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Décisions

CA Toulouse, 2e ch. sect. 1, 13 octobre 2010, n° 08-05769

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Mercedes Benz France (SAS)

Défendeur :

Pons Bâtiment (SA), Pons Transports (SARL), Garage Hamecher (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cousteaux

Conseillers :

Mme Salmeron, M. Roger

Avoués :

SCP Nidecker Prieu-Philippot Jeusset, SCP Dessart-Sorel-Dessart, SCP Boyer Lescat Merle

Avocats :

Me Vogel, SCP Plantie, Decharme, Plainecassagne, Ventimila, Morel, Nauges, SCP Cambriel, Gourinchas, de Malafosse, Stremoouhoff Gerbaud, Couture

T. com. Montauban, du 1er oct. 2008

1 octobre 2008

Faits et procédure

12 camions de marque Mercedes-Benz ont été achetés par la SA Pons soit au comptant pour cinq d'entre eux soit avec un financement par crédit-bail pour sept autres entre le 7 octobre 1994 et le 12 février 2003.

Le 22 mars 2004, la SA Pons a sollicité une mesure d'instruction portant sur les douze poids lourds afin de fournir tous éléments d'appréciation à la juridiction du fond éventuellement saisie sur l'existence de vices cachés.

Le rapport d'expertise a été déposé le 15 mai 2006.

La SA Pons était devenue le 25 février 2005 la SAS Pons Bâtiment. Par ailleurs, elle avait réalisé un apport partiel d'actif à la SASU Pons Transports alors que les opérations d'expertise étaient en cours. En mars 2010, de nouvelles dénominations sociales ont été adoptées, la SAS Pons Bâtiment devenant la SA Pons Bâtiment et La SASU Pons Transports devenant La SARL Pons Transports.

La SAS Pons Transports a cédé, selon certificats datés des 27 décembre 2005 au 1er février 2006, huit des douze véhicules, restant à l'heure actuelle propriétaire de trois véhicules.

Par jugement en date du 1er octobre 2008, le Tribunal de commerce de Toulouse a :

- constaté la transformation de la SA Pons en SAS Pons Bâtiment et l'apport partiel d'actif de la SA Pons à la SASU Pons Transports,

- rejeté la demande en nullité de l'acte introductif d'instance motif pris de l'inexistence de la SA Pons,

- rejeté la demande de nullité du rapport d'expertise tant sur l'examen partiel des véhicules que sur le non-respect du contradictoire,

- jugé que les camions étaient affectés de vices cachés rendant les véhicules fragilisés pendant leur utilisation,

- rejeté la demande de résolution de la vente des trois camions restés la propriété de la SASU Pons Transports ainsi que le remboursement de la somme correspondant à l'achat de tous les camions soit 249 973,09 euro TTC,

- condamné la SAS Daimler Chrysler France à payer à la SAS Pons Bâtiment, venant aux droits de la SA Pons et à la SASU Pons Transports au titre des préjudices subis les sommes de 65 614,28 euro et 29 208,41 euro de même que la somme de 17 781,74 euro, avec intérêts au taux légal à compter du 5 février 2007, date de l'assignation,

- condamné la SAS Pons Bâtiment et la SASU Pons Transports au paiement à la SAS Garage Hamecher des factures non réglées soit la somme de 8 329,32 euro avec intérêts au taux conventionnel à compter du 21 avril 2004,

- condamné la SASU Pons Transports à payer à la SAS Garage Hamecher la somme de 4 971,28 euro pour solde des factures du mois de février 2005 augmentée des intérêts au taux légal,

- condamné la SASU Pons Transports à payer à la SAS Garage Hamecher la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la SAS Daimler Chrysler France à payer à la SAS Pons Bâtiment venant aux droits de la SA Pons et à la SASU Pons Transports la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civil ainsi que les frais et dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise et de référé,

- ordonné l'exécution provisoire.

Le17 novembre 2008, la SAS Mercedes-Benz France, anciennement dénommée la SAS Daimler Chrysler France, a interjeté appel.

La clôture est intervenue le 2 septembre 2010.

