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Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. B, 16 mai 2008, n° 05-22702

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Languedocienne de Montage (SARL)

Défendeur :

Bascans Equipements International (SARL), MMA Iard , Robionnaise de Bâtiment Industriel (Sté), Norisko (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cadiot

Conseillers :

Mmes Bourrel, Durand

Avoués :

SCP Maynard-Simoni, SCP Sider, SCP Tollinchi Perret-Vigneron Baradat-Bujoli-Tollinchi, SCP Blanc Amsellem-Mimran Cherfils, SCP Jourdan-Wattecamps

Avocats :

Mes Lafon, Simon de Kergunic, Tendraien, Francois, Beaudoire

T. com. Salon-de-Provence, du 17 oct. 20…

17 octobre 2005

État du litige

La SARL Languedocienne de Montage dite SLM, monteur en charpente métallique, a acquis au prix TTC de 65 780 francs une grue automotrice d'occasion Haulotte GH12 datant de 1973 facturée le 14 août 2000 avec mention "passée au contrôle AIF" par la SARL Bascans Équipements International dite Basequip Intl, marchande de matériel de travaux publics, qui l'avait achetée le 1er août à la SARL Robionnaise de Bâtiment Industriel dite SRBI au prix TTC de 23 920 francs.

Le 14 septembre 2000, alors que la grue levait des éléments de charpente métallique pour la construction d'un hangar à bateaux destiné à la société Polymer à Sérignan, le premier bras s'est plié en sortie de flèche entraînant l'affalement de la charge soulevée et des dégâts matériels.

La société Azur Assurances, assurant la société Languedocienne de Montage en responsabilité civile, a fait procéder à une expertise par le cabinet GAB Robins qui a déposé son rapport le 13 décembre 2000 ensuite duquel la compagnie d'assurances a acquitté le 25 janvier 2001 la somme de 37 877 francs soit 5 774,31 euro pour indemniser le dommage subi par la charpente métallique.

La société Languedocienne de Montage et la société Azur ont fait attraire, par exploits des 13 février et 17 avril 2001, la société Basequip en référé devant le Président du Tribunal de commerce de Béziers pour obtenir une expertise technique qui a été ordonnée le 23 avril 2001.

L'expert initialement désigné a été remplacé par ordonnance du 13 juin 2001 en la personne de Monsieur Maxime Mone. Le 8 février 2002, la Société Basequip a demandé que l'expertise soit rendue commune à la société Robionnaise ce qu'a refusé le juge des référés estimant cette demande tardive. Finalement, l'expert commis a clos son rapport le 17 mai 2002 concluant que l'engin de levage était affecté d'un vice caché.

Sollicitant la résolution de la vente de la grue et le paiement de dommages-intérêts, la SARL Languedocienne de Montage et la compagnie Groupe Azur Assurances Iard ont fait assigner au fond par exploit du 22 mars 2004 devant le Tribunal de commerce de Salon-de-Provence la SARL Bascans Équipements International qui, par exploits des 14 et 20 septembre 2004, a appelé en garantie la SA Norisko, anciennement AIF, et la SARL Robionnaise de Bâtiment Industriel.

Joignant les instances et statuant au contradictoire des parties par jugement du 17 octobre 2005 la juridiction consulaire saisie a :

déclaré irrecevable comme tardive la demande en garantie des vices rédhibitoires,

dit que la société Languedocienne de Montage a utilisé la grue hors des limites de sa destination première,

rejeté en conséquence la demande de cette société et de son assureur contre la société Basequip,

dit la société Basequip mal fondée à rechercher la responsabilité contractuelle de la société Norisko,

débouté la société Basequip de l'ensemble de ses demandes,

condamné la société Basequip à payer à la société Robionnaise de Bâtiment Industriel les sommes de 2 000 euro à titre de dommages et intérêt pour procédure abusive et 1 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'à payer à la société Norisko celle de 2 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

condamné conjointement et solidairement aux dépens les sociétés Basequip, Languedocienne de Montage et Robionnaise de Bâtiment Industriel.

Par déclaration enregistrée céans au greffe le 1er décembre 2005, la SARL Languedocienne de Montage a interjeté appel de cette décision à l'encontre de la compagnie Groupe Azur Iard et de la SARL Bascans Équipements International laquelle a intimé les SA Norisko et SARL Robionnaise de Bâtiment Industriel sur déclaration d'appel provoqué enregistrée céans le 28 avril 2006.

