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Décisions

CA Orléans, 20 octobre 2008, n° 07-02008

ORLÉANS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Cusin

Défendeur :

Chereau, Espace Dupont (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bureau

Conseillers :

Mmes Nollet, Hours

Avoués :

SCP Laval-Lueger, Bordier, SCP Desplanques-Devauchelle, Daudé

Avocats :

SCP Lavillat-Bourgon, Mes Mortelette, Piastra, Serreuille

TI Montargis, du 26 juin 2007

26 juin 2007

Exposé du litige :

Le 19 janvier 2005, Monsieur Daniel Cusin a vendu à Monsieur Gérard Chereau, moyennant le prix de 17 000 euro, un véhicule Land Rover qu'il avait lui-même acquis le 4 mai 2004 auprès de la société anonyme Espace Dupont à Montargis. Ce véhicule devait bénéficier d'une garantie "Europlus" contractée par Monsieur Cusin auprès de la société par actions simplifiées Agir International. Cette garantie permettait la prise en charge par cet assureur des frais de réparation du véhicule jusqu'au 13 mai 2005.

Alléguant de l'existence d'un vice caché constaté dès février 2005, Monsieur Chereau a, le 9 septembre 2005, assigné son vendeur devant le tribunal d'instance de Montargis afin d'obtenir restitution du prix de vente à hauteur de 7 136,26 euro, montant des réparations qu'il affirme être nécessaires. Il a sollicité en outre paiement de 1 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance, 1 000 euro au titre d'une perte de valeur de son véhicule et de l'absence de garantie Europlus, ainsi que 1 300 euro au titre des frais irrépétibles.

Contestant, au principal, l'existence de vices cachés, Monsieur Cusin a cependant assigné en intervention forcée la société Espace Dupont ainsi que la société Agir International, demandant subsidiairement au tribunal de les condamner à le relever indemne des éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

La société Espace Dupont a quant à elle appelé en garantie la société par actions simplifiées FMC Automobiles, division Land Rover France, fournisseur du véhicule litigieux.

Par jugement en date du 26 juin 2007, le tribunal a condamné Monsieur Cusin à restituer à Monsieur Chereau la somme de 5 409,10 euro ainsi qu'à lui verser 800 euro au titre des frais irrépétibles. Le premier juge a en outre rejeté l'ensemble des autres prétentions présentées par le demandeur, a débouté Monsieur Chereau de ses demandes en garantie formée à l'encontre des deux sociétés assignées par lui en intervention forcée, et l'a condamné à payer à chacune d'elle une indemnité de procédure.

Monsieur Cusin a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 27 juillet 2007.

Les dernières écritures des parties, prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du Code de procédure civile, ont été déposées :

- le 27 mai 2008 par Monsieur Cusin,

- le 4 mars 2008 par Monsieur Chereau,

- le 22 février 2008 par la société Espace Dupont,

- le 27 février 2008 par la société FMC Automobile.

La S.A.S. Agir International n'a pas été appelée en cause d'appel.

Monsieur Cusin conclut à l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'elle l'a déclaré tenu à réparer les conséquences d'un vice caché. Il fait valoir que l'expertise non contradictoire versée aux débats par l'acquéreur ne permet pas d'établir l'existence d'un tel vice antérieur à la vente. Il demande par ailleurs à la cour de confirmer la décision en ce qu'elle a rejeté les demandes indemnitaires de Monsieur Chereau, qui ne démontre pas la connaissance qu'avait son vendeur de vices affectant le véhicule litigieux, ainsi qu'en ce qu'elle a écarté les factures de réparation du turbo du véhicule, cette remise en état étant sans lien de causalité avec les pannes initiales du véhicule. Il soutient de plus que, si Monsieur Chereau n'a pu bénéficier de la garantie Europlus, c'est uniquement parce qu'il n'a pas fait effectuer une révision du véhicule avant que le compteur de ce dernier ait atteint 99 645 kilomètres. Subsidiairement, Monsieur Cusin sollicite l'organisation d'une expertise judiciaire et, encore plus subsidiairement, si sa garantie était retenue au titre des vices cachés, demande à la cour de condamner la société Espace Dupont, professionnel de l'automobile présumé connaître l'existence de vices affectant le véhicule, à le relever indemne des condamnations qui seraient prononcées à son encontre. En tout état de cause il réclame versement, par Monsieur Chereau ou par la société Espace Dupont, d'une indemnité de procédure de 2 000 euro.

