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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 2 septembre 2010, n° 09-03122

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Bostik (Groupe Total) (SA)

Défendeur :

Theetten (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Maron

Conseillers :

Mmes Brylinski, Beauvois

Avoués :

SCP Gas, SCP Keime Guttin Jarry

Avocats :

Mes Netter-Adler, Schrimpf

T. com. Nanterre, du 20 mars 2009

20 mars 2009

Faits et procédure

La société Bostik, filiale de la société Total, a pour activité la fabrication de colles.

L'activité de la société Applications Adhésives de l'Artois, ci-après désignée 3A, consiste à fabriquer des pochettes en plastique auto-adhésives qui sont collées sur les colis pour y placer les documents de transport, bons de livraison, factures, etc.

Les deux sociétés sont entrées en relations commerciales à compter de l'année 1999. Au cours de l'année 2003, la société Bostik a fabriqué et vendu à la société 3A une nouvelle colle référencée H 8000.

Au cours de l'année 2004, la société Bostik a mis au point une nouvelle formule de colle dénommée TLH 4119 E, à un prix moindre.

Aux dires de la société 3A, à partir du mois de novembre 2004 et pendant les trois premiers mois de l'année 2005, celle-ci a dû faire face aux réclamations puis au retour permanent de pochettes adhésives de ses clients qui se plaignaient de la non adhésion des pochettes sur les colis.

La société 3A, déclarant avoir dû faire face à plus de 13 124 000 produits ne donnant pas satisfaction et retournés - toutes dimensions confondues - par ses clients, a assigné à bref délai par acte introductif d'instance en date du 28 avril 2005 la société Bostik devant le Tribunal de commerce de Nanterre pour la voir condamner au paiement provisionnel d'une somme de 250 000 euro en réparation de son préjudice.

Par jugement en date du 1er juin 2006, le tribunal a désigné M. Claude Lion avec mission notamment d'examiner les désordres et d'en déterminer l'origine, de fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction de déterminer les responsabilités encourues et d'évaluer l'ensemble des préjudices subis.

L'expert a déposé son rapport au greffe le 25 mars 2008.

Entre-temps, par jugement date du 27 juillet 2005, le Tribunal de grande instance de Béthune a prononcé l'ouverture d'une procédure simplifiée de redressement judiciaire à l'encontre de la société 3A et nommé Me Theetten, en qualité de représentant des créanciers et le 21 octobre 2005, Me Bondroit en qualité d'administrateur judiciaire.

Par jugement en date du 19 juillet 2007, le Tribunal de commerce de Béthune a arrêté un plan de continuation sur une durée de 10 ans et désigné Me Bondroit en qualité de commissaire exécution du plan.

Par jugement date du 17 avril 2009, le Tribunal de commerce d'Arras a prononcé la liquidation judiciaire de la société 3A, nommant Me Theetten mandataire liquidateur.

Après dépôt du rapport de l'expert, par jugement rendu le 20 mars 2009, le Tribunal de commerce de Nanterre a dit que la responsabilité des désordres est partagée et qu'elle incombe à 70 % la société Bostik et à 30 % à la société 3A, a convoqué les parties à l'audience du juge rapporteur du 22 mai 2009 pour que soient examinés les préjudices et autres demandes, allégués par les parties, dit réservés les droits, moyens et dépens.

La société Bostik a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions récapitulatives signifiées le 11 mars 2010, la société Bostik demande à la cour d'infirmer purement et simplement le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Nanterre, et statuant à nouveau, de

- constater que la cause des désordres n'a pu être déterminée par l'expert,

- constater que Me Theetten ès qualités ne rapporte la preuve ni d'un quelconque préjudice ni de ce que la société Bostik n'aurait pas exécuté ses obligations contractuelles de bonne foi ni d'un quelconque lien de causalité,

- en conséquence, débouter Me Theetten ès qualités de toutes ses demandes,

- reconventionnellement, fixer la créance de la société Bostik au passif de la société 3A à la somme de 58 590,56 euro avec intérêts de droit à compter de la date d'émission des factures et à la somme de 30 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- mettre à la charge de Me Theetten ès qualités les entiers dépens en ce compris les frais d'expertise.

Par conclusions signifiées le 17 mai 2010, Me Theetten pris en qualité de liquidateur de la société 3A demande à la cour d'infirmer le jugement du tribunal de commerce et statuant à nouveau, de :

- dire que la société Bostik a manqué à ses obligations d'information, de conseil et de résultats à l'égard de la société 3A,

- dire qu'elle est seule et unique responsable des désordres subis par cette dernière,

- en conséquence, condamner la société Bostik à lui payer la somme de 1 485 000 euro à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation et capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du Code civil,

- débouter la société Bostik de toutes ses demandes,

- condamner la société Bostik à lui payer la somme de 55 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise.

La société Bostik appelante, rappelant le déroulement des opérations d'expertise et les conclusions de l'expertise ainsi que les circonstances qui ont conduit l'expert à mettre fin à ses investigations, fait valoir en premier lieu que c'est bien 3A qui a demandé un changement de la colle TLH 8000 et non pas Bostik qui l'aurait imposé, comme cela est encore soutenu par 3A.

