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Décisions

CA Bordeaux, 3e ch. corr., 18 mars 2008, n° 07-01527

BORDEAUX

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

B. , Vitagermine Separ (SA)

Défendeur :

Ministère public

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Marie

Conseillers :

MM. Minvielle, Le Roux

Avocats :

Mes Dirou, Cera

T. com. Bordeaux, du 15 nov. 2007

15 novembre 2007

RAPPEL DE LA PROCÉDURE :

A. - La saisine du tribunal et la prévention

Jean Michel B a été renvoyé devant le Tribunal correctionnel de Bordeaux par ordonnance en date du 3 août 2006 rendue par le juge d'instruction de cette juridiction. Il a été cité à domicile par exploit d'huissier de justice en date du 20 juin 2007 pour comparaître à l'audience du 15 novembre 2007.

Jean Michel B est prévenu d'avoir à Canéjan, en tout cas sur le territoire national courant 2001, courant 2002 jusqu'au 20 juin 2002, trompé sur la nature en qualité de Directeur Général de la SA Vitagermine Separ et responsable de la première mise sur le marché des produits au sens de l'article L 212-1 du Code de la consommation, et ce même par l'intermédiaire d'un tiers, étant partie ou non au contrat, trompé ou tenté de tromper son ou ses cocontractants sur l'origine, les qualités substantielles, la composition, les risques inhérents à l'utilisation du produit, les contrôles effectués, de marchandises, en l'espèce en mettant sur le marché des produits vendus sous la marque "Babybio Vitagermine" destinés à l'alimentation infantile, dont l'étiquetage assurait qu' ils sont composés à 100 % d'ingrédients d'origine issus de l'agriculture biologique, alors que les analyses ont révélé dans les produits à base de poires, la présence de chloquermat, résidu de produit phytosanitaire non autorisé par le règlement CEE numéro 2092-91 du conseil du 24 juin 1991. Faits prévus et réprimés par les articles L. 213-1, L. 216-1, L. 216-2, L. 216-3, L. 216-8 du Code de la consommation,

Infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation.

La SA Vitagermine Separ a été renvoyée devant le Tribunal correctionnel de Bordeaux par ordonnance en date du 3 août 2006 rendue par le juge d'instruction de cette juridiction. Elle a été citée à domicile par exploit d'huissier de justice en date du 26 juin 2007 (accusé de réception signé le 28 juin 2007), pour comparaître à l'audience du 15 novembre 2007.

SA Vitagermine Separ est prévenue d'avoir à Canéjan en tout cas sur le territoire national courant 2001, courant 2002 jusqu'au 20juin 2002, et depuis temps non couvert par la prescription par l'intermédiaire de l'un de ses représentants en l'espèce Jean Michel B agissant pour son compte en qualité de directeur général, en tant que responsable de la première mise sur le marché des produits au sens de l'article L. 212-1 du Code de la consommation, et ce même par l'intermédiaire d'un tiers, étant partie ou non au contrat, trompé ou tenté de tromper son ou ses co-contractants sur l'origine, les qualités substantielles, la composition, les risques inhérents à l'utilisation du produit, les contrôles effectués, de marchandises, en l'espèce en mettant sur le marché des produits vendus sous la marque "Babybia Vitagermine" destinés à l'alimentation infantile, dont l'étiquetage assurait qu'ils sont composés à 100 % d'ingrédients d'origine issus de l'agriculture biologique, alors que les analyses ont révélé dans les produits à base de poires, la présence de chloquermat, résidu de produit phytosanitaire non autorité par le règlement CEE numéro 2092-91 du conseil du 24 juin 1991. Faits prévus et réprimés par les articles L. 213-1, L. 216-1, L. 216-2, L. 216-3, L. 216-8 du Code de la consommation,

Infraction prévue par les articles L. 213-1, L. 213-6 AL.1 du Code de la consommation, l'article 121-2 du Code pénal et réprimée par les articles L. 213-6 AL 2, L. 213-1 du Code de la consommation, les articles 131-38, 131-39 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 7°, 8°, 9° du Code pénal.

