CA Montpellier, 1re ch. A 2, 9 novembre 2010, n° 10-5091
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Le Feuvre
Défendeur :
Ferreira, Cordier, Europ'holidays (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Toulza
Conseillers :
Mme Castanié, M. Blanchard
Avoués :
SCP Argellies-Watremet, SCP Auche-Hedou, Auche, Auche, SCP Divisia-Senmartin
Avocats :
Mes Dupetit, Pailloncy, Cavaliere, SCP Becque-Monestier-Dahan-Pons-Serradeil, Cavaliere
Procédure et prétentions des parties
Vu le jugement rendu le 20 mai 2010 par le Tribunal de grande instance de Perpignan, qui a déclaré forclose l'action de Monsieur Ferreira contre Monsieur Cordier et la Société Europ'Holidays et recevables les appels en garantie de Mme Abeille contre Monsieur Cordier et la Société Europ'Holidays ; prononcé la résolution de la vente conclue le 9 août 2006 entre Mme Michèle Le Feuvre épouse Abeille et M. José Ferreira relative à un camping-car de marque Fiat immatriculé 5617 TN 66 ; condamné en conséquence Mme Michèle Le Feuvre épouse Abeille à restituer le prix de 22 000 euro à Monsieur Ferreira, auquel il appartiendra en contrepartie et dès réception du paiement, de restituer le véhicule à l'endroit où il en a pris possession lors de la vente, soit à St Cyprien, sauf meilleur accord entre les parties, débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires et condamné Mme Abeille à payer en application de l' article 700 du Code de Procédure Civile à M. Ferreira la somme de 1 500 euro et à la Société Europ'Holidays la somme de 1 000 euro et aux dépens ;
Vu l'appel régulièrement interjeté par Michèle Le Feuvre épouse Abeille et ses conclusions du 19 octobre 2010 tendant à dire et juger que ni la nature du vice affectant prétendument le camping-car vendu, ni sa date d'apparition, ne sont établies par Mr Ferreira ; en conséquence, le débouter de ses demandes ; subsidiairement, ordonner une nouvelle expertise avec mission de procéder à la mise en eau du véhicule litigieux, sur une longue période, dire si le désordre allégué par Monsieur Ferreira est constaté à la suite de la mise en eau, préciser les causes possibles d'une éventuelle infiltration d'eau, si elle trouve son origine dans un vice caché ou dans un mauvais entretien ou un mauvais usage du camping-car par Monsieur Ferreira à la suite de son acquisition ; dans l'hypothèse où le Tribunal ferait droit à la demande de Mr Ferreira fondée sur les vices cachés, dire et juger que Mme Abeille n'avait pas connaissance du vice au moment de la vente et n'était débitrice d'aucune obligation de contrôle annuel de l'étanchéité, que ce soit à l'égard de la SARL Europ'Holidays ou à l'égard de Monsieur Ferreira ; rejeter en conséquence les demandes de dommages & intérêts autres que la rétrocession du prix de vente présentées par Mr Ferreira ; dire et juger que le non respect par Madame Abeille des conditions fixées pour l'application de la garantie contractuelle de 5 ans ne peut avoir pour effet de la priver de son droit de demander la résolution de la vente sur le fondement de la garantie légale ; prononcer la résolution des ventes conclues entre Madame Abeille et Monsieur Cordier ainsi que la résolution de la vente entre Monsieur Cordier et la SARL Europ'Holidays ; dire et juger que la restitution du véhicule devra se faire directement auprès de la SARL Europ'Holidays ; condamner in solidum Monsieur Cordier et la SARL Europ'Holidays à lui payer une indemnité équivalente au total de toute condamnation ou demande de restitution du prix de vente qui serait prononcée contre elle au bénéfice de Monsieur Ferreira et à la relever et garantir de toute condamnation ou demande de restitution du prix de vente qui serait prononcée contre elle ; à titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où le Tribunal ne prononcerait pas la résolution de toutes les ventes successives et que dès lors la restitution du véhicule se ferait entre ses mains, condamner à titre reconventionnel M. Ferreira à lui payer la somme de 9 000 euro à titre d'indemnité de jouissance pour le véhicule avant la découverte du prétendu vice ; dire et juger que la créance de restitution du prix devra être limitée à la valeur actuelle du véhicule ; cantonner le montant de la condamnation de Madame Abeille à la somme de 14 000 euro ; en toutes hypothèses, condamner toute partie succombant à lui payer une indemnité de 3 500 euro sur le fondement de l' article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise ;
