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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. A, 15 mai 2008, n° 06-02064

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Charret

Défendeur :

Bouteille Excelsior (SA), Groupe Volkswagen (SA), Pichat

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Biot

Conseillers :

Mmes Durand, Auge

Avoués :

SCP Dutrievoz, SCP Ligier de Mauroy-Ligier, SCP Baufume-Sourbe, SCP Laffly-Wicky

Avocats :

Mes Sorel, Berard, Vogel, Dumoulin

TGI Lyon, du 22 févr. 2006

22 février 2006

Faits et procédure - prétentions et moyens des parties

Par arrêt du 6 décembre 2007 auquel la présente décision se réfère expressément pour l'exposé des faits et des prétentions originaires des parties, la cour d'appel de ce siège (1ère Chambre A) a :

- ordonné à la SA Groupe Volkswagen de produire la notice constructeur afférente au véhicule Audi A4 TDI modèle 1997

- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 28 janvier 2008, pour production par la SA Groupe Volkswagen de cette notice et conclusions des parties au vu de celle-ci.

La SA Groupe Volkswagen France conclut à la confirmation du jugement. Subsidiairement, elle demande en cas de résolution de la vente de tenir compte de la dépréciation du véhicule, d'ordonner la restitution de celui-ci et de subordonner les conséquences pécuniaires de la résolution de la vente à la restitution effective du véhicule, et, en cas de condamnation sur le fondement de l'obligation du garagiste réparateur, de déduire la plus-value apportée au véhicule par le remplacement du moteur.

Elle fait valoir que le rapport d'expertise ne lui est pas opposable, que la preuve de l'existence d'un vice caché n'est pas rapportée, que l'avarie résulte d'un défaut d'entretien du véhicule, que l'obligation contractuelle du garagiste réparateur n'a pas vocation à s'appliquer à Groupe Volkswagen et que les dommages et intérêts demandés par Monsieur Charret ne sont fondés ni dans leur principe, ni dans leur montant.

Elle sollicite enfin la condamnation de Monsieur Charret à lui payer la somme de 4 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Les autres parties n'ont pas conclu après l'arrêt du 6 décembre 2007.

La procédure a été clôturée en l'état par ordonnance en date du 29 février 2008.

Motifs de la décision

1) Sur le rapport d'expertise

Attendu que s'il est exact et non contesté que la SA Groupe Volkswagen n'a pas été partie à l'expertise diligentée par Monsieur Mazur sur décision du Tribunal de grande instance de Lyon, il n'en demeure pas moins que le rapport qu'il a déposé a été soumis à la discussion contradictoire des parties qui ont eu la possibilité de demander à prendre connaissance des pièces justificatives y afférentes;

Que ce rapport contient des informations utiles à la cour, qui n'est pas liée par l'avis du technicien pour trancher le litige;

Qu'il ne sera pas écarté des débats mais que ses conclusions seront analysées à la lumière des critiques formulées;

2) Sur le vice caché

Attendu qu'il appartient à celui qui invoque le défaut caché de la chose vendue qui la rend impropre à l'usage auquel on la destine, d'établir non seulement l'existence de ce vice mais encore son antériorité à la vente ou à la livraison de la chose;

Attendu qu'en l'espèce, lorsque Monsieur Charret a acquis le véhicule Audi A4 TDI le 27 janvier 1999, il avait parcouru 78 800 Km, que lorsque la courroie crantée a été changée par le garage Bouteille Excelsior le 11 janvier 2000, il affichait 94 211 Km; que le garage Pichat est intervenu une première fois le 31 octobre 2000 pour un entretien à 107 458 Km puis une deuxième fois pour une révision le 3 juillet 2001 à 118 476 Km; que la courroie de distribution s'est rompue à 132 054 Km;

Attendu qu'ainsi, le véhicule avait parcouru 37 843 Km depuis le remplacement de celle-ci;

Attendu que l'expert a conclu que l'origine de la panne était la déformation de la platine de maintien de la pompe d'injection entraînant un désalignement de la cascade de pignons de la distribution et provoquant une usure prématurée de la courroie; que les photos qu'il a réalisées de cette pièce et qui sont jointes à son rapport font apparaître cette déformation; qu'il a précisé que ce désordre était rare et peu connu dans le milieu des professionnels de la réparation automobile;

Attendu que l'appelant invoque la note technique établie par Audi le 16 septembre 1998 pour soutenir que son véhicule était atteint d'un vice caché connu du constructeur puisqu'ayant donné lieu à ce document à destination des concessionnaires et garages Audi;

Attendu cependant que ce document n'est que la page 371 d'un ensemble intitulé "solutions techniques" à savoir les prescriptions données par le constructeur pour procéder aux réparations; qu'il ne ressort d'aucun élément versé aux débats que ce document constitue le signalement adressé aux garagistes du réseau d'un défaut affectant le type de véhicule propriété de Monsieur Charret;

Attendu qu'en effet, cette recommandation indique qu'en cas de constatation d'usure de la courroie sur sa largeur (usure de plus de 2mm), il convient de remplacer la console de pompe d'injection; que comme l'a retenu l'expert, la déformation de cette console provoque un désalignement des pignons à l'origine de l'usure prématurée de la courroie;