Prétentions des parties

Dans ses dernières conclusions déposées le 4 août 2010, la SAS Mercedes-Benz France conclut à l'infirmation de la décision de première instance ainsi qu'à la condamnation de la SA Pons, de la SA Pons Bâtiment et de la SASU Pons Transports au paiement de la somme de 8 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle conclut à la nullité des actes de procédure au nom de la SA Pons, et notamment de l'assignation délivrée les 2 et 5 février 2007 en alléguant l'inexistence d'une personne morale sous ce nom correspondant au RCS précisé dans l'acte introductif, irrégularité ne pouvant être couverte et devant être retenue même en l'absence de grief.

Elle conclut à la nullité des opérations d'expertise pour neuf véhicules au motif qu'ils n'auraient pas été expertisés ainsi que pour les griefs et postes de préjudices postérieurs au 28 juillet 2005, faute d'examen contradictoire.

Elle conclut à l'irrecevabilité des demandes présentées par les trois sociétés en invoquant le défaut d'intérêt à agir.

Elle demande qu'il soit donné acte à la SA Pons Bâtiment et la SARL Pons Transports de ce qu'elles renoncent à solliciter la résolution de la vente des trois véhicules telle que réclamée en première instance.

Sur le fond, elle soutient que les demandes de dommages et intérêts sollicités au titre de l'action estimatoire sur le fondement du rapport d'expertise ne sont fondées ni dans leur principe ni dans leur montant. Elle fait valoir que les considérations de l'expert sont d'ordre général et ne sont pas techniquement probantes, que les phénomènes invoqués peuvent résulter d'une usure normale des éléments techniques. Elle expose que les sociétés Pons ne justifient pas que les nombres d'heure d'immobilisation correspondent à des jours travaillés, en l'absence de production de plans de charge de la flottille. Elle indique que suite à la convention d'apport partiel d'actif du 8 octobre 2004, l'action estimatoire formée par la SARL Pons Transports ne peut avoir pour but que d'obtenir une réduction des actions attribuées à la SA Pons. Elle soutient également que la SARL Pons Transports et la SA Pons Bâtiment ne peuvent pas inclure dans leur demande le trouble d'exploitation résultant du prétendu vice caché et qui les aurait temporairement privées de l'usage des véhicules, un tel trouble ne justifiant pas la restitution partielle du prix. Elle fait valoir que la SARL Pons Transports n'établit pas que les factures d'interventions établies après le dépôt du rapport d'expertise devraient lui incomber.

Subsidiairement, dans l'hypothèse d'une condamnation au titre des demandes d'indemnités formées par la SARL Pons Transports et la SA Pons Bâtiment, vu les trois seuls véhicules expertisés et les griefs et postes de préjudice invoqués jusqu'au 28 juillet 2005, la SAS Mercedes-Benz France demande de juger que les indemnités allouées ne peuvent excéder 1 497,97 euro pour la SARL Pons Transports et 8 327,63 euro pour la SA Pons Bâtiment au titre des factures prétendument anormalement supportées en l'état de la nullité des opérations d'expertise portant sur 9 véhicules non examinés et sur les griefs et postes de préjudice postérieurs à la réunion du 28 juillet 2005 non examinés contradictoirement.

A titre encore plus subsidiaire, dans l'hypothèse d'un rejet de la demande de nullité partielle du rapport d'expertise, vu le caractère non indemnisable du trouble d'exploitation, la SAS Mercedes-Benz France demande que les indemnités allouées ne dépassent pas la somme de 18 144 euro pour la SARL Pons Transports et 45 462,63 euro pour la SA Pons Bâtiment, au titre du seul coût des réparations prétendument anormalement supportées.

Dans leur dernières conclusions du 2 septembre 2010, la SARL Pons Transports et la SA Pons Bâtiment concluent à la confirmation de la décision entreprise ainsi qu'à la condamnation in solidum de la SAS Garage Hamecher, la SAS Mercedes-Benz V.I. Toulouse et la SAS Mercedes-Benz France à leur payer la somme de 10 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux frais et dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise et de référé, sauf en ce qui concerne leur condamnation au profit de la SAS Garage Hamecher.

