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Décisions

CA Versailles, 19e ch., 16 mai 2008, n° 07-03565

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

FMC Automobiles (SAS)

Défendeur :

Pizelle (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fedou

Conseillers :

Mmes Boucly-Girerd, Brylinski

Avoués :

SCP Tuset-Chouteau, SCP Fievet-Lafon

Avocats :

Mes Florentin, Pinel

TI de Saint-Germain-en-Laye, 15 mars 200…

15 mars 2007

Faits et procédure :

Le 21 décembre 1999, Monsieur et Madame Hervé Pizelle ont acquis d'occasion un véhicule KA, modèle 96, de marque Ford, dont la première mise en circulation remontait au 19 août 1997.

Ayant, à la fin de l'année 2004, constaté que le bruit du moteur était devenu anormal, Monsieur et Madame Pizelle ont dans un premier temps confié leur véhicule à différents garagistes.

Après qu'il eut été procédé au changement d'un capteur, le concessionnaire Ford a, devant la persistance des difficultés, préconisé le remplacement de l'arbre à cames, la Société Ford proposant de prendre en charge 30 % du coût du remplacement de cette pièce.

Monsieur et Madame Pizelle, qui n'ont pas donné suite à cette proposition, ont, après mise en place d'une expertise amiable, saisi le juge des référés lequel, par ordonnance du 18 octobre 2005, a désigné en qualité d'expert Monsieur Claude Martin.

L'expert judiciaire a conclu à l'existence d'un vice de fabrication qui était 'en germe dès l'origine du fonctionnement du moteur à la livraison du véhicule', estimant que celui-ci ne pouvait en aucun cas être utilisé selon l'usage auquel il est destiné.

C'est dans ces circonstances que Monsieur et Madame Hervé Pizelle ont, par acte du 9 octobre 2006, assigné la SAS FMC Automobiles Ford France, aux fins de voir constater que le véhicule litigieux est atteint d'un vice de fabrication, et de voir condamner la défenderesse au paiement des sommes de 2 100 euro au titre des réparations et de 2 000 euro à titre de dommages-intérêts.

Par jugement du 15 mars 2007, le Tribunal d'Instance de Saint Germain en Laye a condamné la SAS Automobiles Ford France à payer à Monsieur et Madame Hervé Pizelle la somme de 4 100 euro à titre de dommages-intérêts, outre celle de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et à prendre en charge les entiers dépens devant comprendre le coût de l'expertise judiciaire.

La SAS FMC Automobiles, exerçant sous l'enseigne Ford France, a interjeté appel de cette décision.

Elle critique les conclusions du rapport d'expertise, lesquelles sont contradictoires avec les propres constatations de l'expert, et sont fondées sur un présupposé inexact, suivant lequel le véhicule aurait été acquis neuf alors qu'il s'agissait d'un véhicule d'occasion.

Elle relève que le véhicule a été mis en circulation en 1997 et acquis en 1999 par les époux Pizelle dans des conditions indéterminées, puisque l'état du véhicule à cette date est inconnu.

Elle observe que la preuve de l'antériorité du vice à la vente n'est pas rapportée, alors même qu'un garagiste indépendant, Monsieur Lasis, qui n'a pas été mis dans la cause par la partie adverse, est intervenu sur l'arbre à cames du véhicule et a remplacé les poussoirs ainsi qu'il résulte de sa facture en date du 12 juillet 2002.

Elle considère que l'existence d'un vice de fabrication ne saurait se déduire de la note interne Ford dont font état les époux Pizelle, et qui ne concernait pas le véhicule litigieux.

Elle ajoute que la condition de bref délai exigée par l'article 1648 du Code civil n'est en l'occurrence pas remplie, dans la mesure où, si le véhicule avait présenté les défauts retenus par le tribunal depuis 1997 ou 1999, les intimés n'auraient pas attendu l'année 2006 pour assigner.

En conséquence, elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de débouter Monsieur et Madame Pizelle de toutes leurs réclamations, et de les condamner au paiement de la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

Madame Christine Pizelle née Peducci et Monsieur Hervé Pizelle concluent à la confirmation du jugement.

Ils répliquent que leur action a été engagée à bref délai et que l'expertise judiciaire a mis en évidence l'existence d'un vice caché rendant le véhicule impropre à son usage.

