CA Paris, 8e ch. A, 18 octobre 2007, n° 06-02362
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Roux-Thomas
Défendeur :
Fnac (SA), Packard Bellservices (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Deurbergue
Conseillers :
Mme Bonnan-Garçon, Mme Bouscant
Avoués :
SCP Naboudet-Vogel Hatet-Sauval, SCP Goirand, Me Teytaud
Avocats :
Mes Letellier Lance, Verrecchia, Leclere-Sobol
Vu les appels interjetés respectivement, à titre principal, par M Roux-Thomas et, à titre incident, par la Fnac et par la société Packard Bell Services, anciennement dénommée société Nec Computeurs France SAS, d'un jugement du Tribunal d'instance de Paris 17ème, du 8 novembre 2005, qui a condamné la Fnac à payer 500 euro et 300 euro de dommages et intérêts à M Roux-Thomas et la société Nec Computeurs France à garantir la Fnac de ces condamnations, et a condamné ces deux sociétés au paiement d'une indemnité de 750 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au demandeur ;
Vu les conclusions de M Roux-Thomas, du 26 juin 2007, qui demande à la cour d'infirmer le jugement et de condamner :
solidairement la Fnac et la société Packard Bell Services à lui payer, outre 3 500 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :
- 2 222,71 euro au titre du remboursement du prix de l'ordinateur portable impropre à l'usage auquel il était destiné,
- 3 440 euro sous réserve d'actualisation au titre de son préjudice de jouissance,
- 100 euro à titre de remboursement de frais,
et la société Packard Bell Services, seule, à lui payer 2 000 euro de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;
Vu les conclusions de la Fnac, du 24 mai 2007, qui prie la cour, à titre principal, de confirmer le jugement sur le rejet de la demande de résolution de la vente, de l'infirmer sur la condamnation à des dommages et intérêts et les dépens, à titre subsidiaire, de condamner la société Packard Bell Services à la garantir de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre et de condamner M Roux-Thomas à lui payer 2 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu les conclusions de la société Packard Bell Services, du 26 juin 2007 tendant à la confirmation du jugement sur le rejet des demandes de résolution de la vente et de remboursement de prix et de dommages et intérêts, à son infirmation sur la condamnation à garantie de la Fnac, et à la condamnation de M Roux-Thomas à lui payer 5.000 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Sur ce, la cour :
Considérant que, référence faite au jugement et aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, il suffit de rappeler que, le 13 avril 2001, M Roux-Thomas a acheté à la Fnac un ordinateur portable de marque Packard Bell 'Easy One DC 1701 au prix de 13 990 F (2 132,76 euro) TTC et a souscrit une assurance (vol) moyennant la cotisation de 590 F (89,94 euro), que, dès le 25 mai 2001 il a constaté une perte d'autonomie de la batterie, que l'appareil a présenté d'autres pannes mais que ni le service après-vente de la Fnac ni la société Packard Bell fournisseur du matériel n'ont été en mesure de remédier efficacement au défaut d'autonomie, de sorte qu'une expertise a été ordonnée en référé, confiée à M. Bitan qui a déposé son rapport le 9 novembre 2004 ;
Considérant qu'il ressort du rapport que M. Roux-Thomas se plaignait de plusieurs désordres : panne du disque dur qui a été remplacé, un 'point chaud' sur l'écran gênant l'utilisation auquel il a été remédié par un changement de ventilateur, des rayures sur le capot de nature esthétique, et de manière récurrente une perte d'autonomie de la batterie, l'expert y associant un défaut de la jauge du système d'exploitation Windows indiquant la charge de la batterie et un éventuel dysfonctionnement du système d'alimentation électrique qui, cependant, n'a pas fait l'objet d'investigations permettant de l'établir ;
Que c'est ce dernier désordre de défaut d'autonomie de l'ordinateur qui motive l'action de l'appelant en indemnisation de son préjudice matériel et de jouissance fondée sur la garantie des vices cachés ;
Considérant que M. Roux-Thomas fait, en effet, valoir que quelle que soit la batterie utilisée le problème de l'autonomie du portable subsiste, que les interventions des services après vente de la Fnac et de Nec Computers n'ont pas remédié à ce problème, que l'ordinateur acheté il y a 5 ans est devenu obsolète et n'est plus référencé, de sorte que seul le remboursement du prix d'achat est envisageable ;
Que la Fnac et la société Packard Bell lui opposent que l'expertise n'a pas permis de déterminer la cause de cette perte d'autonomie et que dès lors la réalité du vice caché n'est pas établie, et que le défaut d'autonomie de l'ordinateur n'est pas de nature à le rendre impropre à l'usage auquel il est destiné ;
Mais considérant que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue non seulement pour ceux qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, mais aussi pour ceux qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise s'il les avait connus ;
Que le premier juge, se référant au rapport d'expertise, a rappelé les nombreuses démarches effectuées par M. Roux-Thomas auprès de la Fnac, comme de la société Packard Bell pour qu'une solution soit trouvée aux dysfonctionnements des batteries d'origine ou de remplacement qui ont équipé son ordinateur ;
Que l'expert relève précisément que la batterie livrée avec l'ordinateur a une autonomie moyenne de 35 minutes, celle fournie par la société Nec Computers de 1 h 30 (peu important l'autonomie de celle installée par l'appelant, puisqu'elle était hors service) ; que les deux batteries ont une autonomie inférieure à celle indiquée par le constructeur qui est de 2 h 30 ne correspondant pas aux spécifications de celui-ci ; que l'expert constate en outre que la jauge d'énergie présente un dysfonctionnement pouvant induire en erreur l'utilisateur quant à la charge réelle de la batterie ;
Que ces défauts persistants apparus peu après la vente, dès le 25 mai 2001, mais existants antérieurement à celle-ci, puisque l'ordinateur a été livré avec une batterie d'origine ne fonctionnant pas correctement, et auxquels ni le vendeur ni le fournisseur n'ont remédié, constituent bien des vices cachés pour l'acquéreur, peu important que l'expert n'ait pas eu les éléments permettant d'en déterminer les causes, éléments techniques que, seule, la société Packard Bell pouvait apporter puisque, si elle ne fabrique pas les batteries, elle en équipe les ordinateurs qu'elle fournit à la Fnac ;
Considérant que l'autonomie d'un ordinateur portable est en soi un élément substantiel de l'achat d'un tel matériel et que la circonstance que M. Roux-Thomas a acheté une batterie de remplacement confirme que, pour lui, il s'agissait bien d'un élément substantiel ;
Qu'ainsi ce défaut d'autonomie, caché au moment de la vente, diminue tellement l'usage de l'ordinateur que si M. Roux-Thomas l'avait connu, il ne l'aurait pas acquis ;
Qu'il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement sur ce point et de prononcer la résolution de la vente passée entre M. Roux-Thomas et la Fnac ;
Considérant que la Fnac doit être condamnée à restituer le prix de 2 222,71 euro, M. Roux-Thomas devant rendre le matériel, peu important son état et sauf impossibilité matérielle ;
Qu'elle doit, en outre, dès lors qu'elle est un vendeur professionnel tenu de connaître les vices de la chose vendue, réparer le trouble de jouissance subi par l'acquéreur et devra lui payer une indemnité de 300 euro ;
Que le jugement sera confirmé sur ce point ;
Considérant que les frais dont l'appelant réclame le paiement ont été engagés au titre de l'assistance en ligne et ne doivent donc pas rester à sa charge ;
Qu'il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Que le jugement sera réformé sur ce point ;
Considérant que M. Roux-Thomas doit en revanche être débouté de ses demandes au titre de la restitution du prix, des dommages et intérêts pour préjudice de jouissance et des frais, contre la société Packard Bell, avec laquelle il n'a pas de lien de droit ;
Considérant qu'il n'est pas établi que la société Packard Bell ait entravé le bon déroulement des opérations d'expertise, l'expert n'ayant pas lui-même estimé utile de pousser plus loin ses investigations et le premier juge n'ayant pas été saisi en cours d'expertise d'une difficulté à ce sujet ; que, par ailleurs, il n'y a aucun préjudice ;
Qu'il convient, en conséquence, de confirmer le jugement sur le rejet de la demande de dommages et intérêts de ce chef ;
Considérant que la société Packard Bell, en sa qualité de fabricant et de fournisseur, doit être condamnée à garantir la Fnac des condamnations prononcées à son encontre ;
Considérant que l'équité commande en appel de condamner la Fnac à payer à M. Roux-Thomas 2 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et de rejeter sa demande et celle de la société Packard Bell ;
Considérant que les dépens d'appel seront partagés par moitié entre la Fnac et la société Packard Bell ;
Par ces motifs, LA COUR, Déclare les appels recevables, Infirme le jugement sur le rejet des demandes de résolution de la vente et de paiement des frais, et sur la condamnation de la Fnac à payer 500 euro de dommages et intérêts et la garantie de la société Packard Bell de ce chef, Statuant à nouveau Prononce la résolution de la vente de l'ordinateur portable passée entre la Fnac et M. Roux-Thomas, Condamne la Fnac à restituer à M. Roux-Thomas le prix de vente de 2 222,71 euro et à lui payer 100 euro en remboursement de ses frais et une indemnité de 2 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Ordonne à M. Roux-Thomas de restituer l'ordinateur, Déboute M. Roux-Thomas de ses demandes contre la société Packard Bell Services, Condamne la société Packard Bell Services à garantir la Fnac des condamnations prononcées contre elle, sauf sur l'indemnité allouée en appel à M. Roux-Thomas au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Confirme le jugement pour le surplus, Rejette toute autre demande y compris au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la Fnac et la société Packard Bell Services aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.