Du rapport d'expertise, la société Bostik met en exergue les éléments suivants :

- la société 3A n'avait aucune traçabilité de la fabrication de ses produits,

- le modus operandi de l'expert n'est pas contesté, elle n'a mis aucun obstacle au déroulement de l'expertise et a produit l'ensemble des pièces qui lui ont été demandées, elle a conservé les échantillons et c'est la société 3A qui n'a pas voulu poursuivre les investigations,

- lors de la première campagne de prélèvements statistiques effectués par l'expert selon les normes en vigueur, il n'a été mis en évidence aucune pochette défectueuse et la plupart des pochettes ne contenaient pas de colle TLH 4119E, le phénomène restait donc inexpliqué,

- la deuxième campagne d'analyses portant sur des pochettes retournées n'a permis de déterminer ni la cause des désordres ni leur ampleur, ni en conséquence de dégager les responsabilités encourues.

La société Bostik soutient que la colle en cause ne présente aucun défaut ainsi que cela résulte des analyses très poussées qui ont été effectuées par l'expert.

Elle a rempli les obligations qui lui incombaient.

S'agissant de son obligation d'information et de conseil, la société 3A ne peut pas lui reprocher de ne pas avoir rempli cette obligation en n'ayant pas attiré son attention sur le grammage requis et en n'ayant pas remis le compte rendu de visite effectué le 9 septembre 2004 alors même que la fiche technique connue de 3A dès l'origine précisait que le grammage devait se situer entre 21 et 25 grs/m2.

Par ailleurs, force est de constater que le produit fini a été validé par 3A qui est dès lors très mal venue de lui reprocher d'avoir fait ses propres tests de validité en laboratoire sur de l'inox alors que d'une part cela relève de la procédure usuelle de conformité (produit à propriété invariable) et d'autre part que 3A a pu tester et valider son produit sur du carton lors des essais préalables en septembre 2004.

Il appartenait à 3A de valider son produit fini avec ses propres clients.

3A est un professionnel et non pas un particulier et à ce titre, elle connaît les composantes et réactions des produits qu'elle utilise, le comportement de son matériel et elle ne peut pas ignorer les règles de l'art.

En vertu de l'article 1603 du Code civil et suivants, les fabricants ont l'obligation de délivrer une chose conforme aux stipulations contractuelles.

L'obligation contractuelle de Bostik était de livrer une colle conforme, c'est-à-dire exempte de tout défaut, et répondant aux spécifications : propriétés adhésives (ou - "performances") "comparables" à celles de la colle H 8000 (et non pas "identiques").

La preuve n'est pas rapportée que Bostik n'aurait pas rempli ses obligations contractuelles et que la colle serait défectueuse. En conséquence, les demandes non fondées doivent être rejetées.

L'expert a constaté que 40 à 60 % des enveloppes examinées n'étaient pas fabriquées avec la colle incriminée ce qui réduit le périmètre du litige. En réalité, il y en a seulement 28 % selon les résultats de la première campagne (2 sur 7 échantillons), et parmi les enveloppes collées avec la colle en cause, toutes collaient lors des premiers prélèvements et la moitié collaient lors des seconds. Il a également constaté des mélanges de colles. Il a relevé l'absence de traçabilité chez 3A et affirme dans sa conclusion générale qu' "il y a tellement de variables que l'on peut passer des années avant de trouver les raisons des désordres."

Les premiers juges ne pouvaient pas alors qu'ils ont écrit qu'il n'a pas été explicitement démontré que la colle fournie était défectueuse procéder à un partage de responsabilité en faisant incomber 70 % des désordres à Bostik.

En l'absence de responsabilité de Bostik d'une part et de lien de causalité entre les désordres et les préjudices invoqués d'autre part, les chiffres exorbitants avancés par 3A tant au titre du préjudice direct que du préjudice indirect (qui n'a pas été examiné par l'expert, alors que cela rentrait dans sa mission), ne peuvent pas être retenus.

Les désordres n'ont pu qu'avancer la situation de redressement judiciaire, la dégradation de la situation de 3A et le risque sérieux de défaillance préexistant à ces désordres.

A ce jour, les factures impayées par la société 3A s'élèvent à la somme de 58 590,56 euro TTC.

En réponse, Me Theetten ès qualités rappelle que les deux sociétés sont entrées en relations commerciales à compter de l'année 1999, Bostik fournissant à 3A à compter de l'année 2001 un type de colle référencé H 2345.1, censé être adapté aux pochettes adhésives fabriquées par la société 3A.

Après essais et mises au point successifs de la part de Bostik, celle-ci a fabriqué et vendu à 3A à compter du mois de juin 2002 une colle référencée H 8508. Des problèmes de fluage sont cependant très vite apparus sur ce type de colle lors de la découpe.

Des essais ont été entrepris qui ont abouti à la fabrication et à la vente, à compter de l'année 2003, d'une colle référencée H 8000, donnant pleinement satisfaction à la différence des précédentes formules.

Cependant, Bostik a entendu augmenter le prix de cette colle et 3A ayant indiqué son intention de cesser de se fournir auprès d'elle a proposé de mettre au point une nouvelle colle dont les performances seraient équivalentes à un prix inférieur. En contrepartie, Bostik a demandé l'exclusivité d'approvisionnement, ce qui a été convenu.