Attendu que ni la note technique ni l'expertise n'établissent que cette déformation ait pour origine ou constitue par elle-même un vice caché, les termes 'concours de tolérances défavorables' ne signifiant pas défaut de conception ou de fabrication;

Que la déformation d'une pièce soumise à des vibrations peut intervenir, en dehors de tout vice, alors que le véhicule a parcouru un nombre de kilomètres important;

Attendu que l'existence d'un vice caché antérieur à la vente dont aurait été affecté le véhicule de Monsieur Charret n'est pas établie; que c'est à juste titre que le tribunal a mis hors de cause la SA Groupe Volkswagen;

3) Sur la responsabilité contractuelle de la SA Bouteille Excelsior et de Monsieur Pichat

Attendu que le SA Bouteille Excelsior a procédé au remplacement de la courroie de distribution le 11 janvier 2000 alors que le véhicule avait parcouru 94.211 Km; que la responsabilité de plein droit qui pèse sur le garagiste ne s'étend qu'aux dommages causés par le manquement à son obligation de résultat; qu'il appartient à celui qui invoque cette responsabilité de prouver que le désordre à l'origine de la panne est du à une défectuosité déjà existante au jour de l'intervention du garagiste qui n'y a pas remédié ou est reliée à cette intervention;

Attendu qu'il résulte du rapport d'expertise que le remplacement de la courroie de distribution a été réalisé dans les règles de l'art par les établissements Bouteille Excelsior; que Monsieur Charret ne prouve pas que la déformation de la console de pompe d'injection à l'origine de la panne s'était déjà réalisée sans que le garagiste y remédie ou que cette déformation est due à l'intervention de celui-ci;

Attendu que selon l'expert, la console n'était pas déformée à la date de l'intervention de la SA Garage Excelsior dès lors que le véhicule n'aurait pas pu dans ce cas parcourir 37 843 Km;

Attendu qu'en ce qui concerne le devoir de conseil, il ne peut être reproché à ce garagiste de n'avoir pas informé Monsieur Charret de la nécessité de contrôler la largeur de la courroie tous les 12 mois ou tous les 30 000 Km alors que le véhicule depuis l'achat par son premier propriétaire puis à la suite de son achat par l'appelant était entretenu dans ses ateliers et qu'il pouvait légitiment penser qu'il assurerait les opérations de révision et de contrôle à venir;

Attendu que le jugement sera infirmé de ce chef;

Attendu qu'en ce qui concerne Monsieur Pichat, il a procédé à deux révision du véhicule, l'une le 31 octobre 2000 et le 3 juillet 2001; qu'après sa deuxième intervention le véhicule a parcouru 14.000 Km; que l'expertise diligentée par Monsieur Mazur n'a pas permis de déterminer à quelle date ou à quel kilométrage la platine de support de pompe d'injection s'était déformée; qu'il n'est ainsi pas établi que Monsieur Pichat n'ait pas remédié à une défectuosité déjà existante au jour de ses interventions ou que la panne soit reliée à celles-ci;

Attendu que le jugement sera confirmé de ce chef;

Attendu que Monsieur Charret sera débouté de l'ensemble de ses demandes;

4) Sur les frais de gardiennage

Attendu que la SA Bouteille Excelsior réclame le paiement par Monsieur Charret de frais de gardiennage depuis le 1er juin 2002 ; qu'elle verse aux débats la lettre recommandée avec AR qu'elle lui a adressée le 17 juin 2002 pour qu'il lui donne ses instructions concernant le véhicule Audi;

Attendu cependant que la décision ordonnant une expertise justifiait que le véhicule reste dans les locaux de l'intimée, dès lors que l'examen du véhicule nécessitait un démontage de plusieurs de ses organes et que la SA Bouteille Excelsior en était le vendeur et avait procédé à une intervention;

Attendu que les frais de gardiennage ne seront donc comptabilisés qu'à compter de la date de dépôt du rapport soit le 25 juillet 2003; que Monsieur Charret sera donc condamné à payer à la SA Bouteille Excelsior la somme de 10 698,13 euro HT (7,62 HT X 365 jours X 3 ans, +10 mois et 4 jours), arrêtée au 1er juin 2007, outre celle de 7,62 euro par jour à compter du 1er juin 2007 jusqu'à récupération par l'appelant de son véhicule;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement entrepris, sauf en sa disposition ayant condamné la SA Bouteille Excelsior a verser à Monsieur Charret 4 500 euro en réparation de son préjudice et 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et ayant rejeté la demande de celle-ci au titre des frais de gardiennage, Et statuant à nouveau sur ces chefs : Déboute Monsieur Charret de toutes ses demandes, Le condamne à payer à la SA Bouteille Excelsior la somme de 10 698,13 euro HT arrêtée au 1er juin 2007 outre celle de 7,62 euro par jour à compter de cette date jusqu'à la récupération du véhicule par l'appelant, Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, Condamne Monsieur Charret aux dépens lesquels seront recouvrés par les avoués de ses adversaires conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.