CA Rennes, 1re ch. B, 14 février 2008, n° 06-07170
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Salentine Automobiles (SA)
Défendeur :
General Motors France (SAS), Lefevre
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Simonnot
Conseillers :
Mme Nivelle, M. Gimonet
Avoués :
SCP Bazille & Genicon, SCP Guillou & Renaudin, SCP Gautier-Lhermitte
Avocats :
Mes Rosenthal, Villainne, Rumin, Barret, SCP LMBE
Exposé des faits-procédure-objet du recours
La SA Salentine Automobiles venant aux droits de Longchamp Automobiles a interjeté appel d'un jugement rendu le 5 octobre 2006 par le Tribunal de Grande Instance de Nantes qui a :
- débouté la société General Motors France et la SA Salentine Automobiles de leurs demandes tendant à l'annulation des rapports d'expertise judiciaire ;
- débouté Martine Lefevre de ses demandes dirigées contre General Motors France ;
- prononcé l'annulation de la vente intervenue le 15 février 1999 entre Longchamp Automobiles, aux droits de laquelle se trouve la SA Salentine Automobiles et Martine Lefevre portant sur un véhicule Opel "Tigra" immatriculé 420 ACP 44 ;
- condamné en conséquence la SA Salentine Automobiles à payer à Martine Lefevre la somme de 6 718,58 euro à titre de restitution du prix ;
- condamné la SA Salentine Automobiles à payer à Martine Lefevre la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts ;
- dit que Martine Lefevre restituera le véhicule dans l'état où il se trouve ;
- débouté la société General Motors de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire du jugement ;
- condamné la SA Salentine Automobiles à payer à Martine Lefevre la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Elle demande à la cour, aux termes de ses conclusions récapitulatives en date du 14 novembre 2007 :
A titre principal,
- de dire nuls les deux rapports d'expertise déposés par Monsieur Droual le 31 juillet et le 14 septembre 2004 pour défaut d'objectivité et d'impartialité ;
- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- de débouter Martine Lefevre de toutes ses demandes ;
A titre subsidiaire, de constater que Martine Lefevre s'est abstenue de tenir compte des recommandations écrites régulières de Salentine Automobiles et de la débouter de toutes ses demandes dirigées contre elle ;
A titre très subsidiaire,
- de constater que la société General Motors s'est abstenue d'informer la SA Salentine Automobiles et Martine Lefevre de la faiblesse structurelle des courroies de distribution équipant les véhicules Opel et de la nécessité de les remplacer tous les quatre ans ;
- de condamner General Motors à la garantir de toutes les condamnations prononcées contre elle et de condamner cette société à lui payer la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts complémentaires en réparation de son préjudice commercial ;
En tout état de cause, de dire que Martine Lefevre est mal fondée à réclamer plus que les seuls frais d'échange standard du moteur outre les frais de remise en état évalués par expert à 5 200 euro ;
- de condamner Martine Lefevre et la société General Motors à lui payer la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Dans ses conclusions en date du 20 avril 2007 Martine Lefevre demande à la cour :
- de confirmer le jugement du tribunal de grande instance en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente du 15 février 1999 ;
- de l'infirmer en ce qu'il met hors de cause la société General Motors sur le fondement de l'article 1641 du Code Civil et à titre subsidiaire de la condamner sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil ;
- de condamner in solidum la SA Salentine Automobiles, venant aux droits de la société Longchamp Automobiles et la société General Motors à payer la somme de 13 437,16 euro outre intérêts calculés au taux légal à compter du 29 janvier 1999 ;
- dire qu'il sera fait application des dispositions de l'article 1154 du Code Civil ;
A titre subsidiaire, de condamner les défendeurs in solidum à payer la somme de 4 700 euro sauf à parfaire correspondant au coût de l'échange standard du moteur et la somme de 500 euro sauf à parfaire, correspondant au coût de la remise en état ;
En tout état de cause de condamner les défendeurs au paiement de la somme de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance consécutif à la non-utilisation du véhicule depuis le 1er septembre 2003 ;
- de condamner les mêmes au paiement de la somme de 6 000 euro au titre des frais irrépétibles ;
Dans ses écritures récapitulatives du 8 novembre 2007 la société General Motors conclut à la confirmation de la décision attaquée en ce qu'elle a débouté Martine Lefevre de ses demandes dirigées contre General Motors France ;
Subsidiairement, infirmant le jugement entrepris, de dire que la preuve d'un vice caché au sens de l'article 1641 du Code Civil n'est pas rapportée et de débouter en conséquence Martine Lefevre de sa demande de résolution de la vente ;
De constater que la société General Motors a satisfait à son obligation d'information et de débouter la SA Salentine Automobiles de toutes ses demandes dirigées contre elle ;