A partir d'octobre 2004, Bostik est devenu le seul fournisseur.

A partir du mois de novembre 2004 et pendant les trois premiers mois de l'année 2005, la société 3A a dû faire face aux réclamations puis aux retours permanents de pochettes adhésives de ses clients, qui se plaignaient de la non adhésion des pochettes sur les colis.

Suite aux réclamations et retours massifs émanant de sa clientèle, la société 3A a du consentir des avoirs auxquels s'est ajoutée la prise en charge de coûts divers.

Elle a par ailleurs dû procéder à la refabrication des pochettes défectueuses, en utilisant de nouveau la colle concurrente National fournie par le passé, qui n'a engendré aucun problème de qualité.

L'intimé reprend le déroulement des opérations d'expertise et compte tenu de la conclusion claire de l'expert selon laquelle " sans connaître la connexité entre les faibles différences physico-chimiques dans les analyses spectroscopiques des colles et la non-adhérence des étiquettes, il s'avère qu'avec un grammage correct et la colle TLH 4119 E, les étiquettes analysées ne donne guère satisfaction ", demande à la cour d'infirmer la décision du tribunal de commerce en ce qu'il a jugé " qu'il n'a pas été explicitement démontré que la colle TLH 4119 E fournie pendant cette période par la société Bostik était défectueuse ".

L'intimé soutient que Bostik a fait preuve de mauvaise foi tout au long de l'expertise, a opposé un manque flagrant de collaboration et a dissimulé volontairement des informations et des pièces.

Bostik, seul et unique professionnel dans la fabrication de colle dans le cadre du présent litige, a incontestablement manqué à ses obligations d'information et de conseil à l'égard de la société 3A.

La société Bostik a conçu et vendu la colle TLH 4119 E en certifiant à la société 3A que celle-ci avait des performances comparables à la colle référencée H 8000.

Or, la société 3A n'a jamais reçu de la part de la société Bostik des éléments de comparaison entre les compositions et performances de la colle H 8000 et de la colle TLH 4119 E.

La société Bostik reconnaît avoir développé de son propre chef et spécifiquement pour la société 3A une colle destinée à la fabrication de pochettes adhésives sans s'assurer au préalable, comme elle s'y est obligée en sa qualité de professionnel de la fabrication de colle, de l'adhésion satisfaisante de la colle TLH 4119 E sur le carton, support d'application usuel de la pochette adhésive fabriquée par son client.

Par ailleurs, la société Bostik n'a communiqué le compte rendu de la visite effectuée le 9 septembre 2004 dans les locaux de la société qu'au mois d'avril 2005 comme l'a au demeurant reconnu la société Bostik lors de la première réunion d'expertise en date du 24 octobre 2006.

La société Bostik a donc incontestablement manqué à ses obligations d'information et de conseil à l'égard de la société 3A en omettant de lui fournir des informations qu'elle considère par la suite comme essentielles sur la colle TLH 4115 et en procédant à des essais et des tests d'homologation 'internes - aux conclusions erronées ou à tout le moins contestables.

Il est donc demandé à la cour d'appel de dire et juger que la société Bostik, en sa qualité de professionnel dans la fabrication de colle, a manqué à ses obligations d'information et de conseil à l'égard de la société 3A.

La société Bostik avait pour obligation de résultat de fournir à la société 3A une colle ayant des performances comparables à la colle référencée H 8000, utilisée précédemment par la société 3A, et ce pour un prix inférieur.

Cette obligation de résultat inclut la conception et la confection de la colle, les défauts de conception étant compris dans le champ d'application de la garantie légale des vices cachés prévue par l'article 1641 du Code civil.

Il ressort clairement des analyses réalisées par l'expert que la société Bostik a proposé, mis au point et vendu un produit, la colle TLH 4119 E, dont les performances adhésives étaient variables et en tous cas insuffisantes, la colle pouvant de façon aléatoire selon les lots donner satisfaction avec un grammage considéré comme insuffisant par la société Bostik, et ne pas donner satisfaction avec un grammage considéré comme suffisant par cette dernière.

Il s'avère qu'en réalité, le process de fabrication et de mise au point de la colle TLH 4115 E a été élaboré au fur et à mesure des livraisons à la société 3A, qui a en quelque sorte servi de cobaye à cette mise au point.

La colle livrée aux mois d'octobre à décembre 2004/janvier 2005 n'était pas stabilisée et/ou constante dans son process de fabrication et/ou dans sa composition, ce dont s'est bien gardé d'avertir la société Bostik, alors qu'elle savait que la société 3A avait cessé de s'approvisionner auprès de la société National.

Dès lors qu'elle sera parvenue à stabiliser ce process et/ou la composition, la société Bostik augmentera brutalement et dans une proportion considérable le prix de vente de la colle H 4119 E annulant ainsi l'intérêt même de l'opération, tout en ayant réussi entre temps à évincer l'autre fournisseur habituel de la société 3A, la société National.