Ils soulignent que l'absence de mise en cause du garage Lasis est indifférente à l'issue du présent litige, dès lors qu'il s'infère du rapport d'expertise que les difficultés ayant affecté le véhicule sont antérieures à la vente, et même d'origine, ce que vient corroborer la note adressée le 17 novembre 1998 par la Société Ford à l'ensemble de son réseau.

Ils sollicitent la condamnation de la Société FMC Automobiles Ford France au paiement de la somme complémentaire de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, y compris de référé et d'expertise.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 février 2008.

Motifs de la décision :

Sur la prétendue garantie des vices cachés :

Considérant qu'à titre préalable, il doit être observé que les époux Pizelle, qui ont pour la première fois en avril 2005 été confrontés à de graves anomalies affectant le moteur de leur véhicule, ont, dès le mois de juin 2005, fait diligenter une mesure d'expertise amiable laquelle a confirmé ces dysfonctionnements, avant de prendre l'initiative, par acte du 8 septembre 2005, d'assigner en référé la Société FMC Automobiles Ford France ;

Considérant que, dans la mesure où il s'est écoulé seulement quelques semaines entre la découverte du vice par les intimés et la désignation par voie de référé de l'expert judiciaire, la présente action a été engagée à bref délai, répondant ainsi aux exigences de l'article 1648 du Code civil ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1641 du Code civil : "le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus" ;

Considérant qu'en application de cette disposition, la garantie légale des vices cachés ne peut être valablement invoquée que si la preuve est rapportée que ces vices sont antérieurs à la vente ;

Considérant qu'en l'occurrence, selon Monsieur Martin, expert judiciaire, le bruit mécanique très important du moteur se situe à la hauteur des basculeurs de soupapes et des poussoirs des culbuteurs mis en mouvement par l'arbre à cames placé dans le groupe moteur ;

Considérant que l'expert a diagnostiqué une impossibilité de réglage des culbuteurs provenant d'un dysfonctionnement, soit des poussoirs de culbuteurs, soit de l'arbre à cames, soit des deux ;

Considérant que l'examen des pièces incriminées lui a permis de constater une usure très importante des poussoirs des culbuteurs et la dégradation de l'arbre à cames ;

Considérant que, d'après l'expert judiciaire, compte tenu de l'usure progressive desdites pièces, leur dégradation progressive est un "vice de fabrication dans le sens où il était en germe dès l'origine du fonctionnement du moteur à la livraison du véhicule" ;

Mais considérant que, tout en concluant sans ambiguïté à la responsabilité du constructeur Ford dans la survenance de cette avarie, Monsieur Martin admet n'avoir pas fait analyser les traitements et la fonte d'acier des poussoirs et de l'arbre à cames, sous prétexte de la confirmation certaine de son diagnostic par le laboratoire qui serait chargé de cette investigation, et compte tenu du coût très élevé d'une telle analyse ;

Or considérant que cette analyse n'aurait certainement pas été inutile à la manifestation de la vérité, ne serait-ce que pour vérifier quelle a pu être l'incidence de l'intervention du Garage de la Cite M. Lasis, celui-ci ayant, selon facture du 12 juillet 2002 versée aux débats, procédé lors de la révision des 50 000 km notamment au "remplacement des huit poussoirs, remontage et réglage culbuteur", l'ensemble de ses opérations ayant été facturé sur la base de huit heures de travail ;

Considérant que l'expert judiciaire conteste que le garage Lasis ait effectivement procédé au remplacement des poussoirs, au motif que, compte tenu de ses autres interventions en particulier sur les freins, il n'a pas facturé le temps nécessaire à la réalisation de toutes ses opérations lesquelles "représentent plus de huit heures de travail au total" ;

Considérant que, toutefois, en l'absence de mise en cause de ce garagiste, dont rien n'autorise à conclure au caractère inexact voire mensonger de la facture émise par lui et portant mention du "remplacement des 8 poussoirs, remontage et réglage culbuteur", il n'est pas possible d'imputer la responsabilité des désordres affectant le moteur du véhicule des époux Pizelle à un vice de fabrication "en germe dès l'origine du fonctionnement du moteur à la livraison du véhicule", plutôt qu'à une réparation éventuellement défectueuse lors de l'intervention effectuée sur ce véhicule en juillet 2002 par le garage Lasis ;

