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Décisions

CA Nîmes, 1re ch. civ. B, 25 novembre 2008, n° 06-03909

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Industrial Chimica (SRL)

Défendeur :

Pesce (EARL), Protecta (Sté), Perret (SA), Aviva Assurances (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Filhouse

Conseillers :

Mmes Thery, Berthet

Avoués :

SCP Pomies-Richaud-Vajou, SCP Curat- Jarricot, SCP Fontaine-Macaluso Jullien, SCP Pericchi, SCP Guizard-Servais

Avocats :

SELARL Job-Ricouart & Associes, SELARL Peylhard, Mes Balazard-Ancely, Fortunet, Vindret-Choveau

TGI Avignon, du 5 sept. 2006

5 septembre 2006

Faits et procédure, moyens et prétentions des parties

Vu l'appel interjeté le 12 octobre 2006 par la SRL Industrial Chimica du jugement prononcé le 5 septembre 2006 par le Tribunal de grande instance d'Avignon.

Vu les dernières conclusions et bordereaux de pièces annexés déposés au greffe de la mise en état :

" le 27 juin 2008 et le 17 septembre 2008 par la société Industrial chimica SRL (il est sollicité le rejet de ces dernières),

appelante,

" le 27 novembre 2007 par la SA Perret ainsi que le 8 octobre 2008 (postérieurs à la clôture),

" le 1er août 2008 par la SA Aviva assurances ainsi que le 25 septembre 2008 (postérieures à la clôture),

" le 9 septembre 2008 et le 18 septembre 2008 (il est sollicité le rejet de ces dernières) par la SAS Protecta,

" le 31 décembre 2007 par l'EARL Pesce

intimées,

auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé du litige et des prétentions respectives,

Vu l'ordonnance de clôture de la procédure en date du 19 septembre 2008,

Vu les conclusions d'incident de rejet.

Le 24 mai 2002, la société Protecta a vendu à la société Etablissements Perret des bidons de 5 l de glu de marque Rampastop destinée à empêcher les insectes marcheurs de monter dans l'appareil foliaire des arbres fruitiers.

Selon facture du 28 février 2003, l'entreprise agricole à responsabilité limitée Pesce a acquis quatre bidons de 5 l de glu de cette marque auprès de la société établissements Perret

À la suite de l'application de ce produit sur une parcelle de jeunes abricotiers au mois d'avril 2003, les arbres ont subi des dégradations (brûlures sur l'écorce des arbres) qui ont eu pour conséquence à terme leur destruction.

Plusieurs experts ont été mandatés par la compagnie d'assurances Aviva, assureur de la société Protecta pour se prononcer sur la cause et l'origine des désordres et chiffrer le préjudice subi par l'EARL Pesce.

Par acte du 6 juillet 2004, l'EARL Pesce a fait assigner au visa des articles 1386 '1 et suivants du Code civil la société Protecta, les établissements Perret et la société Aviva assurances en réparation de son préjudice devant le Tribunal de grande instance d'Avignon.

Par acte du 20 janvier 2005, la société Protecta a appelé en garantie son fournisseur, la société italienne Industrial Chimica.

Le tribunal, par jugement du 5 septembre 2006, a :

" condamné in solidum la société établissements Perret et la société Protecta à payer en deniers ou quittance à l'entreprise agricole à responsabilité limitée Pesce la somme de 31 080 euro en réparation de son préjudice et celle de 2 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

" condamné la société Protecta à relever et garantir la société établissements Perret de cette condamnation et à lui payer la somme de 2 000 euro à titre de dommages-intérêts et 2 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

" prononcé la mise hors de cause de la société Aviva assurances,

" condamné la société Protecta à payer à la société Aviva assurances la somme de 1 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

" condamné la société Industrial Chimica à relever et garantir la société Protecta de la condamnation prononcée à son encontre au profit de l'entreprise agricole à responsabilité limitée Pesce,

" dit que la société Protecta devra assumer seule les condamnations prononcées au bénéfice des sociétés établissements Perret et Aviva assurances,

" débouté la société Protecta de ses autres demandes, la société industrial chimica de toutes ses autres demandes,

" ordonné l'exécution provisoire du jugement,

" condamné in solidum les sociétés établissements Perret et Protecta aux dépens, la société Protecta à relever et garantir la société établissements Perret de cette condamnation et la société industrial chimica à relever et garantir la société Protecta de cette condamnation.