En conséquence, la société Bostik a manqué à son obligation de résultat en mettant au point puis en vendant à la société 3A une nouvelle colle moins performante que la colle H 8000 et en tous cas inapte à son utilisation au sens de l'article 1641 du Code civil.

Il résulte d'une jurisprudence aussi constante qu'abondante que le vice caché est nécessairement démontré dès lors que les causes étrangères possibles et les éventuelles mauvaises utilisations ont été exclues. L'expertise a révélé qu'aucun de ces griefs et prétendues causes étrangères n'était fondé et en tous les cas ne pouvait expliquer le défaut d'adhérence de la colle.

L'expert a résumé sa position dans son courrier en date du 22 février 2008 adressé aux parties : " toutes les explications de Bostik pour expliquer les désordres ont systématiquement été éliminées par mes analyses et la journée d'essai du 6 février 2007 a validé le process avec cette même colle ".

Les graves problèmes d'adhésivité de la colle TLH 4119 E ont notamment engendré un bouleversement de la gestion commerciale de la société 3A ainsi que sa mise en redressement judiciaire suivant jugement en date du 27 juillet 2005.

Le préjudice total subi par la société 3A peut être chiffré à 1 485 000 euro H.T, hors les frais irrépétibles et les dépens.

En conséquence, il est demandé à la cour d'appel de condamner la société Bostik à payer à la société 3A la somme de 1 485 000 euro au titre des préjudices nés des manquements de la société Bostik à ses obligations de conseil et d'information, d'une part, et de résultat, d'autre part, à l'occasion des préconisations, mise au point et vente de la colle TLH 4119 E, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation.

La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 6 mai 2010. Cette ordonnance a été révoquée le 17 mai 2010 et l'affaire clôturée à nouveau à cette même date, les parties ne s'y étant pas opposées.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.

Sur ce, la cour :

Le vendeur professionnel fabricant a l'obligation de délivrer une chose conforme à celle qui a été convenue et de garantir les vices cachés de la chose.

Le vendeur professionnel, fabricant spécialiste, ne peut pas s'exonérer de la garantie des vices cachés en établissant qu'il ne les connaissait pas mais seulement en prouvant qu'ils proviennent d'une cause étrangère.

Il est tenu d'une obligation de résultat de délivrer une chose exempte de vice.

C'est donc au vendeur professionnel fabricant qu'il appartient, en présence de défauts cachés de la chose vendue, d'établir l'existence d'une cause étrangère.

En l'espèce, il est constant et établi par les pièces produites que la société Bostik a fourni en colle la société 3A à compter de 1999, que plusieurs colles différentes ont été mises au point et notamment à compter de 2003, une colle désignée TLH 8000 qui a donné entièrement satisfaction à la société 3A, qu'à compter de septembre 2004, la société Bostik a fabriqué une nouvelle colle TLH 4119 E qu'elle a livrée à la société 3A, qu' à compter de novembre 2004, la société 3A a informé la société Bostik des retours de la part de ses clients des pochettes fabriquées avec la colle TLH 4119 E au motif que celles-ci ne collaient pas.

Il ressort des éléments produits que 52 lots de colle représentant un poids de 26 292 kg ont été livrés par la société Bostik à la société 3A entre octobre 2004 et février 2005, période litigieuse correspondant aux pochettes renvoyées par les clients de la société 3A comme défectueuses.

La société 3A a déclaré avoir enduit avec la colle TLH 4119 E, 1 215 000 m2 ce qui représenterait 28 millions de pochettes adhésives fabriquées. Elle a précisé que les pochettes adhésives en litige en stock chez elle sont d'un peu plus de 13 millions.

Les opérations d'expertise menées par Monsieur Lion se sont déroulées en deux temps.

Dans un premier temps, l'expert en respectant les normes applicables a procédé à des prélèvements aléatoires d'échantillons lors de la réunion contradictoire du 24 octobre 2006 (6 échantillons de colle TLH 4119 E et 7 cartons de pochettes). Il a procédé à 5 réunions d'expertise.

Il a analysé ces échantillons et a conclu (compte-rendu de la réunion du 3 mai 2007) en analysant la colle extraite des pochettes, en UV aux trois longueurs d'onde du marqueur que la société Bostik a déclaré avoir mis dans sa colle pour identifier sa fabrication, que 40 à 60 % ne contenaient pas ce traceur ou avec des concentrations en traceur trop basses (mélange de colle).

Il a constaté qu'alors que la fiche technique fournie par la société Bostik préconise un grammage de colle situé entre 21-25 grs/m2, les évaluations effectuées sur les échantillons prélevés situent en majorité le grammage à un niveau inférieur à cette préconisation, mesures réalisées sur des dizaines de pochettes.

A côté de ce grammage inférieur à celui préconisé, d'autres problèmes ont été détectés lors des journées d'essais, notamment le 6 février 2007, journée au cours de laquelle l'expert a reproduit au sein des locaux de la société 3A le processus industriel de fabrication des pochettes en utilisant de la colle TLH 4119 E apportée par la société Bostik, mais même avec ces problèmes, l'expert a constaté les pochettes fabriquées avaient une tenue acceptable.

L'expert concluait donc que toutes ces pochettes prélevées dans l'entrepôt lors de la première réunion ont des coefficients d'arrachement qui les rendent acceptables pour un faible grammage de colle.

En juin 2007, le périmètre de l'expertise a été modifié et il a été demandé à l'expert de sélectionner un nombre représentatif d'enveloppes défectueuses et de les analyser pour déterminer si possible la ou les causes de ces désordres.

Dans ce second temps, l'expert a alors procédé le 16 octobre 2007 à une nouvelle campagne de prélèvements aléatoire et contradictoire de huit boîtes de pochettes parmi celles sélectionnées par la société 3A ayant une réponse UV positive au marqueur.

Il a constaté que sur les huit échantillons en question, deux ont un bon coefficient d'arrachement, deux ont un coefficient moyen alors que 4 ont des coefficients très insuffisants.

L'expert a ainsi exposé les résultats obtenus après avoir effectué sur ces échantillons les analyses décrites dans son rapport : " sans connaître la connexité entre les faibles différences physico-chimiques dans les analyses spectroscopiques des colles et la non-adhérence des étiquettes, il s'avère qu'avec un grammage correct et la colle TLH 4119 E, les étiquettes analysées ne donnent guère satisfaction.

Au dire récapitulatif de la société Bostik, l'expert a répondu le 19 mars 2008 :

" les vraies raisons de l'arrêt de l'expertise : vous remarquerez qu'après les prélèvements du 24 octobre 2006, effectués selon les normes sur 7 séries d'étiquettes, mes conclusions étaient claires - toutes les étiquettes même avec un grammage faible étaient acceptables. Il est vrai que la traçabilité sur l'origine des produits n'était pas évidente. Après le 21 juin 2007, toutes les investigations sont devenues plus difficiles.

Bostik qui avait pourtant affirmé ne plus posséder d'échantillons suite au déménagement, a retrouvé des produits en fin d'expertise et aurait toujours eu la possibilité en cas d'analyse défavorable de réfuter ses essais pour cause de péremption des produits. Je pense que vous auriez été la première à me le faire remarquer. Les poursuites des essais devenaient inutiles.

Alors que vous reprochiez tout au long de l'expertise le manque de traçabilité de 3 A, la vôtre dans l'échantillon-thèque n'était pas meilleur !

Concernant le phénomène et son ampleur. Je vous rejoins dans vos affirmations, et je ne comprends pas encore comment par un prélèvement aléatoire en aveugle, selon les normes, comment aucune enveloppe à désordre n'a pu être trouvée le 24 octobre 2006. Ce n'est que beaucoup plus tard que cela a été mis en évidence à l'Université de Lille (pièce 89).

Les causes des désordres.-Le spécialiste de la colle est Bostik et toutes les pistes soulevées ont été analysées par l'expert : mais il s'agissait toujours d'une cause extérieure à la société.

Jamais Bostik ne s'est mis en cause et constamment a brouillé les pistes en affirmant une chose et son contraire : cf Les échantillons puis le traceur qui spécifique et de ce fait confidentiel au départ ne l'était plus en fin d'expertise. Beaucoup de choses m'ont échappé concernant le comportement scientifique de Bostik : des enveloppes avec la TLH 4119 H avec un grammage correct ne collaient pas, vous avez mis en cause le process, le papier, le silicone, le PE, .....mais jamais ni votre formulation ni votre mélange.

Je trouve cela dommage dans la recherche de la vérité.

Je ne reviendrais pas sur l'homologation de la colle car nous en avons longtemps discuté mais je pense que quelque soit les tests effectués, cela ne paraît pas très sérieux de ne pas tester le produit sur une surface à laquelle il est destiné : même lors de la réunion du 21 juin 2007, Monsieur le Président s'est rendu compte du problème en arrachant une étiquette d'un vulgaire carton !

Je suppose qu'on aurait vu que les enveloppes à problème ne collaient pas sur une plaque d'inox si cette expérience avait été faite !

Les causes peuvent effectivement être multiples et multiparamétriques mais la journée du 6 février 2007 a clairement montré que le process, même s'il n'est pas optimisé donne avec TLH 4119 E des étiquettes collantes et satisfaisantes, il n'est pas en cause (s'il n'a pas changé).

Obligations contractuelles de Bostik. Bostik est spécialiste de la colle, le remplacement de TLH 8000 par TLH 4119 E était une opération " économique " pour aboutir à un produit de même performance et il n'est pas utile de jouer sur les mots " propriétés adhésives comparables et non identiques ". Je présume que 3A achetait de la colle " collante ", vous lui avez fourni un certificat de " machinabilité " à la suite de votre visite sur le site le 9 septembre 2004, et vous avez fourni le certificat d'homologation avec les erreurs que l'on connaît en fin d'expertise c'est à dire 4 ans plus tard !

Je n'ai jamais affirmé que tout était mauvais mais j'ai écrit " que des étiquettes enduites avec la colle TLH 4119 E (vérifié par Uv, Ir,RMN,masse) avec un grammage correct, ne donnait pas satisfaction.

Vous parlez de la traçabilité totalement absente chez 3A : en début d'expertise j'ai demandé si des échantillons de la colle de l'époque étaient encore disponibles chez Bostik : la réponse était clairement négative et les produits sont périmés. En fin d'expertise lors de ma visite sur le site de Ribécourt, j'ai posé la même question et tout à coup des échantillons sont apparus mais seulement de l'ordre de 300 - 400 grs. (Les analyses de ces échantillons auraient été rejetées puisque les produits ont une date de péremption d'un an, inutile d'investir énergie, moyens et temps dans ce cas et c'est la seule raison de l'arrêt de cette expertise).

Votre traçabilité n'est de ce fait pas exempte de critique : vous avez également affirmé qu'elle ne se trouvait que sur les emballages normalement jetés par l'utilisateur.

Je ne reviens pas sur la traçabilité des produits finis 3A où un simple contrôle du produit fini avec un carton, aurait permis de détecter le problème. "

L'expertise a donc permis d'établir la réalité des désordres dont se plaint la société 3A, à savoir des pochettes défectueuses car non adhésives fabriquées avec la colle TLH 4119 E, ce que la société Bostik elle-même ne conteste pas, même si elle discute l'ampleur du phénomène et sa responsabilité dans la défectuosité ainsi constatée.

Même à admettre comme le prétend la société Bostik que dans le courant de l'année 2004, ce soit la société 3A qui ait sollicité de cette dernière la mise au point d'une colle moins onéreuse que la colle TLH 8000, la société Bostik est une société, filiale d'un grand groupe pétrolier, spécialisée dans la fabrication de colle, ce que n'est pas la société 3A qui utilise un processus industriel tout à fait différent, ne requérant pas les mêmes connaissances et la mise en œuvre des mêmes procédés de fabrication.

En qualité de fabricant, vendeur spécialiste de la colle, la société Bostik avait l'obligation de vendre une colle exempte de vice, propre à l'usage auquel elle était destinée.

Or, compte tenu des relations commerciales établies depuis plusieurs années et des produits similaires que la société Bostik avait déjà mis au point pour la société 3A, des précédentes études réalisées au sein même de la société 3A lors des essais des nouvelles formules de colle, le cas échéant des difficultés rencontrées au cours de ces procédures de mises au point (pièces 1 à 21 de la société 3A), la société Bostik avait pour obligation de vendre à la société 3A une colle exempte de vice, dont l'usage auquel la société 3A la destinait, connu de la société Bostik, était d'enduire des pochettes fabriquées par la société 3A, devant être collées, en particulier sur un support carton.

Le compte-rendu de visite du 22 janvier 2001 (pièce 57 de 3A) démontre que la société Bostik avait précédemment admis, lors de la phase d'étude du produit chez son client, en vue de l'évaluation du collant en fonction des grammages déposés, que ces tests soient réalisés sur support carton en notant " en effet les tests normalisés AFERA se prêtent assez mal aux pelages de ce type de support peu résistant ".

La société Bostik était parfaitement informée non seulement de l'utilisation que la société 3A avait du produit vendu mais également du processus industriel de fabrication au sein de la société 3A puisque chacune des colles vendues à la société 3A a fait l'objet d'essais préalables de production dans les locaux de la société 3A, avec contrôle des résultats obtenus par la société Bostik. Il en a été ainsi notamment de la colle TLH 8000 en 2003 (pièces 15 à 20) et il n'est pas contesté que cette colle a donné satisfaction à la société 3A.

Les retours massifs que la société 3A a connus à compter de novembre 2004 de la part de ses clients et le motif invoqué par les clients de la société 3A de ces retours ont été justifiés en cours d'expertise.

Les analyses menées par l'expert, dont les résultats n'ont donné lieu à aucune critique, ont prouvé que des pochettes collées avec la colle TLH 4119 E ne donnaient pas satisfaction, c'est-à-dire n'étaient pas adhésives, même avec le grammage préconisé par la société Bostik.

Par ailleurs, il ressort des conclusions de l'expert et des réponses aux dires récapitulatifs des parties, d'une part des précisions apportées le 22 février 2008 à la société 3A, d'autre part des termes du courrier du 19 mars 2008 ci-dessus reproduits, que les opérations d'expertise ont permis d'éliminer systématiquement toutes les pistes évoquées par la société Bostik au cours de l'expertise comme lui étant extérieures.

Il a été notamment mis en évidence, alors que la société Bostik dans sa réponse à la société 3A de février 2005 incriminait en particulier le non respect du grammage minimum préconisé et qu'elle a à nouveau invoqué cette explication devant l'expert, que l'insuffisance de grammage n'était pas la cause des désordres puisque même avec le grammage conforme aux préconisations du vendeur, les pochettes ne sont pas satisfaisantes, étant relevé que des prochettes ont pu être, en revanche, satisfaisantes avec un grammage non conforme, ce qui démontre l'indifférence du grammage dans la survenance des désordres.

La société Bostik qui a procédé ou fait procéder de son côté à des analyses n'a apporté aucun résultat venant contredire ceux de l'expertise sur ce point, qu'elle n'a d'ailleurs pas contesté devant l'expert.

L'expertise a également validé le processus de fabrication de la société 3A dont il a été relevé qu'il était connu de la société Bostik et qu'il avait d'ailleurs été satisfaisant pour les précédentes colles fournies par celle-ci qui n'avaient pas donné lieu à réclamation.

L'expertise n'a pas décelé de modification apportée dans ses procédés de fabrication par la société 3A.

De son côté, la société Bostik qui a pourtant réalisé les tests avec la société 3A pour la colle TLH 4119 E, comme elle l'avait fait pour ses précédents produits, ainsi que cela ressort des deux comptes-rendus relatifs aux visites de septembre et décembre 2004, n'a à aucun moment relevé à cette occasion une mise en œuvre différente de celle précédemment utilisée par la société 3A, s'étant bornée à invoquer, lorsque la société 3A s'est plainte des réclamations de ses clients, l'insuffisance de grammage dont il a été établi qu'il n'était pas à l'origine des désordres.

Dans le dire adressé à l'expert repris pour l'essentiel dans ses écritures devant la cour, la société Bostik soutient que la cause des désordres n'est pas déterminée et évoque plusieurs causes probables, prétend que les hypothèses qu'elle formule permettent de conclure qu'il n'y a pas une cause unique et que les causes se seraient produites après la livraison de la colle chez 3A.

Cependant, l'expertise a éliminé toutes les causes avancées par la société Bostik prétendument imputables à la société 3A.

Même si la cause pour laquelle la colle s'est montrée défectueuse est demeurée inconnue (défauts de conception ou de confection par exemple), ainsi que l'expert l'a observé en indiquant "qu'il y a tellement de variables que l'on peut passer quelques années avant de trouver les raisons des désordres", ayant été écartées systématiquement les autres sources possibles de désordres, extérieures à la société Bostik et qui auraient été imputables à la société 3A, il ressort de l'ensemble de l'expertise et des pièces produites que le vice était nécessairement inhérent à la colle et la rendait impropre à l'usage auquel elle était destinée.

Or, la société Bostik manque à établir, ce qui lui incombe, l'existence d'une cause étrangère pouvant l'exonérer de sa responsabilité de vendeur professionnel.

A titre liminaire, elle invoque en vain les motifs pour lesquels la société 3A aurait souhaité mettre fin à l'expertise. L'expert a répondu sur ce point, outre les termes déjà reproduits dans son courrier du 19 mars 2008, au dire de la société 3A : " J'ai demandé le dépôt du rapport en l'état car, d'une part cela n'a pas de sens d'analyser 15 échantillons sur 50 ,dont on ne disposait d'autre part que d'un échantillon de 300 - 400 g maximum. Le travail d'analyse énorme sur des produits dont on m'aurait de toute façon affirmé que les échantillons sont périmés puisque datant de 2004 (date de péremption un an après fabrication) n'aurait fait qu'augmenter l'investissement temps et dépense avec des résultats toujours contestables. "

C'est la société Bostik qui a "retrouvé" en fin d'expertise des échantillons de colle qu'elle avait déclaré ne pas avoir et elle ne peut nullement attribuer à la société 3A un comportement au cours de l'expertise qui serait de nature à vicier les résultats obtenus par l'expert.

Ensuite, il sera observé que la société 3A n'a jamais prétendu que tous les lots de colle livrés étaient défectueux. Bien au contraire, elle a mentionné que seule une partie des produits était défectueux et elle a fait valoir devant l'expert que même parmi les pochettes retournées par ses clients, certaines allaient nécessairement être adhésives puisque la colle TLH 4119 E n'avait pas été systématiquement défaillante mais de façon aléatoire selon les lots livrés. En effet, il est vraisemblable, comme elle a fait observer, que dès qu'un de ses clients avait identifié un problème d'adhésion sur les pochettes qui lui avait été livrées, par précaution il renvoyait la totalité des pochettes adhésives.

La circonstance qu'il y ait des enveloppes collantes parmi celles prélevées le 24 octobre 2006 puis le 16 octobre 2007 par l'expert ne suffit pas à écarter la réalité des désordres, ni à exclure que la colle TLH 4119 E soit la cause de ces désordres.

Certes, dans les 13 124 000 pochettes retournées, sur lesquels la société 3A a, suivant le contrôle qu'elle en a fait de façon non contradictoire, affirmé que 11 673 000 contenaient le traceur de la colle Bostik, l'expert, en analysant la colle extraite des pochettes, a pu considérer que 40 à 60 % ne contenaient pas ce traceur ou en contenaient une concentration trop basse (mélange de colles).

Toutefois, l'expert a également admis qu'il ne connaissait pas le comportement de ce traceur stocké dans la colle des pochettes pendant plus de deux années dans les conditions de stockage décrites, dans un entrepôt humide et froid.

Les éléments versés aux débats par la société 3A ont établi qu'à compter du 8 octobre 2004 et jusqu'au 2 février 2005, celle-ci ne s'est pas approvisionnée auprès d'un autre fournisseur que la société Bostik, période pendant laquelle la société Bostik elle-même situe la livraison des lots litigieux de la colle TLH 4119 E.

Par ailleurs, si la société Bostik a donné le nom d'autres utilisateurs de la colle TLH 4119 (sa pièce 15) qui, selon elle, en seraient satisfaits, il s'agit d'utilisateurs en 2006 et elle ne dément pas que pendant la période litigieuse, la société 3A était son seul client pour la colle TLH 4119 E.

En réponse au dire récapitulatif de la société 3A, l'expert a d'ailleurs confirmé le 22 février 2008 que la colle TLH 4119 E était un " prototype " puisque le seul client était 3 A, qu'elle avait été fabriquée pour 3 A en remplacement de la TLH 8000 et à un coût moindre, but de cette fabrication.

Ainsi et compte tenu du volume des pochettes fabriquées par la société 3A pendant la période litigieuse, le fait qu'il n'ait été retrouvé dans 40 à 60 % seulement des pochettes retournées le traceur spécifique ne constitue pas une cause étrangère pouvant exonérer la société Bostik de toute responsabilité, mais seulement une question qui pourrait être débattue au sujet de l'indemnisation du préjudice subi par la société 3A.

Les constatations et les conclusions de l'expert, les quantités de colle fabriquées par la société Bostik et les dates de livraison à la société 3A sur la période considérée, lesquelles se sont échelonnées sur trois à quatre mois, le caractère de prototype de cette colle, l'exclusivité de fournisseur dont la société Bostik a de fait bénéficié auprès de la société 3A sur cette période et la concomitance des retours des clients de la société 3A, ainsi que l'absence de tout litige antérieur de la société 3A avec la société Bostik, sont autant d'éléments qui concordent à établir que l'essentiel des 13 millions de pochettes adhésives retournées, défectueuses ou non, sur cette période, ont été, à défaut de pouvoir prouver qu'elles l'ont toutes été, fabriquées en utilisant la colle TLH 4119 E.

Le défaut de traçage des produits de la société 3A ainsi que l'absence de contrôle de qualité des produits finis ne peuvent pas exonérer la société Bostik de la garantie des vices cachés alors qu'ils sont sans lien avec la fabrication et la vente de la colle défectueuse par cette dernière.

Il n'y avait pas de traçage des produits de la société 3A et pas de contrôle de qualité, y compris lors de l'utilisation de la colle TLH 8000, et la société Bostik ne prétend pas avoir émis de réserve à ce sujet.

Encore peut-on relever que s'agissant de la traçabilité des 52 lots de colle livrés par la société Bostik, ces indications étaient portées par le vendeur sur les emballages de la colle livrée que la société 3A ne conservait pas, et ne figuraient pas sur les documents (bons de livraison ou factures) transmis à la société 3A.

Il faut enfin observer, comme l'a fait l'expert, que la société Bostik n'a fourni un certificat d'homologation de la colle TLH 4119 E, comportant des erreurs grossières, qu'en fin d'expertise, c'est à dire 4 ans plus tard, et qu'elle n'a pas testé le produit fabriqué sur le support habituel d'adhésion de la pochette fabriquée par son client mais qu'elle prétend l'avoir fait sur une surface inox.

Or, elle avait elle-même reconnu lors des essais effectués pour de précédents produits que l'adhésion devait être testée sur un support carton et en sa qualité de fabricant professionnel de colle, elle avait envers son client, sur ce point, un devoir d'information et de conseil renforcé justifié par la circonstance que que la colle qu'elle lui fournissait était un prototype.

Contrairement à ce que soutient la société Bostik, le compte-rendu de la visite du 9 septembre 2004 au cours duquel des essais de fabrication ont été effectuées avec la colle TLH 4119 E dans les locaux de la société 3A, ne vaut, ainsi que l'expert l'a écrit, que " certificat de machinabilité ".

Il ne constitue pas de la part de la société 3A, laquelle n'est pas un professionnel de la colle, la preuve de ce qu'elle aurait pu se convaincre elle-même du vice et la société 3A n'a pas validé la colle fabriquée par la société Bostik.

Ainsi, la société Bostik, ne s'exonère d'aucune façon de la garantie des défauts cachés de la chose vendue et en sa qualité de fabricant et vendeur professionnel tenu de connaître les vices de la chose, elle doit, en application de l'article 1645 du Code civil, réparation à la société 3A de l'intégralité du préjudice provoqué par le vice affectant la chose vendue.

Le jugement devra donc être infirmé.

Le jugement frappé d'appel n'a pas statué sur l'indemnisation du préjudice subi par la société 3A et les autres demandes, notamment en fixation de la créance de la société Bostik au passif de la société 3A qui ont été réservées ainsi que les dépens.

L'instance reste pendante sur tous ces points devant les premiers juges devant lesquels elle se poursuivra.

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile

Les dépens du présent appel seront à la charge de la société Bostik.

L'équité commande de condamner la société Bostik à payer à Me Theetten ès qualités une indemnité de 10 000 euro au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit les responsabilités partagées. Statuant à nouveau, Dit que la société Bostik doit réparation à la société 3A de l'intégralité du préjudice provoqué par le vice affectant la colle TLH 4119 E qu'elle lui a vendue. Condamne la société Bostik aux dépens d'appel. Admet la SCP Keime Guttin Jarry, avoués, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. Condamne la société Bostik à payer à Me Theetten en qualité de liquidateur de la société 3A une indemnité de 10 000 euro au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. La déboute de sa demande au même titre.