L'intimé sollicite au contraire confirmation du jugement déféré en ce qu'il a retenu l'existence d'un vice caché et son infirmation en ses dispositions lui ayant alloué 5 409,10 euro, à titre de dommages et intérêts. Il fait valoir que l'avis technique émis par le cabinet BCA, expert automobile, démontre la nécessité de compléter le liquide de refroidissement 15 jours après la vente du véhicule et de remplacer la culasse. Il soutient de plus que la garantie Europlus lui a été refusée du fait de l'appelant qui ne lui avait remis aucun document relatif à cette garantie, ce qui ne lui a pas permis de savoir qu'il devait procéder à une vidange tous les 10 000 kilomètres. Il affirme en outre que le compteur indiquait 99 400 kilomètres lors de la cession et qu'il appartenait en conséquence au vendeur de faire procéder à l'entretien du véhicule avant de le vendre. Monsieur Chereau maintient que la réparation du turbo n'a été rendue nécessaire que par le fait que cet élément avait absorbé des vapeurs de liquide de refroidissement et ne pouvait plus remplir sa fonction. Formant appel incident, l'intimé demande à la cour de faire droit à l'intégralité des demandes en paiement formées par lui devant le premier juge et de condamner l'appelant à lui verser une somme de 2 000 euro au titre des frais irrépétibles.

La société Espace Dupont conclut à la confirmation de la décision entreprise. Subsidiairement, si la cour retenait l'existence d'un vice caché préexistant à la vente intervenue entre elle-même et Monsieur Cusin, elle sollicite la garantie de la société FMC Automobiles. Elle réclame de plus condamnation de l'appelant, ou, à défaut, de la société FMC Automobiles à lui verser une indemnité de procédure de 3 000 euro.

La société FMC Automobiles sollicite également confirmation de la décision entreprise mais, subsidiairement, forme appel incident en demandant à la cour de constater que le rapport d'expertise ne lui est pas opposable et qu'il n'est pas démontré que le vice préexistait à l'achat du véhicule par Monsieur Cusin ou à la première mise en circulation du véhicule, ou encore plus subsidiairement, que le véhicule n'était pas atteint d'un vice caché puisqu'il était facilement réparable. Elle conclut au rejet de l'ensemble des demandes formées à son encontre et sollicite condamnation de la société Espace Dupont ou de tous succombants à lui verser 4 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Cela étant exposé, la cour :

Attendu que, si Monsieur Cusin a interjeté un appel général de la décision du tribunal d'instance de Montargis, il n'a cependant interjeté appel qu'à l'encontre de Monsieur Chereau et la société Espace Dupont ; que cette dernière a appelé en cause d'appel la société FMC mais qu'aucune des parties n'a assigné devant cette cour la société Agir International, à l'encontre de laquelle aucune demande n'est formée;

que les dispositions du jugement concernant cette partie sont donc devenues définitives ;

1) Sur l'existence de vices cachés antérieurs aux ventes du véhicule :

Attendu qu'aux termes de l'article 1641 du Code civil , le vendeur est tenu de la garantie des défauts cachés de la chose qui la rendent impropre à l'usage à laquelle on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou en aurait donné un moindre prix s'il les avait connus ;

que Monsieur Chereau se fonde uniquement sur cette disposition légale pour solliciter, ainsi que le prévoit l'article 1644 du même Code, restitution d'une partie du prix de vente ;

Attendu que Monsieur Cusin reproche à la décision déférée d'avoir retenu l'existence d'un vice caché affectant le véhicule ;

qu'il fait valoir que, pour ce faire, le premier juge s'est fondé sur le rapport d'expertise non probant réalisé de manière non contradictoire par le cabinet BCA à la demande de Monsieur Chereau ;

que ce dernier soutient quant à lui que le tribunal a pu valablement se fonder sur un rapport d'expertise non judiciaire entièrement versé aux débats ce qui a permis au vendeur du véhicule d'en débattre contradictoirement ;

