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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 9, 27 mai 2010, n° 08-11666

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Werle

Défendeur :

Réseau clubs Bouygues Télécom (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bonnan-Garçon

Conseillers :

Mmes Pierrard, Regniez

Avoués :

SCP Roblin-Chaix de Lavarene, SCP Taze-Bernard-Belfayol-Broquet

Avocat :

Me Welitz

TI Paris, du 15 mai 2008

15 mai 2008

Vu l'appel interjeté par Monsieur Bernard Werle d'un jugement rendu par le juge de proximité du Tribunal d'instance de Paris 16ème qui l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions de l'appelant en date du 9 mars 2010 par lesquelles il prie la cour d'infirmer la décision entreprise, de prononcer la résolution de la vente, de condamner la société Réseau Clubs Bouygues Télécom (ci-après RCBT) à lui rembourser son achat de 99 euro, à lui verser la somme de 150 euro à titre de dommages et intérêts pour une journée de travail perdue, celle de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et de la condamner à faire paraître à ses frais, une semaine durant, l'arrêt dans deux quotidiens nationaux à grand tirage ;

Vu les conclusions de la société RCBT en date du 4 mars 2010 par lesquelles elle demande à la cour de confirmer la décision, de débouter Monsieur Werle de toutes ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 2 000 euro au titre des frais irrépétibles.

Sur ce, la cour :

Considérant que Monsieur Werle a acquis le 17 novembre 2007 un "terminal Samsung S720i I-Mode Cerrone" pour le prix de 99 euro dans une boutique succursale de la société RCBT, appareil téléphonique portable équipé de fonctions multimédias dont la vidéo ;

Considérant que Monsieur Werle a constaté une défectuosité dans le fonctionnement de la vidéo, et est retourné le 19 novembre 2007 dans le magasin où après recherches il lui a été indiqué qu'aucun échange n'était possible, le stock des appareils en magasin présentant, après essai, le même défaut ; qu'il a demandé la résolution de la vente mais que cela lui a été refusé ;

Considérant que malgré des démarches auprès du service clientèle, aucune réponse positive ne lui a été donnée ; que c'est dans ces circonstances qu'il a assigné devant le juge de proximité la société RCBT ;

Considérant que le premier juge a rejeté les demandes formées par Monsieur Werle au motif qu'il ne rapportait pas la preuve suffisante de la défectuosité de l'appareil et de sa nature et que notamment une "simple annotation manuscrite apposée sur la copie du contrat ne peut constituer un élément de preuve" ;

Considérant que Monsieur Werle soutient, au contraire, apporter de nombreux éléments de nature à prouver que l'appareil vendu était défectueux, du fait du mauvais fonctionnement de la vidéo, qui s'arrête de manière aléatoire, sans que des ordres soient donnés :

- la mention "mobile défectueux" figurant sur le contrat, apposée par la vendeuse le 19 novembre 2007,

- le rapport effectué par le SAV de Samsung le 24 juin 2009,

- les caractéristiques techniques, argumentaires de vente, qui mettent en valeur l'existence sur ce mobile d'une caméra vidéo numérique,

- la notice du produit qui fait mention du contrôle sur le démarrage et sur la durée de la vidéo ;

Qu'il soutient essentiellement qu'il s'agit de vices cachés dont le vendeur doit garantie et qu'il est, dès lors, fondé à demander la résolution de la vente sur le fondement de l'article 1641 du Code civil ; qu'à tout le moins la résolution doit également être prononcée faute pour le vendeur d'avoir respecté l'obligation de délivrance conforme du produit, par application des articles 1603 et 1604 du Code civil ; qu'enfin, la résolution peut également être prononcée en application des articles L. 211-1 et suivants du Code de la consommation qui prévoient une présomption de préexistence du vice caché pour tout défaut apparaissant dans les 6 mois de la vente, que dans ce cas l'acheteur est dispensé d'apporter la preuve de la préexistence du défaut qu'il allègue ;

Qu'il fait valoir qu'il est également fondé à demander paiement de dommages et intérêts par application de l'article 1645 du Code civil, son interlocuteur étant un vendeur professionnel;

Considérant que la société RCBT s'oppose aux divers moyens soutenus par Monsieur Werle; qu'elle expose que :

- les conditions de mise en œuvre de la garantie légale des vices cachés ne sont pas réunies dès lors que les dysfonctionnements invoqués par Monsieur Werle ne sont pas établis, que le caractère rédhibitoire du prétendu vice ne l'est pas davantage, la fonction vidéo n'étant pas une qualité première et essentielle du bien et qu'un défaut affectant cette fonction n'empêche pas l'usage normal du téléphone,

- elle a rempli son obligation de délivrance, dès lors que l'objet du contrat porte sur un appareil "Sam S72i Cerrone" et que nulle part n'apparaît mention des qualités attendues par Monsieur Werle,

- les conditions de mise en œuvre de la garantie légale de conformité des articles L. 211-1 et suivants du Code de la consommation ne sont nullement réunies ;

Considérant, cela exposé, que Monsieur Werle se plaint, non pas d'une durée limitée de l'enregistrement, mais de l'interruption aléatoire de l'enregistrement vidéo alors que selon les notices produites avec l'appareil, il est spécifié que cette interruption intervient sur impulsion donnée par celui qui tourne la vidéo ;

Considérant qu'il ressort des documents versés aux débats que, contrairement à ce qu'a dit le premier juge qui n'avait pas tous les éléments portés à la connaissance de la cour, la réalité des défectuosités mises en évidence par Monsieur Werle est établie ; qu'en effet, il est précisé, par le service après vente de la société Samsung, fabricant de l'appareil en cause, dans son rapport technique du 24 juin 2009 qu'en "mode vidéo, le téléphone coupe tout seul l'enregistrement, alors que la mémoire n'est pas pleine. Pannes constatées aux tests au comptoir à trois reprises"; que la société RCBT ne peut être suivie dans son argumentation selon laquelle ce rapport ne serait pas pertinent car son auteur n'est pas identifiable, alors que la technicienne est identifiable dans les services du SAV le prénom de Claire G. ayant été indiqué sur le rapport; qu'il ne peut davantage être reproché à Monsieur Werle la date de ce rapport dans la mesure où il a estimé, au vu du jugement, qu'il lui était nécessaire de compléter par d'autres éléments objectifs la réalité de ses affirmations ; que ce document corrobore les premières constatations relevées par la vendeuse du magasin dans lequel Monsieur Werle avait acquis l'appareil, le 19 novembre 2007 ;

Considérant qu'ainsi, Monsieur Werle fait la preuve de ce que l'appareil de téléphone présentait des défauts dans sa fonction vidéo ;

Considérant que selon la société RCBT, de tels défauts ne sauraient constituer des vices cachés dès lors qu'ils n'affectent pas les qualités premières et essentielles du bien et qu'ils n'empêchent pas l'usage normal du produit ; qu'une diminution d'agrément ne constitue pas un vice caché ; que la fonction essentielle du produit en cause consiste dans la téléphonie, qu'il permet par des options d'écouter de la musique, de prendre des photos ou de tourner des vidéos de courte durée mais que ces options ne sont que subsidiaires à sa fonction première de téléphonie ;

Mais considérant que si un téléphone mobile a comme qualité première son usage de téléphone, les options qui l'accompagnent et qui sont un des éléments déterminants du choix de l'acquéreur ne sont pas seulement des fonctions d'agrément ; que certes, l'acquéreur ne peut exiger, au moins en l'état de la technique, une qualité de l'image ou du son semblable à celle qu'il peut obtenir par d'autres produits spécifiques ; qu'en l'espèce, le défaut dont se plaint Monsieur Werle ne consiste pas dans la qualité de la vidéo mais dans un mauvais fonctionnement de la vidéo qui s'arrête de manière intempestive, sans commande ; qu'il s'agit, tout comme la fonction de téléphonie, d'une fonction essentielle du produit ; que dans ces conditions, s'il avait eu connaissance de l'existence de ce défaut, le consommateur aurait été dissuadé d'acquérir le produit ; qu'il s'agit bien d'un vice caché au sens de l'article 1641 du Code civil -le défaut rendant le produit impropre à l'usage auquel il est destiné- dont le vendeur doit garantie ; que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il avait rejeté la demande de Monsieur Werle qui est bien fondé à demander la résolution de la vente et restitution du prix d'achat soit la somme de 99 euro ;

Considérant qu'il ne saurait être fait droit à la demande de dommages et intérêts ; qu'en effet, Monsieur Werle soutient avoir perdu une journée de travail en pure perte, en allant le 19 novembre 2007 dans le magasin pour échanger le produit défectueux, mais ne donne aucun justificatif en ce sens ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de publication, n'étant pas davantage démontré que le défaut en question porterait sur l'ensemble d'un stock de produit et qu'il serait nécessaire de porter cette information à la connaissance des consommateurs ;

Considérant que l'équité commande d'allouer à Monsieur Werle la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement ; Statuant à nouveau ; Prononce la résolution de la vente en date du 17 novembre 2007 ; Condamne la société Réseau Clubs Bouygues Télécom (RCBT) à payer à Monsieur Werle la somme de 99 euro en remboursement du prix de vente et celle de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette toutes autres demandes ; Condamne la société RCBT aux dépens de première instance et d'appel ; Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.