CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 22 février 2007, n° 05-09124
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Johnson Controls Automotive Electronics (SAS)
Défendeur :
Yageo France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mandel
Conseillers :
M. Chapelle, Mme Valantin
Avoués :
SCP Lefevre-Tardy & Hongre-Boyeldieu, Me Binoche
Avocats :
Mes Berthezene, Bigot
La société Johnson Controls Automotive Electronics (ci-après Johnson Controls) est un équipementier automobile tandis que la société Yaego fabrique des composants électroniques et électriques.
Dans le cadre de son activité, Johnson Controls a fait appel à Yageo pour la fourniture de composants électroniques destinés à être intégrés à un système plus complexe fabriqué par Johnson Controls, dénommé UCH (unité centrale habitacle) qui a pour fonction de centraliser les commandes passées par un conducteur automobile relativement à la gestion de l'habitacle du véhicule (verrouillage des portes, mise en marche des essuie-glaces, démarrage, clignotants).
Un premier accord cadre a été conclu en octobre 2000 entre Phycomp devenue Yageo et Sagem devenue Johnson Controls.
Par la suite, Johnson Controls et Yageo ont conclu un accord-cadre le 14 janvier 2002 pour la période du 31 décembre 2001 au 31 décembre 2002 lequel prévoyait la livraison par Yageo de 2 743 000 composants pour un prix de 54 euro HT pour 1 000 pièces, étant précisé que Yageo a substitué lors de la signature ses propres conditions générales de vente à celles qui avaient été annexées par Johnson Controls.
Un nouveau contrat cadre a été rédigé le 22 octobre 2002 pour la période allant du 10 octobre 2002 au 30 septembre 2003 prévoyant la fourniture de près de 6 millions de composants au prix de 54 euro HT pour 1000 pièces puis de 100 euro HT pour 1000 pièces.
Johnson Controls ayant constaté un seuil élevé et croissant de retours de UCH de la part de son client, Renault, elle a fait procéder à différents tests et une visite technique a notamment été organisée sur le site de fabrication de Yageo à Taiwan, en présence d'experts de la société Serma Technologies lesquels préconisaient de renforcer la procédure de tests en fin de chaîne de fabrication de Yageo.
De nouvelles défaillances étant survenues et aucun accord n'ayant pu être trouvé entre les parties, en dépit de plusieurs expertises et réunions, Johnson a, par exploit en date des 4 août et 1er octobre 2003, assigné Yageo devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins de la voir condamnée sur le fondement de l'article 1641 du Code civil à lui restituer la somme de 485 999 euro correspondant "à la diminution du prix accordé par le tribunal en raison du vice affectant les produits fournis par Yageo" et à lui payer la somme de 13 656 281 euro en réparation de son préjudice financier et commercial outre une somme de 30 000 euro au titre de l'article 700 du NCPC.
Yageo concluait à l'irrecevabilité de cette demande au motif qu'elle n'avait pas été introduite à bref délai et subsidiairement concluait à son mal fondé et réclamait le paiement d'une somme de 121 672 euro TTC au titre des factures impayées ainsi que de celle de 10 000 euro pour résistance abusive outre une somme de 30 000 euro pour procédure abusive et une indemnité de 50 000 euro au titre de l'article 700 du NCPC. Subsidiairement, elle demandait que sa garantie soit limitée aux dispositions contractuelles des conditions générales de vente.
Dans le dernier état de ses écritures, Johnson Controls concluait à titre principal à ce que Yageo soit condamnée pour inexécution de ses obligations contractuelles au titre du "quality agreement n° 247 du 9 octobre 2000", réclamait le paiement d'une somme de 4 575 056,99 euro en réparation de son préjudice financier actuel et de sa perte d'image tout en sollicitant une expertise. Elle n'invoquait qu'à titre subsidiaire les articles 1641 et suivants du Code civil tout en modifiant ses demandes initiales quant au remboursement du prix et quant à l'évaluation de son préjudice financier.