La société Industrial Chimica a régulièrement interjeté appel de ce jugement en vue de son infirmation sollicitant sa mise hors de cause au motif que les rapports et analyses amiables versés aux débats lui sont inopposables au visa des articles 16 du Code de procédure civile et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et à tout le moins insuffisants ainsi que les sommes de 5000 euro à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et 3 000 euro pour ses frais irrépétibles.

Elle fait essentiellement valoir que le premier juge n'a pas répondu aux moyens qu'elle a opposés quant à l'origine indéterminée de la glu, à l'absence d'identification du lot litigieux et du fabricant, à l'absence de preuve du défaut du produit.

L'EARL Pesce conclut à la confirmation du jugement et sollicite la condamnation solidaire des sociétés Industrial Chimica, Perret et Protecta au paiement de la somme complémentaire de 2 000 euro pour ses frais irrépétibles.

Elle rappelle avoir perçu la somme de 30 000 euro à la suite de l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état le 17 janvier 2005.

La société Perret, distributeur du produit incriminé, conclut également à la confirmation du jugement et réclame la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Protecta, formant appel incident, conclut à la réformation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à l'EARL Pesce la somme de 31 080 euro à titre de dommages-intérêts et de 1000 euro pour les frais irrépétibles , en ce qu'il a mis hors de cause la société Aviva assurances et sollicite la condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 32 000 euro à titre de dommages-intérêts.

Elle demande que les sociétés Aviva et Perret soient condamnées à rembourser les sommes qu'elle a versées au titre des dommages et intérêts et de l'article 700, que la société Pesce soit condamnée à rembourser la somme versée à titre de provision.

Elle conclut encore à la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société Industrial Chimica à la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre si la cour confirmait la mise hors de cause de la société Aviva Assurances et la condamnation solidaire des sociétés Protecta et industrial Chimica à indemniser le préjudice subi par la société Pesce.

Elle sollicite la condamnation conjointe des sociétés Aviva et Industrial Chimica à lui verser les sommes de 5 000 euro à titre de dommages-intérêts et 5 000 euro pour ses frais irrépétibles.

À titre subsidiaire dans l'hypothèse où la cour jugerait inopposables les rapports d'expertise, elle demande que la compagnie Aviva assurances soit condamnée à la relever et garantir des condamnations pouvant être mises à sa charge.

La société Aviva assurances conclut au visa des articles 1964 du Code civil et L. 113 1 du Code des assurances à la confirmation du jugement entrepris.

À titre subsidiaire, elle sollicite d'être relevée et garantie des condamnations prononcées contre elle par la société Industrial Chimica, celle-ci devant être en outre condamnée à lui verser la somme de 2 000 euro pour ses frais irrépétibles.

Motifs de la décision

I "Sur la procédure

Il est sollicité le rejet des écritures de la société Industrial Chimica du 17 septembre 2008 et de la société Protecta du 18 septembre 2008 comme étant tardives et celles de la société Aviva du 25 septembre 2008 et de la société Perret du 8 octobre 2008 comme étant postérieures à l'ordonnance de clôture.

Il est rappelé que l'article 784 du Code de procédure civile subordonne la révocation de l'ordonnance de clôture à la démonstration d'une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

Selon l'article 15 du Code de procédure civile , les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.

L'affaire a été fixée le 11 mars 2008 à l'audience du 14 octobre 2008 avec une clôture au 19 septembre 2008.

L'examen des conclusions des parties fait apparaître que :

" la société Industrial Chimica a conclu le 27 juin 2008 et a répliqué aux écritures de la société Protecta le 17 septembre 2008 sans communiquer de nouvelles pièces ou développer de nouveaux moyens en droit,

" la société Protecta qui avait conclu le 24 juin 2008 a encore conclu le 9 septembre 2008 sans que l'examen comparé de ses écritures ne mettent en évidence de nouveaux moyens en droit,

" la SA Aviva assurances a conclu pour sa part le 1er août 2008 puis le 25 septembre 2008 après la clôture sans pour autant développer de nouveaux moyens en droit puisqu'elle explicite les arguments développés dans ses précédentes conclusions en réponse au moyen soulevé par la société Protecta relatif à la direction du procès,

" la SA Perret a conclu le 27 novembre 2007 au visa des articles 1386-1 et suivants du Code civil puis le 8 octobre 2008 développant dans ses dernières écritures le moyen tiré de l'application de l'article 1386 6 du Code civil.

