CA Rouen, 1re ch., 9 juin 2010, n° 09-01095
ROUEN
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Mercedes-Benz France (Sté)
Défendeur :
Mare, Evreux Auto Sport (SA), Icare Assurances (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Le Boursicot
Conseillers :
Mmes Boisselet, Girard
Avoués :
Me Couppey, SCP Greff Peugniez, SCP Duval Bart, SCP Lejeune Marchand Gray Scolan
Avocats :
Mes Segard, Donnet, Boyer, Ravayrol
Le 16 août 2004, Claude Mare a acheté après de la société Evreux Auto Sport, distributeur agréé Audi, une voiture de marque Mercedes-Benz de type E 270 mise en circulation le 23 août 2002, affichant 85 000 km, moyennant le prix de 31 500 euro.
La garantie contractuelle constructeur de 2 ans expirant, l'acheteur a souscrit un contrat de garantie occasion de 12 mois auprès de la société Icare.
Une panne est survenue en juillet 2005, nécessitant le changement d'un certain nombre de pièces (dont la boîte de vitesse) et la société Mercedes-Benz a refusé de prendre en charge les réparations, invitant Claude Mare à se rapprocher de la société Icare.
Une expertise amiable a été organisée le 13 septembre 2005 puis une ordonnance de référé du 19 octobre 2005 a désigné M. Lenglet en qualité d'expert, lequel a déposé son rapport le 16 juillet 2006.
Par acte du 13 juillet 2007, Claude Mare a fait assigner la SA Evreux Auto Sport, la SA Icare Assurances et la société Assurances Chrysler France (aux droits de laquelle se trouve la SAS Mercedes-Benz) devant le Tribunal de grande instance d'Evreux sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil aux fins d'obtenir la résolution de la vente et l'octroi de dommages intérêts.
Par jugement du 16 janvier 2009, le Tribunal de grande instance d'Evreux a :
- prononcé la résolution de la vente,
- condamné la société Evreux Auto Sport à payer à Claude Mare les sommes de 31 500 euro en remboursement du prix de vente, 19 380 euro arrêté au 16 janvier 2009 en réparation de son préjudice de jouissance, 35 0226,22 euro correspondant à la facture d'assurance et de gardiennage du véhicule à actualiser au jour de l'enlèvement, 1 289,79 euro en remboursement de la prime d'assurance payée à la MAIF par Claude Mare et 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté la société Evreux Auto Sport de sa demande de condamnation de la SAS Mercedes-Benz à la garantir de la somme de 31 500 euro et condamné la SAS Mercedes-Benz à la garantir de la totalité du surplus du montant des condamnations pécuniaires prononcées contre elle au profit de Claude Mare, y compris l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens,
- débouté Claude Mare de sa demande de condamnation des sociétés Icare Assurances et de la SA Evreux Auto Sport à lui payer la somme de 3 000 euro à titre de dommages-intérêts,
- débouté les sociétés Evreux Auto Sport, Icare Assurances et Mercedes-Benz de leurs demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la SA Evreux Auto Sport aux dépens comprenant les frais de l'expertise judiciaire.
Le 23 février 2009, la SAS Mercedes-Benz a interjeté appel de cette décision.
Dans ses conclusions signifiées le 17 mars 2010, auxquelles il est fait expressément référence pour l'exposé complet des moyens, la SAS Mercedes-Benz demande à la cour de :
- réformer la décision entreprise,
- rejeter toute demande dirigée contre elle,
- en tout état de cause, condamner la SA Evreux Auto Sport et la SA Icare Assurances au paiement de la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
Elle fait valoir pour l'essentiel que la garantie contractuelle souscrite par l'acheteur auprès de la SA Icare Assurances devait prendre en charge les désordres survenus sur le véhicule au cours de la période de la garantie Icare prenant le relais de la garantie contractuelle constructeur et que le refus des sociétés Evreux Auto Sport et Icare de prendre à leur charge immédiatement le coût des réparations, au titre de leur garantie contractuelle de 12 mois souscrite par l'acheteur, est la cause exclusive de l'immobilisation prolongée du véhicule et de tous les préjudices de Claude Mare.
