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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 26 mars 2010, n° 07-05853

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Emond

Défendeur :

Iriarte

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jacomet

Conseillers :

MM. Laurent-Atthalin, Schneider

Avoués :

SCP Menard-Scelle-Millet, SCP Narrat-Peytavi

Avocats :

Mes Remy, Lefranc

TI Paris 15e, du 14 févr. 2007

14 février 2007

Par jugement prononcé le 14 février 2007, le Tribunal d'instance du 15e arrondissement de Paris a condamné Mme Emond à payer à M. Iriarte une somme de 7 000 euro correspondant au chèque qu'elle a remis et qui n'a pu être encaissé faute de provision ainsi qu'une somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en paiement d'une cuisine commandée à la foire de Paris ;

Mme Emond a relevé appel de la décision le 30 mars 2007 ;

Par arrêt du 25 septembre 2009, auquel il est fait expressément renvoi, la cour a révoqué l'ordonnance de clôture et renvoyé les parties à l'audience de mise en état du 28 mai 2009 afin qu'elles puissent s'expliquer sur les conclusions de l'expert chargé par le juge d'instruction, dans le cadre d'une procédure pénale, d'examiner la signature figurant sur le chèque de 7 000 euro que l'appelante aurait remis à l'intimé à l'occasion de la vente aujourd'hui encore critiquée ;

L'appelante a seule conclu le 17 décembre 2009 ; l'ordonnance de clôture a été prononcée le 28 janvier 2010 ;

Par dernières écritures signifiées le 20 mars 2008, précédemment rappelées, l'intimé a demandé la confirmation du jugement au motif que l'appelante avait effectivement signé le bon de commande et lui avait remis deux chèques, l'un de 3 000 euro encaissé, l'autre de 7 000 euro et qu'il résulte de la procédure devant le juge de l'exécution qu'elle n'a pas contesté le montant de la dette qui lui était réclamé ;

Par ses dernières conclusions signifiées le 17 décembre 2009, l'appelante expose qu'elle a effectivement regardé avec intérêt une cuisine d'exposition vendue à un prix minoré au salon de la foire de Paris et qu'à l'issue d'une discussion d'une longueur exceptionnelle puis dans la précipitation et sur l'insistance du vendeur, alors même que le salon fermait et que les lumières s'éteignaient, elle a fini par lui remettre deux chèques, l'un de 3 000 euro tiré sur le compte de son frère, M. R., l'autre de 7 000 euro tiré sur son propre compte ;

Elle ajoute que dans cette précipitation, aucun bon de commande n'a été établi ou signé par les parties, M. Iriarte ayant seulement eu le temps de lui remettre sa carte de visite ;

Elle ajoute que le 16 mai 2006, ce dernier lui a fait parvenir un plan de la cuisine en précisant qu'il lui adresserai plus tard la nomenclature précise des meubles vendus ; qu'était joint à ce courrier un plan ne correspondant pas par sa description à ce qu'elle avait vu en exposition ;

Elle justifie que le premier chèque a été encaissé le 12 mai 2006 et que le second a été présenté et rejeté faute de provision le 29 mai 2006 ;

Elle expose qu'elle a vainement mis en demeure le vendeur de lui restituer les sommes versées par application de l'article L. 122-3 du Code de la consommation, que la cuisine n'a jamais été livrée et qu'elle est fondée à demander qu'il soit statué ainsi qu'il suit :

- constater que le bon de commande est un faux,

- constater la nullité d'ordre public de la vente du 8 mai 2006,

- subsidiairement, annuler la vente pour vice du consentement et défaut d'objet,

- en conséquence, condamner M. Iriarte à lui verser :

* 3 000 euro avec intérêts au taux légal à compter du 13 mai 2006, majorée de moitié à compter de ladite date,

* 18 840 euro à titre de dommages-intérêts pour préjudice financier,

* 7 000 euro à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

* 6 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

* 2 000 euro au titre des frais d'expertise et de consignations dans la procédure pénale,

* ordonner la restitution du chèque d'un montant de 7 000 euro sous astreinte de 100 euro par jour de retard afin d'obtenir la levée de l'interdiction bancaire ;

Sur ce

Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-3 du Code de la consommation : "la fourniture de biens ou de services sans commande préalable du consommateur est interdite lorsqu'elle fait l'objet d'une demande de paiement. Aucune obligation ne peut être mise à la charge du consommateur qui reçoit un bien ou une prestation de services en violation de cette interdiction.

Le professionnel doit restituer les sommes qu'il a indûment perçues sans engagement exprès et préalable du consommateur. Ces sommes sont productives d'intérêts au taux légal calculé à compter de la date du paiement indu et d'intérêts au taux légal majoré de moitié à compter de la demande de remboursement faite par le consommateur" ;

Considérant qu'il apparaît de la procédure pénale que le bon de commande produit par l'intimé n'a jamais été signé par l'appelante et que la signature par celle-ci n'est qu'une imitation grossière ;

Qu'il s'ensuit que l'appelante invoque à bon droit les dispositions précitées du Code de la consommation pour demander qu'il soit jugé qu'elle n'est tenue à aucune obligation du fait de la remise des chèques, que l'intimé soit tenu au remboursement dans les conditions précisées au dispositif en ce qui concerne la somme de 3 000 euro, et à la restitution du chèque non encaissé de 7 000 euro, sous astreinte ;

Considérant que le préjudice financier autre que celui résultant des intérêts alloués pour le chèque de 3 000 euro ne peut donner lieu à l'allocation de dommages-intérêts pour le chèque de 7 000 euro alors que son émission est en elle-même fautive faute de provision au moment où il est émis et que son détournement à d'autres fins qu'un paiement à valoir sur la vente relève de la procédure pénale saisie de l'entier litige de faux, usage de faux et escroquerie ;

Considérant que la réparation du préjudice moral invoqué au regard de la seule irrégularité appréciée par référence à l'article L. 122-3 du Code de la consommation doit être fixée à 500 euro ;

Considérant que le préjudice financier direct n'est pas prouvé ;

Considérant que les frais de procédure entraînés par la procédure pénale relèvent de cette procédure ;

Considérant que les conditions d'application de l'article 700 du Code de procédure civile sont réunies à hauteur de 4 000 euro ;

Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement ; Annule la vente du 8 mai 2006 ; Condamne M. Iriarte à restituer la somme de 3 000 euro avec intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2006, ces intérêts étant majorés de moitié à compter de l'assignation ; Ordonne la restitution du chèque ayant fait l'objet d'un rejet, d'un montant de 7 000 euro, portant le numéro 287 787 4, sous astreinte de 50 euro par jour de retard à compter d'un délai de quinze jours suivant la signification du présent arrêt ; Condamne M. Iriarte à payer à Mme Emond la somme de 500 euro en réparation de son préjudice moral ; Rejette toutes autres demandes ; Condamne M. Iriarte à payer à Mme Emond 4 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Le condamne aux dépens ; Dit qu'il sera fait application de l'article 699 du Code de procédure civile.