Au regard des dates ci-dessus rappelées, il ne peut être admis en vertu du principe du contradictoire et de la loyauté des débats que la société Industrial Chimica et la société Protecta aient déposé des conclusions deux jours avant et la veille de la clôture ce qui n'a pas permis aux autres parties d'y répondre de sorte qu'elles doivent être écartées des débats, étant souligné qu'il ne ressort pas de ces conclusions qu'elles puissent être déterminantes pour la solution du litige en l'absence de demandes, de pièces ou de moyens nouveaux.

Dès lors que les conclusions tardives ont été écartées et qu'il n'est pas allégué une cause grave au sens de l'article 784 précité, il ne peut être fait droit à la demande de révocation de l'ordonnance de clôture. Les conclusions de la société Perret et de la société Aviva assurances seront déclarées irrecevables comme étant postérieures à la clôture.

II "Sur le fond

Il est nécessaire, pour analyser le bien fondé de l'appel de la société Industrial chimica, d'examiner au préalable la demande initiale de l'EURL Pesce puis les appels en garantie.

A/ les demandes de L'EURL Pesce

Il est constant au vu de la facture du 28 février 2003 que l'EARL Pesce a acheté auprès de la SA Perret 4 seaux de 5 l de Rampastop glu pâteuse (semi liquide).

Il s'agit d'une glu destinée à être appliquée autour du tronc des arbres fruitiers à noyau et pépin pour servir de barrières physiques au passage des insectes rampants.

Il résulte des rapports concordants de M. Guinet du 11 juillet 2003 effectué à la demande de la société Protecta, de M. Sarran du 26 novembre 2003 mandaté par la société Aviva assurances et de M. Banuls (TEXA), également mandaté par la société Aviva assurances qu'à la suite de l'application du produit au mois d'avril 2003, les abricotiers plantés le 14 janvier 2002 ont présenté des cassures ou des fissures au niveau du tronc dans la zone ayant reçu l'application de la glu.

Ces constatations sont corroborées par les photographies annexées au constat d'huissier du 20 janvier 2004.

Les experts concluent que la formulation de glu gélatineuse utilisée est la seule cause possible des dépérissements. Ils écartent compte tenu des nécroses constatées sur le tronc des arbres l'action d'autres produits en particulier les traitements phytosanitaires ou le désherbage.

M. Guinet a précisé, en ce qui concerne la cause des dégâts, qu'il avait observé en 2002 des phénomènes identiques sur scions de pêchers et sur des cerisiers avec cette même formulation, que le produit décrit par le producteur (les quatre bidons n'ayant pas été gardés) et son observation sur les jeunes troncs confirmaient que la glu utilisée était bien de la glu gélatineuse.

Le préjudice a été évalué à 31 080 euro HT par M. Sarran, montant qui n'a pas fait l'objet de discussions tant en première instance qu'en appel.

La société Perret réitère sa contestation quant au caractère non contradictoire des opérations d'expertise auquel elle n'a pas été conviée mais n'en tire aucune conséquence quant à sa responsabilité puisqu'elle conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société Protecta à la relever et garantir des condamnations mises à sa charge.

Ainsi que l'a justement retenu le premier juge, sa qualité de vendeur professionnel lui imposait de délivrer un produit conforme à sa destination.

Elle ne discute pas le lien de causalité entre l'application du produit et les désordres constatés de sorte que ses critiques sur le déroulement des opérations d'expertise sont inopérantes, étant observé qu'elle a eu connaissance de ces rapports, qu'elle a été mise en mesure de les discuter et qu'elle n'a fourni aucun avis technique contraire permettant d'écarter le lien entre l'application du produit et la survenance des désordres.

La société Protecta prétend comme en première instance qu'il n'est pas démontré qu'elle ait vendu le produit litigieux et qu'il soit la cause des désordres, évoquant également la responsabilité de la société Pesce en ce qui concerne les conditions de conservation de la glu litigieuse.

Néanmoins, il ressort du rapport d'expertise de M. Banuls et de la notice du produit Rampastop que la société Protecta est spécialisée dans la distribution de produits de protection contre les insectes et nuisibles, et qu'elle est détentrice depuis 1992 de l'homologation du produit Rampastop.