B. - Le jugement

Le tribunal, par jugement contradictoire en date du 15 novembre 2007 :

A déclaré la SA Vitagermine Separ coupable des faits reprochés et l'a condamnée à une amende délictuelle de 15 000 euro,

A ordonné la publication par extraits du jugement aux frais de la société Vitagermine Separ dans les mensuels "Que Choisir" et "60 Millions de Consommateurs",

A déclaré Jean-Michel B coupable des faits reprochés et l'a condamné à une amende délictuelle de 7 000 euro,

A ordonné la publication par extraits du jugement aux frais de la société

Vitagermine Separ dans les mensuels "Que Choisir" et "60 Millions de Consommateurs".

C. - Les appels

Par actes reçus au greffe du Tribunal correctionnel de Bordeaux, appel a été interjeté par :

- Jean Michel B prévenu, par l'intermédiaire de son conseil, le 21 novembre 2007,

- la SA Vitagermine Separ, par l'intermédiaire de son conseil, le 21 novembre 2007,

- Monsieur le Procureur de la République, le 22 novembre 2007 contre Jean Michel B.

IV. - DÉROULEMENT DES DÉBATS:

A.. - L'appel de la cause à l'audience publique du 5 février 2008

Le président a constaté l'identité du prévenu qui a comparu assisté de son conseil ;

Maître Dirou, avocat, a déposé des conclusions, lesquelles ont été visées par le président et le greffier, et jointes au dossier ;

B. - Au cours des débats qui ont suivi

Madame Marie, président, a été entendue en son rapport ;

Jean Michel B, prévenu, a été interrogé ;

Ont été ensuite entendus dans les formes prescrites par les articles 460 et 513 du Code de procédure pénale :

Le Ministère Public en ses réquisitions ;

Maître Dirou, conseil du prévenu, en sa plaidoirie et qui pour lui a eu la parole en dernier.

Puis, la cour a mis l'affaire en délibéré et le président a déclaré que l'arrêt serait rendu à l'audience publique du 18 mars 2008.

Et, ce jour, 18 mars 2008, Madame le président Marie, en audience publique, a donné lecture de l'arrêt dont la teneur suit, conformément aux dispositions des articles 485 et 512 du Code de procédure pénale, en présence du Ministère public et du greffier, Monsieur Ibanez.

C. - Motivation

La société Vitagermine, agissant par Serge Cera, mandataire ad' hoc et représentée par son avocat, Jean-Michel B assisté de son avocat, sollicitent par voie de conclusions conjointes, leur relaxe, subsidiairement la réduction des amendes et la dispense de publication.

A l'appui de leurs demandes, ils font valoir :

Que les éléments factuels du dossier n'établissent aucune intention de leur part de vouloir tromper ou de tenter de tromper au sens des dispositions de l'article L. 213-1 les consommateurs au sens d'avoir volontairement omis de rechercher ou de vérifier que les produits vendus en l'occurrence les petits pots de bébé n'étaient pas conformes aux prescriptions en vigueur ;

Que le tribunal a caractérisé l'élément intentionnel par référence à l'article L. 212-1 du Code susvisé qui fait peser sur l'entreprise mettant pour la première fois le produit sur le marché une obligation de vérification de sa conformité en considérant qu'ils n'auraient pas procédé à cette vérification ;

Que c'est en ce sens que la motivation du jugement est contestable car elle revient à leur imposer une véritable obligation de résultat de déceler la présence d'un produit prohibé ;

Qu'au regard de la combinaison de l'article 121-3 et de l'article L. 213-1, il faudrait pour que l'élément intentionnel du délit soit constitué une volonté de ne pas pratiquer une vérification qui n'existe pas dans ce dossier ;

Qu'ils ont été véritablement "surpris" par la présence du chlorméquat dans les poires utilisées pour la fabrication des petits pots bébé ;

Que les poires sont cultivées en Espagne par une société espagnole et transformées par deux sociétés françaises ;

Que le chlorméquat qui est un engrais qui a pour but de limiter la croissance des arbres à fruit afin de permettre un ramassage plus rapide des fruits n'est plus utilisé depuis plusieurs années mais a pour caractéristique d'avoir une forte rémanence c'est à dire de subsister dans les cultures plusieurs années après avoir été utilisé ;

Que cet engrais n'est plus utilisé aujourd'hui depuis plusieurs années et a totalement disparu des protocoles de recherches même s'il subsiste sur les listes réglementaires des produits prohibés ;

Que contrairement à ce que retient le tribunal, les poires font l'objet d'un contrôle de conformité et de toxicité en Espagne ;

