CA Lyon, 8e ch. civ., 7 septembre 2010, n° 09-02421
LYON
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Nicolosi & Fils (SARL)
Défendeur :
Thermique Professionnelle Loire (SARL), Serac (SA), Sapin (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Chauve
Conseiller :
M. Consigny
Avoués :
SCP Brondel-Tudela, SCP Aguiraud-Nouvellet, SCP Ligier de Mauroy-Ligier
Avocats :
Mes Descout, Insalaco, Liotard
Vice-président :
M. Laroque
Faits-procédure et prétentions des parties
Au cours du mois d'octobre 2006, la société Nicolosi & Fils a procédé à l'installation d'une chaudière à bois de marque Perge Type MCA 40 kw au domicile des époux Jouanjan.
Cette installation a été facturée pour un montant de 12 146,75 euro, dont les époux Jouanjan se sont acquittés.
Dès sa mise en service, la chaudière a fait l'objet de dysfonctionnements récurrents qui ont perduré malgré les multiples interventions des techniciens de la société Perge, le remplacement de certains de ses composants puis de l'intégralité de sa partie basse et enfin de la chaudière elle-même.
De nouvelles pannes ont continué à se produire sur la nouvelle chaudière.
L'expert judiciaire, commis par une ordonnance du juge des référés du Tribunal de grande instance de Montbrison en date du 20 février 2008, a déposé son rapport le 20 novembre suivant.
Après y avoir été autorisés par une ordonnance de Madame la présidente du Tribunal de grande instance de Montbrison en date du 21 janvier 2009, les époux Jouanjan ont assigné à jour fixe l'installateur, le distributeur et le fabricant de la chaudière, à savoir respectivement la société Nicolosi &Fils, la société Thermique Professionnelle Loire (STP Loire) et la société Perge devant le Tribunal de grande instance de Montbrison aux fins de voir condamner :
- la société Nicolosi & Fils à leur rembourser la somme de 12 705,37 euro, outre les intérêts au taux légal y afférents,
- les sociétés Nicolosi & Fils, STP Loire et Perge solidairement à leur payer les sommes de 5 000,00 euro à titre de dommages et intérêts au titre de l'ensemble des préjudices de jouissance subis et de 5 000,00 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par un jugement du 27 mars 2009, le tribunal a condamné la société Nicolosi & Fils à payer aux époux Jouanjan les sommes de 12 705,37 euro en remboursement de la facture acquittée, de 5 000,00 euro en réparation de leur préjudice, outre les intérêts au taux légal y afférents et de 4 000,00 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et a débouté celle-ci de sa demande tendant à voir condamner les sociétés STP Loire et Perge à la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre.
La société Nicolosi a interjeté appel de cette décision le 15 avril 2009, uniquement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes à l'encontre de ces deux dernières sociétés.
Elle demande à la cour de dire que la société STP Loire, la société Perge devenue Serac, Maîtres Sapin et Madonna ès-qualités seront condamnés à la relever et garantir de l'intégralité des sommes qu'elle a réglées au titre de l'exécution provisoire prononcée par le jugement entrepris, et de les condamner à lui payer les sommes de :
- 12 705,37 euro en remboursement de la somme versée et correspondant au montant des condamnations principales,
- 5 000,00 euro en remboursement de la somme versée à titre de dommages et intérêts,
- 4 000,00 euro en remboursement de la somme versée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
outre les intérêts au taux légal y afférents à compter de la date de règlement des condamnations,
et de les condamner in solidum, au paiement de la somme de 3 000,00 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle indique ne pas contester la présomption de responsabilité qui lui a été appliquée en vertu des articles 1792 et suivants du Code civil mais tient à rappeler qu'elle a procédé à l'installation de la chaudière litigieuse sur la base des études préalables effectuées par son fournisseur, la société STP Loire, et après que le choix de celle-ci ait été effectué sur la base de ces mêmes études par le fabricant, la société Perge, dont le technicien a effectué sa mise en service.