De condamner tout succombant à payer à la société General Motors la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision déférée et aux conclusions régulièrement déposées par les parties ;
Motifs de la cour
Considérant que le 29 janvier 1999 Martine Lefevre a acheté au garage Longchamp Automobiles, aux droits duquel vient la SA Salentine Automobiles, un véhicule Opel Tigra 1,4 pour le prix de 90 142 francs ;
Qu'alors que le véhicule totalisait 55 969 kms il tombait en panne, le 2 septembre 2003 à la suite de la rupture de la courroie de distribution ;
Que la société General Motors ayant refusé de prendre en charge le montant des réparations Martine Lefevre a fait assigner cette société ainsi que la SA Salentine Automobiles devant le juge des référés qui, par décision en date du 12 février 2004, a ordonné une expertise confiée à Monsieur Droual ;
Considérant que sur le fondement des conclusions du rapport d'expertise Martine Lefevre a fait assigner la SA Salentine Automobiles et la société General Motors devant le Tribunal de grande instance de Nantes qui a rendu la décision dont appel ;
Considérant qu'au soutien de son recours la SA Salentine Automobiles, sans reprendre le moyen tiré du non-respect par l'expert du principe du contradictoire, fait valoir devant la cour que le rapport de Monsieur Droual déposé le 31 juillet 2004 de même que son rapport complémentaire du 14 septembre 2004 sont entachés de parti pris en faveur de Martine Lefevre et sont nuls pour ne pas être impartiaux ; qu'elle reproche également à l'expert de se contredire lui-même ;
Mais considérant que les premiers juges ont justement fait observer que les parties ont tout loisir de débattre du rapport et de le critiquer devant la juridiction à qui revient de trancher le litige ;
Qu'il n'y a donc pas lieu à annulation du rapport de Monsieur Droual ;
Sur le fond
Considérant, sur le fond, que la SA Salentine Automobiles fait valoir qu'elle a satisfait à son obligation d'information dans la mesure où à l'occasion de chaque visite au garage de Martine Lefevre et sur chaque facture elle mentionnait la nécessité de faire remplacer la courroie de distribution tous les 60 000 kilomètres ou tous les 4 ans, et cela conformément aux préconisations diffusées par le constructeur General Motors ;
Que si vice caché il y a (ce qu'elle estime ne pas être démontré) la responsabilité en incombe uniquement au constructeur, la société General Motors, qui n'a pas suffisamment alerté ses concessionnaires ;
Considérant que la SA Salentine Automobiles fait par ailleurs remarquer que Martine Lefevre a une part de responsabilité dans la panne survenue à son véhicule dans la mesure où elle était particulièrement négligente dans le suivi d'entretien de celui-ci ;
Considérant que la société General Motors estime quant à elle que la preuve de l'existence d'un vice caché antérieur à la vente n'est aucunement rapportée en l'espèce ;
Qu'elle fait valoir que la préconisation de remplacer la courroie de distribution tous les 4 ans ou tous les 60 000 kilomètres avait été diffusée aux concessionnaires et cela à deux reprises et en tous cas postérieurement à la vente du véhicule par la société General Motors à la SA Salentine Automobiles (alors Longchamp Automobiles) ;
Considérant en ce qui concerne ses relations avec son concessionnaire, que la société General Motors fait valoir qu'elle a respecté à son encontre son devoir d'information et qu'elle n'a, à aucun titre, une quelconque obligation de garantie à l'encontre de la SA Salentine Automobiles et qu'elle n'a aucune relation contractuelle avec Martine Lefevre ;
Qu'elle pointe également la négligence de Martine Lefevre ;
Considérant que Martine Lefevre estime quant à elle qu'il y a bien un lien de droit entre elle et la société General Motors et que cette dernière était parfaitement au courant de l'existence du vice caché dont étaient affectés les véhicules Opel TIGRA et en particulier le sien ;
Considérant que lorsque Martine Lefevre a fait l'acquisition le 3 février 1999 d'un véhicule automobile Opel Tigra le carnet d'entretien qui accompagnait le véhicule mentionnait : 'Remplacement de la courroie crantée tous les 8ans/120 000 kilomètres' ;
Considérant que ce véhicule était régulièrement entretenu chez le concessionnaire Opel, le garage Longchamp Automobiles ;
Que Martine Lefevre l'a confié au garage après la vente pour la première fois le 14 mai 2001 alors qu'il totalisait 28 976 kms ; que par la suite le véhicule a été présenté au garage au mois de septembre 2001, au mois de juillet 2002 puis au mois de mars 2003 ;
Considérant que le 2 septembre 2003 et alors qu'il totalisait 55 969 kms le véhicule était victime d'une panne importante à la suite de la rupture de la courroie de distribution ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1641 du Code Civil le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un prix moindre s'il les avait connus ;
Qu'il appartient à celui qui invoque le vice caché de rapporter la preuve de son existence et de l'antériorité à la vente ;
Considérant que l'expert judiciaire déclare en page 10 de son rapport : 'les désordres prennent leur origine dans un décalage de la distribution suite à la rupture de la courroie d'entraînement.