Il est produit par ailleurs la facture du 24 mai 2002 émanant de la société Protecta et adressée à la société Perret portant sur l'achat de Rampastop glu gélatineuse de sorte qu'elle n'est pas fondée à se prévaloir d'un correctif intervenu en 2003 dans la fabrication du produit et de tests de contrôle de non phytotoxicité réalisés du mois de mai au mois de septembre 2003 dans la mesure où l'utilisateur a acheté le produit au mois de février 2003.

Aux termes de l'article 1386 1 du Code civil, le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime.

Il s'évince des rapports d'expertise que le sinistre résulte exclusivement de la phytotoxicité de la glu Rampastop gel mise en circulation par la société Protecta ainsi qu'elle l'a elle-même reconnue devant les experts et qu'elle ne peut dans ces conditions faire référence aux conditions de conservation du produit pour s'exonérer de sa responsabilité de plein droit, étant de surcroît observé que cet argument n'a pas été avancé dans le cadre des opérations d'expertise, la société Protecta n'ayant jamais contesté la réalité du défaut de son produit offrant au contraire d'indemniser l'EARL Pesce de son préjudice.

Il s'ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné in solidum la société établissements Perret et la société Protecta à payer en deniers ou quittance compte tenu de l'ordonnance du juge de la mise en état du 17 janvier 2005 à l'EARL Pesce la somme de 31 080 euro en réparation de son préjudice et celle de 2 000 euro pour ses frais irrépétibles.

B/ l'appel en garantie dirigé contre la société Protecta

Il est rappelé qu'aux termes de l'article 1386 7 du Code civil, le vendeur ou tout autre fournisseur professionnel n'est responsable du défaut de sécurité du produit dans les mêmes conditions que le producteur que si ce dernier demeure inconnu. Le recours du fournisseur contre le producteur obéit aux mêmes règles que la demande émanant de la victime directe du défaut.

Il s'agit d'une responsabilité de plein droit sauf à ce que le producteur ne prouve qu'il n'avait pas mis le produit en circulation, que compte tenu des circonstances, il y a lieu d'estimer que le défaut ayant causé le dommage n'existait pas au moment où le produit a été mis en circulation par lui ou que ce défaut est né postérieurement.

En l'occurrence, la société Protecta qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom est responsable de plein droit en l'état de la preuve de la mise en circulation du produit, de son usage par l'EARL Pesce et de la défectuosité de celui-ci en l'état des constatations concordantes décrites supra.

Il s'ensuit qu'il y a lieu de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a condamné la société Protecta à relever et garantir la SA Perret des condamnations mises à sa charge.

En revanche, il n'est pas démontré que la société Protecta ait délibérément maintenu la commercialisation du produit Rampastop en sachant qu'il était défectueux.

Il apparaît qu'au mois d'avril 2002 la société Protecta a eu des inquiétudes sur la phytotoxicité de la glu gel au vu de son courrier du 29 avril 2002 adressé à la société Industrial Chimica.

L'expérimentation réalisée à sa demande par M. Guinet entre le mois de juin 2002 et le mois de septembre 2002 sur 11 espèces a démontré que l'action de la glu liquide sur les arbres fruitiers ou arbres d'ornements présentait des risques de phytotoxicité élevés.

Néanmoins, il s'avère que la société Perret a acquis les bidons litigieux au mois de mai 2002 de sorte qu'à cette date, elle ne pouvait avoir conscience des défauts du produit et qu'il ne peut lui être reproché un comportement fautif.

Il s'ensuit que la décision déférée sera infirmée en ce qu'elle a condamné la SA Protecta à payer à la SA Perret la somme de 2000euro à titre de dommages et intérêts.

C/ la garantie de la société Aviva assurances

Il est constant au vu des pièces produites que la SA Protecta a souscrit un contrat d'assurance responsabilité civile n°72285624 auprès de la SA Abeille Assurances à effet au 18 octobre 1999 en déclarant exercer une activité notamment de négoce de produit anti mouches à base de glu.

La compagnie Aviva assurances a opposé par lettre recommandée avec avis de réception du 26 mai 2004 une exclusion de garantie insérée dans les conventions spéciales responsabilité civile des PME PMI au motif que le dommage avait été rendu inéluctable par le fait volontaire de l'assuré faisant perdre au contrat d'assurance son caractère de contrat aléatoire.

