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Décisions

CA Montpellier, 1re ch. A, 31 décembre 2008, n° 08-00140

MONTPELLIER

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Soubils

Défendeur :

Ryckwaert (SAS), Automobile Peugeot(SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Toulza

Conseillers :

Mme Castanie, M. Blanchard

Avoués :

SCP Divisia-Senmartin, SCP Negre-Pepratx-Negre, Me Rouquette

Avocats :

Mes Beaussier, Darmon, SCP Koops-Andrieu-Delsol

TGI Montpellier, du 19 déc. 2007

19 décembre 2007

Procédure et prétentions des parties

Vu le jugement rendu le 18 décembre 2007 par le Tribunal de grande instance de Montpellier, qui notamment a débouté Grégory Soubils de l'ensemble de ses demandes, dit sans objet les appels en garantie initiés par la SAS Ryckwaert, et condamné Grégory Soubils à payer au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile les sommes de 1 000 euro à la SAS Ryckwaert et 1 000 euro à la SA Automobiles Peugeot, et aux entiers dépens ;

Vu l'appel régulièrement interjeté par Grégory Soubils et ses conclusions du 5 mai 2008 tendant à dire et juger que le véhicule vendu par la SAS Ryckwaert est affecté d'un vice identifié par le rapport d'expertise judiciaire de Monsieur Reynaud, prononcer la résolution de la vente ; en conséquence, condamner la SAS Ryckwaert aux sommes de 17 686 euro représentant le prix reçu lors de la vente, 179,40 euro au titre de frais d'expertise, 12 960 euro au titre du préjudice de jouissance provisoirement évalué, 515 euro au titre de la prime d'assurance 2004, et 1 000 euro à titre de dommages et intérêts; condamner Peugeot SA et Automobiles Peugeot SA aux mêmes causes que la SAS Ryckwaert; en tout état de cause, condamner la SAS Ryckwaert et tout autre succombant au paiement de la somme de 1 500 euro au dire de l'article 700 et aux entiers dépens en ce compris ceux du référé expertise ;

Vu les conclusions notifiées le 18 juillet 2008 par la SAS Ryckwaert, tendant à débouter Monsieur Soubils de son appel et le condamner à lui payer la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ; à titre subsidiaire, condamner la SA Automobiles Peugeot à la relever et garantir de l'intégralité des sommes qui pourraient être éventuellement mises à sa charge et à lui payer la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ; condamner la partie succombante aux entiers dépens ;

Vu les conclusions notifiées le 9 décembre 2008 par la SA Automobiles Peugeot qui invoque l'inopposabilité du rapport d'expertise pour défaut de respect du principe du contradictoire à son égard, demande à la cour de juger que la preuve n'est pas rapportée de l'existence d'un vice caché affectant le véhicule de Monsieur Soubils; subsidiairement que n'est pas établie l'existence d'un vice caché de construction; débouter en conséquence Monsieur Soubils de ses demandes; très subsidiairement, qu'elle ne doit pas relever et garantir la SAS Ryckwaert d'une action en résolution de la vente d'un véhicule d'occasion dont le vice caché serait l'existence de dysfonctionnement et anomalies antérieurs à la transaction mais étrangers à la fabrication et débouter cette société de son appel en garantie et Monsieur Soubils de sa demande de condamnation in solidum; condamner la partie perdante au paiement d'une somme de 2 200 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens;

Motivation

Il résulte de l'expertise judiciaire que le véhicule Peugeot 307 HDI vendu le 18 mars 2003 à Grégory Soubils à 42 050 kilomètres et au prix de 17 530 euro TTC par le garage Ryckwaert concessionnaire Peugeot, avec une garantie d'un an, a fait l'objet après la vente de 7 pannes en 15 000 kms, soit environ une tous les 2 000 kms; que chacune a donné lieu à l'intervention du concessionnaire qui a remplacé de multiples organes, sans parvenir pour autant à éviter leur renouvellement et à résoudre le problème; que par ailleurs l'historique du véhicule révèle que peu avant la vente, le véhicule avait déjà été du être dépanné à deux reprises différentes, à 37 864 kms et 37 925 kms; qu'il totalise ainsi 9 immobilisations en peu de temps, ce qui est tout-à-fait anormal et traduit un manque de fiabilité du produit, ainsi que l'observe l'expert judiciaire.

Si lors de la dernière panne, le concessionnaire a remis une nouvelle fois le véhicule en état de marche, il a cependant refusé de prendre en charge son intervention au titre de la garantie en prétendant en imputer la cause à l'usage d'un gazole pollué par de l'eau, ce qui a conduit Monsieur Soubils à refuser de payer la facture et à demander la résolution de la vente.

L'expert judiciaire conclut en page 12 de son rapport :

" Malgré les nombreuses interventions du garagiste, ces pannes répétitives n'ont pas été forcément résolues et malgré qu'à ce jour il fonctionne, elles peuvent se reproduire à tout moment. Ce qui ne rend pas le véhicule utilisable dans des conditions normales.

Un profane, au jour de la vente, n'était pas en mesure de déceler les anomalies dont le véhicule était atteint et de ce fait, les pannes qui s'en sont suivies.