Elle indique que son mode de pose, que personne n'a incriminé, n'est pas à l'origine des désordres et que les différentes interventions et changements de pièces effectués par la société Perge démontrent l'existence des vices cachés intrinsèques à la chaudière; que si l'expert n'en a pas expressément mentionné l'existence, la lecture de son rapport ne permet pas une autre interprétation en ce qu'il fait état des multiples anomalies ou fragilités de composants relevées sur ce type de chaudière, de la redéfinition du cahier des charges ainsi que des changements de fournisseurs qui en ont résulté et de l'inadaptation de certaines des pièces changées par la société Perge lors de ses interventions, telles que notamment le brûleur.
Elle s'estime donc fondée à soutenir que la responsabilité de la société Perge et celle de la société STP Loire, en sa qualité de vendeur, doivent être retenues à titre principal sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil et précise que cette dernière ne peut contester sa responsabilité au motif que l'installation a été modifiée, alors que les désordres initiaux sont avérés et qu'elle a été systématiquement informée des pannes constatées et associée aux multiples interventions de la société Perge.
Elle expose subsidiairement que la responsabilité des intimées peut être retenue sur le fondement de l'article 1147 du Code civil en raison de leurs manquements aux obligations de conseil technique et d'assistance dont elles étaient respectivement débitrices à son égard, en qualité de simple installateur.
A titre très subsidiaire, elle fait valoir que la société Perge, qui s'est comportée en maître d'œuvre ainsi qu'en entrepreneur à l'occasion de ses multiples interventions, pour aboutir à une installation différente de celle livrée initialement, mais toujours défectueuse, a engagé sa responsabilité quasi délictuelle à son égard.
La société STP Loire conclut à sa mise hors de cause et sollicite, subsidiairement, la condamnation de la société Perge, de Maître Sapin ès-qualités et de Madonna ès-qualités, à la relever et garantir de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre.
Elle sollicite en tout état de cause, la condamnation de la société Nicolosi & Fils, ou de qui mieux le devra, à lui payer la somme de 2 000,00 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle fait valoir que sa responsabilité ne peut être retenue sur quelque fondement que ce soit dans la mesure où l'examen de l'expert a porté sur une installation différente de celle livrée initialement, ceci en raison des multiples interventions des sociétés Nicolosi & Fils et Perge, et qu'aucune faute ne lui a été imputée par ce dernier qui n'a pas caractérisé précisément la cause des désordres ni imputé ceux-ci à une défaillance du matériel ou à un défaut de conception de l'installation.
Elle indique n'avoir eu qu'un rôle d'intermédiaire et fait valoir qu'aucun manquement ne lui est imputé à ce titre puisque l'expert n'a constaté aucune inadaptation du système de chauffage aux besoins exprimés par les époux Jouanjan.
La société Chaudières Perge a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ouverte par jugement du Tribunal de commerce de Romans sur Isère en date du 10 août 2009.
Par un jugement de cette même juridiction en date du 5 mai 2010, cette société, nouvellement dénommée société Serac, a été déclarée en liquidation judiciaire.
Assigné par un exploit d'huissier du 25 mai 2010, Maître François Madonna, son mandataire liquidateur, n'a pas constitué avoué.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 mai 2010.
