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Décisions

CA Douai, 6e ch., 3 mai 2011, n° 10-02693

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

B

Défendeur :

Ministère public

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Avel

Conseillers :

Mme Delattre, M. Grillet

Avocat :

Me Deschryver

TGI Lille 8e ch., du 21 janv. 2010

21 janvier 2010

RAPPEL DE LA PROCEDURE

LA PRÉVENTION

Jean-Pierre B est prévenu:

- d'avoir à Villeneuve d'Ascq et sur le territoire, national, le 1 % juin 2007, et depuis temps non couvert par la prescription de l'action publique, en sa qualité de chef de groupe produits frais et disposant d'une délégation de pouvoirs du 7 février 2003, par quelque moyen que ce soit, même par l'intermédiaire de tiers, étant partie ou non au contrat, trompé ou tenté de tromper les consommateurs et clients de l'hypermarché A sur les qualités substantielles et la composition de marchandises, en l'espèce, en proposant â la vente des pots de crème glacée sur lesquels est indiquée dans la partie "ingrédients" "la mention" "arôme naturel" alors que les analyse effectuées ont révélé que les arômes de vanille présents dans le produit étaient d'origine de synthèse (cette mention "arôme naturel" se situant dans la partie "crème vanille 90 %" de la liste des ingrédients),

Faits prévus par l'article L. 213-l du Code de la consommation et réprimés par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3, L. 216-8 al.5 du Code de la consommation.

LE JUGEMENT

Par jugement contradictoire eu date du 21 janvier 2010, le Tribunal correctionnel de Lille a déclaré Jean-Pierre B coupable des faits qui lui sont reprochés et l'a condamné au paiement d'une amende de 2 000 euro.

LES APPELS

Le 1er février 2010, le prévenu a interjeté appel principal des dispositions pénales du jugement rendu le 21 janvier 2010.

Le même jour, le ministère public a formé appel incident des dispositions pénales.

DÉROULEMENT DES DÉBATS :

A l'audience publique du 29 mars 2011, le Président a constaté l'identité du prévenu.

Ont été entendus :

Monsieur Grillet en son rapport ;

B Jean-Pierre Marie Ghislain ses interrogatoire et moyens de défense, après avoir exposé sommairement les raisons de son appel ;

Le Ministère public, en ses réquisitions :

Les parties en cause ont eu la parole dans l'ordre prévu par les dispositions des articles 513 et 460 du Code de procédure pénale.

Le prévenu et son conseil ont eu la parole en dernier.

Le président a ensuite déclaré que l'arrêt serait prononcé le 3 mai 2011 à 14 heures.

Et ledit jour, après en avoir délibéré conformément à la loi, la cour composée des mêmes magistrats, a rendu l'arrêt dont la teneur suit, en audience publique, et en présence du Ministère public et du greffier d'audience.

DÉCISION :

VU TOUTES LES PIÈCES DU DOSSIER,

LA COUR, APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ CONFORMÉMENT À LA LOI, A RENDU PUBLIQUEMENT L'ARRÊT SUIVANT ASSISTÉE DU GREFFIER, EN PRÉSENCE DU MINISTERE PUBLIC :

Attendu que le prévenu, Jean-Pierre B, régulièrement cité devant la cour, comparant à l'audience assisté de son conseil ; qu'il sera statué contradictoirement à son égard ;

En la forme,

Attendu que les appels susvisés ont été interjetés dans les formes et délai de la loi ;

Sur l'exception de nullité

Attendu que le prévenu demande à la cour de prononcer la nullité de la procédure d'enquête au motif que le rapport d'analyse du produit sur lequel se fondent les poursuites du chef du délit de tromperie ne lui a pas été communiqué comme le prévoit l'article L. 215-1 1 du Code de la consommation ;

Attendu cependant que Jean-Pierre B a été attrait devant le premier juge pour y répondre du délit de tromperie, en qualité de chef de groupe des achats titulaire d'une délégation de pouvoir de son employeur, la société A ; qu'il a comparu devant le tribunal le 18 décembre 2009 assisté de son Conseil et a été jugé contradictoirement ; qu'il ne résulte, ni du jugement, ni des notes d'audience, qu'il a, avant toute défense au fond, soutenu la nullité de la procédure d'enquête pour le motif qu'il invoque devant la cour ; que les écritures soutenues devant le tribunal tendaient à l'annulation de la citation à comparaitre de la société A prévenue du même délit ; que la présentation de l'exception qu'il soutient devant la cour est donc tardive; qu'elle sera déclarée irrecevable par application de l'article 385 du Code de procédure pénale ;

Au fond

Attendu que, référence faite aux énonciations du jugement qui a exactement et complètement rappelé les circonstances de la cause, il suffit d'indiquer que, selon le procès-verbal établi à cette occasion, les services de la répression des fraudes sollicitaient le 21 février 2007 de la société A la communication des documents commerciaux et de contrôle interne relatifs aux produits commercialisés sous les marques propres à cette enseigne ; qu'au regard de l'imprécision des documents produits, quant à l'origine de l'arôme vanille composant la crème glacée "vanille macadémia", objet de la présente instance, il était procédé au prélèvement de trois pots de crème sur un lieu de vente et à l'analyse physico-chimique du produit selon la méthode fixée par un arrêté du 19 février 2001 ; que celle-ci révélait une déviation isotopique de 27 % caractéristique de l'emploi d'un arôme vanilline de synthèse fabriqué à partir de dérivés pétrochimiques, alors que la liste des ingrédients figurant sur l'emballage du produit mentionnait l'emploi d'un arôme naturel ;