Elles concluent au rejet des demandes de nullité de l'acte introductif d'instance et du rapport d'expertise. Elles demandent que soit jugé que les douze camions litigieux étaient affectés de vices cachés engageant la responsabilité de la SAS Mercedes-Benz France, comme l'établit le rapport d'expertise judiciaire, et de la condamner à payer à la SA Pons Bâtiment, venant aux droits de la SA Pons la somme principale de 65 614,28 euro et à la SARL Pons Transports la somme de 29 208,41 euro au titre des frais supportés à l'occasion des pannes, ainsi qu'à la SARL Pons Transports la somme de 17 781,74 euro correspondant à des factures de réparation émises après le dépôt du rapport d'expertise. La SARL Pons Transports renonce à demander la résolution de la vente des trois véhicules dont elle est propriétaire.

Elles concluent au débouter des demandes de paiement de factures par la SAS Garage Hamecher en soutenant qu'elle a engagé sa responsabilité contractuelle dans la mesure où elle a été défaillante dans son obligation de résultat qui pèse sur elle en sa qualité de réparateur professionnel.

Dans ses dernières écritures déposées le 24 juin 2010, la SAS Garage Hamecher sollicite la confirmation du jugement du tribunal de commerce concernant les condamnations prononcées à son profit ainsi que la condamnation de la SARL Pons Transports et la SA Pons Bâtiment à lui payer la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, en faisant valoir que les factures litigieuses correspondent à des interventions et travaux effectivement réalisés. Subsidiairement, s'il était fait droit à l'appel incident des deux sociétés, la SAS Garage Hamecher demande que la SAS Mercedes-Benz France soit condamnée à lui rembourser la somme de 13 300,60 euro, les vices cachés entachant certaines parties mécaniques des camions l'autorisant à se libérer de son obligation de résultat.

Concernant les demandes présentées par la SAS Garage Hamecher, la SAS Mercedes-Benz France soutient leur irrecevabilité en faisant valoir qu'il s'agit de prétentions nouvelles non formées devant la juridiction de première instance et qu'elles sont forcloses, étant présentées plus de quatre ans après le dépôt du rapport d'expertise.

Dans son dernier jeu de conclusions d'intervention volontaire, numéroté 4, déposées le 1er septembre 2010, la SAS Mercedes-Benz V.I. Toulouse demande :

- qu'il lui soit donné acte de son intervention volontaire,

- que la SA Pons Bâtiment et la SARL Pons Transports soient condamnées à lui payer la somme de 30 449,82 euro, outre les intérêts au taux légal à compter du 17 février 2006, correspondant au décompte des factures demeurées impayées d'un montant de 29 671,31 euro adressé à l'expert le 17 février 2006, dont le décompte actualisé s'élève à la somme réclamée,

- que soit ordonnée la déconsignation de la somme consignée auprès du bâtonnier de Montauban,

- que la SARL Pons Transports et la SA Pons Bâtiment soient condamnées à lui payer le surplus,

- que la SARL Pons Transports et la SA Pons Bâtiment soient condamnées à lui payer la somme de 4 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Concernant les demandes présentées par la SAS Mercedes-Benz V.I. Toulouse, la SA Pons Bâtiment et la SARL Pons Transports soutiennent leur irrecevabilité en invoquant la tardiveté de l'intervention volontaire et en faisant valoir qu'il s'agit de prétentions nouvelles non formées devant la juridiction de première instance, la SAS Mercedes-Benz V.I. Toulouse n'étant pas partie à l'instance de premier degré.

A titre infiniment subsidiaire, elles contestent le montant réclamé en le ramenant à 14 973,58 euro en faisant valoir que cinq factures prises en compte par la SAS Mercedes-Benz V.I. Toulouse pour un montant de 3 836,24 euro, ont été annulées par un avoir et qu'il faut exclure les réparations consécutives aux vices cachés.

Motifs de la décision

Sur la qualité à agir de la SA Pons

L'irrégularité d'une procédure tenant à l'inexistence de la personne morale qui agit en justice ne peut être couverte.

Il résulte des pièces produites que l'acte introductif d'instance a été délivré le 2 février 2007 et le 5 février 2007 en raison d'une erreur matérielle à la requête de la SA Pons, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Montauban sous le numéro 847 350 048 et de la SASU Pons Transports inscrite sous le numéro 479 871 006.