Ce moyen a été retenu par le premier juge pour écarter la garantie de l'assureur.

La SA Protecta soutient dans ses écritures que la compagnie d'assurances a pris la direction du procès ce qui emporterait renonciation à opposer un refus de garantie par application des dispositions de l'article L. 113-17 du Code des assurances .

S'il est indéniable que dès la connaissance du sinistre, l'assureur a mandaté des experts aux fins d'en rechercher les causes et de chiffrer le préjudice, il ne peut pour autant en être déduit une prise de direction du procès alors qu'il s'agissait d'actes de nature conservatoire dans le cadre d'une procédure amiable et non judiciaire et que le procès a été engagé postérieurement au refus de garantie de l'assureur (assignation de l'assureur par l'EARL Pesce le 6 juillet 2004) .

Ce moyen ne peut qu'être écarté en l'état de ces constatations.

La SA Protecta conteste encore l'exclusion de garantie.

Il est rappelé à cet égard que le fait intentionnel implique la volonté chez l'assuré de provoquer le dommage et non pas seulement le risque, avec la conscience des conséquences de son acte. La simple négligence ne peut être assimilée à un fait volontaire.

Si lors des opérations d'expertise, nécessairement postérieures aux dommages, le gérant de la société Protecta a pu préciser qu'il avait connu des désordres similaires sur une jeune plantation de cerisiers au mois de septembre 2002 chez un producteur de Haute-Savoie avec le même lot de produit fabriqué en 2001 par la société industrial Chimica, il ne pouvait avoir pleinement connaissance des défauts du produit Rampastop lors de la vente à la société Perret le 24 mai 2002.

Les divers courriers et télécopies échangés à l'époque permettent de retenir que ce n'est que le 29 avril 2002 que M. Cantelli, gérant de la société Protecta a demandé à son fournisseur à la suite de la réclamation d'un client de vérifier si la nouvelle colle pouvait causer des problèmes aux plantes non fruitières.

Si le produit appliqué sur les cerisiers appartenant à M. Combaz l'a été au mois de mai 2001, les symptômes sont apparus plus d'un an après l'application de la glu selon l'expertise du 13 septembre 2002 de sorte qu'à la date de la vente la société Protecta ne pouvait être informé des éventuelles insuffisances de son produit.

Si par la suite la société Protecta a pu avoir connaissance des désordres au vu du rapport de M. Guinet du 27 septembre 2002, le caractère isolé de ceux-ci et leur ampleur très limitée ne permettent pas de retenir une faute intentionnelle ou dolosive telle que stipulée contractuellement de la part de celle-ci.

En l'état de ces éléments factuels, l'assureur ne démontre pas un fait volontaire de l'assuré établissant une intention dolosive de sorte qu'il doit garantir son assuré des conséquences dommageables de l'application du produit par lui vendu.

Il s'ensuit que le jugement sera infirmé en ce qu'il a prononcé la mise hors de cause de la SA Aviva Assurances.

L'assureur sera condamné à relever et garantir son assuré par application des dispositions contractuelles.

Il conviendra de faire application de la franchise contractuelle dans la limite de 1 524 euro ainsi que le conclut à juste titre l'assureur.

D/ Sur les autres demandes de la société Protecta

La demande de dommages et intérêts à hauteur de 32 000euro ne peut prospérer en l'absence de faute caractérisée de la part de l'assureur alors qu'il a été retenu que celui-ci n'avait pas pris la direction du procès de la SA Protecta et qu'il ne peut lui être fait grief de ne pas avoir fait les démarches pour mettre en cause le fabricant.

La SA Protecta sollicite le remboursement des sommes qu'elle a versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire, soit en l'état de la réformation partielle, 2 000 euro.

Il est observé que le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement.

Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur cette demande.

Le refus de garantie de l'assureur ne peut être considéré comme abusif alors que la compagnie d'assurances a été mise hors de cause en première instance de sorte que la demande de dommages et intérêts de la société Protecta à hauteur de 5 000 euro ne peut prospérer.

E/ l'appel en garantie contre la société Industrial chimica

La société Industrial Chimica a été attraite au procès par la société Protecta en sa qualité de fournisseur du produit litigieux au visa des articles 1386'1,1134 et 1604 et suivants du Code civil.