Aux termes de dernières écritures, ici tenues pour expressément reprises, déposées et notifiées le 27 février 2006, la SARL Languedocienne de Montage demande à la cour d' :

- ... Infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris sauf celles qui constatent la réalité du vice caché

En conséquence :

Dire et juger l'action pour vices cachés de la société SLM recevable au titre de l'article 1648 du Code civil

Constater l'existence d'un vice caché ayant affecté la grue vendue par la société Basequip à la société SLM le 14/08/2000 la rendant impropre à sa destination

Constater l'absence de comportement fautif de la société SLM

Prononcer la résolution de la vente intervenue le 14/08/2000

Donner acte à cet effet, à la société SLM de son acceptation à (de) restituer la grue vendue par la société Basequip aux frais avancés de cette dernière

Condamner la société Basequip au remboursement du prix de vente, à savoir la somme de 8 384.70 euro HT soit 10 028.10 euro TTC

Condamner la société Basequip à indemniser la société SLM de l'intégralité des préjudices subis du fait de cette vente, à savoir les sommes de :

- 3 574.94 euro HT soit 4 275.63 euro TTC au titre des préjudices directs

- 6 242.82 euro HT soit 7 466.41 euro TTC au titre des préjudices indirects

Condamner la société Basequip à payer à la société SLM la somme de 11 054.08 euro au titre des frais d'expertise judiciaire et des frais de transport ainsi que des frais liés au remplacement des éléments détruits de la charpente.

Rejeter la demande reconventionnelle de la société Basequip en dommages et intérêts.

Condamner la société Basequip au paiement de la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

La condamner également aux entiers dépens de première instance et d'appel, ...'

Aux termes d'uniques écritures, ici tenues pour expressément reprises, déposées et notifiées le 29 février 2008, les Mutuelles du Mans Assurance Iard dites MMA, venant aux droits de la Compagnie Azur Assurances Iard, demandent à la cour de :

- Réformer le jugement entrepris

Constater l'existence d'un vice caché affectant la grue vendue par la Sté Bascans Équipements International (Basequip) à la Sté Languedocienne de Montage le 14 août 2000 à l'origine du sinistre survenu le 4 septembre 2000.

Déclarer la Sté Bascans Équipements International (Basequip) responsable des dommages survenus en raison du vice affectant la grue.

Condamner en conséquence la Sté Bascans Équipements International (Basequip) à verser à la Sté MMA Iard venant aux droits d'Azur Assurances les sommes de :

- 5 774,31 euro au titre des dommages indemnisés

- 8 384,70 euro au titre des frais d'expertise judiciaire.

Débouter la Sté Bascans Équipements International (Basequip) de toutes ses demandes fins et conclusions

Condamner la Sté Bascans Équipements International (Basequip) à verser à la Sté MMA Iard venant aux droits d'Azur Assurances la somme de 3 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du NCPC.

Condamner la Sté Bascans Équipements International (Basequip) aux entiers dépens, ..."

Aux termes d'uniques écritures, ici tenues pour expressément reprises, déposées et notifiées le 19 février 2008, la SARL Bascans Équipements International (Basequip) demande à la cour d' :

"Ordonner la jonction des deux procédures

In limine litis,

Déclarer irrecevable la demande des sociétés Languedocienne de Montage et CIE Groupe Azur Assurances Iard sur le terrain de la garantie des vices rédhibitoires en raison de la tardiveté de l'introduction de la demande

À titre principal,

Dire et juger que la société Languedocienne de Montage a utilisé la grue litigieuse de manière anormale, hors des limites du précédent contrôle périodique réalisé le 2 février 2000; Dire et juger que la société Languedocienne de Montage a utilisé la grue litigieuse, le 14 août 2000, sans respecter la réglementation applicable en la matière ;

Dire et juger que la société Languedocienne de Montage est en conséquence à l'origine exclusive de l'accident survenu le 14 août 2000 ;

Dire et juger que cette faute exclusive la prive à 100 % de son droit à indemnisation des préjudices qu'elle a subis du fait de la survenance de l'accident.