Ce qui, à notre avis, résulte d'une anomalie de fabrication et qui s'apparente à un vice caché ".

En l'absence de production du moindre élément venant le contredire et au vu de l'historique ci-dessus rappelé, la cour ne peut que se ranger à l'avis de l'expert judiciaire.

Prétendre que ces pannes à répétition seraient dues à l'utilisation d'un carburant pollué par de l'eau est une affirmation qui ne repose sur aucun élément sérieux et n'a pas été validée par l'expert. En effet, il indique dans son rapport que c'est la présence d'eau dans la crépine qui " forcément pollue le gazole " (p.6), et non pas l'inverse. Par ailleurs, rappelons que d'autres avaries ont précédé la vente.

Même s'il est regrettable que l'expert, pas plus que le concessionnaire, n'ait été en mesure d'en déterminer la cause précise, il n'en demeure pas moins que leur récurrence et leur fréquence tout-à-fait exceptionnelles sont la marque certaine d'une anomalie préexistant à la vente.

Privant le véhicule de la fiabilité élémentaire qu'un acquéreur est en droit d'attendre et qui constitue une qualité substantielle déterminante de l'achat, ce dysfonctionnement, dont seules les conséquences ont été réparées ponctuellement par des remises en service de courte durée, mais non son origine, interdit d'utiliser le véhicule dans des conditions normales puisqu'il peut à tout moment tomber en panne, et son usage en est à ce point altéré qu'il est certain que Monsieur Soubils ne l'aurait pas acheté s'il avait soupçonné qu'il aurait à subir de tels désagréments.

En conséquence, il convient de faire droit à son action résolutoire fondée sur les articles 1641 et suivants du Code Civil et de condamner la SAS Ryckwaert à lui rembourser le prix de vente du véhicule et à lui payer des dommages et intérêts compensatoires du préjudice causé par la vente.

Ainsi, il devra lui payer les sommes de 179,40 euro représentant le coût de l'expertise technique Gimenez et de 515 euro au titre de la prime d'assurance 2004 payée en pure perte. Par ailleurs, les justifications produites permettent de fixer à la somme de 12 000 euro la perte de jouissance du véhicule 307 HDI subie depuis le mois de décembre 2003, et ce compte tenu du prêt d'un véhicule de remplacement, modèle 306.

N'étant pas en revanche établi que le garage Ryckwaert a agi dans l'intention de nuire, de mauvaise foi ou avec une légèreté assimilable au dol, Monsieur Soubils doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

En ce qui concerne la SA Automobiles Peugeot, même si l'expertise à laquelle elle n'a pas été appelée ne lui est pas opposable en tant que telle et n'a à son égard que la valeur d'un simple élément de preuve parmi ceux soumis à la discussion des parties, la cour trouve dans l'ensemble des pièces produites, et non uniquement dans les conclusions de l'expert judiciaire, des éléments suffisants pour se convaincre de ce que ces pannes récurrentes dues à l'infiltration d'eau dans les organes mécaniques ne peuvent autrement s'expliquer que par un défaut de fabrication dont elle doit répondre en tant que constructeur et vendeur initial.

Dès lors la SA Automobiles Peugeot devra relever et garantir son concessionnaire le garage Ryckwaert des condamnations prononcées à titre de dommages et intérêts, dépens et frais non remboursables de procédure. En revanche la restitution du prix de vente, qui n'est que la conséquence de l'annulation du contrat de vente conclu entre la SAS Ryckwaert et Grégory Soubils et a pour contrepartie la restitution du véhicule ne constitue pas en soi pour le garage Ryckwaert un préjudice indemnisable. Il ne peut donc être garanti de ce chef.

Monsieur Soubils, qui réclame également la condamnation de la SA Automobiles Peugeot " aux mêmes causes que la SAS Ryckwaert " et in solidum avec elle, ne précise pas le fondement juridique de sa demande à son égard et vise seulement dans ses écritures, d'une manière générale, les articles 1134 et 1641 du Code Civil. Or il n'a aucun lien contractuel avec le constructeur et ne peut, à la fois, exercer l'action en garantie des vices cachés contre son vendeur et bénéficier d'une action directe contractuelle contre le vendeur originaire. Il ne peut donc qu'être débouté de sa demande à son encontre.

Par ces motifs, LA COUR, Réforme le jugement déféré et, statuant à nouveau : Prononce la résolution de la vente. Condamne en conséquence la SAS Ryckwaert à rembourser à Grégory Soubils, en contrepartie de la restitution du véhicule, la somme de 17 686 euro représentant le prix reçu lors de la vente. La condamne également à lui payer, à titre de dommages et intérêts, les sommes de 179,40 euro correspondant à des frais d'expertise, 515 euro représentant la prime d'assurance 2004, et 12 000 euro en indemnisation du préjudice de jouissance. Dit que la SA Automobiles Peugeot devra relever et garantir la SAS Ryckwaert des condamnations prononcées à son encontre à titre de dommages et intérêts, dépens et frais de procédure non inclus dans les dépens. Déboute les parties du surplus de leurs demandes. Condamne la SAS Ryckwaert aux dépens incluant les frais de référé et expertise, ceux d'appel recouvrés conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile, et à payer à Grégory Soubils la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du même Code.