Il est observé que la société Protecta sollicite selon ses écritures la garantie de son fabricant dans la seule hypothèse où la cour confirmerait la mise hors de cause de la société Aviva assurances.

Néanmoins, dans la mesure où cette garantie a été retenue, il convient d'examiner l'appel en garantie de la société Aviva assurances.

La société Industrial Chimica soulève plusieurs moyens pour conclure à sa mise hors de cause.

" Sur le grief tiré de l'inopposabilité des rapports d'expertise

Ce moyen est invoqué en référence aux articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme relatif au procès équitable et 15 et 16 du Code de procédure civile.

L'article 16 interdit au juge de retenir les documents produits par les parties si elles n'ont pas été à même d'en débattre contradictoirement.

Il convient d'observer qu'il s'agit non pas d'une expertise judiciaire mais d'expertises amiables.

Si ces expertises amiables n'ont pas été diligentées contradictoirement, ces documents n'en valent pas moins à titre de preuve dès lors que, régulièrement communiqués, ils ont été soumis à la libre discussion des parties.

En l'occurrence le fabricant a pu faire valoir son point de vue puisqu'il a été convoqué dans le cadre des opérations d'expertise de M. Banuls le 20 janvier 2004 ainsi que l'atteste sa réponse, qu'il s'est contenté d'invoquer la brièveté du délai sans pour autant proposer à l'expert une autre date pour la tenue des opérations d'expertise, qu'il a été tenu informé des résultats de cette expertise comme l'atteste le courrier de M. Banuls du 29 février 2004, qu'il lui était loisible de désigner son propre expert comme l'avait fait la société Protecta pour procéder à de nouvelles investigations.

Il sera encore observé ainsi que le conclut à bon droit la compagnie d'assurances que la société était informée du sinistre ainsi que l'attestent les échanges avec la société Protecta.

Dès lors, ce moyen mérite d'être écarté.

" Sur le grief tiré de l'insuffisance des rapports

Il est reproché aux experts de ne pas avoir procédé à une analyse de la glu ce qui n'a pas permis de connaître l'origine du produit utilisé, les factures versées aux débats étant insuffisantes pour reconstituer la chaîne puisque les références du produit sont différentes suivant les factures.

Néanmoins, il ne peut être fait grief aux experts de n'avoir effectué aucun prélèvement alors qu'il résulte des propres écritures de la société Industrial Chimica et du rapport de M. Guinet que les bidons de glu n'ont pas été conservés par L'EARL Pesce et que les constatations sur les arbres ont été effectuées trois mois au moins après l'application du produit ce qui rendait impossible un quelconque prélèvement.

Il appartenait au fabricant de mettre en œuvre des mesures d'investigation technique qu'il n'appartient pas à la cour d'ordonner compte tenu de l'ancienneté du litige et de la disparition des indices.

" Sur le grief tiré de l'absence d'identité du fabricant

Il est encore soutenu que l'identité du fabricant n'est pas déterminée et que le rapport ne permet pas d'affirmer que le produit litigieux aurait été fabriqué par la société Industrial Chimica, la société Valbrenta Chemicals, chargée des productions relatives aux produits colorants ayant cédé ses parts au sein de la société Industrial Chimica le 23 mai 2001.

La seule lecture de l'acte de cession enseigne qu'il porte sur la cession de la totalité des parts sociales détenues par la société Valbrenta Chemicals SARL au sein de la SRL Industrial Chimica à la société New Ex SRL. Il ne s'agit donc pas de la cession d'un fonds de commerce et cette cession de parts sociales n'est pas de nature à remettre en cause l'activité de la société Industrial Chimica.

Il doit être observé que celle-ci n'apporte aucun élément précis sur les activités respectives des deux sociétés entre 2001 et 2003 (dont les dirigeants apparaissent être les mêmes) et plus particulièrement sur la fabrication du produit Rampastop.

En tout état de cause, la société Industrial Chimica ne peut dénier sa qualité de fournisseur du produit au regard des échanges par télécopie ou par Internet intervenus le 29 avril 2002 qui mettent en évidence le fait que la société Protecta se fournit auprès de la société Industrial Chimica pour la colle gel ce que confirme d'ailleurs la facture de la société Industrial Chimica du 19 avril 2002 qui mentionne des produits Rampastop glu gélatineuse et Rampastop glu pâteuse, qu'il est évoqué dans ces échanges la phytotoxicité de la colle puisqu'il est précisément demandé à la société Industrial Chimica de vérifier sur des plantes jeunes si la nouvelle colle peut causer des problèmes aux plantes non fruitières et que celle-ci demande des informations plus précises afin de " faire du bon travail ".