Dans ses conclusions signifiées le 12 mars 2010, auxquelles il est fait expressément référence pour l'exposé complet des moyens, Claude Mare demande à la cour de:
- confirmer le jugement sauf à parfaire les frais de gardiennage et condamner en conséquence la société Evreux Auto Sport à lui payer la somme de 51 031,14 euro à ce titre,
- condamner solidairement la société Evreux Auto Sport et la SAS Mercedes-Benz à lui payer une somme complémentaire de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens.
Il fait valoir qu'il est privé de son véhicule depuis juillet 2005 alors qu'il a fait un usage normal de son véhicule et que l'expert a mis en évidence des vices cachés antérieurs à la vente.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 9 mars 2010, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la SA Evreux Auto Sport demande à la cour de :
- débouter Claude Mare de toutes ses demandes,
- condamner la SAS Mercedes-Benz à la garantir,
- subsidiairement, débouter Claude Mare de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice de jouissance et des frais de parking,
- condamner toute partie succombante à lui payer la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle fait valoir que de nombreux véhicules classe E fabriqués à la même époque ont connu des défectuosités de ce type et que le véhicule litigieux avait lui-même subi des interventions sur la boîte de vitesse aux alentours des 13 000 kms, de telle sorte que la SAS Mercedes-Benz aurait dû changer à cette époque la boîte de vitesse au titre de la garantie constructeur. En second lieu, elle invoque la garantie de la SA Icare Assurances.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 9 mars 2010, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la SA Icare Assurances demande à la cour de :
- confirmer le jugement,
- condamner la SAS Mercedes-Benz à lui payer la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
Elle fait valoir qu'elle n'est intervenue au contrat de vente qu'en qualité 'd'assisteur' et qu'elle n'a commis aucune faute.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 mars 2010.
Sur ce
Sur la résolution de la vente pour vices cachés
Attendu qu'en application de l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ; qu'en pareil cas, l'article 1644 du Code précité prévoit que l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix ;
Attendu que le véhicule acheté par Claude Mare auprès de la SA Evreux Auto Sport et pour lequel une garantie contractuelle occasion de un an avait été souscrite auprès de la SA Icare Assurances, s'est trouvé affecté de désordres, à savoir : des cognements lors des passages des vitesses au niveau de la boîte de vitesses automatique ainsi qu'une bruyance des rotules de trains avant ; que les établissements DAVIS 27 Mercedes ont alors établi des devis afin de remédier à ces dysfonctionnements, prévoyant le remplacement impératif de la boîte de vitesses automatique et de son calculateur pour un montant de 6 533 euro, ainsi que le remplacement du catalyseur et des éléments du train avant pour la somme de 1 667 euro ;
Attendu que l'expert judiciaire indique qu'au cours de ses opérations d'expertise, il a pu constater la présence des désordres énoncés par Claude Mare et a fait des analyses sur l'huile de la boîte de vitesse, lesquelles ont révélé une forte contamination anormale par des particules métalliques provenant de la dégradation des éléments métalliques constituant les moyeux des embrayages et des freins multidisques de la boîte de vitesse ; que l'expert judiciaire relève également de nombreuses zones de dégradations généralisées sur le carter et leurs pistons, ainsi que sur les vannes de l'ensemble des éléments du bloc hydraulique et sur les moyeux d'embrayage et de freins en aluminium qui se trouvent fortement agressés ;
Qu'il précise que la boîte de vitesses automatique et le catalyseur d'échappement ne sont pas des organes soumis à une maintenance quelconque selon le carnet d'entretien du véhicule et devraient, par conséquent, pouvoir faire la vie du véhicule sans être affectés de vétusté, dès lors que le véhicule avait au surplus moins de 3 ans lors de l'apparition des désordres ; que néanmoins, tant la boîte de vitesses automatique que le catalyseur d'échappement peuvent être remplacés en après-vente, notamment en cas d'accident, afin que le véhicule puisse de nouveau être utilisé normalement, étant précisé que sans remplacement de ces éléments, l'utilisation du véhicule présente des risques d'incendie (page 15 du rapport);
