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Décisions

CA Versailles, 19e ch., 11 avril 2008, n° 07-00743

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

FMC Automobiles-Division Land Rover France

Défendeur :

Alexeline, Ile de France Automobiles (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fedou

Conseillers :

Mmes Boucly-Girerd, Brylinski

Avoués :

SCP Debray-Chemin, SCP Jupin & Algrin

Avocats :

Mes Serreuille, Riondet

TGI Versailles, du 30 nov. 2006

30 novembre 2006

Thierry Alexeline a acquis le 27 mars 1999 un véhicule neuf de marque Land Rover type Freelander Xedi 5P auprès d'un concessionnaire, la SARL Ile de France Automobiles, pour un prix de 29 870,25 euro.

Le véhicule ayant subi diverses pannes, qu'un cabinet Autos Expertises Conseils mandaté par l'acquéreur a, dans son rapport du 11 décembre 2002, imputées à un vice caché, Thierry Alexeline a assigné par acte des 18 et 19 novembre 2003 la SA Land Rover France et la SARL Ile de France Automobile, cette dernière en liquidation judiciaire, aux fins de dommages et intérêts, subsidiairement de désignation d'un expert, et à titre infiniment subsidiaire, de résolution de la vente pour vice caché, de condamnation des défendeurs à reprendre le véhicule contre restitution du prix d'achat, et de paiement de 38 800 euro à titre de dommages et intérêts.

Par jugement du 30 novembre 2006, le Tribunal de grande instance de Versailles saisi a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- déclaré irrecevable la demande de Thierry Alexeline dirigée contre la SARL Ile de France Automobiles en ce que la procédure n'a pas été régularisée à l'égard du liquidateur,

- déclaré irrecevable et mal fondée son action dirigée contre la SA Landrover au titre de l'obligation de délivrance, l'acquéreur en ayant pris livraison sans réserves,

- déclaré fondée l'action rédhibitoire au titre de la garantie des vices cachés, ordonné la résolution de la vente, la restitution du véhicule par Thierry Alexeline et celle du prix d'acquisition de 29870,25 euro par la SA Land Rover, et le paiement par Land Rover à Thierry Alexeline de 2500 euro à titre de dommages et intérêts et 1500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

- déclaré irrecevable la demande d'indemnité de procédure de la SARL Ile de France Automobile

- condamné la SA Land Rover aux dépens.

La SAS FMC Automobiles, division Land Rover France a interjeté appel de cette décision, dont, aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 7 février 2008, elle poursuit l'infirmation sauf en ce qu'elle a déclaré irrecevable l'action de Thierry Alexeline au titre de l'obligation de délivrance.

Elle prie la cour:

- de débouter Thierry Alexeline de ses demandes en ce que, fondée sur la garantie des vices cachés, son action n'a pas été engagée dans le bref délai requis par la loi,

- subsidiairement de le débouter de ses prétentions au motif que la preuve n'est pas rapportée de l'existence d'un vice caché,

- plus subsidiairement, si la résolution de la vente était prononcée, de débouter Thierry Alexeline de ses prétentions en ce que la résolution devrait être assortie d'une réduction de prix correspondant à la dépréciation du véhicule et au bénéfice qu'il a tiré de cette utilisation soit 29 370,25 euro, étant précisé que le préjudice lié à l'immobilisation du véhicule invoqué ne saurait lui être imputable.

Elle réclame en outre 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Rappelant qu'elle est importateur de véhicule et non réparateur, que l'action ne peut être fondée à son endroit que sur la garantie du vice caché, elle argue d'un délai d'un an entre son assignation et le rapport d'expertise pour prétendre à sa tardiveté.

Elle proteste également de ce que le rapport d'expertise qui appuie les prétentions de Thierry Alexeline lui est inopposable, soulignant qu'elle n'y a pas été appelée, et qu'il ne remplit pas les conditions d'impartialité requise pour constituer une preuve.

Elle fait encore valoir que les pannes qu'a connues Thierry Alexeline ont été pour la plupart prises en charge au titre de la garantie du constructeur, que le contrôle technique du 29 mai 2004 a prouvé son parfait état, que la preuve n'est donc pas rapportée d'un défaut grave et irréparable, alors que Thierry Alexeline a parcouru 155 000 kms en 7 ans.

Elle ajoute subsidiairement qu'en cas de résolution, la chose doit être restituée dans le même état que lors de la vente, ce qui justifie l'indemnisation de sa dépréciation, et s'oppose à la demande de dommages et intérêts de Thierry Alexeline en ce qu'il ne prouve pas la réalité de son préjudice et ne saurait lui faire supporter des jours d'immobilisation, d'ailleurs non établis, imputables au garagiste.

Thierry Alexeline, aux termes de ses dernières écritures signifiées le 16 janvier 2008 conclut à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de la société FMC Automobiles à lui payer 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Affirmant avoir dû subir 23 interventions sur son véhicule, il se prévaut des conclusions de l'expertise qui a conclu à un vice caché à la livraison, pour indiquer qu'il limite ses demandes à la résolution de la vente de ce chef.

Il estime avoir respecté le bref délai exigé pour cette action en ce qu'il a assigné son adversaire moins d'un an après le dépôt du rapport d'expertise l'assurant du vice, et ce, après avoir tenté des démarches amiables, et fait plaider la présomption du vice caché du seul fait des nombreuses pannes qu'il a subies bien qu'ayant acquis un véhicule neuf et de grande marque, que l'expertise est opposable à Land Rover dès lors que l'expert l'a convoquée plusieurs fois, qu'au surplus cette société ne vient pas réellement en contredire les conclusions, que son préjudice de jouissance est en outre incontestable.

La SARL Ile de France Automobiles, assignée en la personne de Me Michel Marchier, ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de cession, n'a pas constitué avoué.

Sur ce, la cour

Sur la recevabilité de l'action

Considérant que le rapport du cabinet Auto Expertises Conseils, consulté par Thierry Alexeline, qui conclut à l'existence d'un vice caché est daté du 11 décembre 2002.

Que Thierry Alexeline par son conseil a alors vainement tenté un rapprochement amiable, auquel s'est opposée Land Rover suivant courrier du 6 mars 2003 ; Que l'assignation, délivrée le 18 novembre 2003, soit 8 mois plus tard, respecte le bref délai requis par l'article 1648 du Code civil ;

Que la recevabilité de l'action n'a pas lieu d'être contestée ;

Sur l'existence d'un vice caché

Considérant qu'aux termes des articles 1641 et suivants du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue, qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus ;

Qu'il n'est pas tenu des vices apparents dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même ;

Considérant qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que le véhicule acheté neuf en mars 1999 a connu diverses pannes, même si leur liste détaillée en ce qu'elle n'a été établie que par Thierry Alexeline lui-même n'a pas valeur probante ;

Que pour en déduire l'existence d'un vice caché affectant le véhicule, Thierry Alexeline se fonde sur un rapport d'expertise amiable, daté du 11 décembre 2002, dont la valeur probante est remise en cause par la société FMC Automobiles ;

Que de fait, l'expert a été mandaté et rémunéré par l'assureur de Thierry Alexeline, ses constatations n'ont pas été contradictoirement opérées, même si l'expert énumère ses vaines tentatives pour obtenir de la part du constructeur une extension de garantie, qu'aucune convocation n'a été adressée au constructeur ;

Que néanmoins, les conclusions de l'expert conservent valeur d'indice ;

Considérant que l'expert, après avoir décrit de fréquentes pannes survenues sur le véhicule en cause, dont il convient de préciser qu'elles ont été prises en charge au titre de la garantie du véhicule ou à titre commercial par le garagiste, fournit des explications sur chacune en précisant que les immobilisations répétées résultent de dysfonctionnements bien distincts ;

Qu'il ressort de ses constatations que pour le système HDC, Land Rover via son réseau a dû procéder à de multiples modifications afin d'obtenir le résultat escompté, que pour les problèmes de consommation de liquide de refroidissement, l'origine est une défaillance d'étanchéité de la culasse, ce qui n'a pas été découvert précédemment par le garage, que pour les fuites répétées sur le carter inférieur, elles proviennent d'une erreur de positionnement du joint lors de ses échanges multiples par le garage IFA, que pour les bruits de roulage l'anomalie résulte principalement du type de pneumatiques ;

Que l'expert qualifie ces ennuis de "problèmes de fiabilité", et considère que les immobilisations qui en ont découlé sont en partie imputables au garagiste qui "n'a pas répondu à plusieurs reprises à son obligation de résultat", rappelant que c'est son intervention qui a permis de les solutionner ;

Qu'il estime cependant que la panne qui a entraîné l'arrêt total du moteur en septembre, et une immobilisation prolongée jusqu'à fin novembre 2002 engage la responsabilité du constructeur, en ce qu'elle proviendrait d'un vice caché lors de sa livraison : que l'origine en revient, selon lui, au desserrage de l'entretoise du moteur de Rover avec la boîte de vitesse spécifique Land Rover, le serrage de la pièce n'ayant pas été effectué correctement lors de son assemblage ;

Considérant que cette seule panne, apparue le 6 septembre 2002, est décrite comme un vice caché, les autres ennuis qu'a connus Thierry Alexeline avec son véhicule provenant essentiellement de réglages ou de réparations mal effectuées ;

Que certes ce désordre était caché, et a entraîné l'arrêt du moteur, que le véhicule s'est donc trouvé provisoirement dans l'impossibilité de répondre à sa destination qui est de circuler, mais qu'il n'est apparu que 3 années après la vente, depuis laquelle le véhicule circulait même s'il connaissait de trop fréquentes pannes, celles-ci non liées au vice caché ;

Que si selon les constatations de l'expert, le mauvais serrage de la pièce était antérieur à la vente, il ne relevait que d'un resserrage, que malheureusement le garagiste a tardé à identifier ;

Considérant qu'en admettant même que la nécessité d'un resserage de pièce trois années après l'acquisition puisse être qualifié de vice caché, il a été porté remède à ce vice en novembre 2002. Que depuis, selon le rapport, les époux Alexeline circulent avec leur Land Rover sans incident ;

Qu'il suit de là que le désordre qui n'a entraîné qu'une immobilisation provisoire du véhicule, a disparu, que le véhicule fonctionne normalement, qu'acheté en 1999, il a roulé sur plus de 160 000 kms jusqu'à sa restitution dans le cadre de l'exécution provisoire qui assortissait le jugement de première instance, soit pendant plus de 6 années ;

Que dans ces conditions, les époux Alexeline ne sont pas fondés à invoquer la garantie du vice caché pour prétendre à la résolution d'une vente conclue six années plus tôt et sur un véhicule qu'ils utilisent normalement ;

Qu'ils seront déboutés de leurs prétentions, le jugement entrepris étant par conséquent infirmé de ce chef ;

Sur l'indemnité de procédure et les dépens

Considérant que l'équité ne commande pas en l'espèce de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties ;

Que Thierry Alexeline succombant en ses prétentions, devra supporter la charge des entiers dépens de la procédure, de première instance et d'appel ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant en audience publique, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Statuant à nouveau, Déboute Thierry Alexeline de l'ensemble de ses demandes, Déboute la société FMC Automobiles SAS -Division Land Rover de sa demande d'indemnité de procédure, Condamne Thierry Alexeline aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel, et Autorise la SCP Debray-Chemin, avoués en la cause, à recouvrer directement contre lui ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.