La SA Pons avait été immatriculée le 23 janvier 1973 avec une durée de 99 ans. Lors de l'assemblée générale extraordinaire du 25 février 2005, la SA a été transformée en SAS et sa dénomination est devenue Pons Bâtiment, la première résolution de l'assemblée générale ayant précisé que la transformation effectuée n'entraînerait pas la création d'une personne morale nouvelle. Il importe peu qu'une autre SA Pons soit inscrite sous un autre numéro au RCS de Montauban depuis le 27 septembre 1972.

S'agissant de la même personne morale, titulaire du même numéro d'inscription au RCS et malgré l'inexactitude quant à la dénomination de la société, la SA Pons, en réalité dénommée SAS Bâtiment Pons, avait qualité à agir. En effet, le changement de dénomination sociale ne modifie pas la personnalité juridique d'une société dont le numéro d'immatriculation au RCS est resté inchangé. Il convient en conséquence de rejeter l'exception de nullité invoquée par la SAS Mercedes-Benz France.

Sur l'expertise

D'une part, il résulte des mentions portées dans la note n° 1 aux parties que l'examen des véhicules se fera à la cadence d'environ un par semaine. Dans la convocation en date du 10 janvier 2005, il est précisé qu'à la suite de l'examen de tous les camions objets du litige, une réunion de synthèse est organisée. Dans le rapport d'expertise en page 8, il est indiqué que les camions ont été examinés en détail, les uns après les autres. Dès lors, le grief d'un examen partiel des véhicules litigieux n'est nullement établi.

D'autre part, le grief relatif au défaut de respect du contradictoire postérieurement à la réunion du 28 juillet 2005 doit être écarté. En effet, en exécution de la mission qui lui a été confiée, le technicien commis a adressé aux parties et à leurs conseils une note de synthèse en date du 14 septembre 2005, puis dans son rapport définitif l'expert a répondu à tous les dires reçus, et notamment à celui de la SAS Mercedes-Benz France daté du 17 février 2006, le rapport étant daté du 15 mai 2006.

Sur l'intérêt à agir de la SAS Pons Bâtiment et de la SASU Pons Transports

Le différend entre les parties porte sur douze poids lourds de marque Mercedes acquis entre 1994 et 2003 par la SA Pons. Il est cependant à relever comme l'indique la juridiction consulaire en page 8 que les dysfonctionnements constatés par l'expert portent sur la nouvelle série de camions Mercedes Actras mis en circulation à partir du 23 août 1999. Dès lors, le véhicule immatriculé 9665 JH 82, acquis en 1994, n'est pas concerné et d'ailleurs aucune facture ne mentionne cette immatriculation dans le rapport d'expertise.

Dans l'acte introductif d'instance des 2 et 5 février 2007, la SA Pons, en réalité dénommée la SAS Pons Bâtiment et la SASU Pons Transports se fondent non seulement sur les articles 1641, 1643 et 1644 du Code civil mais aussi sur l'article 1645 du même Code. Reprenant le détail des conclusions du rapport d'expertise, les deux sociétés distinguent leurs préjudices en prenant en considération les factures que chacune d'elles considère avoir réglées de façon indue, comme résultant de dysfonctionnements des véhicules. Il importe peu que le 8 octobre 2004 une convention d'apport partiel d'actif soit intervenue entre la SA Pons et la SASU Pons Transports portant notamment sur onze tracteurs et non sur douze. Il est à relever que d'après la liste en annexe 1 de la convention, le poids lourd 2045 KA 82 n'a pas fait l'objet d'un transfert.

La condition selon laquelle la SASU Pons Transports ne peut élever aucune réclamation pour quelque cause que ce soit ne vise que la SA Pons.

La condition selon laquelle la SASU Transports est substituée à la SA Pons dans les litiges et dans les actions judiciaires tant en demandant qu'en défendant devant toutes juridictions dans la mesure où ils concernent les biens et droits apportés ne supprime pas l'intérêt à agir de la SAS Pons Bâtiment pour obtenir la réparation du préjudice personnel qu'elle allègue du fait de dysfonctionnements des véhicules lorsqu'elle en était propriétaire, la substitution prenant effet à la date de la convention d'apport.

