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Décisions

CA Pau, 1re ch., 13 décembre 2010, n° 08-04113

PAU

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Milazzo

Défendeur :

Rozier, Groupe Volkswagen France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pons

Conseillers :

M. Augey, Mme Beneix

Avoués :

SCP de Ginestet Duale Ligney, SCP Rodon, SCP Marbot Crepin

Avocats :

Mes Garbez-Chambat, Brisseau, Vogel & Vogel

TI Mont-de-Marsan, du 25 juil. 2008

25 juillet 2008

Faits

Le 4 avril 2007 M. Milazzo a vendu à M. Rozier un véhicule Volkswagen d'occasion comptant 88 307 km, au prix de 9 500 euro. Dès le 6 avril 2007 l'acheteur a constaté un défaut de portée de culasse. Une expertise amiable et contradictoire a été diligentée et MM. Lafontan et Lahitte, experts des assureurs des parties, ont conclu suivant rapports des 13 juin et 30 juillet 2007, que ce défaut constituait un vice caché du véhicule à dégradation lente.

Procédure

Par acte du 26 octobre 2007 M. Rozier a assigné M. Milazzo devant le Tribunal d'instance de Mont-de-Marsan sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil en remboursement des frais de réparation et indemnisation de ses préjudices.

Par acte du 7 décembre 2007 M. Milazzo a appelé en garantie la SA Volkswagen France.

Par jugement du 25 juillet 2008 le Tribunal d'instance de Mont-de-Marsan a condamné M. Milazzo à payer à M. Rozier la somme de 4 025,32 euro au titre des réparations en raison du vice caché affectant la chose antérieurement à sa vente et la rendant impropre à sa destination. Il a débouté M. Rozier de ses autres demandes fondées sur l'article 1645 du Code civil. Le tribunal a débouté M. Milazzo de sa demande en garantie contre le constructeur en raison de l'inopposabilité du rapport d'expertise auquel il n'avait pas participé. M Milazzo a en outre été condamné à payer tant à M. Rozier qu'à la SA Volkswagen France la somme de 600 euro chacun sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

M. Milazzo a interjeté appel suivant déclaration au greffe en date du 17 octobre 2008. Le conseiller de la mise en état a, suivant ordonnance en date du 19 juin 2009, rejeté la demande de M. Milazzo tendant à l'organisation d'une mesure d'instruction en raison de la destruction de la culasse.

Moyens et prétentions des parties

M. Milazzo dans ses dernières écritures en date du 8 juin 2010 conclut à la réformation du jugement sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil et en application de l'article 16 du Code de procédure civile il sollicite que soient déclarés opposables aux fabricants les rapports d'expertises Lafontant et Lahitte. De sorte qu'il sollicite la garantie de la SA Volkswagen France et sa condamnation à lui verser une indemnité de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

A titre subsidiaire il conclut au débouté de M. Rozier et à sa condamnation à lui verser la somme de 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Au vu des rapports d'expertises il apparaît que le vice constaté sur la culasse est un vice de construction. Par courrier du 10 juillet 2007 M. Lahitte, expert mandaté par l'assureur de M. Milazzo, a informé le constructeur du défaut de fabrication de la culasse. Il a sollicité la prise en charge du remplacement de la pièce. La SA Volkswagen France n'a pas répondu à ce courrier et maintenant elle soutient l'inopposabilité du rapport d'expertise alors qu'il est dorénavant impossible d'expertiser la pièce puisqu'elle lui a été restituée en vue de sa refonte.

En l'espèce le rapport d'expertise a été versé au débat et soumis à la discussion contradictoire des parties. Les deux experts qui ne se sont pas concertés ont conclu dans le même sens. La SA Volkswagen France qui a eu connaissance des conclusions pouvait les discuter dans le cadre du débat judiciaire.

Le fait que le véhicule soit réparable n'exclut pas l'existence de vices cachés au moment de la vente. C'est le principe de l'action estimatoire : si l'acheteur avait connu le vice de la chose, il l'aurait acquise à moindre prix.

M. Milazzo n'étant plus propriétaire du véhicule lors de la mesure d'expertise, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir pris toutes les mesures utiles à la conservation de la pièce litigieuse. Et ce d'autant qu'il avait mis en garde son acquéreur par courrier du 9 mai 2007. C'est lui qui n'a pas pris le soin de préserver la pièce et qui l'a remise au concessionnaire.

Subsidiairement M. Rozier a fait procéder aux réparations du véhicule sans prendre le soin de préserver la pièce litigieuse malgré les conseils du vendeur. Il a refusé l'action rédhibitoire qu'il lui proposait. Il l'a donc mis dans l'impossibilité de préserver ses propres droits à l'égard du constructeur.

