 mars 2006, le Tribunal de commerce de La Roche sur Yon a :
- débouté la Société Alu Rideau de toutes ses demandes ;
- condamné la Société Alu Rideau à payer à Maître Canet, es qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la Société Altec la somme de 18 393,35 euro avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2003 ;
- condamné la Société Alu Rideau à payer à Maître Patrick Canet, ès qualités de Liquidateur de la liquidation judiciaire de la Société Altec, la somme de 1 500,00 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
La cour
Vu l'appel de ce jugement interjeté par la Société Alu Rideau ;
Vu les conclusions de la Société Alu Rideau du 2 mars 2009 aux termes desquelles elle demande à la cour de :
- débouter Maître Canet, es qualités de ses demandes ;
- prononcer la résolution de la vente ;
- condamner Maître Canet à lui payer la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- subsidiairement, désigner un expert avec pour mission de dire si la machine vendue par la Société Altec est conforme aux normes françaises et européennes et si elle est conforme à ce qui a été commandé et à l'usage auquel elle était destinée ;
Vu les conclusions de Maître Canet, es qualités, du 10 mars 2009 dans lesquelles il demande la confirmation du jugement de première instance, la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1154 et la condamnation de la Société Alu Rideau au paiement d'une somme de 3 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Vu l'ordonnance du Conseiller de la mise en état du 5 février 2007 ordonnant une mesure d'expertise ;
Vu le rapport d'expertise de Monsieur Mahou déposé le 31 août 2007 ;
Sur ce
La Société Alu Rideau sollicite la résolution de la vente tout d'abord sur le fondement des dispositions de l'article L. 233-6 du Code du travail au motif qu'elle avait, dans le délai d'un mois à compter de la livraison du matériel, demandé la reprise de celui-ci par la Société Altec pour manquement aux règles de sécurité.
Elle demande également la résolution de la vente sur le fondement du manquement par la Société Altec à ses obligations d'information et de conseil, de délivrance conforme, de sécurité et sur le fondement des vices cachés.
Il convient de rappeler que l'article L. 233-6 du Code du travail dispose que l'acheteur d'un produit visé à l'article L. 231-7 ainsi que l'acheteur d'un matériel visé à l'article L. 233-5 qui a été livré dans des conditions contraires à ces articles et des textes pris pour leur application peut, nonobstant toute clause contraire, dans un délai d'une année à compter du jour de la livraison demander la résolution de la vente.
En l'espèce et à supposer que le matériel livré entre bien dans le champ d'application de ces articles, il convient de constater que la Société Alu Rideau, si elle a indiqué dans différents courriers qu'elle souhaitait que la Société Altec reprenne son matériel, n'a cependant pas interrompu la prescription d'une année en assignant cette dernière devant le tribunal en vue d'obtenir la résolution de la vente. En effet, la Société Alu Rideau n'a formé une telle demande devant le Tribunal de commerce de La Roche sur Yon que le 12 décembre 2005 soit largement plus d'un an après la livraison du préhenseur.
En conséquence la demande de la Société Alu Rideau sur le fondement des dispositions du Code du travail est irrecevable.
D'autre part, il résulte du rapport d'expertise que l'appareil de préhension litigieux n'est atteint d'aucun défaut de conformité par rapport à la commande rédigée et modifiée par un technicien de la Société Alu Rideau. En ce qui concerne les éléments de sécurité de l'appareil mis en place par le constructeur, l'expert a noté que le capteur de position de l'axe d'accrochage du préhenseur servant de sécurité de "déprise" de la charge avait été démonté par les employés utilisateurs pour faciliter l'accrochage de l'appareil. L'expert précise que le déport et le contrôle électrique de ce capteur restent une opération simple pouvant être réalisée par un électricien de chantier.
L'expert ajoute que concernant le défaut de positionnement du préhenseur sur le cadre de la cassette, il rappelle que l'accrochage de la charge est une opération manuelle commandée par un opérateur et qu'il appartient à celui-ci de vérifier le bon accrochage des quatre pinces-crochets du préhenseur avant de soulever et de déplacer la charge. Il précise que ce contrôle pourrait être sécurisé par un dispositif de sécurité à étudier entre le fabricant du préhenseur et celui du palan et du pont roulant.