Concernant la connaissance qu'aurait eue la SASU Pons Transports des désordres affectant les poids lourds lors de leur acquisition en raison des notes établies par l'expert judiciaire, il est à relever qu'elle n'est intervenue volontairement aux opérations d'expertise que le 24 avril 2006, soit bien postérieurement à la convention d'apport partiel d'actif. De plus, l'acquisition d'un véhicule (7936 JY 82) le 10 janvier 2007 auprès de la société NORBAIL dans l'état où il se trouve et sans garantie ne fait pas disparaître la possibilité pour la SASU Pons Transports d'agir directement contre le vendeur initial pour mettre en jeu la garantie des vices cachés. Il en est de même pour les véhicules immatriculés 3835 JY 82 et 3834 JY 82 acquis le 29 décembre 2005, les conditions de vente mentionnant qu'aucune garantie n'est due même à raison des vices cachés n'ont d'effet que dans les relations entre l'organisme de crédit-bail vendeur et l'acheteur qui conserve un recours direct contre le vendeur initial.

Sur les vices cachés

Le rapport d'expertise est particulièrement détaillé et répond précisément aux nombreuses observations des parties.

Pour chaque véhicule examiné hormis l'entretien ordinaire, le technicien commis a constaté trois grandes familles de désordres anormaux ayant provoqué des pannes récurrentes sur des véhicules récents, réalisés par un constructeur de réputation mondiale pour sa fiabilité et ses qualités de fabrication et de maintenance, entretenus par des garages spécialistes de la marque et devant pouvoir parcourir un minimum d'un million de kilomètres : désordres affectant le système de freinage, fuites d'huile moteur, sur-consommation d'huile du moteur ainsi qu'usure prématurée de l'embrayage et du pot d'échappement.

Concernant le système de freinage, la cause principale des dysfonctionnements résulte d'une pollution par l'huile de lubrification du compresseur rejetée dans le circuit d'air comprimé. Malgré le remplacement des compresseurs, des supports de filtres à huile et de tous les composants en aval (valves, étriers, plaquettes, disques), les dysfonctionnements ont persisté. Les dysfonctionnements intrinsèques au circuit de freinage constituent un vice caché que le constructeur n'a pas pu réparer, plusieurs véhicules connaissant des pannes récurrentes. L'usure constatée par l'expert était anormale, contrairement à ce que tente de soutenir la SAS Mercedes-Benz France.

Concernant les fuites d'huile sur les carters moteurs, l'expert en a constaté sur des étanchéités statiques, c'est-à-dire entre des pièces qui n'ont pas de mouvement entre elles et qui par conséquent doivent être durables. Il s'agit d'un vice de montage et d'une difficulté de mise en œuvre par une conception peu propice à l'efficacité recherchée. S'agissant d'un dysfonctionnement affectant des étanchéités statiques, l'utilisation, même intensive, des véhicules, provoquant des vibrations et des écarts de température moteur, ne peut être retenue comme étant la cause des dysfonctionnements.

Concernant la sur-consommation d'huile moteur, il s'agit d'un vice de conception des couples piston-chemise, similaire à celui du compresseur d'air.

Concernant les pots d'échappement, il a été constaté que leur caisse métallique externe est percée très localement par le heurt d'une pièce métallique interne prématurément dessoudée. Il s'agit d'un vice de fabrication qui en diminue l'usage. Leur remplacement n'est pas directement lié à leur âge et à leur utilisation en carrière comme tente de le soutenir la SAS Mercedes-Benz France, un changement en moyenne pour 286 723 kms établissant une usure anormale.

Concernant les embrayages, leurs défaillances sont causées par celles du servo-débrayeur, conséquences de la pollution de l'air comprimé par l'huile rejetée par le compresseur résultant de la mauvaise étanchéité entre le piston et la chemise du compresseur. Il s'agit d'un vice de conception. Leur remplacement en moyenne à 362 292 kms pour les embrayages et à 333 554 kms pour les servo-débrayeurs révèle une usure prématurée de ces éléments.

L'impossibilité dans laquelle s'est trouvée la SAS Mercedes-Benz France de remettre en état les tracteurs vendus montre que les vices dont ils étaient affectés les rendaient impropres à l'usage auquel ils étaient destinés.

L'existence de vices cachés est ainsi caractérisée comme l'a relevé la juridiction consulaire.

Sur le fondement des demandes présentées en première instance

En première instance, la SA Pons Bâtiment et la SASU Pons Transports sollicitaient non seulement le paiement de la valeur d'acquisition des poids lourds litigieux mais aussi la résolution de la vente de trois d'entre eux qui étaient encore la propriété de la seconde société.

Le tribunal de commerce les ayant déboutées, la SASU Pons Transports renonce expressément devant la cour d'appel à solliciter la résolution de la vente desdits véhicules, le paiement de la valeur d'acquisition étant évoqué implicitement dans les écritures des intimés lesquelles font état de la vente des autres véhicules litigieux.

Toujours en première instance, la SA Pons Bâtiment et la SASU Pons Transports sollicitaient la condamnation de la SAS Mercedes-Benz France à indemniser les préjudices tenant aux pannes à répétition des véhicules litigieux, décomposés en :

- coût des réparations anormalement supportées,

- frais supportés durant les immobilisations avec chauffeurs,

- frais supportés durant les immobilisations sans chauffeurs,

- perte de bénéfice durant les immobilisations avec ou sans chauffeurs.

Devant la cour d'appel, le débat que tente d'initier la SAS Mercedes-Benz France sur les effets de l'action estimatoire concernant la SASU Transports (réduction des actions attribuées à la SA Pons) est devenu sans intérêt compte tenu de la renonciation opérée. En revanche, il convient d'apprécier les demandes de réparation des préjudices sur le fondement de l'article 1645 du Code civil comme le demandent les sociétés Pons en page 24 de leurs écritures.

Sur les dommages et intérêts

Selon l'article 1645 du Code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur. Le vendeur professionnel est réputé connaître les vices et ne peut invoquer une clause excluant la garantie.

La juridiction consulaire a condamné la SAS Mercedes-Benz France à payer à la SA Pons Bâtiment la somme de 65 614,28 euro et à la SASU Pons Transports la somme de 29 208,41 euro ainsi que celle de 17 781,74 euro.

La première condamnation se décompose ainsi :

coût des réparations anormalement supportées pour 45 462,63 euro, soit le total de trois sommes : (27 815,63 euro, 4 682 euro et 12 965 euro),

frais supportés durant les immobilisations avec chauffeurs pour 1 581,81 euro,

frais supportés durant les immobilisations sans chauffeurs pour 14 197,08 euro,

perte de bénéfice durant les immobilisations avec ou sans chauffeurs pour 4 372,76 euro.

La seconde condamnation se décompose ainsi :

coût des réparations anormalement supportées pour 18 144 euro soit le total de trois sommes : 16 963 euro, 568 euro et 613 euro,

frais supportés durant les immobilisations avec chauffeurs pour 1 340,16 euro,

frais supportés durant les immobilisations sans chauffeurs pour 5 951,49 euro,

perte de bénéfice durant les immobilisations avec ou sans chauffeurs pour 4 372,76 euro.

La troisième condamnation correspond au règlement de trois factures postérieures au dépôt du rapport d'expertise mais que la SASU Pons Transports prétend liées à des dysfonctionnements constatés par l'expert.

Les dommages et intérêts peuvent assurer la réparation de préjudices divers. Cependant, selon l'article 9 du Code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Concernant le coût des réparations, l'expert a procédé à un examen minutieux des différentes factures en ventilant entre celles qui relèvent d'un entretien courant et celles induites par les dysfonctionnements constatés. Il convient donc de prendre en compte les montants retenus pas l'expert judiciaire.

En revanche, les attestations comptables produites par la SAS Pons Bâtiment et la SASU Pons Transports ne permettent pas de retenir les trois autres postes de préjudice alors que la SAS Mercedes-Benz France invoque, sans contestation de la part des deux sociétés, divers prêts de véhicules pendant une durée de 293 jours calendaires.

Les sommes allouées à la SAS Pons Bâtiment et à la SASU Pons Transports seront ainsi réduites à 45 462,63 euro et 18 144 euro et le jugement infirmé quant aux montants accordés. Ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 5 février 2007, date de l'assignation au fond.