M. Rozier dans ses dernières écritures en date du 6 juillet 2010 conclut à la confirmation du jugement sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil. Il sollicite en conséquence l'allocation de la somme de 3 637,82 euro au titre du coût des réparations outre 387,50 euro TTC au titre des frais d'expertise amiable à la charge du vendeur. Il sollicite à son encontre la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il fonde ses demandes sur les rapports des experts amiables. Il était libre de choisir l'action estimatoire. Il reconnaît avoir avancé les travaux de réparation en octobre 2007 pour éviter des frais de gardiennage et un préjudice de jouissance important. Mais il ne lui appartenait pas de mettre en cause le constructeur. Il ne peut lui être reproché de ne pas avoir conservé la pièce défectueuse après ces réparations.

Il indique que les expertises sont contradictoires au seul vu de leur communication dans le cadre du débat judiciaire. Par ailleurs les conclusions de ces experts sont cohérentes et pertinentes.

Il maintient que le véhicule était affecté d'un vice caché au moment de la vente, le rendant impropre à sa destination. S'il avait connu ce vice il aurait acquis ce véhicule à un prix moindre.

La SA Volkswagen France, prise en sa qualité d'importateur en France des véhicules neufs de la marque Volkswagen, dans ses dernières écritures en date du 18 mai 2010, sollicite :

- la confirmation du jugement du tribunal d'instance en ce qu'il a considéré les rapports d'expertises non contradictoires à son égard et donc inopposables, en conséquence l'irrecevabilité de l'appel en garantie,

- le débouté de M. Milazzo voire de toute partie au procès, à défaut de preuve d'un vice caché antérieur à la vente malgré les rapports des experts,

- l'allocation de la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à l'encontre de tout succombant.

Elle soutient que les conclusions expertales ne lui sont pas opposables dès lors qu'elle n'a pas été appelée aux opérations d'expertise. Elle n'a pas pu examiner les pièces et faire valoir utilement ses arguments et analyses techniques. La participation à l'expertise de la société Alma, distributeur de la marque dans la région, n'a pas pour effet de régulariser la situation à son égard dans la mesure où il s'agit d'une société distincte. Par son courrier du 10 juillet 2007, M. Lahitte l'a seulement invitée à prendre en charge le coût du remplacement de la culasse sans jamais lui demander de participer à l'expertise voire lui demander son avis.

En tout état de cause, les constatations des experts sont erronées en ce qu'ils ne procèdent à aucune analyse technique probante justifiant le défaut du véhicule, antérieur à la vente par le constructeur. Elle constate qu'ils n'ont pris aucune photo de la pièce litigieuse et qu'actuellement il n'est plus possible de procéder à une vérification objective, matérielle et technique au regard de l'absence de mesures conservatoires prises par le vendeur de sorte que les éléments de preuve ont été détruits. Par ailleurs leurs constatations sont contradictoires : M. Lahitte indique que le plan de joint de la culasse n'est pas déformé alors que M. Lafontan soutient le contraire. Ils notent des marques en périphérie des cylindres sur le joint de culasse et la culasse alors qu'il ne s'agit pas d'une anomalie. L'hypothèse émise d'un processus de dégradation lente de la culasse est techniquement erronée. L'antériorité à la mise en circulation n'est pas non plus démontrée.

Elle soutient que l'article 1641 du Code civil vise uniquement les vices rédhibitoires. Or dès lors que le remplacement de pièces sur le produit en cause suffit à son fonctionnement normal, l'action est rejetée. Ce qui est le cas en l'espèce.

Quant aux demandes de l'acheteur, elles ne sont fondées ni dans leur principe ni dans leur montant.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 septembre 2010.

Motivation

En vertu des articles 1641 et suivants du Code civil, le vendeur doit garantir l'acheteur des vices cachés au moment de la vente, inhérents à la chose vendue et la rendant impropre à sa destination ou qui diminue tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'ils les avaient connus. Le vendeur n'est pas tenu des vices apparents. Mais l'apparence implique la connaissance du vice dans son existence et son étendue.

En l'espèce les experts Lafontan et Lahitte, experts mandatés par les assureurs de M. Rozier et M. Milazzo, ont conclu les 13 juin et 30 juillet 2007 que la culasse du véhicule présentait des défauts de portée de nature à dégrader les plans de joints. Il s'agit d'un processus de dégradation lente qui s'est révélé à l'acheteur dans les tous premiers jours de la vente par l'allumage du voyant du liquide de refroidissement et l'insuffisance chronique du niveau.