Rejeter en conséquence les demandes de la société Languedocienne de Montage et de la CIE Groupe Azur Assurances Iard à l'encontre de la société Bascans Équipements International

À titre subsidiaire, si l'action en garantie des vices cachés était retenue,

Réduire les conséquences de la résolution de la vente à la seule restitution du prix de vente, soit la somme de 8 374,70 euro HT.

En tout état de cause,

Condamner solidairement les société(s) société Robionnaise de Bâtiment Industriel et AIF à relever et garantir la société Bascans Équipements International de toute condamnation prononcée à son encontre du fait du vice caché et de l'accident survenu du fait de ce vice caché.

Condamner solidairement la société Languedocienne de Montage et la CIE Groupe Azur Assurances Iard à verser à la société Bascans Équipements International la somme de 15 000 euro à titre de dommages-intérêts, toute cause de préjudices confondus (sic).

Dire et juger que les frais de l'expertise judiciaire seront supportés exclusivement par les sociétés Languedocienne de Montage, la CIE Groupe Azur Assurances Iard, société Robionnaise de Bâtiment Industriel, à l'exclusion de la société Basequip.

Dire et juger que la procédure en garantie à l'encontre de la société Robionnaise de Bâtiment Industriel, à supposer qu'elle soit irrecevable, n'était pas injustifiée et donc pas abusive.

Condamner en conséquence la société Robionnaise de Bâtiment Industriel à restituer à la société Basequip la somme de 2 000 euro, montant de la condamnation à titre de procédure abusive, ainsi que la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du NCPC de première instance, que la société Basequip a payé (payées) par l'intermédiaire de l'huissier de justice de la société société Robionnaise de Bâtiment Industriel

Condamner solidairement les sociétés Languedocienne de Montage, la CIE Groupe Azur Assurances Iard, société Robionnaise de Bâtiment Industriel et AIF à verser à la société Bascans Équipements International la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du NCPC, outre les entiers dépens des deux procédures jointes, ..."

Aux termes d'uniques écritures, ici tenues pour expressément reprises, déposées et notifiées le 5 décembre 2007, la SA Norisko demande à la cour de :

- Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a conclu à la mise hors de cause de la Société Norisko Équipements ;

Y ajoutant, à titre principal,

- Dire et juger que la société Basequip est mal fondée à rechercher la responsabilité contractuelle de la société Norisko

- Débouter la société Basequip de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions

À titre subsidiaire,

- Dire et juger que les opérations d'expertise de Monsieur Mone ont été conduites hors du contradictoire de la société Norisko

- Dire et juger que les sociétés SLM et Basequip disposaient de toutes les initiatives procédurales pour mettre en cause la société Norisko et l'inviter à faire valoir ses observations dans le cadre des opérations de Monsieur Mone

- Dire et juger que l'inaction ou la malignité des sociétés SLM et Basequip ont directement causé un préjudice à la société Norisko qui n'a pu apporter la contradiction à l'Expert Mone notamment en ce qui concerne les opérations de vérification périodique qui ont été débattues par l'expert et les investigations qui n'ont pas été menées sur le matériel litigieux,

- Dire et juger que le rapport d'expertise de Monsieur Mone est inopposable à la société Norisko

- Débouter la société Basequip ou toute autre partie de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions en ce qu'elles s'appuient sur les conclusions de l'Expert judiciaire

À titre plus subsidiaire :

- Dire et juger qu'il n'appartient pas à la société Norisko d'assumer les conséquences de l'absence de vérification initiale et périodique postérieurement au mois de février 2000,

- Dire et juger que rien ne permet d'établir que la microfissure ayant concourue (concouru) à l'accident était présente et visible le jour du contrôle réalisé en février 2002 par Norisko,

- Dire et juger que la preuve d'une faute commise par la société Norisko n'a pas été rapportée,

- Dire et juger que sa responsabilité n'est pas engagée dans le cadre de cette affaire,

- Débouter la société Basequip de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Condamner la société Basequip, ou toute autre partie succombante, au paiement d'une somme de 5 000,00 euro en application des dispositions de l'article 700 du NCPC,

- Condamner la Société Languedocienne de Montage, ou toute autre partie succombante, au paiement d'une somme de 6 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du NCPC,

- Condamner les mêmes aux entiers dépens, ..."