En ce qui concerne le balancement de la charge suspendue à l'aide du préhenseur au pont roulant, l'expert indique que ce balancement n'est pas le fait du préhenseur mais du fait que celui-ci soit suspendu au câble du pont roulant. Il rappelle que ce problème de balancement existait antérieurement lorsque les charges étaient transportées à l'aide de sangles. Il ajoute que pour éviter ce balancement des charges sous le pont roulant, il faut modifier non le préhenseur mais son système d'accrochage notamment en remplaçant les câbles de traction du pont roulant par un système rigide modifiant ainsi complètement le pont roulant de l'atelier.
Ainsi il ressort de l'expertise non sérieusement critiquée que l'appareil de préhension fabriqué par la Société Altec est conforme en tous points à la commande qui lui avait été faite, commande comportant un cahier des charges très précis. Il convient d'ailleurs de rappeler que la Société Altec a présenté son projet à la Société Alu Rideau qui l'a accepté après y avoir apporté quelques modifications.
La Société Alu Rideau affirme avoir attiré l'attention de la Société Altec sur le fait qu'elle souhaitait acquérir un matériel assurant la sécurité de ses salariés. Or elle indique que le phénomène de balancement cumulé avec le risque d'ouverture des pinces des civières pendant le transport est une non conformité avec la commande.
Or il convient de noter que dans la commande de la Société Alu Rideau du 1er octobre 2002, il était simplement mentionné que le préhenseur de civière devrait être équipé d'un système de sécurité pour éviter une déprise accidentelle en charge du préhenseur.
Le rapport d'expertise met en évidence le fait qu'un tel système a bien été installé par la Société Altec mais qu'il a été retiré par les employés utilisateurs de la Société Alu Rideau.
D'autre part, le phénomène de balancement n'est pas le fait du préhenseur mais du pont roulant sur lequel il est installé. Or la Société Alu Rideau ne démontre pas avoir précisé que ce système commandé devait permettre de supprimer tout balancement inhérent à l'usage de pont roulant.
Dans ces conditions, il ne peut être reproché à la Société Altec de ne pas avoir livré un matériel offrant un tel système, seule une intervention sur le pont roulant lui-même permettrait de réduire voire de supprimer ce balancement.
De même, la Société Alu Rideau ne démontre pas le manquement de la Société Altec à son obligation d'information et de conseil. En effet, le matériel livré ne présente aucun manquement à la sécurité, seule sa mise en œuvre par le personnel de la Société Alu Rideau est à l'origine du risque de déprise puisque c'est celui-ci qui a pris l'initiative de retirer la sécurité installée par la Société Altec. De plus, le phénomène de balancement propre au pont roulant ne pouvait être modifié par le préhenseur commandé par la Société Alu Rideau à la Société Altec et dans ces conditions, la Société Altec ne peut se voir reprocher la persistance de ce balancement préexistant à l'installation de son préhenseur.
Aucun manquement à son obligation d'information et de conseil ne peut être imputé à la Société Altec.
Enfin la Société Alu Rideau invoque l'existence de vices cachés. Néanmoins, les défauts invoqués par la Société Alu Rideau à savoir le défaut de sécurité et le balancement ne sont pas inhérents au matériel vendu ainsi que cela a été démontré ci-dessus.
Dans ces conditions, il convient de rejeter la demande de résolution de la vente réclamée par la Société Alu Rideau et de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Société Alu Rideau à Maître Canet, es qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la Société Altec, la somme de 18 393,35 euro outre les intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2003.
Il convient en outre de faire droit à la demande de Maître Canet sur le fondement de l'article 1154 du Code Civil.
Maître Canet sollicite enfin une somme de 3 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Cependant l'exercice d'une action en justice constitue en son principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner lieu à des dommages et intérêts que s'il caractérise un acte de mauvaise foi ou de malice ou une erreur grossière équipollente au dol. En l'espèce, il échet de relever que Maître Canet, es qualités, ne démontre ni l'existence d'une telle attitude de la part de la Société Alu Rideau rendant abusif l'appel interjeté ni même l'existence d'un dommage. Il convient en conséquence de le débouter de ce chef de demande.
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions. Y ajoutant, Ordonne que les intérêts soient capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code civil. Déboute Maître Canet, es qualités, de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive. Condamne la Société Alu Rideau à verser à Maître Canet, es qualités, la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne la Société Alu Rideau aux dépens d'appel. Autorise l'application de l'article 699 du Code de Procédure Civile dans la limite des sommes dont la SCP Tapon Michot aura fait l'avance sans avoir reçu provision.