Que ces produits contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal ont bien fait en France l'objet d'un contrôle par un organe indépendant et agréé la société Ecocert répondant ainsi aux dispositions de l'article L. 212-1, la société Vitagermine ayant procédé à la vérification de la conformité de ce produit ;

Qu'enfin, si ce produit n'a pu être décelé, c'est contrairement à ce qu'a retenu le tribunal non du fait d'une absence de vérification mais du fait que le chlorméquat ne rentre plus dans les protocoles de recherche du fait de la quasi disparition d'utilisation de cet engrais ;

Que quelques mois avant la révélation des faits, la société Vitagermine a subi un contrôle de la Direction des fraudes sur ces produits qui n'a pas révélé la présence de chlorméquat parce que la recherche de ce produit était exclue des protocoles de recherche de l'administration ;

Que cet élément qui est prépondérant n'a pas été retenu par le juge de première instance, alors qu'il démontre que si ce produit n'a pas été trouvé par la société Vitagermine, c'est non du fait d'un contrôle insuffisant au sens des dispositions de l'article L. 212-1 mais du fait que cette vérification n'est plus pratiquée, ce qui exclut au sens des conditions littérales de ce texte une quelconque responsabilité de Jean-Michel B et de la société Vitagermine ;

RAPPEL DES FAITS

La société Vitagermine commercialise sous la marque "Babybio", une gamme de petits pots base de fruits et de légumes adaptés à l'alimentation des enfants dès 4 mois.

L'étiquetage de ces produits assure qu'ils sont composés à 100 % d'ingrédients d'origine agricole, issus de l'agriculture biologique.

Le 13 mai 2002, des analyses pratiquées par les services belges, sur des petits pots "Babybio" détenus par la société belge Oce Bio, révélaient une teneur en chlorméquat de 2,2 mg/kg.

Les analyses auxquelles le service de la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes de la Gironde confirmaient pour trois lots de petits pots sur cinq lots différents une teneur en chlorméquat de 1,3, 0,84 et 0,03 mg/kg.

La teneur maximale résiduelle de cet agent est fixée par la directive européenne 90-6421-EEC à 0,5 mg/kg pour les poires.

L'arrêté du 5 août 1992 relatif aux teneurs maximales en résidus de pesticides admissibles sur et dans certains produits d'origine végétale fixe un seuil maximal de 0,5 mg/kg pour les poires.

L'arrêté du 1er juillet 1976 interdit en son article 16-1 une teneur en résidus de pesticides supérieure à 0,01 mg/kg pour les préparations pour nourrissons et enfants en bas âge.

SUR CE

Attendu que l'article L. 212-1 du Code de la consommation dispose que dès la première mise sur le marché, les produits doivent répondre aux prescriptions en vigueur relatives à la sécurité et à la santé des personnes et que le responsable de la première mise sur le marché d'un produit est donc tenu de vérifier que celui-ci est conforme aux prescriptions en vigueur ;

Attendu qu'il appartenait donc à Jean-Michel B et à la société Vitagermine de procéder aux vérifications nécessaires pour rechercher, si le produit qu'il commercialisait n'avait pas été préparé à base de produit contenant une quantité de chlorméquat supérieure à celle autorisée par la législation en vigueur ;

Que le fait que la présence de chlorméquat n'ait plus été recherchée n'est pas de nature à dispenser la société Vitagermine et Jean-Michel B de rechercher si les produits achetés en Espagne n'en contenaient pas ;

Que la présence du produit dans une quantité interdite démontre que le contrôle par la société Ecocert était insuffisant ;

Que l'infraction est caractérisée dans tous ses éléments et que le jugement entrepris doit être confirmé sur la déclaration de culpabilité et sur les peines d'amendes prononcées ;

Que toutefois, il convient de dispenser Jean-Michel B de la publication de l'arrêt à intervenir ; que le jugement entrepris sera donc réformé sur ce point ;

Par ces motifs : LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité et sur les peines d'amendes prononcées ; Le Reformant sur la peine complémentaire de publication ; Dit n'y avoir lieu à publication du présent arrêt ; L'avis n'a pu être donné au prévenu absent, qu'en application des dispositions de l'article 707-3 du Code de procédure pénale, le paiement de l'amende dans le délai d'un mois à compter de la présente décision diminue son montant de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1 500 euro, le paiement de l'amende ne faisant pas obstacle à l'exercice des voies de recours. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de cent vingt euro dont est redevable chaque condamné par application de l'article 1018 A du Code général des impôts.