Les deux rapports sont conformes, ne présentent aucune contradiction ni incohérence et sont suffisamment précis pour fonder la présente décision.

Il apparaît donc qu'il s'agit bien d'un vice inhérent à la chose et qui en diminue l'usage voire qui la rend impropre à sa destination puisqu'il touche un élément essentiel du moteur, sans rapport avec l'utilisation du véhicule ou son entretien et nécessite une réparation lourde représentant le tiers du prix de vente. Les experts ont également clairement mis en évidence l'antériorité du vice à la vente du 04 avril 2007 s'agissant d'un phénomène de dégradation lente.

En application de l'article 1644 du Code civil l'acheteur dispose seul du choix entre l'action estimatoire et l'action rédhibitoire. Il ne peut donc être fait grief à M. Rozier d'avoir opté pour la réparation du véhicule et la demande de prise en charge du coût par son vendeur. La somme de 4 025,32 euro arbitrée par le premier juge n'est pas contestée en ce qu'elle représente le montant des réparations et le coût de l'expertise.

Dans ces conditions le jugement sera confirmé en ce qui concerne les rapports entre M. Rozier et M. Milazzo.

Concernant l'action de ce dernier à l'encontre du constructeur ou importateur les mêmes exigences des articles 1641 et suivants s'imposent.

Toutefois, il est constant que la SA Volkswagen France n'a pas participé aux opérations d'expertises diligentées par les assureurs de M. Milazzo et M. Rozier et qu'elle n'y a pas même été conviée.

Pourtant M. Lahitte, expert de l'assureur de M. Milazzo lui-même, écrivait dans son rapport du 13 juin 2007 que " cependant étant en présence d'un vice de construction au niveau de cette culasse, nous avons ouvert un dossier de demande de prise en charge par le constructeur au titre de la garantie légale ". Et en effet il est produit un courrier de cet expert en date du 10 juillet 2007 indiquant " Tout à fait conscient que ce phénomène provient d'un défaut de la culasse lors de sa conception, nous sollicitons une prise en charge du remplacement de cette pièce ". Il ne s'agit donc pas d'une convocation à une nouvelle expertise ni d'une demande d'avis sur les conclusions prises.

M. Milazzo n'a pas mis en cause la SA Volkswagen France ni même tenté de la convoquer à une seconde expertise malgré ce courrier et celui de la SA Alma distributeur de la marque Volkswagen, en date du 30 juillet 2007 l'invitant à formuler ses réclamations auprès du constructeur.

S'il est constant que les deux rapports d'expertise amiable ont été communiqués aux débats et valent comme éléments de preuve, leurs conclusions ne sont pas suffisantes à elles seules pour justifier la garantie du constructeur à défaut de toute autre preuve complémentaire. En effet la SA Volkswagen France n'a pas été en mesure de discuter ces conclusions qui ne lui sont donc pas opposables et une expertise judiciaire était devenue inutile dès lors que la pièce avait été détruite.

Dans ces conditions le jugement sera confirmé en ce que la SA Volkswagen France a été mise hors de cause.

M. Milazzo soutient la responsabilité de M. Rozier dans la disparition de la pièce lui ayant interdit l'action en garantie contre le constructeur puisqu'il a fait réparer le véhicule dès le mois d'octobre 2007. Or, d'une part, c'est à lui qu'incombait la charge de mettre en cause le constructeur et de prendre toutes les mesures nécessaires à la conservation des preuves utiles au succès de son action et il ne pouvait déléguer cette charge à son adversaire ; d'autre part, il ressort de l'échange de courriers qu'il avait le temps de procéder à cette mise en cause avant que M. Rozier n'effectue les réparations dont par ailleurs il l'avait averti et qu'il ne pouvait différer au regard des frais de gardiennage ; enfin il n'a procédé à cette mise en cause qu'en décembre 2007 soit près de trois mois après son assignation en justice. Dans ces conditions, l'échec de son action lui est entièrement imputable.

Eu égard aux circonstances de la cause et à la position des parties, il est inéquitable de laisser à la charge de M. Rozier et la SA Volkswagen France la totalité des frais exposés pour agir en justice et non compris dans les dépens, ce qui commande l'octroi de la somme de 1 000 euro pour chacun d'eux sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ; Confirme le jugement du Tribunal d'instance de Mont de Marsan en date du 25 juillet 2008 ; Condamne M. Milazzo à verser à M. Rozier et à la SA Volkswagen France la somme de 1 000 euro (mille euro) à chacun sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne M. Milazzo aux dépens ; Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, la SCP Rodon et la SCP Marbot-Crépin, avoués, à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision ;