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Décisions

CA Paris, 8e ch. A, 12 octobre 2006, n° 04-15405

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Hebert (Epoux)

Défendeur :

Cuisea (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Deurbergue

Conseillers :

Mmes Graeve, Bouscant

Avoués :

SCP Lagourgue-Olivier, SCP Gaultier-Kistner

Avocats :

Mes Terrazas, Le Heuzey

TI Charenton-le-Pont, du 8 juin 2004

8 juin 2004

Procédure et prétentions des parties

Suivant devis n° 2804 en date du 29 avril 2003, non signé par les clients, la SA Cuisea France a proposé aux époux Hebert l'aménagement d'une cuisine, pour un montant de 13 866 57 euro TTC, sans fourniture de l'électroménager, évalué sur un document séparé à 5 348 euro.

Le 30 avril 2003, Madame et Monsieur Hebert versaient à la société Cuisea France un acompte de 4 000 euro.

Le 16 mai 2003, la société Cuisea a établi, pour les époux Hebert, qui souhaitaient diminuer le coût de leur projet, un nouveau devis n° 13050 pour un montant de 11 219,38 euro pour le mobilier et 3 585,34 euro pour l'électroménager, document qu'ils ont signé.

Les époux Hebert se sont cependant rétractés par lettre recommandée avec accusé de réception du lendemain 17 mai 2003, demandant la restitution de l'acompte qu'ils n'ont pas obtenue.

La cour statue sur l'appel des époux Hebert du jugement contradictoire et en premier ressort du Tribunal d'instance de Charenton le Pont en date du 8 juin 2004 qui a :

- débouté Monsieur et Madame Hebert de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné solidairement les époux Hebert à payer à la société Cuisea France la somme de 10 804,72 euro avec intérêt au taux légal à compter du présent jugement,

- ordonné à la société Cuisea d'honorer la commande conformément au devis n° 13050 à première demande après paiement faite par les époux Hebert,

- dit qu'il n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire,

- condamné solidairement les époux Hebert à payer à la société Cuisea France la somme de 300 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamné solidairement les époux Hebert aux dépens.

Dans leurs dernières conclusions en date du 5 octobre 2004, les époux Hebert sollicitent l'infirmation du jugement rendu en toutes ses dispositions sur les fondements des articles 1131, 1583 et 1153 du Code civil et L. 113-3 et L. 122-3 du Code de la consommation et demandent à la cour :

- l'annulation de l'acceptation du devis n° 13050 signé le 16 mai 2004 fourni par la société Cuisea,

- la condamnation de la société Cuisea à leur restituer l'acompte de 4 000 euro, avec intérêt à compter du 24 juin 2003,

- la condamnation de la société Cuisea à leur payer la somme de 1 200 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- la condamnation à tous les dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions en date du 28 avril 2006, la société Cuisea France sollicite :

- principalement, la confirmation du jugement entrepris,

- subsidiairement, la condamnation conjointe et solidaire des époux Hebert à payer à lui payer la somme de 10 804,72 euro à titre de dommage et intérêts,

- plus subsidiairement, la condamnation conjointe et solidaire des époux Hebert à lui payer la somme de 5 080,19 euro à titre de dommages et intérêts,

- en tout état de cause, la condamnation conjointe et solidaire des époux Hebert à lui payer une somme de 1 500 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure et appel abusifs et une somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- la condamnation conjointe et solidaire des époux Hebert aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Sur ce, la cour,

Qui se réfère pour un plus ample exposé des faits de la procédure et des moyens des parties à la décision déférée et à leurs écritures ;

Considérant que, suivant devis établi par la société Cuisea et signé par les époux Hebert le 16 mai 2003, les parties se sont entendues sur la chose et le prix tandis que les appelants ne démontrent pas la nullité de cette convention, que ce soit au titre d'un vice du consentement ou du fait de la violation des dispositions du Code de la consommation ;

Considérant qu'il convient de rappeler qu'il ne s'agit pas d'un démarchage à domicile et que les époux Hebert ne disposaient pas d'un droit de rétractation dans les sept jours de la signature du devis, contrairement à ce qu'ils soutiennent ;

Considérant que les appelants n'établissent pas que ce fut à la suite de manœuvres dolosives du vendeur ou du fait d'une erreur de Madame Hebert que le devis fut signé par eux ; qu'ils ont au contraire pris le temps de la réflexion puisqu'ils n'ont pas signé le premier devis établi le 29 avril 2003 mais ont préféré un second projet ;

Considérant que si l'article L. 122-3 du Code de la consommation dispose que le professionnel ne peut percevoir aucune somme sans engagement exprès et préalable, ce texte n'exige pas que cet engagement soit donné par écrit et qu'il résulte des éléments du dossier, à savoir l'établissement d'un premier devis, la remise d'un chèque d'acompte et la signature d'un deuxième devis, que les époux Hebert étaient décidés, au moment de la remise par eux d'un chèque de 4 000 euro, à faire installer leur cuisine par la société Cuisea ;

Considérant que les prescriptions de l'article L. 113-3 du même Code ne sont pas édictées à peine de nullité, étant rappelé que, s'étant rendus dans le magasin, les époux Hebert ont pu se faire présenter les différents modèles et matériaux disponibles tandis que le devis mentionne les éléments d'information indispensables, et notamment la date de livraison prévue pour septembre 2003 ;

Considérant que c'est donc à bon droit que le premier juge a débouté les époux Hebert de leur demande tendant à faire déclarer nul le contrat ;

Considérant que la décision déférée sera, en revanche, réformée quant aux conséquences tirées par le premier juge de la validité du contrat ;

Considérant que ce contrat n'a pas été exécuté, qu'il n'est plus possible, compte tenu du temps passé, de le faire exécuter et de contraindre les époux Hebert à recevoir une cuisine équipée de la part de la société Cuisea ;

Considérant que l'inexécution du contrat se résout, au profit de la société Cuisea, en dommages intérêts que la cour estime devoir fixer à la somme de 2 000 euro ;

Qu'en effet, la société Cuisea s'est bornée à établir un devis, qu'elle n'a pas fabriqué ni commandé les meubles prévus ; qu'elle ne justifie pas d'un travail de trois jours sur ce dossier, temps bien excessif pour établir un devis dans une cuisine classique comme celle des époux Hebert qui produisent le plan de cette pièce ;

Considérant qu'en conséquence, la société Cuisea, qui a perçu un acompte de 4 000 euro restituera la somme de 2 000 euro aux époux Hebert ;

Considérant que ces derniers, qui sont à l'origine du litige, conserveront cependant la charge des dépens de première instance et d'appel, l'équité ne commandant aucune application en appel de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Par ces motifs : LA COUR , Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a débouté les époux Hebert de leur demande de nullité du contrat et à l'exception de ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Statuant à nouveau des autres chefs, Condamne les époux Hebert à verser à la SA Cuisea la somme de 2 000 euro à titre de dommages-intérêts en deniers ou quittance, Condamne la SA Cuisea à rembourser aux époux Hebert la somme de 2 000 euro indûment perçue par elle, ladite somme portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, Rejette toute autre demande, Laisse les dépens d'appel à la charge des époux Hebert et dit qu'ils seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.