Il est encore observé que la société Industrial Chimica n'a pas contesté être à l'origine de la fabrication du produit à la réception de la télécopie de la société Protecta (pièce n°12 de la société Industrial Chimica) informant du sinistre chez M.Pesce et qui précise qu'il s'agit de 'la fourniture de 2002 car colle marron' corroborée par les pièces n°9 et 10 relatives à la fourniture de la colle (Rampastop gel).

Il n'est pas davantage soutenu que la société Protecta ait un autre fabricant pour le produit Rampastop de sorte qu'il est vainement allégué l'absence de traçabilité du produit.

" Sur le grief tiré de l'absence de preuve du défaut du produit

La société industrial chimical affirme encore que la preuve du défaut du produit n'est pas rapportée.

Cet argument se heurte aux constatations techniques de l'expert Guinet ci-dessus retenues démontrant à suffisance la phytotoxicité de la glu, étant souligné que le caractère ponctuel du sinistre ne permet pas pour autant d'écarter sa phytotoxicité alors qu'il a été établi que seuls les jeunes arbres étaient concernés.

De même, le caractère liquide ou semi-liquide de la glu est sans emport pour écarter la responsabilité du fabricant dans la mesure où il est établi par le rapport précité que 'la nouvelle formulation' c'est-à-dire les composants chimiques du produit sont à l'origine des désordres.

L'expérimentation réalisée par M. Guinet ayant donné lieu au rapport du 27 octobre 2003 ne permet pas d'écarter les défauts du produit appliqué en 2002 alors que la formulation était manifestement différente.

Il sera ajouté que les experts ont à l'unanimité écarté l'action d'autres produits et que les désordres sont précisément survenus au niveau du siège de l'application du produit c'est à dire sur le tronc à mi hauteur.

En l'état des factures rappelées supra, il a été démontré ci avant le dommage subi par l'EARL Pesce, le défaut du produit Rampastop et le lien de causalité entre ce défaut et le dommage de sorte que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a condamné par application des articles 1386 1 et suivants du Code civil la société Industrial Chimica à relever et garantir la société Protecta de la condamnation prononcée pour 31 080 euro.

Il sera ajouté que la société Industrial Chimica devra relever et garantir la SA Aviva assurances de l'ensemble des condamnations prononcées contre elle.

Il n'y a pas lieu, en l'état de la succombance, d'examiner les autres demandes de l'appelante.

III Sur les frais de l'instance

Les sociétés Aviva assurances et Industrial Chimica qui succombent devront supporter les dépens de l'instance et payer à :

- l'EARL Pesce la somme de 2 000 euro

- la SA Perret la somme de 2 000 euro

- la société Protecta la somme équitablement arbitrée de 2 500 euro

en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

La demande de la société Aviva assurances ne peut prospérer alors qu'elle est tenue aux dépens.

Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort, Écarte des débats comme tardives les conclusions de la SA Protecta du 18 septembre 2008 et de la société Industrial Chimica du 17 septembre 2008, Déclare irrecevables les conclusions de la SA Perret du 8 octobre 2008 et de la SA Aviva assurances du 25 septembre 2008, Confirme le jugement pour les points non contraires aux présentes, Déboute la SA Perret de sa demande de dommages et intérêts dirigés contre la SA Protecta, Condamne la SA Aviva Assurances à relever et garantir la SA Protecta de l'ensemble des condamnations prononcées contre elle sous réserve de l'application de la franchise contractuelle, Y ajoutant, Condamne la société Industrial Chimica à relever et garantir la société Aviva assurances des condamnations prononcées contre elle ci-avant, Rejette toutes prétentions contraires ou plus amples des parties, Condamne la société Industrial Chimica et la SA Aviva assurances aux dépens d'appel dont distraction conformément à l' article 699 du Code de procédure civile au profit des avoués de la cause qui en ont fait la demande et les condamne à payer à :

- l'EARL Pesce : 2 000 euro

- la SA Perret : 2 000 euro

- la société Protecta : 2 500 euro

sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.