Vu les conclusions notifiées le 21 octobre 2010 par José Ferreira, tendant à confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente entre Madame Abeille et lui et condamné Mme Abeille à lui restituer la somme de 22 000 euro contre restitution du véhicule ; le réformer et dire recevable et bien fondée son action entreprise contre Monsieur Cordier et la société Europ'Holidays, vendeur professionnel ; condamner in solidum Madame Abeille, Monsieur Cordier et la société Europ'Holidays à lui payer le prix de l'acquisition du véhicule soit la somme de 22 000 euro outre le coût de la carte grise de 180 euro, dire qu'il tiendra alors le véhicule à la disposition de Madame Abeille, et ce aux frais de celle-ci ; les condamner également in solidum à lui payer les sommes de 259,41 euro et 272,13 euro en remboursement des frais dont il s'est acquitté, la somme de 10 000 euro sauf à parfaire au titre des privations de jouissance et une somme supplémentaire de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens ;
Vu les conclusions notifiées le 20 août 2010 par la SARL Europ'Holidays tendant à confirmer en tous points le jugement dont appel, débouter Mme Abeille de ses demandes à son encontre et la condamner à lui payer les sommes de 5 000 euro pour procédure abusive et de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens ;
Motivation
Sur l'action de M. Ferreira contre Mme abeille
Les constatations précises et circonstanciées de l'expert judiciaire font apparaître clairement que le camping-car vendu par Madame Abeille le 9 août 2006 à M. Ferreira présentait un vice grave constitué par le pourrissement de la partie interne de son panneau arrière et du bas des panneaux latéraux qui le rend impropre à sa destination ; qu'il provient de micro-infiltrations qui se propagent au fil des ans et ne peut être du en aucun cas aux conditions d'utilisation ou d'entretien du véhicule par Monsieur Ferreira ; que ce désordre était tellement avancé qu'il était manifestement antérieur à la vente ; qu'il était décelable uniquement par un professionnel muni d'un détecteur d'humidité.
Ce désordre présente donc typiquement les caractères d'un vice caché au sens de l'article 1641 du Code civil tant il est évident que l'acheteur s'il l'avait connu n'aurait pas acquis ce véhicule ou ne l'aurait fait qu'à un prix bien moindre compte tenu du coût des réparations à effectuer.
L'origine du désordre étant ainsi parfaitement déterminée et Madame Abeille ne produisant aucun élément sérieux justifiant la pertinence d'une nouvelle expertise avec une " mise en eau " considérée comme inutile par l'expert, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a prononcé l'annulation de la vente avec pour conséquences la restitution du prix payé en contrepartie de celle du véhicule et en ce qu'il a rejeté la demande de Mme Abeille en paiement d'une " indemnité de jouissance " qu'exclut l'effet rétroactif de la résolution de la vente.
De même, c'est à bon droit que le premier juge a débouté M. Ferreira de sa demande de dommages et intérêts et de remboursement de frais fondée sur l'article 1645 du Code civil en retenant qu'il ne rapporte pas la preuve de la connaissance du vice par Mme Abeille et ce même si elle ne justifie pas avoir procédé aux contrôles préconisés par le constructeur.
Sur l'action directe de M. Ferreira contre la SARL Europ'Holidays et contre M. Cordier
Sur la recevabilité
S'il est exact que le garage Nebouy a fait un premier diagnostic du très mauvais état de plusieurs panneaux du camping-car dès le 4 juin 2007, ce n'est cependant que lors du dépôt du rapport d'expertise judiciaire du 16 juin 2008 que Mr Ferreira a pu en connaître la cause de ce dommage, soit un défaut d'étanchéité manifesté par des microfissurations.
Or il a présenté ses demandes contre M. Cordier et la Société Europ'Holidays le 10 août 2009, soit dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice, prescrit par l'article 1648 du Code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 17 février 2005 applicable à la cause. Ainsi, la prescription n'est pas acquise.
Sur le fond
Il résulte du rapport de l'expert judiciaire que le pourrissement des panneaux du camping-car est dû à des micro-infiltrations d'eau qui sont montées dans les panneaux par capillarité et se sont aggravées au fil du temps jusqu'à provoquer leur complète détérioration. Par ailleurs, ainsi que l'expert l'indique, " il est anormal qu'un système d'étanchéité présente une altération " de ce type, cinq ans seulement après la mise en circulation. Le désordre constaté est donc clairement la conséquence d'un défaut d'étanchéité de la cabine du camping-car vendu par le concessionnaire la SARL Europ'Holidays , c'est-à-dire d'un vice de fabrication.