Concernant les trois dernières factures relatives à des réparations sur les trois véhicules dont la SASU Pons Transports est restée propriétaire, force est de constater qu'elles ne pouvaient pas être soumises à l'examen de l'expert et à un débat contradictoire, ayant été émises les 31 mars 2007 pour un montant de 4 326,97 euro, 31 août 2007 pour un montant de 10 181,48 euro et 29 février 2008 pour un montant de 3 273,79 euro, le rapport d'expertise étant daté du 15 mai 2006.

Leur lecture, sans explication technique, ne permet pas de les rattacher indiscutablement aux dysfonctionnements constatés par l'expert. En effet, sur l'une il est question du remplacement du turbo et du radiateur d'air, sur l'autre de "BV G211HPS"pour un montant de 6 585 euro HTBV et sur la troisième non seulement de freins mais aussi de remplacement de plaques, et d'essuie glaces ainsi que de remise en état d'éclairage.

Il convient en conséquence de débouter la SASU Pons Transports et d'infirmer le jugement sur ce point.

Sur le paiement des factures réclamé par la SAS Garage Hamecher

La juridiction de première instance a condamné la SAS Pons Bâtiment et la SASU Pons Transports au paiement à la SAS Garage Hamecher des factures non réglées soit la somme de 8 329,32 euro avec intérêts au taux conventionnel à compter du 21 avril 2004,

- condamné la SASU Pons Transports à payer à la SAS Garage Hamecher la somme de 4 971,28 euro pour solde des factures du mois de février 2005 augmentée des intérêts au taux légal,

- condamné les deux sociétés au paiement de la somme de 1 500 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les deux sociétés concluent au débouté des demandes de paiement de factures par la SAS Garage Hamecher en soutenant qu'elle a engagé sa responsabilité contractuelle dans la mesure où elle a été défaillante dans son obligation de résultat qui pèse sur elle en sa qualité de réparateur professionnel.

Cependant, le garagiste peut se libérer de son obligation de résultat en établissant que le dommage a sa cause dans un vice interne au véhicule.

Les sociétés Pons ne peuvent pas à la fois soutenir l'existence de vices cachés, retenue par la juridiction de première instance et par la cour d'appel et la défaillance du garagiste réparateur.

Les vices cachés affectant les véhicules litigieux exonérant la SAS Garage Hamecher de sa responsabilité, le montant des factures de réparation doit être réglé par les sociétés Pons comme l'a jugé le tribunal de commerce.

Compte tenu de la confirmation de la condamnation de la SA Pons Bâtiment et de la SASU Pons Transports, il n'y a pas lieu d'examiner le moyen d'irrecevabilité présenté par la SAS Mercedes-Benz France sur les demandes de la SAS Garage Hamecher.

Sur le paiement des factures réclamé par la SAS Mercedes-Benz VI Toulouse

La SAS Mercedes-Benz V.I. Toulouse demande qu'il lui soit donné acte de son intervention volontaire et à titre principal que la SA Pons Bâtiment et la SARL Pons Transports soient condamnées à lui payer la somme de 30 449,82 euro, outre les intérêts au taux légal à compter du 17 février 2006, correspondant au décompte des factures demeurées impayées d'un montant de 29 671,31 euro adressé à l'expert le 17 février 2006, dont le décompte actualisé s'élève à la somme réclamée.

Selon l'article 554 du Code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont un intérêt les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.

En l'espèce, la demande principale présentée par la SAS Mercedes-Benz VI Toulouse procède directement de la demande originaire et n'institue pas un litige nouveau, s'agissant du paiement de factures d'intervention réalisées sur les poids lourds litigieux. Au surplus, dans des conclusions déposées devant le magistrat chargé de la mise en état le 2 août 2010, les sociétés Pons ont reconnu ne pas les avoir réglées pour un montant de 26 613,58 euro, montant ayant au surplus fait l'objet d'un chèque déposé en compte CARPA. S'agissant d'une intervention en cause d'appel, les dispositions de l'article 664 du Code de procédure civile ne s'appliquent pas.

Il convient de recevoir l'intervention volontaire de la SAS Mercedes-Benz VI Toulouse et de déclarer recevables les demandes présentées.

Le décompte au nom de STE Pons produit par la SAS Mercedes-Benz VI Toulouse pour un montant total de 30 449,82 euro, mentionne 47 factures datées du 29 décembre 2003 au 16 décembre 2005. Parmi les pièces versées au débat par les sociétés Pons se trouve une liste de factures reconnues comme étant dues à la SAS Mercedes-Benz VI Toulouse pour un montant total de 26 613,58 euro, déduction faite de cinq avoirs correspondant à cinq factures émises le 28 juillet 2005.

Le rapprochement des pièces 3 et 4 produites par La SAS Mercedes-Benz VI Toulouse conduit à retenir la somme de 26 613,58 euro dans la mesure où il s'agit de deux décomptes établis par la SAS Mercedes-Benz VI Toulouse d'un même montant soit 30 449,82 euro alors que sur l'un des deux les cinq factures émises le 28 juillet 2005 font l'objet de débit et de crédit s'annulant. Le montant des deux décomptes ne pouvait pas dès lors être le même.

Il n'y a pas lieu de déduire de ce montant les factures qui correspondraient à la réparation de dysfonctionnements constatés par l'expert et non à l'entretien courant dans la mesure où les sociétés Pons qui ne les ont pas réglées ont obtenu la condamnation de la SAS Mercedes-Benz France à les leur régler.

Aucune des parties n'ayant pris la peine de répartir les factures selon le débiteur, la SA Pons Bâtiment ou la SASU Pons Transports, la condamnation au paiement sera prononcée in solidum. Selon les écritures des sociétés Pons la somme qui avait été consignée en compte CARPA a été libérée le 2 avril 2008. Dès lors, il n'y pas lieu d'ordonner la déconsignation. Les intérêts au taux légal courront à compter de la présente décision, en l'absence de mise en demeure au sens de l'article 1153 du Code civil, la SAS Mercedes-Benz VI Toulouse ayant seulement pris pour date le décompte établi le 17 février 2006.

Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement du Tribunal de commerce de Montauban sauf en ce qu'il a : débouté les sociétés Pons du remboursement de la somme de 249 973,09 euro TTC correspondant à l'achat de tous les camions ainsi que de la résolution de la vente des trois camions appartenant à la SASU POINS Transports, condamné la SAS Pons Bâtiment et la SASU Pons Transports au paiement à la SAS La SAS Garage Hamecher Hamecher des factures non réglées soit la somme de 8 329,32 euro avec intérêts au taux conventionnel à compter du 21 avril 2004, condamné la SASU Pons Transports à payer à la SAS Garage Hamecher la somme de 4 971,28 euro pour solde des factures du mois de février 2005 augmentée des intérêts au taux légal, condamné les deux sociétés au paiement à la SAS Garage Hamecher de la somme de 1 500 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile, condamné la SAS Mercedes-Benz France aux dépens de l'instance, en ce compris le référé et les frais d'expertise ainsi qu'au paiement de la somme de 5000 euro à la SA Pons Bâtiment et à la SASU Pons Transports, Et statuant sur les chefs infirmés, Condamne la SAS Mercedes-Benz France à payer à la SA Pons Bâtiment la somme de 45 462,63 euro qui portera intérêt au taux légal à compter du 5 février 2007, Condamne la SAS Mercedes-Benz France à payer à la SARL Pons Transports la somme de 18 1444 euro qui portera intérêt au taux légal à compter du 5 février 2007, Déboute la SARL Pons Transports de sa demande en paiement de la somme de 17 781,74 euro, Y ajoutant Reçoit l'intervention volontaire de la SAS Mercedes-Benz VI Toulouse, Condamne in solidum la SA Pons Bâtiment et la SARL Pons Transports à verser à la SAS Mercedes-Benz VI Toulouse la somme de 26 613,58 euro qui portera intérêt au taux légal à compter de la présente décision, Constate que la somme allouée a été déconsignée du compte CARPA, Vu l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute la SAS Mercedes-Benz France, la SAS Mercedes-Benz VI Toulouse, la SAS Garage Hamecher de leurs demandes de ce chef, Condamne la SAS Mercedes-Benz France à payer à la SA Pons Bâtiment et à la SARL Pons Transports la somme de 1 500 euro de ce chef, Condamne la SAS Mercedes-Benz France aux dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP Dessart Sorel Dessart, avoués.