CA Agen, 1re ch. civ., 7 avril 2008, n° 06-01195
AGEN
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Groupe Volkswagen France (SA)
Défendeur :
Brunone, Gascon (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Muller
Conseillers :
M. Certner, Mme Marguery
Avoués :
SCP Teston-Llamas, SCP Patureau & Rigault, Me Burg
Avocats :
Me Vogel, SCPA du Puy de Goyne-Haramburu
Exposé des faits, procédure et moyens des parties
Claude Brunone a acquis le 18 juillet 2001 auprès de la société Gers Auto une automobile neuve Seat Leon 1,8 V Sport, millésime 2001 pour le prix de 134 500 Frs (20 504,39 euro). Ce véhicule, livré le 6 septembre 2001 est tombé en panne début octobre 2002.
La voiture étant immobilisée, avec un trou dans le bloc moteur pouvant résulter d'un vice caché, après désignation d'un expert, Claude Brunone a assigné devant le Tribunal de grande instance d'Auch la société Gers Auto qui a mis en cause Volkswagen (VW) France et a déposé son bilan.
Une seconde expertise a été ordonnée afin d'être opposable à VW France et le même expert a été désigné.
Au vu du rapport déposé le 25 octobre 2005, Claude Brunone a sollicité la résolution de la vente en raison d'un vice caché affectant le véhicule vendu, ainsi que la condamnation de Gers Auto et de VW France à lui payer :
- 20 504,39 euro représentant le prix du véhicule,
- 13,94 euro par jour depuis le 8 octobre 2002 pour privation de jouissance,
- 59,30 euro pour l'intervention de SDA pendant les opérations d'expertise,
- 4,6 euro HT par jour pour le gardiennage de la voiture,
- les intérêts de l'emprunt souscrit pour l'achat de l'automobile,
- 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par jugement du 28 juin 2006, le Tribunal de grande instance d'Auch a :
- prononcé la résolution du contrat de vente,
- condamné le groupe VW France à payer à M Brunone la somme de 20 504,39 euro avec intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2001 au titre de la restitution du prix de vente,
- dit que Claude Brunone restituerait le véhicule dès complet paiement de cette somme,
- fixé la créance de Claude Brunone à la liquidation judiciaire de Gers Auto à la somme de 20 818,49 euro,
- condamné le groupe VW France à verser à Claude Brunone à titre de dommages et intérêts la somme de 20 818,49 euro avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- dit que cette somme était due "in solidum" avec celle due par Maître Hélène Gascon mandataire judiciaire, ès qualités de liquidateur de Gers Auto,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision,
- condamné le groupe VW France in solidum avec Maître Hélène Gascon, ès qualités de liquidateur de Gers Auto à verser 1 500 euro à Claude Brunone en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Dans des conditions de forme et de délais non contestées, la SA Groupe VW France a relevé appel le 4 août 2006 de cette décision.
Aux termes de conclusions en date du 25 octobre 2007, elle demande à la Cour d'infirmer la décision déférée et de condamner Claude Brunone à payer les sommes de 1 500 euro à titre de dommages et intérêts et de 5 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle soutient l'argumentation suivante :
- l'article 1641 du Code civil ne peut être appliqué à VW France qui n'est ni le vendeur, ni l'importateur, ni le fabricant du véhicule.
- les développements de l'intimé sur la garantie contractuelle du constructeur constituent des prétentions nouvelles irrecevables devant la cour en application de l'article 564 du nouveau Code de procédure civile.
- cette garantie était expirée au moment de l'avarie à l'origine de la présente procédure.
- l'expertise révèle que le véhicule n'a pas été entretenu conformément aux prescriptions du constructeur, que la cause du dommage est une conduite en sur régime du moteur, que l'hypothèse d'un vice de fabrication de la bielle n'est pas démontrée. Elle n'établit pas davantage l'existence d'un vice rédhibitoire.
Par conclusions déposées le 14 septembre 2007, Maître Hélène Gascon, ès qualités de liquidateur de Gers Auto, s'en remet à l'appréciation de la Cour sur la fixation de la créance de Claude Brunone au passif de la procédure.
Dans ses conclusions en date du 8 juin 2007, Claude Brunone demande à la Cour de confirmer la décision des premiers juges et de condamner le Groupe VW France à lui payer la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Il expose que :
- le rapport de l'expert établit l'existence d'un vice caché.
- la société Gers Auto et le groupe VW France sont débiteurs de la garantie.
Vu l'ordonnance de clôture du 20 novembre 2007.