C'est une fatigue prématurée qui a entraîné la rupture de la courroie.' ;
Considérant que l'expert conclut en affirmant que les défauts existaient en germe au moment de la vente ;
Qu'il a justement fait observer que le constructeur avait conscience de la faiblesse de ces courroies de distribution puisqu'il a jugé utile de prévenir ses concessionnaires du fait que leur durée de vie était finalement moindre que celle qui avait été annoncée sur la notice d'entretien des véhicules vendus ;
Que cette information n'avait pas été portée assez clairement à la connaissance de son acheteuse par la SA Salentine Automobiles ;
Considérant que l'existence d'un vice caché est ainsi avérée ;
Que s'agissant d'un vice de construction il était obligatoirement antérieur à la vente de l'Opel Tigra par Longchamp Automobiles à Martine Lefevre et a eu pour conséquence de rendre le véhicule impropre à l'usage auquel il était destiné ;
Considérant qu'il convient en conséquence de confirmer la décision critiquée en ce qu'elle a retenu l'existence d'un vice caché, de prononcer la résolution de la vente et d'ordonner la restitution du véhicule à la SA Salentine Automobiles contre la restitution du prix de vente, soit la somme de 13 437,16 euro correspondant au prix d'achat sans qu'il apparaisse justifié d'opérer une réduction du prix ;
Considérant qu'il appartient en outre au vendeur qui connaissait l'existence du vice pour en avoir été informé par le constructeur lui-même d'indemniser l'acheteur de tous les dommages qu'il a subis du fait de l'avarie ;
Que la cour possède les éléments pour chiffrer ces dommages à la somme de 2 000 euro ;
Considérant sur la responsabilité de la société General Motors que si le sous-acquéreur est recevable à exercer l'action en garantie des vices cachés contre le vendeur originaire il ne peut le faire s'il a déjà obtenu la résolution de la vente contre son propre vendeur ;
Que la demande de Martine Lefevre fondée sur l'article 1382 du Code Civil est par ailleurs irrecevable en ce qu'elle ne repose pas sur les rapports contractuels existants entre les parties ;
Considérant que Martine Lefevre sera en conséquence déboutée de son action dirigée contre la société General Motors ;
Considérant sur la demande en garantie dirigée par SA Salentine Automobiles contre la société General Motors qu'aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de cette dernière qui justifie avoir envoyé à ses concessionnaires deux courriers le 8 octobre 1999 puis le 31 mai 2000 pour les informer de la conduite à tenir concernant le remplacement des courroies de distribution ;
Que la société General Motors a satisfait à son obligation de renseignement ;
Qu'en conséquence l'appel en garantie n'apparaît pas fondé ;
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Martine Lefevre les frais irrépétibles qu'elle a exposés à l'occasion de la procédure d'appel et qu'il y a lieu en conséquence de condamner la SA Salentine Automobiles à lui payer la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Qu'il n'apparaît pas inéquitable en revanche de laisser à la société General Motors la charge de ses propres frais irrépétibles ;
Considérant que succombant en appel la SA Salentine Automobiles sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ;
Décision
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la société General Motors et la SA Salentine Automobiles de leurs demandes de nullité de l'expertise, débouté Martine Lefevre de ses demandes dirigées contre la société General Motors et prononcé la résolution de la vente intervenue le 15 février 1999 entre Longchamp Automobiles SA, aux droits de laquelle vient la SA Salentine Automobiles et Martine Lefevre portant sur un véhicule Opel TIGRA immatriculé 420 ACP 44, Le confirme également en ce qu'il a ordonné la restitution du véhicule et condamné la SA Salentine Automobiles à payer à Martine Lefevre la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Le réformant pour le surplus et y ajoutant, Condamne la SA Salentine Automobiles à payer à Martine Lefevre la somme de 13 437,16 euro avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision outre 2 000 euro à titre de dommages et intérêts, Ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code Civil, Déboute la SA Salentine Automobiles de ses demandes dirigées contre la société General Motors, Condamne la SA Salentine Automobiles à payer à Martine Lefevre la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel, Déboute les parties de leurs plus amples demandes, Condamne SA Salentine Automobiles aux dépens de première instance et d'appel, ceux-ci pouvant être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.