Cette société fait observer qu'elle a étendu à 5 ans sa garantie contractuelle de " l'ensemble des dommages dus à une modification anormale de l'étanchéité d'origine de la cellule " à charge pour l'utilisateur de faire procéder à ses frais à un contrôle annuel auprès d'un concessionnaire agréé, contrôle que Madame Abeille ne justifie pas avoir fait réaliser.
Or si le constructeur est libre d'assortir sa garantie contractuelle à peine de déchéance d'une obligation d'entretien , en revanche, il ne peut en aucun cas s'exonérer de la garantie légale des vices cachés des articles 1641 et suivants du Code civil au seul motif que l'utilisateur n'a pas fait procéder à l'entretien préconisé.
En d'autres termes, il ne saurait se prémunir à l'avance contre les conséquences de la garantie légale qu'il peut encourir à raison des vices cachés susceptibles d'affecter le véhicule vendu en imposant à l'acquéreur un contrôle payant alors que celui-ci n'a aucune obligation légale d'y faire procéder et que son abstention ne peut être fautive et pour seul effet de lui faire perdre le bénéfice de la garantie contractuelle et non celui de la garantie légale, qui est d'ordre public.
Dès lors Mr Ferreira est fondé à demander la résolution de la vente intervenue le 15 mars 2002 entre la SARL Europ'Holidays et Philippe Cordier.
Cependant, la SARL Europ'Holidays ne peut être condamnée in solidum avec Madame Abeille à la restitution du prix. En effet, il résulte de l'article 1644 du Code civil que dans le cas de résolution d'une vente, la restitution du prix reçu par le vendeur est la contrepartie de la remise de la chose par l'acquéreur, de sorte que seul celui auquel la chose est rendue doit restituer à celui-ci le prix qu'il en a reçu.
En revanche ce concessionnaire, censé en sa qualité de vendeur professionnel connaître les vices de la chose vendue, sera tenu de payer à Monsieur Ferreira les sommes de 259,41 euro et 272,13 euro en remboursement des frais dont il justifie et celle de 4 000 euro à laquelle doit être fixé son préjudice de jouissance eu égard à la durée d'immobilisation du camping-car rendu impropre à son usage.
En ce qui concerne la demande de Mr Ferreira à l'encontre de Philippe Cordier, vendeur intermédiaire, elle est fondée en son principe dès lors que le vice d'origine affectant le véhicule vendu à Madame Abeille le 2 avril 2003 était par hypothèse préexistant. Cependant il ne peut être condamné à la restitution du prix in solidum avec Madame Abeille pour les motifs sus-énoncés, ni au paiement de dommages et intérêts ou frais non liés à la vente en raison du caractère indécelable de ce vice pour un profane.
Sur les actions de Mme Abeille contre la SARL Europ'Holidays et contre M. Cordier
Si le vice d'origine du véhicule permet à Madame Abeille de demander la résolution des ventes antérieures, elle n'en tire cependant aucune autre conséquence que la garantie qu'elle réclame à SARL Europ'Holidays et à Philippe Cordier au titre de la perte du prix de vente remboursé à Monsieur Ferreira.
Or dès lors que la résolution de la vente conclue entre elle et Monsieur Ferreira entraîne la remise de la chose en contrepartie de la restitution du prix, cette restitution ne constitue pas pour elle un préjudice indemnisable.
Elle sera en conséquence déboutée de ses demandes à leur égard.
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente conclue le 9 août 2006 entre Michèle Le Feuvre épouse Abeille et José Ferreira, condamné en conséquence Michèle Le Feuvre épouse Abeille à restituer le prix de 22 000 euro à José Ferreira en contrepartie de la restitution par celui-ci du véhicule à l'endroit où il en a pris possession lors de la vente et débouté José Ferreira de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de Michèle Le Feuvre épouse Abeille. Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau et y ajoutant : Condamne Michèle Le Feuvre épouse Abeille à payer à José Ferreira la somme de 180 euro représentant le coût de la carte grise du véhicule. Condamne la SARL Europ'Holidays à payer à José Ferreira les sommes de 259,41 euro et 272,13 euro en remboursement de frais et de 4 000 euro à titre de dommages et intérêts. Déboute José Ferreira de ses demandes à l'encontre de Philippe Cordier. Déboute Michèle Le Feuvre épouse Abeille de ses demandes à l'encontre de la SARL Europ'Holidays et de Philippe Cordier. Condamne Michèle Le Feuvre épouse Abeille et la SARL Europ'Holidays à supporter chacun la moitié des dépens comprenant les frais d'expertise, ceux d'appel recouvrés conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile , et à payer chacun à José Ferreira la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du même Code. Dit n'y avoir lieu à autre application de l'article 700 du Code de procédure civile.