Aux termes d'uniques écritures, ici tenues pour expressément reprises, déposées et notifiées le 2 novembre 2007 et seules retenues par la cour pour les motifs qui suivront, la SARL Robionnaise de Bâtiment Industriel (SRBI) demande à la cour de :

Confirmer ce dont est appel pour être exécuté selon ses forme et teneur ;

Condamner la société Bascans Équipements International (Basequip INT) à payer à la concluante la somme de 2 000 euro en vertu de l'article 700 du NCPC.

Condamner la société Bascans Équipements International (Basequip INT) aux entiers dépens, ...

La SARL Robionnaise de Bâtiment Industriel (SRBI), qui durant l'instruction de l'affaire n'avait conclu que de manière sommaire à la confirmation du jugement entrepris ainsi qu'il a été rapporté ci-dessus, a développé, notifié et déposé des écritures récapitulatives le 10 mars 2008 alors que la clôture de l'instruction de l'affaire avait été prononcée le 4 mars.

Par conclusions de procédure des 14 et 18 mars 2008 la SARL Bascans Équipements International et la SARL Languedocienne de Montage ont respectivement demandé que ces écritures tardives soient déclarées irrecevables et, comme telles, écartées des débats.

Motifs de la décision

Sur la procédure

L'appel principal et l'appel provoqué ont été joints à la diligence du conseiller de la mise en état.

Intimée sur appel provoqué du 28 avril 2006 et dûment invitée à se constituer et à conclure, la SARL Robionnaise de Bâtiment Industriel qui avait, à l'instar des autres parties, été préavisée dès le 10 octobre 2007 que la clôture de l'instruction de l'affaire interviendrait le 4 mars 2008, a tardé à notifier et déposer ses écritures récapitulatives alors pourtant que les moyens et arguments des parties étaient connus depuis la première instance. En application des dispositions de l'article 783 du Code de procédure civile ses écritures tardives du 10 mars 2008 ne sont pas recevables et seront écartées des débats.

Au fond, sur la responsabilité

Il a été satisfait au bref délai d'action imposé par l'article 1648 du Code civil dans sa rédaction alors applicable à la cause dès lors que la connaissance certaine du vice caché ne résulte pour la demanderesse que de l'expertise judiciaire et que les tractations précontentieuses qui ont eu lieu entre les parties à l'issue de l'expertise amiable du 13 décembre 2000 qui en avait découvert les indices ont précédé d'une durée raisonnable la demande de mesure d'instruction avant tout procès.

Surabondamment, la modification de l'article 1648 sus visé opérée par voie d'ordonnance le 17 février 2005 transpose en droit interne la directive européenne 1999/44/CE qui emporte désormais ouverture du délai d'action pour vice caché durant un délai préfix de deux ans et prévoit l'harmonisation des législations des états-membres au plus tard le 1er janvier 2002. Le juge national étant tenu d'interpréter le droit interne à la lumière de la directive européenne tant qu'elle n'était pas transposée, il en résulte de plus fort que la société Languedocienne de Montage a agi dans le délai utile.

Alors que la grue autoportée a été facturée par la société Basequip sans mention de réserve ni restriction d'emploi aucune et précise "passée au contrôle AIF", ce qui signifie que l'engin est prêt à l'utilisation, la venderesse ne peut soutenir que la vente, dans le dernier état de la commune intention des parties qui l'a concrétisée, portait sur du matériel destiné à la récupération de pièces détachées, quand bien même leur contact initial aurait été pris pour ça.

Vainement et malicieusement invoque-t-elle aussi (pages 10 et 11 de ses écritures) les dispositions de l'article R. 233-77 du Code du travail alors même que c'est à elle qu'il incombait, en application de cet article, de remettre un certificat de conformité à l'acquéreur, appelé "preneur" par ce texte qui concerne divers modes de transmission de biens d'équipement. En l'absence de document indépendant de la facture, celle-ci, qui mentionne l'existence d'une opération de contrôle et n'indique ni restriction ni réserve, doit donc être considérée comme faisant office de certificat de conformité au sens de l'article sus-visé.

La société Basequip, vendeur professionnel, qui, ainsi qu'il a déjà été répété, n'a assorti la vente de l'engin d'aucune réserve ni restriction d'emploi ainsi qu'en fait foi sa facture, est mal fondée à imputer à faute à l'acquéreur, fut-il professionnel de l'emploi de l'engin vendu, la transgression d'une limite de charge de 1 360 kilogrammes de masse, résultant, selon elle, du rapport de vérification d'AIF, alors pourtant qu'il ne résulte pas de la rubrique "conditions d'essai" de ce rapport que la charge d'essai disponible ait été d'une masse inférieure à la charge de référence de sorte qu'il ne révèle pas, à première lecture, de limitations de charge inférieures aux données d'emploi du constructeur de l'engin ni la nécessité d'essais préalables à son utilisation, la limite théorique de charge à 1 360 kilogrammes retenue par l'expert en page 12 de son rapport en suite de l'essai d'AIF procédant d'un calcul extrapolé par coefficients à partir d'une marge réglementaire de sécurité de 33 %. L'expert ayant quoi qu'il en soit écarté (page 9 du même rapport) qu'une surcharge ait été cause du sinistre et démontré que celui-ci procédait d'une fissuration progressive du métal (page 11), l'argument d'un dépassement de la capacité de charge vérifiée par AIF, à le supposer fondé, demeure inopérant.

En l'état des constatations de l'expert, la société Basequip, qui procède par affirmations, ne démontre en rien que le conducteur de la grue n'ait pas été qualifié pour cette tâche ni qu'il ait commis des erreurs dans la conduite de l'engin alors, d'une part, que l'absence de déformation des éléments de charpente permet d'écarter l'hypothèse d'un choc de ceux-ci contre le caisson de flèche de l'engin (expertise page 10) et que, d'autre part, l'engin a été utilisé dans les limites de l'abaque du constructeur indiquant les rapports entre les hauteurs de flèche, les portées et les charges (commentaires des dires par l'expert, page C).

La fatigue progressive du métal à l'origine de la destruction du caisson de flèche de l'engin évoluant par microfissures non décelables autrement que par des investigations en laboratoire, le vice affectant l'engin vendu a donc bien le caractère d'un vice caché dont le vendeur professionnel est garant selon l'article 1641 du Code civil.

La société Languedocienne de Montage est donc fondée à obtenir la résolution de la vente aux torts de la société Basequip.

Au fond, sur l'action récursoire

Professionnel de l'achat et de la revente de matériel de travaux publics la société Basequip ne démontre pas que la société Robionnaise de Bâtiment Industriel connaissait le vice caché affectant l'engin qu'elle lui a vendu et le lui aurait dissimulé. Elle n'a donc pas de recours à son encontre, la cour relevant surabondamment pour la moralité des débats que la Société Basequip a acquis l'engin d'occasion le 1er août 2000 de la société Robionnaise de Bâtiment Industriel au prix HT de 20 000 francs pour le revendre 55 000 francs HT le 18 du même mois sans que des contrôles ou des travaux de remise en état ne soient évoqués, générant ainsi une marge bénéficiaire de 175 %.

Le bureau de contrôle n'était réglementairement tenu d'effectuer l'essai qu'avec la charge disponible lors de celui-ci. Ainsi que le relève l'expert (page 13 de son rapport), l'essai en charge s'est déroulé dans des conditions de contrainte de 80 % de surcharge par rapport à l'abaque. La seule configuration qui permettrait à la société Basequip de rechercher la garantie de l'organisme de contrôle n'est donc pas, au contraire de ce que cette société soutient (page 20 de ses écritures), le fait d'avoir pratiqué un essai avec une charge limitée mais au contraire un excès de contrainte en charge susceptible d'avoir initié ou aggravé la fissuration de fatigue du métal. Mais une telle conséquence n'est pas démontrée car seules des investigations en laboratoire, approfondies et onéreuses, auraient pu en apporter la démonstration éventuelle. L'action récursoire de la société Basequip contre l'organisme de contrôle n'est donc pas fondée.

Au fond, sur le préjudice

L'assureur MMA Iard, aux droits d'Azur Assurances, justifie par quittances avoir indemnisé la société Languedocienne de Montage à concurrence de 37 877 francs soit 5 774,31 euro pour les dégâts causés à la charpente et avoir directement pris en charge les frais d'expertise judiciaire à concurrence de 6 860,21 euro (total des montants des reçus délivrés par le greffe qu'elle verse aux débats). Ces sommes lui seront donc allouées et mises à la charge de la société Basequip.

La société Languedocienne de Montage ayant opté pour l'action rédhibitoire restituera la grue à la société Basequip qui supportera les frais de transport et rendra le prix soit 10 028,10 euro TTC, la TVA récupérée par l'acheteur devant être reversée par celui-ci au fisc en conséquence de la résolution de la vente. L'option pour l'action rédhibitoire ne permet pas à la société Languedocienne de Montage de prétendre, au surplus, à l'indemnisation des frais de réparation de la grue.

Au titre des préjudices directs, l'expert a retenu avec pertinence (page 14 et suivantes de son rapport) les sommes de 4 500 francs, 3 200 francs et 14 000 francs au titre de la remise en état du chantier (location de matériel et main d'œuvre) ainsi que la somme de 1 750 francs au titre du gardiennage de l'engin accidenté, soit en tout 23 450 francs ou 3 574,93 euro. Cette somme sera allouée à la société Languedocienne de Montage en réparation de ces postes de préjudice.

Au titre des préjudices indirects l'expert a évalué sans insuffisance ni excès la perte de marge brute d'autofinancement à la somme de 37 000 francs et celle de 34 400 francs au titre du crédit bancaire finançant la grue soit en tout 71 400 francs ou 10 884, 86 euro. Le montant de 7 466,41 euro sollicité par la société Languedocienne de Montage lui sera donc alloué.

La société Languedocienne de Montage sollicite en outre la somme de 11 054,08 euro au titre des frais de transport ainsi que des frais liés au remplacement des éléments détruits de la charpente. Sur ces postes qui ont été, soit indemnisés, soit pris en charge par l'assureur, elle ne peut prétendre qu'à l'indemnisation de la franchise de 3 373 francs soit 514,21 euro qu'elle a personnellement supportée.

Au titre des conséquences du sinistre provoqué par le vice caché du matériel vendu, la société Basequip est donc redevable envers la société Languedocienne de Montage de la somme totale de 3 574,93 + 7 466,41 + 514,21 = 11 555,55 euro.

Succombant pour le tout, la société Basequip supportera les dépens de première instance et d'appel. Il est par surcroît conforme à l'équité de lui impartir le versement d'une indemnité compensant à concurrence de 3 000 euro les frais irrépétibles du procès exposés par la société Languedocienne de Montage et à concurrence de 2 000 euro par la société Robionnaise de Bâtiment Industriel. L'équité n'appelle pas d'autres indemnisations sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement en matière commerciale et en dernier ressort, Infirme la décision entreprise et, statuant à nouveau, Déclare recevable et fondée l'action rédhibitoire exercée par la SARL Languedocienne de Montage à l'encontre de la SARL Bascans Équipements International dite Basequip Intl ; Dit que la SARL Languedocienne de Montage qui a opté pour l'action rédhibitoire restituera la grue à la SARL Bascans Équipements International, laquelle supportera les frais de transport et rendra le prix, soit la somme de 10 028,10 euro TTC ; Condamne en outre la SARL Bascans Équipements International à payer à la SARL Languedocienne de Montage la somme de 11 555,55 euro et à la société MMA Iard aux droits de la compagnie Azur Assurances celles de 5 774,31 euro au titre des indemnités servies à la victime du dommage et de 6 860,21 euro en remboursement des frais d'expertise judiciaire ; Déboute la SARL Bascans Équipements International de ses actions en garantie à l'encontre de la SA Norisko et de la SARL Robionnaise de Bâtiment Industriel dite SRBI ; Condamne la SARL Bascans Équipements International à payer à la SARL Languedocienne de Montage la somme de 3 000 euro en compensation des frais irrépétibles du procès et à la SARL Robionnaise de Bâtiment Industriel dite SRBI celle de 2 000 euro pour la même cause ; Rejette toute autre demande ; Condamne la SARL Bascans Équipements International aux dépens dont la distraction est autorisée, s'il échet, au profit des SCP d'avoués Maynard-Simoni, Jourdan & Wattecamps et Blanc, Amsellem-Mimran & Cherfils pour la part dont elles auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.