Motifs de la décision
* Sur l'application de l'article 1641 du Code civil :
L'expert conclut son rapport en ces termes: "La seule cause expliquant la destruction du moteur ne résulte pas d'un mauvais entretien ou d'une mauvaise utilisation, mais résulte d'un défaut de fabrication de la bielle du cylindre n°2 à l'origine de sa rupture brutale". Ce défaut constitue un vice caché au sens de l'article 1641 du Code civil .
C'est au vu de cette conclusion, après avoir rappelé que les hypothèses de mauvais entretien et de conduite inadaptée avaient été écartées par Monsieur Thuilliez que le premier juge a justement prononcé la résolution de la vente.
Les conclusions de l'expert sont en effet catégoriques quant à la cause de destruction du moteur. Elles ont été formulées au vu des dires des défendeurs dont l'argumentation n'a pas été validée, étant posé qu'ils n'ont pas sollicité l'expertise de la pièce à l'origine du sinistre. Elles n'ont pas été utilement critiquées et font apparaître d'une part, que le mauvais entretien du véhicule et la conduite inadaptée sont vainement reprochés à l'acquéreur, d'autre part que le défaut de fabrication de la bielle du cylindre n° 2 - constitutif du vice caché - était bien antérieur à la vente. C'est donc à bon droit que la résolution du contrat de vente du véhicule Seat Leon passé le 18 juillet 2001 entre la société Gers Auto et Claude Brunone a été prononcée par les premiers juges.
* Sur le débiteur de la garantie légale :
> Gers Auto
La garantie légale contre les vices cachés est incontestablement due par le vendeur immédiat de la chose à l'acquéreur. La société Gers Auto ne critique d'ailleurs pas le jugement déféré dont les dispositions de ce chef seront confirmées. Elle sera déclarée débitrice de cette garantie envers Claude Brunone.
>Le Groupe VW France
Le premier juge a condamné l'appelante à restituer le prix de vente du véhicule car, bien que n'étant ni le vendeur, ni l'importateur, ni le constructeur de l'automobile achetée aux Pays Bas, elle s'était comportée comme tel en sollicitant une réduction des dommages et intérêts qui pouvaient éventuellement être mis à sa charge.
L'intimé, soutenant que le Groupe VW France distribue en France les véhicules de marque Seat, que tout au long de la procédure, il s'est comporté comme le propriétaire vendeur et qu'en application de la directive 1475/95, son automobile bénéficiait de la garantie constructeur, sollicite la confirmation du jugement déféré.
L'acquéreur d'un véhicule commercialisé à l'étranger qui n'établit pas que la partie défenderesse a la qualité de vendeur, de distributeur, d'importateur ou de constructeur ne peut la voir condamnée à garantir les vices cachés. C'est donc avec pertinence que le groupe VW France expose qu'étant étranger à la chaîne des contrats relatifs au véhicule objet du litige et n'ayant aucune des qualités précédemment mentionnées, il ne peut être débiteur de la garantie des vices cachés.
Il importe peu que l'appelante ait conclut à une réduction des condamnations qui pourraient éventuellement être mises à sa charge dans la mesure où il s'agissait de conclusions prises à titre subsidiaire, pour le cas où son argumentation principale tendant au rejet des prétentions formulées à son encontre serait écartée, conclusions ne valant pas reconnaissance de ce qu'elle serait débitrice de la garantie légale, étant observé qu'à aucun moment elle ne s'est reconnue débitrice de cette garantie et que cette qualité ne saurait être déduite de sa participation à des opérations d'expertise réalisées sur décision judiciaire déclarée exécutoire.
Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point et M. Brunone sera débouté de ses prétentions dirigées contre le Groupe VW France.
* Le préjudice de Claude Brunone :
En tant que vendeur professionnel, la société Gers Auto est tenue, en application de l'article 1645 du Code civil de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.
La fixation de la créance de Claude Brunone à la liquidation judiciaire de Gers Auto, non contestée en cause d'appel sera donc confirmée.
* Dépens et frais irrépétibles :
La charge des dépens incombera à la partie succombante Maître Hélène Gascon, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Gers Auto.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par sa mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
Déclare l'appel recevable,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné le groupe Volkswagen France à verser à Claude Brunone les sommes de 20 504,39 euro avec intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2001 au titre de la restitution du prix de vente du véhicule Seat et de 20 818,49 euro avec intérêts au taux légal à compter du jugement à titre de dommages et intérêts, et, statuant à nouveau, Fixe la créance de Claude Brunone à la liquidation judiciaire de la société Gers Auto à la somme de 20.504,39 euro avec intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2001, Confirme le jugement déféré pour le surplus, Condamne Maître Hélène Gascon, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Gers Auto aux dépens, Dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile, Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile .