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Décisions

CA Bordeaux, 5e ch., 10 octobre 2006, n° 04-03869

BORDEAUX

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Orangina Schweppes (SAS)

Défendeur :

Petit, Caisse Régionale des Artisans et Commerçants Poitou et Charentes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gaboriau

Conseillers :

Mmes Coll, O'yl

Avoués :

SCP Casteja-Clermontel & Jaubert, SCP Arsene-Henry, Lancon, Me Le Barazer

Avocats :

Mes Moulin-Marty, Boudet, Parvy, SCP Mayaud-Antoine

TGI Angoulême, du 17 juin 2004

17 juin 2004

-Vu le jugement du Tribunal de Grande Instance d'Angoulême en date du 17 juin 2004.

- Vu l'appel interjeté le 19 juillet 2004 par la SAS Orangina Schweppes venant aux droits de la SAS Orangina Pampryl qui venait elle-même aux droits de la SAS Orangina France.

- Vu ses conclusions déposées au greffe de la cour et signifiées le 17 novembre 2004.

- Vu les conclusions déposées au greffe de la cour et signifiées le 5 avril 2005 par Monsieur Xavier Petit.

- Vu les conclusions déposées au greffe de la cour et signifiées le 16 décembre 2005 par la Caisse Régionale des Artisans et Commerçants Poitou Charentes.

- Vu l'ordonnance de clôture en date du 24 mai 2006.

Monsieur Xavier Petit, qui exploite un bar à Angoulême et a été blessé le 21 mai 2001 vers 23 h 30 à l'œil gauche par un éclat de verre provenant d'une bouteille d'Orangina, recherche la responsabilité de la SAS Orangina Schweppes qui a fabriqué et conditionné cette bouteille sur le fondement de l'article 1386-1 du Code civil.

Il lui appartient en conséquence de rapporter la preuve de son dommage, le défaut de la bouteille et le lien de causalité entre le défaut et le dommage ; la qualité de producteur de la SAS Orangina Schweppes n'est pas contestée de même que l'existence du dommage.

Monsieur Paquereau a été désigné en qualité d'expert par ordonnance de référé en date du 14 février 2002 avec mission de rechercher les causes des blessures de Monsieur Petit, de donner son avis sur les causes de l'explosion éventuelle et de rechercher pour le cas où une erreur de manipulation aurait été commise si les précautions d'emploi nécessaires accompagnaient le produit.

Monsieur Xavier Petit a déclaré à son assureur que lors de la manipulation de bouteilles d'Orangina pour approvisionner le réfrigérateur de son bar deux d'entre elles ont éclaté, le fonds de la bouteille qu'il avait dans la main ayant été projeté sur son œil gauche ; il n'y a certes eu aucun témoin direct. Toutefois un client qui attendait Monsieur Petit à l'entrée de sa cave a déclaré avoir entendu un bruit "comme une implosion mêlée à du verre", l'avoir vu porter sa main sur son œil et la bouteille tomber par terre et constaté qu'il y avait deux bouteilles cassées.

Certes d'une part il ressort du rapport de l'expert judiciaire que si les bouteilles d'Orangina fournies aux restaurants et bars sont consignées et recyclées, elles sont avant d'être à nouveau remplies retournées à l'usine pour y subir un test de contrôle général (lavage, rinçage et pasteurisation) et soumises à un système de mirage électronique pour détecter la présence éventuelle de fêlures.

D'autre part Monsieur Paquereau précise que la gazéification de la boisson au C02 à raison de 3.9 g/l, si elle est respectée, est compatible avec la résistance à la pression des bouteilles utilisées.

De plus il indique qu'il ne lui est pas possible de déterminer si une fêlure préalable a pu être à l'origine de la cassure au moment du choc thermique.

Il estime seulement que les causes des blessures subies par Monsieur Petit résultent d'un éclat de verre projeté dans son œil gauche et que selon toute vraisemblance cette projection ne semble pas provenir d'une explosion mais plutôt d'un choc mécanique entre les deux bouteilles au moment de la manipulation, la différence des dégâts dans leurs débris pouvant s'expliquer par la présence de C02 dans le goulot de la bouteille debout dans le casier.

La SAS Orangina Schweppes en déduit que la preuve d'un défaut affectant les bouteilles n'est pas rapportée, leur manipulation trop violente par Monsieur Petit étant seul à l'origine de son dommage.

Toutefois, outre que Monsieur Petit avait pris soin de faire dresser un constat, de prendre des photographies et de laisser les lieux en état, permettant ainsi d'appréhender les circonstances de l'accident, l'expert judiciaire qui lui a demandé de refaire les gestes qu'il avait faits le 21 mai 2001 indique :

- la cave est fraîche, tout phénomène de dilatation est exclu.

- le casier livré par l'appelante et spécifique à celle-ci est posé sur une étagère située à 68 cm du sol ; il contient 39 bouteilles, 24 posées debout, les 15 autres, goulot en bas.

- c'est lorsque Monsieur Petit pour transférer les bouteilles de ce casier vers le casier posé au sol a pris une bouteille par le culot dans la main gauche et l'autre par le goulot que l'accident s'est produit.

- Pour ce faire il était contraint de se pencher sur le casier, réduisant la distance entre tête et casier et rendant plausible le lien entre cette manipulation et l'accident.

- Ces deux bouteilles ont été retrouvées brisées dans le casier de la société Orangina, la première brisée en de nombreux éclats, la seconde en trois morceaux, quelques menus éclats provenant de la première bouteille ayant été retrouvés sur le sol.

Un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et non pas seulement lorsqu'il présente un vice ; dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu.

Or en l'espèce les bouteilles livrées par la SAS Orangina Schweppes à des exploitants de bars sont amenées à subir nécessairement des chocs et des manipulations et doivent en conséquence être conçues de façon à y résister.

Le fait que les bouteilles litigieuses aient été retrouvées dans le casier et le peu d'amplitude dont disposait Monsieur Petit démontrent que ces bouteilles n'ont pu subir de choc violent de sa part pouvant être à l'origine de leur casse.

Aussi c'est à bon droit que le premier juge par des motifs que la cour adopte a considéré que l'usage qui a été fait de ces bouteilles par Monsieur Petit est un usage auquel il pouvait raisonnablement prétendre et que dès lors qu'elles ne lui ont pas offert la sécurité à laquelle il pouvait s'attendre, elles étaient défectueuses.

En conséquence la décision déférée sera confirmée, les sommes allouées au titre du préjudice n'étant critiquées par aucune des parties.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article

700 du nouveau Code de procédure civile au profit des intimés selon les modalités figurant au dispositif.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire, Confirme le jugement du Tribunal de grande instance d'Angoulême en date du 17 juin 2004. Condamne la SAS Orangina Schweppes à payer à Monsieur Xavier Petit une somme de 1 200 euro et à la Caisse Régionale des Artisans et Commerçants Poitou Charentes. Une somme de 800 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. La condamne aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.