Discussion :
Attendu que l'action en garantie des vices cachés se transmet avec la chose vendue au sous-acquéreur et que le vendeur intermédiaire conserve la faculté de l'exercer dès lors qu'elle présente pour lui un intérêt direct et certain,
Attendu qu'en l'espèce, la société Nicolosi & Fils qui a été condamnée à réparer les conséquences des vices de la chaudière, est donc fondée à se prévaloir du bénéfice de cette garantie à l'encontre de son fournisseur, la société STP Loire et du fabricant, la société Serac,
Attendu que les pannes récurrentes de la chaudière sont survenues dès le début de son utilisation, sans que l'expert n'identifie précisément, parmi les causes de celles-ci, une erreur de la société Nicolosi dans la mise en œuvre de l'installation,
Attendu que les différentes interventions de la société Chaudières Perge, devenue société Serac, puis le changement de la chaudière par cette dernière, n'ont pas remédié aux dysfonctionnements de celle-ci,
Attendu que l'impossibilité dans laquelle cette dernière s'est trouvée de remédier à ces dysfonctionnements, démontre l'existence de vices cachés intrinsèques à la chaudière et l'impropriété de celle-ci à l'usage auquel elle était destinée, l'expert ayant d'ailleurs indiqué que le service qualité de la société Perge avait décelé, au fur et à mesure de ses interventions chez différents clients, un certain nombre d'anomalies ou de fragilités sur certains composants de ses chaudières dont il avait résulté une redéfinition des cahiers des charges voire des changements de fournisseurs pour avoir des produits plus fiables,
Qu'il ressort de ces éléments que la chaudière était affectée de vices cachés dès sa fabrication et que ceux-ci étaient indécelables par la société Nicolosi,
Attendu par ailleurs que le vendeur professionnel est tenu de réparer l'intégralité du préjudice subi par l'acquéreur,
Qu'il convient en conséquence de déclarer fondée la demande de la société Nicolosi & Fils tendant à être relevée et garantie de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre, par son fournisseur et le fabricant, à savoir la société STP Loire et Maître Madonna, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Serac,
Qu'il convient en conséquence de condamner la société STP Loire à la relever et garantir de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre et de fixer sa créance à la liquidation judiciaire de la société Serac au montant global de celles-ci,
Attendu que sur ce même fondement, le principe de l'appel en garantie de la société STP Loire à l'encontre de Maître Madonna, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Serac, doit être retenu,
Qu'il convient de fixer le montant de la créance de cette dernière à la liquidation judiciaire de la société Serac au montant global des condamnations pour lesquelles sa garantie est due à l'égard de la société Nicolosi,
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la société Nicolosi & Fils la charge de l'intégralité de ses frais irrépétibles,
Qu'il convient en conséquence de condamner in solidum la société STP Loire et Maître Madonna, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Serac, à lui payer la somme de 1 200,00 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Attendu que la demande formulée de ce même chef par la société STP Loire est fondée à l'égard de Maître Madonna, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Serac, lequel sera donc condamné à lui payer la somme de 1 000,00 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Montbrison le 27 mars 2009 en ce qu'il a condamné la société Nicolosi & Fils à verser aux époux Jouanjan les sommes de : 12 705,37 euro correspondant au montant de la facture acquittée, 5 000,00 euro en réparation de leur préjudice, outre les intérêts au taux légal y afférents, 4 000,00 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens, L'infirme en ce qu'il a débouté la société Nicolosi & Fils de sa demande tendant à voir condamner la société Thermique Professionnelle Loire et la société Perge à la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre et statuant à nouveau : Condamne la société Thermique Professionnelle Loire à payer à la société Nicolosi & Fils les sommes suivantes : 12 705,37 euro en remboursement de la somme versée et correspondant au montant des condamnations principales, 5 000,00 euro en remboursement de la somme versée à titre de dommages et intérêts, 4 000,00 euro en remboursement de la somme versée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les intérêts au taux légal y afférents à compter de la date de règlement des condamnations, Fixe le montant de la créance de la société Nicolosi & Fils à la liquidation judiciaire de la société Serac aux sommes de : 12 705,37 euro en remboursement de la somme versée et correspondant au montant des condamnations principales, 5 000,00 euro en remboursement de la somme versée à titre de dommages et intérêts, 4 000,00 euro en remboursement de la somme versée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les intérêts au taux légal y afférents à compter de la date de règlement des condamnations, Fixe le montant de la créance de la société STP Loire à la liquidation judiciaire de la société Serac à ces mêmes sommes, Y ajoutant, Condamne Maître Madonna, ès-qualités de mandataire de la société Serac à payer à la société Nicolosi & Fils la somme de 1 200,00 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Le condamne à payer à la société STP Loire la somme de 1 000,00 euro de ce même chef, Le condamne au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant distraits au profit des avoués de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.