Considérant qu'à cet égard, dans un dire en date du 8 mars 2006, la société appelante avait suggéré à l'expert qu'il soit procédé dans un premier temps à un examen comparatif des poussoirs retrouvés sur le véhicule avec le modèle utilisé par le constructeur, et que, dans un second temps, il soit procédé à une analyse métallurgique de ces pièces par un laboratoire afin que soit déterminée l'origine de l'usure constatée ;

Considérant que, de surcroît, aucune conséquence ne saurait être tirée de la note adressée par la Société Ford le 17 novembre 1998 à l'ensemble de son réseau dans les termes suivants :

"Le constructeur Ford informe son réseau sur le fait que des bruits de culbuterie élevés ou un jeu extrême à une soupape peuvent être dûs à une détérioration de l'arbre à cames et/ou des poussoirs de tige de culbuteur. Si l'incident ne peut être résolu par le réglage du jeu aux soupapes, il y a lieu de déposer le moteur et de remplacer les pièces en cause.

L'opérateur doit apposer sur le couvre-culasse une étiquette ou autocollant précisant Endura-E...";

Considérant qu'en effet, il résulte du bulletin technique n° 99-1997 diffusé par le constructeur que cette préconisation ne concernait que "les moteurs produits jusqu'au 20 novembre 1996 inclus", puisque : "depuis le 21 novembre 1996, des arbres à cames et des poussoirs révisés sont montés en production" ;

Considérant que le véhicule litigieux, dont le moteur a été produit le 24 avril 1997, n'est donc pas concerné par les anomalies visées dans cette note technique ;

Considérant qu'au surplus, contrairement à ce qui ressort du rapport d'expertise, le véhicule n'a pas été acheté à neuf, celui-ci ayant été acquis par les époux Pizelle le 21 décembre 1999, alors que la date de première mise en circulation remonte au 19 août 1997 ;

Or considérant qu'aucun renseignement n'est fourni sur les conditions d'utilisation et d'entretien de ce véhicule au cours des deux années ayant précédé son acquisition par les intimés fin décembre 1999 ;

Considérant qu'il existe donc trop d'éléments non élucidés sur l'origine des désordres ayant affecté le moteur du véhicule pour imputer de manière certaine la responsabilité de ces désordres à un vice de fabrication nécessairement antérieur à la vente ;

Considérant qu'à titre surabondant, il est acquis aux débats que ce véhicule a parcouru plus de 75 000 km entre la date de sa première mise en circulation en 1997 et la fin de l'année 2004, époque au cours de laquelle se sont révélés les premiers dysfonctionnements du moteur ;

Considérant que, dans la mesure où il apparaît que les époux Pizelle ont effectué plus de 50 000 kilomètres sans difficulté particulière pendant au moins cinq années, la preuve n'est pas rapportée que le défaut invoqué par eux, à le supposer imputable au constructeur, aurait tellement diminué l'usage de leur véhicule qu'ils l'auraient acquis à un moindre prix s'ils l'avaient connu ;

Considérant que, dès lors qu'au regard de ce qui précède, les conditions légales de la garantie des vices cachés ne sont pas remplies, il convient, en infirmant le jugement déféré, de débouter Monsieur et Madame Pizelle de leurs demandes de dommages-intérêts, tant au titre des frais de remise en état que pour trouble de jouissance ;

Sur les demandes annexes :

Considérant qu'il n'est pas inéquitable que l'une et l'autre parties conservent la charge des frais non compris dans les dépens exposés par elles dans le cadre de la présente instance ;

Considérant qu'il y a donc lieu, en infirmant la décision de première instance, de débouter Monsieur et Madame Pizelle de leur demande d'indemnité de procédure ;

Considérant que ces derniers doivent être condamnés aux entiers dépens de première instance, en ce compris les frais de la procédure de référé et d'expertise judiciaire, et d'appel ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Déclare recevable l'appel interjeté par la Société FMC Automobiles exerçant sous l'enseigne Ford France, le dit bien fondé, Infirme le jugement déféré, et Statuant À Nouveau : Déboute Monsieur et Madame Pizelle de leurs demandes à l'encontre de la Société FMC Automobiles exerçant sous l'enseigne Ford France, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile en faveur de l'une et l'autre parties, Condamne Monsieur et Madame Pizelle aux entiers dépens de première instance, incluant les frais de référé et d'expertise judiciaire, et d'appel, et Autorise la SCP Tuset-Chouteau, Société d'Avoués, à recouvrer directement la part la concernant, conformément à ce qui est prescrit par l'article 699 du Code de procédure civile .