Par jugement du 21 juillet 2005 auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens antérieurs des parties, le tribunal a constaté des vices cachés dans les produits livrés par Yageo, dit que Johnson Controls était recevable à agir à l'encontre de Yageo sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, après avoir considéré qu'elle ne pouvait bénéficier de la procédure sur les vices cachés, n'ayant pas assigné à bref délai. Le tribunal a estimé que la responsabilité de Yageo était engagée en raison de la défectuosité des produits et faisant application des conditions générales de vente de Yageo en ce qui concerne sa garantie, a condamné Yageo à rembourser à Johnson Controls le coût des produits vendus dans le cadre des contrats-cadre des exercices 2001-2002 et 2002-2003 soit la somme de 500 002 euro (138 790 + 361 212) avec intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2003 et ce avec exécution provisoire. Il a en outre, condamné Yageo au paiement d'une somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du NCPC.
Appelante, la société Johnson Controls demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté que les produits livrés par Yageo au titre des contrats 2001-2002 et 2002-2003 étaient entachés de vices cachés et en conséquence de condamner Yageo à lui restituer la somme de 138 790 euro correspondant à la diminution de prix accordée par le tribunal en raison du vice affectant certains composants pour le contrat 2001-2002 et la somme de 361 212 euro au titre du contrat 2002-2003. Par ailleurs, elle sollicite la condamnation de Yageo à lui payer la somme de 7 697 193,75 euro en réparation de son préjudice financier actuel, de son préjudice pour perte d'image et ce avec intérêts au taux légal à compter du 4 août 2003. A titre subsidiaire, Johnson Controls demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu la recevabilité de la demande fondée sur l'article 1147 du Code civil mais de le réformer en ce qu'il a considéré que les conditions générales de vente de Yageo étaient applicables et faisant application du droit commun de la responsabilité contractuelle pour le contrat passé pour 2001-2002 et des conditions générales de vente de Johnson pour le contrat passé pour 2002-2003, de condamner Yageo au paiement de la somme de 8 197 196,75 euro en remboursement du coût des produits viciés, de son préjudice financier et de son préjudice pour perte d'image et ce avec intérêts au taux légal à compter du 4 août 2003.
A titre très subsidiaire, Johnson Controls demande à la cour de constater que Yageo a failli à ses obligations contractuelles au titre du "quality agreement n° 247" conclu le 9 octobre 2000 avec Sagem aux droits de laquelle vient Johnson et de condamner Yageo à lui payer la somme de 8 197 196,75 euro en remboursement du coût des produits viciés, de son préjudice financier et de son préjudice pour perte d'image et ce avec intérêts au taux légal à compter du 4 août 2003.
Enfin, Johnson réclame le versement d'une somme de 30 000 euro au titre de l'article 700 du NCPC.
Yageo, intimée, sollicite l'infirmation du jugement et demande à la cour de dire que l'action de Johnson est irrecevable dès lors qu'elle n'a pas été introduite à bref délai, à titre subsidiaire de débouter Johnson de ses demandes dès lors qu'elle lui a fourni un matériel propre à l'usage auquel il était destiné et qu'elle n'a pas failli à ses obligations au regard du "quality agreement n°247". A titre infiniment subsidiaire, Yageo demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a limité sa garantie aux dispositions contractuelles de ses conditions générales de vente. En tout état de cause, elle sollicite le paiement d'une somme de 60 000 euro au titre de l'article 700 du NCPC.
Une demande de 50 000 euro pour procédure abusive n'a pas été reprise dans le dispositif des conclusions.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 janvier 2007.
Sur ce, la cour,
I. Sur la procédure :
Considérant que la société Yaego sollicite le rejet des conclusions signifiées le 3 janvier 2007 par la société Johnson Controls, au motif qu'elle n'a pas été en mesure de répondre à ces conclusions qui contiennent un moyen nouveau, à savoir une demande de sursis à statuer qui aurait été formée devant le premier juge par Johnson Controls en l'attente de la finalisation d'un protocole fixant l'indemnisation de la société Renault ;
Mais considérant qu'il résulte des écritures signifiées le 24 mai 2005 par Johnson Controls devant le tribunal, qu'elle avait demandé (page 12) au tribunal de bien vouloir surseoir à statuer sur le préjudice par elle subi du fait du rappel des véhicules Renault X81 au motif que son étendue ne pouvait être déterminée en l'état, Renault étant en train d'évaluer le coût qu'elle allait réclamer à Johnson Controls ; que cet élément de fait n'est donc pas nouveau ;
Considérant que le protocole conclu le 13 octobre 2005 entre Johnson Controls et Renault a été communiqué à Yageo le 28 novembre 2006 et visé dans les écritures signifiées le 8 décembre 2006 ;
Que par ses conclusions du 3 janvier 2007, Johnson Controls ne fait que répondre aux conclusions signifiées le 26 décembre 2006 par Yageo qui soutenait en page 31 que le protocole d'accord signé postérieurement au jugement aurait été établi pour les besoins de la cause, après que le tribunal de commerce ait constaté que le montant du préjudice ne pouvait être fixé ;
Qu'il n'y a donc pas lieu d'écarter des débats les conclusions signifiées le 3 janvier 2007 ;
II. Sur la recevabilité de l'action pour vice caché :
Considérant qu'en vertu de l'article 1648 du Code civil l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur, dans un bref délai, suivant la nature des vices rédhibitoires, et l'usage du lieu où la vente a été faite ;
Que le délai court à compter du jour où l'acheteur a connu le vice ;
Considérant qu'en l'espèce, les défauts dont fait état Johnson Controls concernent les réseaux capacitifs produits par Yageo anciennement Phycomp (référence Johnson 18587406-9 référence Phycomp 2255 146 11 649) survenus en KM0 ; que ces défauts se traduisent soit par un court-circuit entre deux capacités adjacentes, soit par un court-circuit entre les 2 terminaisons d'une même capacité ;
Considérant que si en mai et septembre 2002, Johnson Contols avait effectivement demandé à Yageo de procéder à des expertises, celles-ci ne concernaient que des incidents très ponctuels ; que l'une se rapportait au composant X 7R/1206 NiSn référence Phycomp 2222 781 15663 qui est un composant distinct du composant en cause et montre une défaillance due à une pollution causée par la colle ; que si l'autre expertise se rapporte au même composant 1nf 4 X 0603 (pièce 36), il demeure que l'incident était manifestement ponctuel et était le résultat d'une impureté intégrée dans la céramique durant la fabrication ;
Considérant qu'il apparaît que ce n'est qu'en novembre 2002 que Johnson Controls après avoir rencontré 18 cas de défaillances affectant le composant référencé 2255 146 11 649 chez Yageo a fait effectuer du 27 au 29 novembre 2002 des tests sur le site de Yageo à Taiwan ;
Que ce n'est que suite à l'établissement d'un rapport par la société Serma Technologies, que Johnson Controls a eu connaissance effective des défauts affectant ce composant ;
Que dans un premier temps, il apparaît que les parties ont manifestement cherché à trouver en commun une solution après que Johnson Controls ait informé Yageo des coûts supplémentaires qu'elle avait du supporter en raison du problème de qualité rencontré avec le composant ; que c'est ainsi que par lettre du 30 décembre 2002 Phycomp (Yageo) a précisé qu'elle était "disposée à discuter d'une solution commerciale à ce problème sur une base équitable" ; qu'en février 2003, Phycomp aurait même saisi son assureur, si on se réfère au compte-rendu d'une réunion du 28 février 2003 ;
Que le 5 février 2003, une réunion a été organisée notamment en présence de représentants des deux parties au cours de laquelle Yageo a proposé des actions correctrices pour remédier aux défaillances constatées en revenant notamment au process de fabrication 85 K qui avait été abandonné par Yageo au profit d'un process 75 K dans un souci de réduction des coûts mais sans en aviser Johnson Controls ; qu'une deuxième réunion a eu lieu en mars 2003 puis encore en avril 2003 pour mettre au point les procédures de contrôle et s'assurer de l'absence de tout défaut ;
Qu'aucun accord n'ayant été trouvé entre les parties et Yageo ayant fait savoir en avril 2003 qu'elle s'opposait au règlement des sommes sollicitées, Johnson Controls a engagé la présente procédure selon exploit du 4 août 2003, l'assignation du 1er octobre 2003 ayant été délivrée sur et aux fins de la précédente assignation ;
Considérant que compte tenu de la tentative de règlement amiable envisagée entre les parties et des réunions organisées pour rechercher en commun les moyens efficaces de remédier aux défauts constatés, la condition de bref délai, visée par l'article 1648 du Code civil , est satisfaite, si bien que la demande de Johnson Controls en ce qu'elle est fondée sur l'article 1641 du Code civil est recevable ;
III. Sur l'existence d'un vice caché :
Considérant que le vice doit exister au moment de la vente, être caché et compromettre l'usage de la chose vendue ;
Considérant qu'il a été ci-dessus démontré que Johnson Contols avait eu connaissance du vice en novembre 2002 après que Serma Technologies ait effectué des tests ;
Considérant que si aucune expertise judiciaire n'a été diligentée, il résulte tant de ce rapport que des comptes rendus établis ultérieurement et contradictoirement entre les parties, que les courts circuits affectant les composants électroniques vendus par Phycomp/Yageo à Johnson et équipant les UCH (unité centrale habitacle) ayant pour fonction de centraliser les commandes passées par le conducteur automobile relativement à la gestion de l'habitacle, trouvent leur origine dans le process de fabrication de Phycomp ; que dans un compte-rendu établi le 5 février 2003 et signé par les représentants de chacune des parties, Phycomp a précisé qu'elle était persuadée du fait que les fêlures sont la principale cause des problèmes rencontrés ; que les causes fondamentales en étaient la modification de la procédure de fabrication aux environs de mai 2002 sans avertissement à Johnson Controls ; que Phycomp dans le même compte-rendu précise qu'elle a réduit la teneur en palladium de la couche d'électrode dans un souci de réduction des coûts et a par conséquent adapté la céramique contenue de 85 K à 75 K ; qu'il est également mentionné au même procès-verbal que "phycomp soupçonnait depuis de nombreuses semaines qu'une modification de la procédure était à l'origine de la défaillance" et que c'est la raison pour laquelle elle avait pris l'initiative de fabriquer 40 000 pièces avec la conception précédente de 85 K pour vérifier cette hypothèse, information non communiquée à Johnson avant la réunion du 5 février 2003 ;
Considérant que l'analyse effectuée par Phycomp/Yageo et annexée au compte-rendu de la réunion du 17 avril 2003 (pièce 23 document G) fait état de ce qu'après le retour à la procédure 85 K, il n'y a plus eu de retour et en conclut que le niveau de qualité a été fortement amélioré ;
Considérant que Yageo ne saurait se prévaloir de la lettre de Renault du 13 décembre 2002 pour tenter de démontrer que contrairement à ce qu'elle a elle-même affirmé, le problème rencontré serait imputable à une bague de Johnson Controls dès lors d'une part, qu'à cette date c'était toujours le process K75 qui était utilisé, si on se rapporte à la pièce 22 (e-mail de Yageo démontrant les dates de changement de process), d'autre part qu'aucune expertise ou examen technique ne vient conforter cette allégation et qu'enfin cette bague n'équipait manifestement pas les véhicules X 81 victimes des défaillances survenues avec l'UCH ;
Que par ailleurs, aucune pièce ne démontre que le problème serait lié à une application du composant et non au composant lui-même dont Yageo a reconnu en février 2003 qu'il était responsable de la défaillance constatée ;
Que les données communiquées sous forme de graphismes viennent enfin contredire les allégations de Yageo et démontrent que depuis le retour au procédé K 85 début 2003, les retours massifs de Renault ont très nettement diminué voire presque cessé (pièces 39, 40 et 41) ;
Considérant enfin que Yageo ne peut valablement soutenir que Johnson Controls connaissait l'existence de ce vice quand elle a conclu un nouvel accord avec Yageo le 22 octobre 2002 dès lors que ce n'est que début 2003 que la cause du vice affectant les composants électroniques a été révélée à Johnson Controls ainsi qu'exposé ci-dessus ;
Considérant en dernier lieu, qu'il n'est pas contesté que ce vice affectait l'usage du système UCH dans la mesure où cela provoquait des dysfonctionnements de diverses fonctions électriques de l'UCH ;
Considérant en conséquence que Johnson Controls est bien fondée en sa demande tendant à voir constater que les composants électroniques fournis par Phycomp/Yageo étaient affectés d'un vice rendant les UCH impropres à l'usage auquel elles sont destinées ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;
IV. Sur le droit à réparation de Johnson Controls :
Considérant que Johnson Controls fait valoir que pour les livraisons effectuées en vertu du contrat 2001-2002, elle n'a jamais accepté les conditions générales de Yageo et qu'en conséquence son indemnisation doit se faire selon le régime prévu par les articles 1644 et 1645 du Code civil et elle sollicite une réduction du prix et des dommages et intérêts ; que pour les livraisons effectuées en exécution du contrat 2002-2003, elle soutient en revanche que les règles d'indemnisation qui doivent s'appliquer sont celles contenues dans ses conditions générales d'achat ; qu'elle ajoute qu'en tout état de cause Yageo ne peut se prévaloir des clauses limitatives de garantie dès lors qu'elle était un vendeur professionnel, spécialisé dans la fabrication des composants électroniques, connaissant le vice affectant le produit alors que Johnson Controls est un équipementier automobile ;
Considérant que Yageo réplique qu'en ce qui concerne le premier contrat elle a expressément écarté les conditions générales d'achat au profit de ses conditions générales de vente et que Johnson Controls ayant exécuté ce contrat sans protestation, ce sont ces dernières conditions qui doivent s'appliquer ; qu'elle ajoute que la clause limitative de garantie est opposable à Johnson Controls qui est un professionnel dans la même spécialité ;
Qu'en ce qui concerne le second contrat, elle a refusé de le signer et a expressément refusé l'application des conditions générales d'achat de Johnson Controls ;
Considérant ceci exposé que s'agissant du premier contrat 2001-2002, il est constant que Yageo a signé le contrat en renvoyant à Johnson Controls ses conditions générales d'achat barrées et en y substituant ses conditions générales de vente ;
Mais considérant qu'à son tour, Johnson Controls n'a pas accepté expressément ces conditions générales de vente ;
Que même si le compte-rendu de la réunion du 28 février 2003 établi par Johnson Controls et précisant que Phycomp/Yageo aurait convenu que Johnson Controls n'a jamais signé les conditions générales de vente, n'est pas signé par Yageo, il demeure que faute d'établir que Johnson Controls a accepté les conditions de vente de Yageo qui constituent un élément essentiel du contrat, il convient de faire application du droit commun ;
Considérant qu'en ce qui concerne le deuxième contrat, si Yageo l'a exécuté en effectuant des livraisons, il demeure qu'aucune des parties n'a signé de conditions générales de vente ou d'achat et que l'accord cadre est sur ce point muet ; que par lettre avec accusé de réception du 15 mars 2003Yageo a précisé qu'elle avait refusé les conditions générales de Johnson Controls et rappelle qu'elle les a retournées avec le contrat de 2002 ;
Que dans ces conditions, il convient également de faire application du droit commun pour déterminer le préjudice dont Johnson Controls peut solliciter réparation en raison du vice caché affectant les composants fabriqués et livrés par Yageo ; qu'il ne serait être fait application en conséquence ni de la clause limitative de garantie dont se prévaut Yageo, ni de l'article 15 des conditions générales de Johnson Controls ;
Considérant qu'en vertu de l'article 1644, Johnson Controls est en droit d'obtenir réduction d'une partie du prix ;
Considérant qu'il résulte de la transaction conclue entre Renault et Johnson Controls qu'en raison des défaillances de l'UCH, le constructeur a rappelé 25 974 véhicules afin que l'UCH soit remplacée ce qui démontre que le vice affectant le composant rendait l'usage de l'UCH très pénalisant ;
Qu'au titre du premier contrat, il est établi par le listing produit par Johnson Controls et non contesté par Yageo que cette dernière a livré 2 149 000 composants fabriqués au process K 75 et que Johnson Controls a réglé à ce titre la somme de 138 791 euro, soit 54 euro HT pour 1 000 pièces ;
Considérant que Johnson Controls fait valoir qu'eu égard à la nature des vices entachant les composants, elle aurait du payer pour les 2 149 000 composants un euro ;
Qu'en application du deuxième contrat, Johnson Controls s'était engagée à acheter jusqu'au 30 septembre 2003, 5 592 919 composants de référence 225514611649 au prix de 54 euro HT pour 1 000 pièces soit un total de 361 212 euro ;
Considérant que si on se réfère à la pièce 6, les premières livraisons sont intervenues en décembre 2002 et devaient se poursuivre jusqu'en juillet 2003 ; qu'il n'est pas contesté que les composants livrés de novembre 2002 à septembre 2003 étaient fabriqués selon le process K75 (page 26 des conclusions de Johnson) ;
Considérant toutefois qu'il a été démontré qu'à compter de février 2003, Johnson Controls avait connaissance de l'origine du vice affectant les composants ; qu'en dépit de cette connaissance, elle a continué d'accepter une marchandise dont elle savait qu'elle était affectée d'un vice de fabrication imputable à Yageo ; que dans ces conditions elle est mal fondée à solliciter une restitution du prix pour les marchandises défectueuses qui ont pu être livrées après février 2003 ;
Que compte tenu des quantités livrées en vertu du premier contrat (2 149 000) et en exécution du second contrat jusqu'à fin février 2003 (1 348 000), du prix payé et du fait que le défaut affectant les composants compromettait gravement l'usage de l'UCH voire empêchait tout fonctionnement, il convient d'accorder à Johnson Controls une réduction de prix de 188 838 euro ; que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné Yageo au paiement de la somme de 502 000 euro ;
Considérant que Johnson Controls se prévalant par ailleurs des dispositions de l'article 1645 du Code civil , réclame une somme de 7 697 193,75 euro en réparation de son préjudice financier, de son préjudice pour perte d'image et ce avec intérêts au taux légal à compter du 4 août 2003 ;
Considérant qu'il résulte du compte-rendu établi contradictoirement le 5 février 2003 que Yageo avait changé la procédure de fabrication du composant en mai 2002 et adopté la composition K 75 au lieu de K 85 sans en avertir Johnson Controls ; que par ailleurs, Yageo a admis lors de cette réunion que depuis de nombreuses semaines, elle soupçonnait que la modification de la procédure était à l'origine de la défaillance ; que toutefois, elle a continué à livrer des composants défectueux à Johnson Controls sans l'informer de ses soupçons ;
Que même si certains ingénieurs de Johnson Controls sont des ingénieurs ayant des compétences en matière électronique, il demeure que seuls des tests sophistiqués pouvaient permettre de détecter l'origine de la défaillance, ce d'autant plus que Yageo n'avait pas informé Johnson Controls du changement de la composition du composant ;
Que suite au vice affectant les composants électroniques, Renault a décidé de rappeler plus de 25 000 véhicules comportant une unité centrale habitacle (UCH) installée à compter du 15 juin 2002 (soit une UCH de type K75) en vue de mettre en place une nouvelle UCH ; qu'en réparation du coût engendré par cette opération, Johnson Controls justifie avoir réglé à Renault une somme de 3 millions d'euro HT ; que la transaction fait exclusivement référence à l'UCH sur les véhicules X 81 sur lesquels ne sont pas installées de bagues antivol ; que des UCH conformes ayant été fournies à Renault à partir du 26 février 2003 (si on se rapporte au protocole transactionnel) il existe donc un lien de causalité direct entre la procédure de rappel mise en œuvre par Renault et le vice de fabrication imputable à Yageo ;
Considérant toutefois qu'alors qu'elle avait connaissance depuis fin novembre 2002 du vice affectant les UCH, même si à cette date l'origine n'en était pas déterminée, Johnson Controls a manifestement continué jusqu'en février 2003 de livrer à Renault des UCH défectueuses ; que ce n'est qu'à compter du 26 février 2003 que des UCH conformes ont été fournies ; que de décembre 2002 à fin février 2003 Johnson Controls a donc contribué par son attitude à l'aggravation de son propre préjudice et ne peut donc en faire supporter les conséquences à Yageo ;
Considérant par ailleurs qu'il est indéniable que les dysfonctionnements survenus ont nécessairement porté atteinte à l'image de marque de Johnson Controls auprès de ses clients et généré des frais de déplacements et d'expertise ;
Considérant en revanche que si Johnson Controls produit un certain nombre de factures émises par Renault au titre de la garantie due par Johnson Controls, il convient de relever d'une part, que ces factures portent tant sur l'UCH que sur d'autres pièces telles que des tableaux de bord, des afficheurs centraux, des bagues anti vol pour l'unité centrale habitacle (UCH) d'autre part, que Johnson Controls ne justifie pas en avoir acquitté effectivement les montants ;
Considérant que la cour possède les éléments d'appréciation suffisants pour évaluer le préjudice subi par Johnson Controls à la somme de 2 200 000 euro, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, s'agissant de dommages et intérêts ;
V. Sur les autres demandes :
Considérant que Yageo qui succombe et qui ne démontre pas que la présente procédure ait été introduite dans une intention malveillante sera déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts, étant observé que cette demande n'a été formulée que dans les motifs de ses écritures mais n'a pas été reprise dans le dispositif ;
Considérant que l'équité ne justifie pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du NCPC à la société Yageo ;
Qu'en revanche, cette dernière sera condamnée à payer à la société Johnson Controls une somme complémentaire de 10 000 euro ;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement : DIT n'y avoir lieu d'écarter des débats les conclusions signifiées par Johnson Controls Automotive Electronics le 3 janvier 2007, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a constaté des vices cachés dans les produits livrés par Yageo France à Johnson Controls Automotive Electronics et condamné Yageo France à payer à Johnson Controls Automotive Electronics la somme de 10 000 euro (dix mille euro) au titre de l'article 700 du NCPC, Le Reformant pour le surplus et statuant à nouveau, Dit Johnson Controls Automotive Electronics recevable à agir sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil, Condamne Yageo France à restituer à Johnson Controls Automotive Electronics la somme de 188 838 euro (cent quatre-vingt-huit mille huit cent trente-huit euro) et à lui payer la somme de 2 200 000 euro (deux millions deux cent mille euro) à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, Déboute les parties du surplus de leurs demandes, Condamne Yageo France à payer à Johnson Controls Automotive Electronics une somme complémentaire de 10 000 euro (dix mille euro) au titre de l'article 700 du NCPC, Condamne Yageo France aux dépens de première instance et d'appel, Admet la SCP Lefevre-Tardy & Hongre-Boyeldieu, avoués, au bénéfice de l'article 699 du NCPC.