Attendu que l'expert judiciaire conclut que les désordres ne sont pas consécutifs à une utilisation anormale du véhicule et sont assimilables à des vices cachés dont l'origine est liée à une dérive ponctuelle de la fabrication et de la définition de la programmation du calculateur de la boîte de vitesses automatique qui doit être remplacée pour la seconde fois ;
Attendu que le tribunal a donc fait une analyse exacte du rapport d'expertise en retenant que les désordres ainsi constatés constituent des vices cachés qui proviennent d'une dérive ponctuelle de la fabrication en usine, et non d'une mauvaise utilisation du véhicule ou d'un défaut d'entretien imputables à Claude Mare, qu'ils étaient existants au moment de la vente et indécelables pour un profane;
Que si l'expert judiciaire mentionne (page 14) que les détériorations de la boîte de vitesse automatique et du catalyseur d'échappement ne rendent pas le véhicule impropre à l'usage auquel il est destiné, c'est uniquement parce que le remplacement de ces organes essentiels pour que le véhicule puisse circuler, fait partie des opérations de réparation normale prévues par Mercedes, principalement à la suite d'accidents de la circulation; que c'est donc également à juste titre que le tribunal a considéré qu'une boîte de vitesse automatique, un catalyseur d'échappement et les trains avant constituant des éléments essentiels du caractère roulant d'un véhicule automobile, les désordres tels que constatés affectant ces éléments nuisent à la sécurité du véhicule et empêchent son utilisation normale conforme à sa destination ; qu'il s'ensuit que les vices constatés par l'expert judiciaire rendent de ce fait le véhicule impropre à sa destination;
Que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente du 17 août 2004 du véhicule litigieux ; que Claude Mare étant ainsi fondé à exercer l'action rédhibitoire qu'il a choisie d'exercer, le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a condamné la SA Evreux Auto Sport à restituer à Claude Mare la somme de 31 500 euro correspondant au prix de vente du véhicule, tandis que ce dernier devra le restituer;
Sur les dommages intérêts
Attendu que Claude Mare fonde sa demande de dommages-intérêts sur l'article 1645 du Code civil, lequel prévoit que si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages intérêts envers l'acheteur ; qu'en l'espèce, le vendeur, la SA Evreux Auto Sport, en sa qualité de professionnel est présumé de manière irréfragable connaître les vices de la chose et doit réparer les conséquences du dommage causé par ce vice en application de l'article mentionné ;
Attendu qu'au titre du préjudice de jouissance lié à l'utilisation du véhicule, l'expert propose d'évaluer ce poste de préjudice à hauteur de 15 euro par jour, mais sur une période de 12 mois, le véhicule étant tombé en panne en juillet 2005 et le rapport d'expertise ayant été déposé en juillet 2006; qu'à compter de cette date, Claude Mare savait que le véhicule ne pouvait plus fonctionner normalement et qu'il devait procéder à son remplacement; que dans ces conditions, il convient d'évaluer son préjudice de jouissance à la somme de 5 500 euro ;
Attendu qu'au titre des frais d'assurance et de gardiennage du véhicule, Claude Mare verse aux débats les deux factures du garage DAVIS 27, l'une pour un montant de 35 226,22 euro du 8 juillet 2005 au 15 décembre 2006, à laquelle le tribunal a fait droit, ainsi qu'une seconde pour un montant de 51 031,14 euro du 16 décembre 2006 au 16 décembre 2009 ; que Claude Mare sollicite la confirmation de la première somme ainsi que la condamnation de la SA Evreux Auto Sport à lui payer la somme de 51 031,14 euro ; que la SAS Mercedes-Benz conteste le montant des factures de la société DAVIS 27 ainsi que leur règlement par Claude Mare et s'associe aux observations de la société SA Evreux Auto Sport quant aux conditions d'entreposage du véhicule; que cependant, cette dernière ne s'est pas préoccupée du véhicule et ne l'a pas fait remorquer dans ses locaux; que les frais de gardiennage sont bien dus à la société DAVIS 27; qu'au vu des factures émises par celle-ci à l'ordre de Claude Mare, il y a lieu de confirmer la première condamnation à la somme de 35 226,22 euro et de faire droit à la demande de condamnation de la SA Evreux Auto Sport à la somme de 51 031,14 euro, tout en soulignant que l'importance de la condamnation à ce titre est due à la seule inertie de la SA Evreux Auto Sport à apporter une solution satisfaisante à son client qui avait cependant contracté une garantie complémentaire occasion et qui a, ainsi qu'en témoignent les nombreux courriers versés aux débats, tenté en vain d'obtenir un règlement amiable et rapide du litige ;
Attendu que la somme de 1 289,79 euro allouée par le tribunal en remboursement de la prime d'assurance payée à la Maif par Claude Mare, qui ne fait pas double emploi avec l'assurance facturée par le garage Davis 27 sera, elle aussi, confirmée ;
Sur la garantie
Attendu que les vices cachés qui affectent le véhicule de marque Mercedes-Benz de type E 270 vendu à Claude Mare sont imputables au constructeur en ce qu'ils résultent d'une dérive ponctuelle de la fabrication et de la définition de la programmation du calculateur de la boîte de vitesses automatique en usine, ainsi qu'il résulte de l'expertise ; qu'il est par ailleurs versé aux débats des articles de presse spécialisée, établissant que les désordres sont récurrents sur les boîtes de vitesse de ce type de véhicule et que ce vice étant connu du constructeur, il lui appartenait d'autant plus d'intervenir rapidement et d'y remédier, étant précisé au surplus qu'une précédente intervention sur la boîte de vitesse du véhicule litigieux au titre de la garantie constructeur avait été réalisée par la SAS Mercedes-Benz ;
Attendu que le constructeur, la SAS Mercedes-Benz, sera en conséquence tenue de garantir le vendeur, la SA Evreux Auto Sport, de l'ensemble des condamnations prononcées contre elle au bénéfice de Claude Mare : dommages-intérêts, y compris ceux alloués à titre complémentaire par le présent arrêt, indemnité de procédure et dépens, sauf à préciser que la restitution du prix de vente par le vendeur à l'acheteur qui ne constitue pas un préjudice indemnisable est exclue de cette garantie ;
Attendu qu'il résulte de la lecture du contrat de garantie occasion de 12 mois souscrit par Claude Mare auprès de la société Icare lors de l'acquisition de son véhicule que le vendeur reste le garant de la prise en charge des frais de réparation ; qu'il est encore précisé dans les conditions générales que le contrat souscrit est distinct de la garantie légale des vices cachés de telle sorte que la garantie de la SA Icare Assurances n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que le jugement entrepris sera confirmé dans toutes ses dispositions à l'exception de celle relative au préjudice de jouissance de Claude Mare et sauf à le compléter en actualisant l'indemnisation due à celui-ci au titre des frais d'assurance et de gardiennage du véhicule ;
Sur l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel
Attendu qu'il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Claude Mare les frais irrépétibles en cause d'appel ; que la cour fait droit à sa demande à hauteur de la somme de 1 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et rejette toute autre demande sur ce même fondement ;
Sur les dépens
Attendu que la SAS Mercedes-Benz qui succombe en son recours supportera les dépens d'appel ;
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement rendu le 16 janvier 2009 par le Tribunal de grande instance d'Evreux en toutes ses dispositions à l'exception de celle relative au préjudice de jouissance de Claude Mare, L'infirmant et statuant à nouveau sur ce point, Condamne la société SA Evreux Auto Sport à payer à Claude Mare la somme de 5 500 euro en réparation de son préjudice de jouissance, Y ajouant, Condamne la SA Evreux Auto Sport à verser à Claude Mare la somme de 51 031,14 euro au titre de l'actualisation des frais d'assurance et de gardiennage du véhicule, Condamne la SAS Mercedes-Benz à garantir le vendeur, la SA Evreux Auto Sport, des condamnations prononcées contre elle au bénéfice de Claude Mare au titre des dommages-intérêts, y compris ceux alloués à titre complémentaire par le présent arrêt, indemnité de procédure et dépens, sauf à préciser que la restitution du prix de vente par le vendeur à l'acheteur qui ne constitue pas un préjudice indemnisable est exclue de cette garantie, Condamne la SAS Mercedes-Benz à verser à Claude Mare la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toutes autres demandes des parties, Condamne la SAS Mercedes-Benz aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.