Attendu que Jean-Pierre B a interjeté appel du jugement qui a consacré sa responsabilité pénale en sa qualité de représentant de la société A en vertu d'une délégation de pouvoir du 7 février2003 ; que la société A, retenue dans les liens de la même prévention, n'a pas interjeté appel des dispositions du jugement la concernant ;

Attendu qu'aux termes de ses écritures tendant à sa relaxe, Jean-Pierre B fait valoir, à titre principal, que l'erreur dans la composition du produit est imputable à son fabricant, la société espagnole Ice Cream Factory qui s'était engagée, comme l'exigeait la société A dans son cahier des charges, à utiliser un arôme végétal de vanille pour la fabrication de ce produit; que cette société, qui avait fourni alors une fiche technique relative à l'arôme produit par la société Givaudan, fournisseur reconnu d'extrait de vanille de Madagascar, sans en aviser la société A, a utilisé un arôme produit par la société Rhodia ; que ce fabricant a reconnu sa responsabilité ; que dans ce contexte la preuve de l'élément intentionnel du délit qui lui est reproché fait défaut, dès lors que dans le processus préalable à la fabrication en vue de sa distribution du produit, il n'a commis aucune imprudence ou négligence dans ses rapports avec ce fabriquant ;

Qu'il soutient, subsidiairement, que l'arôme utilisé est obtenu par la société Rhodia par fermentation de l'acide férulique naturel ce qui correspond à la mention figurant sur l'étiquetage du produit et que l'élément matériel de l'infraction fait aussi défaut ; qu'en tout état de cause l'élément essentiel de la composition de ce produit qui conditionnait l'acte d'achat du consommateur était la présence de noix de macadémia ; que le caractère inexact de la mention relative à l'arôme vanille n'était pas de nature à induire en erreur le consommateur ;

Attendu que l'emballage du produit en cause, qui figure au dossier de la cour, mentionne en lettres majuscules qu'il s'agit d'une crème glacée "Vanille" et en lettres minuscules l'ajout de "Noix de macadémia caramélisée" ; que figure en outre sur l'étiquette la photographie d'une orchidée semblable à la fleur du vanillier ; qu'au regard des conditions de la présentation de ce produit à l'achat, la nature de l'arôme de vanille entrant dans sa composition constitue un élément déterminant dans l'acte d'achat d'une crème glacée présentée par le prévenu à l'audience, comme aux termes de ses écritures, comme positionnée dans le haut de la gamme des glaces commercialisées par la société A sous ses marques propres; que la qualité de cet arôme a donc un caractère substantiel ;

Qu'il résulte du rapport de contrôle et d'analyse, établi par le laboratoire central du ministère des Finances, que l'arôme vanille qu'il contenait était un arôme de synthèse provenant de la transformation de dérivés pétrochimiques et non, comme le soutient le prévenu, sur la seule foi des explications de son fournisseur espagnol, un produit dénué de la fermentation de végétaux autre que la vanille, tel que le riz, qui pourrait être qualité d'arôme naturel ; qu'au demeurant, si tel avait été le cas, au regard des mentions de l'emballage, de sa présentation et de son positionnement en gamme, la mention d'arôme naturel et de crème glacée vanille aurait été tout aussi abusive et trompeuse pour un consommateur moyen qui, au vu de la présentation du produit et de l'indication de sa composition, devait se voir proposer une glace comportant un arôme issu de la vanille et non un arôme provenant; soit de la transformation d'un autre végétal, ou de la synthèse de produits pétroliers ; que le délit de tromperie sur sa composition et cette qualité substantielle est donc caractérisé sur le plan matériel.

Attendu que la responsabilité pénale de Jean-Pierre B est recherchée en sa qualité de représentant de la société A en vertu d'une délégation de pouvoir valable ; que selon ses propres déclarations, le contrôle, à l'origine des poursuites, a été opéré lors de la phase probatoire de commercialisation du produit ; que s'agissant d'un produit conçu, importé et distribué sous une marque propre à la société A, il lui appartenait de le faire soumettre A des mesures de contrôles de qualité portant sur l'origine de l'arôme s'agissant d'un élément essentiel de sa composition qui lui confère une de ses qualités substantielles ; que, tel n'ayant pas été le cas, c'est à juste titre que le délit, caractérisé en son élément intentionnel, lui a été imputé et que sa responsabilité pénale à été consacrée du chef du délit de tromperie ;

Attendu qu'en prononçant A son encontre une peine d'amende d'un montant de 2 000 euro le tribunal a fait à son égard une application adaptée de la loi pénale ;

Attendu que le prévenu est âgé de 55 ans ; qu'il n'a jamais été condamné; qu'il y a lieu d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de cette peine ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement ; Reçoit les appels ; Déclare l'exception de nullité irrecevable ; Confirme le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité, Le réforme sur la peine et, statuant à nouveau de ce seul chef, Condamne Jean-Pierre B à une amende de deux mille euro ; Vu l'article 132-29 du Code pénal ; Ordonne qu'il soit sursis à l'exécution de cette peine. Dit que la présente décision est assujettie à un droit fixe de 120 euro dont est redevable le condamné. Rappelle que toute personne condamnée peut s'acquitter du montant du droit fixe de procédure ainsi que le cas échéant, du montant de l'amende à laquelle elle a été condamnée, dans un délai d'un mois à compter de la date à laquelle l'arrêt est rendu ou lui aura été signifié, le montant sera diminué de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1 500 euro (le paiement ne fait pas obstacle à l'exercice des voies de recours), (article 707-2 du Code de procédure pénale).