Attendu que, si l'expertise versée aux débats n'a pas été réalisée en présence de l'appelant, elle a cependant pu être débattue contradictoirement au cours des instances qui se sont déroulées devant le tribunal et devant cette cour ;

que le juge peut se fonder sur une expertise ainsi versée aux débats pour vérifier l'existence des faits fondant la demande qui lui est présentée, à la condition que ces faits soient d'une part indubitablement établis par cette mesure d'instruction, d'autre part confortés par des éléments qui lui sont extérieurs ;

Attendu qu'en l'espèce, l'expert amiable, qui n'a pas procédé au démontage du moteur, n'a fait que relever que le niveau du liquide de refroidissement était inférieur au niveau minimum préconisé par le constructeur ;

qu'il n'a constaté ni l'existence d'une fuite extérieure, ni la présence de liquide de condensation sur le bouchon de remplissage d'huile ;

qu'il s'est contenté de reprendre les déclarations de Monsieur Chereau pour retenir que le véhicule consommait 25 centilitres de liquide de refroidissement aux 1 500 kilomètres mais n'a pas procédé lui-même aux vérifications permettant d'établir la réalité d'une telle consommation dans des conditions normales d'utilisation du véhicule ;

qu'il n'a relevé aucun dysfonctionnement permettant d'expliquer la baisse du liquide de refroidissement ;

qu'il a seulement conclu que 'les éléments portés à sa connaissance' lui permettaient d'affirmer qu'il existait un problème d'étanchéité dans le circuit de refroidissement mais qu'il n'a lui-même relevé aucun dysfonctionnement de ce circuit ;

que la facture de remplissage du réservoir de liquide de refroidissement, établie par la SARL Devoux en février 2005, ne permet pas plus de déterminer quelles causes ont rendu nécessaire une telle remise à niveau ;

que c'est à tort que le tribunal a retenu que cette expertise était corroborée par les travaux effectués ensuite par la société Medicis Automobiles, concessionnaire Land Rover, laquelle a procédé à la vidange du circuit de refroidissement, à celle du moteur et des filtres et au remplacement de la culasse pour un montant total de 5 407,10 euro ;

qu'une telle facture, qui ne précise pas les origines de la déperdition supposée et ne fait état d'aucune cause de fuite constatée lors du remplacement de la culasse, ne permet pas de vérifier pour quel motif ces travaux ont été rendus nécessaires ;

que le tribunal ne pouvait donc déduire de la seule proximité entre la date de vente et les premières remises à niveau du liquide de refroidissement l'existence d'un vice caché antérieur à la vente ;

Attendu que c'est à tort que Monsieur Chereau reproche à son vendeur de ne pas avoir sollicité d'expertise judiciaire alors que la charge de la preuve de l'existence d'un vice caché incombe entièrement à l'acquéreur et qu'il n'appartenait en conséquence pas à Monsieur Cusin de prendre l'initiative d'une telle demande ;

que le circuit de refroidissement ayant fait l'objet d'un changement dès le 25 juillet 2006, une telle réparation, qui n'était justifiée par aucune urgence puisqu'une simple remise à niveau régulière du réservoir permettait l'usage normal du véhicule, empêche la cour de faire droit à la demande subsidiaire d'organisation d'une expertise judiciaire contradictoire et approfondie qui aurait pourtant été nécessaire pour déterminer la cause des déperditions de liquide de refroidissement ;

Attendu qu'il apparaît ainsi que l'intimé, en ne déterminant pas les causes de défaillance alléguées et en ne démontrant pas qu'une utilisation anormale du véhicule ou une cause postérieure à son achat du véhicule n'en sont pas à l'origine, n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'existence d'un vice antérieur à la vente ;

que le jugement déféré sera infirmé et que Monsieur Chereau sera débouté de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de Monsieur Cusin au titre de l'existence d'un vice caché ;

que cette infirmation rend sans objet les appels en garantie formés à l'encontre des sociétés Espace Dupont et FMC Automobiles ;

2) sur l'absence de garantie Europlus :

Attendu que Monsieur Cusin a souscrit, lors de son achat du véhicule litigieux, une garantie Europlus qui permettait la prise en charge par la société Agir International des frais de réparation du véhicule jusqu'au 13 mai 2005 ;

que le contrat prévoyait qu'outre les opérations d'entretien préconisées par le constructeur une vidange devait être effectuée tous les 10 000 kilomètres et que l'inexécution de ces obligations entraînerait la perte définitive de la garantie ;

Attendu que les parties sont d'accord pour reconnaître que cette clause imposait que la land Rover fasse l'objet d'une vidange avant d'avoir parcouru 99 080 kilomètres ;

qu'elles n'ont cependant pas mentionné le kilométrage du véhicule au moment de son achat par Monsieur Chereau ;

que l'acte de vente ne mentionne pas plus que Monsieur Cusin, sur lequel portait l'obligation d'information, a communiqué à son acquéreur les conditions contractuelles de garantie et qu'il n'est donc pas établi que l'intimé ait été informé de l'obligation de faire effectuer un entretien tous les 10 000 kilomètres ;

Attendu qu'il est seulement établi que, lors de l'achat par Monsieur Cusin, le compteur de la land Rover totalisait 89 080 kilomètres ;

que, le 18 décembre 2004, l'appelant a fait paraître une annonce de mise en vente de ce même véhicule en mentionnant qu'il avait parcouru 97 000 kilomètres ;

que Monsieur Chereau a acquis la land Rover quatre semaines plus tard, le 19 janvier 2005 ;

qu'enfin, le 15 février 2005, la facture établie par le garage Devoux mentionne que le kilométrage est de 99 800 au compteur ;

que ces éléments ne permettent pas de savoir quel propriétaire était en possession du véhicule lorsque celui-ci a atteint 99 080 kilomètres, ce qui rendait une vidange impérative ;

qu'en tout état de cause Monsieur Cusin est responsable du refus de garantie opposé pour non réalisation de la vidange puisque soit le véhicule avait parcouru un tel kilométrage avant la vente et il lui appartenait de faire effectuer la vidange, soit la land Rover n'y est parvenue que postérieurement à la vente mais le vendeur n'a pas respecté l'obligation qui lui incombait d'informer Monsieur Chereau de la nécessité contractuelle d'effectuer l'entretien régulier du véhicule ;

Attendu que les écritures de Monsieur Chereau sont clairement scindées, puisqu'il sollicite restitution d'une partie du prix sur le fondement des vices cachés et uniquement paiement de dommages et intérêts sur le fondement de la délivrance non conforme du véhicule, puisque celui-ci n'est plus garanti par la société Agir International ;

qu'il est constant que Monsieur Chereau subit un préjudice financier puisqu'il a acquis la land Rover en tenant compte d'une garantie contractuelle qui n'existait pas ;

qu'il sera en conséquence fait droit à sa demande tendant à obtenir condamnation du vendeur à lui verser 1 000 euro à titre de dommages et intérêts ;

Attendu enfin que Monsieur Chereau, qui ne démontre pas l'existence d'un vice caché ne peut solliciter réparation d'un préjudice de jouissance ;

qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Constate que les dispositions du jugement déféré ayant débouté Monsieur Daniel Cusin de sa demande formée à l'encontre de la société Agir International sont devenues définitives, Infirme la décision entreprise mais seulement en ce qu'elle a condamné Monsieur Daniel Cusin à payer à Monsieur Gérard Chereau la somme de 5 409,10 euro et a débouté ce dernier du surplus de ses demandes en paiement, Statuant à nouveau sur ces seuls chefs, Déboute Monsieur Gérard Chereau de ses demandes formées sur le fondement de l'existence de vices cachés et de celle tendant à la réparation d'un préjudice de jouissance, Condamne Monsieur Daniel Cusin à payer à Monsieur Gérard Chereau la somme de 1 000 euro à titre de dommages et intérêts au titre de la délivrance non conforme du véhicule, Confirme la décision entreprise dans ses autres chefs de dispositions, Y ajoutant, Déboute les parties de leurs demandes formées en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne Monsieur Gérard Chereau aux dépens d'appel, Accorde aux avoués de la cause, hormis Maître Bordier, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile .