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Décisions

CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 3 janvier 2011, n° 09-05347

TOULOUSE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

European Trade (SAS), Rodenas & Rivera (Sté)

Défendeur :

Damiani, De Courtise (EARL), Bhm Julien (SCEA), Vitivista Arcalis (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Milhet

Conseillers :

MM. Fourniel, Belieres

Avoués :

SCP Dessart-Sorel-Dessart, SCP B. Chateau, Me de Lamy, SCP Boyer Lescat Merle

Avocats :

Mes Vaillant, Sans, SCP Massol, SCP Cambriel, Gourinchas, De Malafosse, Stremoouhoff

TGI Montauban, du 29 sept 2009

29 septembre 2009

Exposé des faits et procédure

De 2003 à 2005 M. Jean-François Damiani, l'EARL de Courtise, la SCEA Bhm Julien se sont portés acquéreurs de filets paragrêle Tisse Cristal 3 x 7 50 g/m2 destinés à la protection de leurs vergers auprès de la SAS Vitivista Arcalis qui s'est elle-même approvisionnée auprès de la SAS European Trade exploitant sous l'enseigne Emis France, laquelle s'est fournie auprès du fabricant espagnol, la SA Rodenas y Rivera.

Par lettre recommandée avec accusé de réception des 5 et 6 décembre 2005 ils se sont plaints auprès de leur vendeur de ce que ces filets montraient des signes d'usure prématurée avec déchirure.

Par acte du 14 février 2008 ils ont fait assigner la SAS Vitivista Arcalis devant le Tribunal de grande instance de Montauban en garantie des vices cachés et indemnisation, au vu du rapport d'expertise déposé le 2 janvier 2008 par M. Rodolausse désigné par ordonnances de référé du 22 mars 2007 et du 18 juin 2007 en présence de toutes les parties.

Par acte du 11 mars 2008 le vendeur a appelé en cause son propre fournisseur la SAS European Trade puis par acte du 18 avril 2008 ce dernier a lui-même appelé en cause le fabricant la SA Rodenas y Rivera.

Par jugement du 7 mars 2006 assorti de l'exécution provisoire le tribunal a :

- condamné la SAS Vitivista Arcalis à payer à :

* M. Damiani la somme de 4 159,50 euro HT

* l'EARL de Courtise la somme de 5 823,30 euro HT

* la SCEA Bhm Julien la somme de 23 566,07 euro HT

- dit que ces sommes seront augmentées de la TVA sur présentation du justificatif fiscal de ce qu'elle n'est pas récupérable et assorties des intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- condamné la SAS European Trade à relever et garantir la SAS Vitivista Arcalis des condamnations prononcées contre elle,

- condamné la SA Rodenas y Rivera à relever et garantir la SAS European Trade des condamnations prononcées contre elle,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la SAS Vitivista Arcalis à payer :

* 600 euro à M. Damiani

* 600 euro à l'EARL de Courtise

* 1 300 euro à la SCEA Bhm Julien

sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la SAS European Trade à payer à la SAS Vitivista Arcalis la somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la SA Rodenas y Rivera à payer à la SAS European Trade la somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dit que les frais éventuels d'exécution forcée par l'intermédiaire d'un huissier à l'encontre de la société Rodenas y Rivera se feront aux frais de la société Rodenans et Rivera,

- condamné la société Rodenas et Rivera aux entiers dépens de l'instance.

Par actes du 2 novembre 2009 enregistré au greffe sous le numéro 09/05347 et du 18 janvier 2010 enrôlé sous le numéro 10/00247, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la SAS European Trade et la SA Rodenas y Rivera ont respectivement interjeté appel général de cette décision.

Par ordonnance du magistrat de la mise en état du 11 février 2010 la jonction de ces deux instances a été prononcée.

Moyens des parties

La SAS European Trade demande dans ses conclusions du 25 octobre 2010 de :

- infirmer le jugement sur le montant des indemnités allouées,

- dire que le préjudice des arboriculteurs s'établit comme suit : 2 495,70 euro HT pour M. Damiani, 3 493,98 euro HT pour l'EARL de Courtise 14 515,66 euro pour la SCEA Bhm Julien,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SA Rodenas y Rivera à la relever et garantir de toute condamnation mise à sa charge,

- condamner toute partie succombante à lui payer la somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner tout succombant aux entiers dépens.

Elle explique qu'en sa qualité d'importateur en France de filets pare-grêle elle a commandé auprès de la société de droit espagnol la SA Rodenas y Rivera, fabricant, des produits composés à 100 % de polyéthène vierge haute densité stabilisé aux UV, spécifications expressément précisées dans le bon de commande qui fait également référence à la fiche technique EMIS n° B 40 qui indique que la composition doit être à 100 % PE HD stabilisé aux UV.

Elle précise que le rapport d'expertise judiciaire permet de constater que les fils composant le filet, appelés chaîne ou trame selon qu'ils sont tissés verticalement ou horizontalement n'étaient pas conformes à la spécification de l'acquéreur puisque sur 18 fils seuls 2 répondaient à une stabilisation UV S3 tel que exigé, 6 étaient classés en S2 stabilisation non conforme et 10 en S1 stabilisation non seulement très nettement insuffisante mais également non conforme, la composition en polyéthène réclamé à 100 % vierge haute densité n'ayant jamais été retrouvée sur les trames mais par contre un mélange polyéthylène/polypropylène ayant été découvert sur 13 fils sur 18.

Elle en déduit que le défaut de conformité du produit livré par rapport au produit commandé est caractérisé, cette qualification excluant nécessairement celle de vice caché.

Elle affirme que c'est la dissemblance entre la composition des filets commandés soit par l'importateur soit par les arboriculteurs et la composition des filets livrés qui est la source de leur incapacité à remplir leur usage et en déduit que la qualification de vice caché retenue par le premier juge est erronée.

Elle fait remarquer que les arboriculteurs n'ont exercé aucune des voies ouvertes entre l'action en résolution ou en exécution forcée de l'article 1184 alinéa 2 du Code civil ou l'action résolutoire ou estimatoire de l'article 1644 du Code civil mais ont agi uniquement en dommages et intérêts.

Elle indique qu'à la date du jugement les filets étaient toujours en place et remplissaient leur objet, que les arboriculteurs n'avaient jamais présenté de réclamation pour une dégradation des fruits devant être protégés par la grêle de sorte que le dommage ne peut être égal au coût de remplacement des filets mais doit être limité à la compensation de la réduction d'usage liée aux caractéristiques du produit et ne peut donc excéder le montant fixé par l'expert judiciaire qui déduit l'amortissement des années écoulées.

Elle soutient que la SA Rodenas y Rivera ne peut s'exonérer de toute obligation contractuelle à son égard dès lors que le rapport d'expertise a parfaitement respecté le principe du contradictoire puisque les investigations du sapiteur ont été portées à la connaissance de chacune des parties qui ont pu en débattre au cours des opérations d'expertise où ce fabricant était présent assisté de ses techniciens ingénieurs et que cette société ne tire d'ailleurs aucune conséquence de ce grief allégué.

Elle fait valoir que, quelle que soit la qualification de la relation contractuelle, vente ou contrat d'entreprise, le fabricant doit relever et garantir l'importateur dès lors que son produit est à l'origine de l'insatisfaction finale par l'agriculteur/acquéreur.

Elle précise qu'elle ne détient aucun brevet mais exploitait à l'époque celui de la société Texinov pour les produits fournis par cette même société de sorte qu'il n'existe aucun rapport ni commercial ni judiciaire, ni de cause à effet avec l'utilisation de produits fournis par la SA Rodenas y Rivera d'autant que l'expert judiciaire exclut que le système de pose puisse être à l'origine du désordre.

La SA Rodenas y Rivera demande dans ses conclusions du 4 octobre 2010 de :

- déclarer la SAS European Trade irrecevable en son appel en garantie envers elle pour absence de qualification en droit de son action au visa de l'article 56 du Code de procédure civile,

Si la cour s'estimait insuffisamment informée,

- ordonner une mesure d'expertise en vue de déterminer les conditions de vente entre elle-même et la SAS European Trade, analyser les filets litigieux et dire s'ils étaient conformes à la commande

Subsidiairement,

- débouter la SAS European Trade de son appel en cause et en garantie, la seule cause des désordres constatés étant de son fait par le système de pose des filets dont elle a le brevet et l'exclusivité

Plus subsidiairement, si la cour devait la tenir pour une infime partie responsable des désordres,

- dire que M. Damiani, l'EARL de Courtise, la SCEA Bhm Julien n'ayant subi aucun préjudice ne justifient pas de leur demande en dommages et intérêts,

- condamner la SAS European Trade à lui payer une indemnité de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Elle fait grief à la SAS European de ne pas avoir précisé le fondement juridique de son recours, en violation des dispositions de l'article 56 du Code de procédure civile ce qui le rend irrecevable.

Elle soutient n'être qu'un exécutant dans le cadre d'un contrat d'entreprise souscrit avec la SAS European Trade, donneur d'ordre, qui lui a confié la réalisation de produits selon ses propres préconisations et selon un processus défini par elle suivant fiche technique décrivant la chaîne, la trame des filets, le nombre de mailles, le poids au m2 ainsi qu'il résulte de très nombreux courriers versés aux débats, sans l'avoir sollicitée à un quelconque moment à titre de conseil sur leur utilisation ou leur mise en œuvre.

Elle affirme que la cause de la rupture des fils composant les filets, s'agissant des fils de trame et non de chaîne, résulte des concentrations des produits phytosanitaires en zone de renfort des goulottes par gravité et de moindre tension des filets et explique que le système de mise en place avec goulottes et agrafes préconisé par la SAS European Trade engendre obligatoirement une réception dans les filets de produits phytosanitaires lors de leur projection sur les arbres puisque les filets pendent à mi-hauteur alors que dans les autres systèmes ils sont tendus au-dessus des faîtes des arbres et souligne que c'est uniquement à ce niveau là qu'existe une rupture du fil de trame.

Elle en déduit que ce n'est pas le fil du filet qui est en cause mais simplement la méthode de pose, brevetée par la SAS European Trade, le nombre important et varié de traitements phytosanitaires étant susceptible d'annihiler l'activité stabilisante UV des additifs Hals.

Elle ajoute que la fragilisation peut également venir de la qualité des eaux d'irrigation et de l'effet catalytique des matériaux composant les agrafes non fournies ni fabriquées par elle.

Elle en conclut que c'est "dans la conception de l'utilisation du filet qui n'a pas été réalisée en conformité avec sa destination que se trouve le vice."

Elle conteste toute non conformité des matériaux à la commande et notamment l'absence de stabilisation des fils à 100 % en UV aux motifs que l'analyse en laboratoire a été faite en dehors de toute contradiction et que ce seuil ne peut pas être atteint en l'état des techniques actuelles et nie formellement que les fils employés puissent être des fils de récupération, ce qui peut, au besoin, être vérifié par une nouvelle mesure d'expertise en vue de déterminer si les filets étaient conformes à la commande.

Elle exige sa mise hors de cause et subsidiairement dénonce l'absence de tout préjudice dès lors que les filets ont rempli leur fonction même à l'occasion de fortes précipitations de grêle.

La SAS Vitivista Arcalis sollicite dans ses conclusions du 1er juin 2010 de

- confirmer le jugement en ce qu'elle a condamné la SAS European Trade à la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre à titre principal au profit de M. Damiani, l'EARL de Courtise, la SCEA Bhm Julien,

- le réformer en ce que son dispositif laisse entendre qu'elle ne pourrait être relevée indemne des condamnations au titre des frais irrépétibles,

- condamner la SAS European Trade à la relever et garantir des condamnations prononcées de ce chef à son encontre au profit de M. Damiani, l'EARL de Courtise, la SCEA Bhm Julien,

- lui allouer la somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.

Elle estime que la cause des désordres réside dans un vice caché dont elle n'est nullement responsable.

M. Damiani, l'EARL de Courtise, la SCEA Bhm Julien sollicitent dans leurs conclusions communes du 1er juin 2010 de confirmer le jugement et de leur octroyer à la charge de tout succombant une indemnité de 700 euro pour M. Damiani, 700 euro pour l'EARL de Courtise et 1 300 euro pour la SCEA Bhm Julien et de condamner tout succombant aux dépens.

Motifs de la décision

Il convient tout d'abord de souligner que M. Damiani, l'EARL de Courtise, la SCEA Bhm Julien ont exclusivement agi contre leur co-contractant direct, la SAS Vitivista Arcalis ; le vendeur antérieur et le fabricant n'ont été recherchés que dans le cadre d'actions récursoires exercées successivement par chacun de leurs co-contractants directs respectifs, à savoir la SAS Vitivista Arcalis à l'encontre de la SAS European Trade et la SAS European Trade à l'encontre de la SA Rodenas y Rivera.

De même, aucune des vendeurs successifs ne critique les dispositions du jugement qui ont rejeté leur demande d'indemnisation personnelle au titre d'un préjudice commercial prétendument subi.

Sur les désordres

La lecture du rapport d'expertise de M. Rodolausse révèle que "les dégâts sont pratiquement systématiquement situés aux abords immédiats des agrafes posées en bas des filets, sur la goulotte centrale et se manifestent par des cassures horizontales de 10 à 20 cm de longueur de part et d'autre de l'agrafe, en sa partie supérieure et sur la zone surtissée, en ourlet du filet ; les zones présentent une fragilité facilement mise en œuvre par traction manuelle ; par contre tous les abords d'agrafes de la goulotte ne sont pas concernés et nous constatons une bonne résistance du filet en zone de tissage simple ainsi qu'en faîtage et en zones de tension plus importante par les sandows".

L'expert précise que "la tension par les agrafes ne peut expliquer le phénomène car il serait alors généralisé à l'ensemble des agrafes, ce qui n'est pas le cas et qu'il convient d'exclure toute possibilité de causes dues aux éléments mécaniques de type agrafe ou chimiques (traitements phytosanitaires) puisque certains filets du même fabricant n'ont pas présenté de désordres alors qu'ils sont posés sur une parcelle qui a reçu les mêmes prestations et traitements".

L'analyse chimique de divers échantillons a établi que "le désordre est associé à une évolution en oxydation photochimique localisé du matériau polymère dans la zone de renfort au niveau de la goulotte et plus précisément au point de croisement et d'entrelacement du fil de chaîne avec deux fils de trame. Dans cette zone particulière les produits phytosanitaires d'entretien des arbres peuvent s'accumuler et notamment se maintenir par capillarité dans l'alcôve entre la jonction du fil de chaîne avec les fils de trame. Les produits phytosanitaires sont susceptibles d'annihiler l'activité stabilisante UV des additifs Hals" et a mis en évidence "des variations de composition des filets en nature de matériaux (2 compositions) et en nature de stabilisants UV (3 types de combinaison)".

Le technicien judiciaire considère que "les désordres, s'ils n'interdisent pas d'espérer une relative protection des récoltes en cas de grêle ne permettent pas d'espérer leur protection complète à la durée de vie ultime des filets que nous estimons être de 10 ans".

Aucune critique technique n'est apportée à cet avis motivé émanant d'un professionnel spécialisé qui repose sur des données objectives, après examen contradictoire des désordres allégués.

L'expert a en effet pris soin de faire procéder par un laboratoire spécialisé, le Centre national d'Evaluaton de Photoprotection, à l'analyse chimique des échantillons de filets prélevés en présence des parties et a porté à leur connaissance le résultat des investigations techniques auxquelles ce sapiteur a procédé.

Il est formel : l'origine du désordre ne réside pas dans la méthode de pose avec goulottes et agrafes mais dans les filets eux-mêmes dont les compositions sont variables en nature de matériaux entre fils de chaîne et fils de trame avec deux famille de polymère (un polyéthylène et un mélange polyéthylène/polypropylène) et en nature de stabilisants (couplant deux hals oligomères avec parfois un absorbeur UV supplémentaire) qui, sous l'effet des produits phytosanitaires, pourtant indissociables des cultures arboricoles, présentent une oxydation conduisant à une perte notable des propriétés mécaniques à l'élongation rupture.

L'absence de généralisation du phénomène alors que tous les filets ont reçu les mêmes prestations et ont été exposés aux mêmes traitements exclut tout rattachement du désordre au système de pose.

La SA Rodenas y Rivera ne produit d'ailleurs pas la moindre donnée ou analyse technique au soutien de sa position contraire, si ce n'est d'évoquer d'autres hypothèses nullement étayées ni vérifiées.

Sur l'action de M. Damiani, l'EARL de Courtise, la SCEA Bhm Julien à l'encontre de la SAS Vitivista Arcalis

sur le fondement juridique

Aux termes de l'article 1603 du Code civil, les obligations du vendeur ne se limitent pas à la garantie des vices cachés de la chose vendue mais lui imposent également de délivrer une chose conforme à l'usage auquel elle est destinée.

Le vice s'analyse en une défectuosité, c'est-à-dire une anomalie, une altération, qui nuit au bon fonctionnement de la chose, à sa solidité ou simplement à son apparence.

Le défaut de conformité consiste en une différence entre la chose promise au contrat et la chose délivrée, celle-ci étant, par ailleurs, parfaitement saine.

La SAS Vitivista Arcalis a livré les filets dont les caractéristiques étaient portées sur le bon de commande à savoir "filet tissé cristal 3 x 7,50 g/m2 en 4 m 80 lisière décalée" ou "filet tissé cristal 3 x 7,5 g/m2 en 5 m 30"; l'acheteur a bien reçu la chose qu'il avait acquise.

En revanche, elle comportait des défauts affectant son usage, ce qui donne ouverture à une garantie dont les modalités sont fixées par les articles 1641 et suivants dudit Code, qui est l'unique fondement possible de l'action exercée par M. Damiani, l'EARL de Courtise, la SCEA Bhm Julien à l'encontre de la SAS Vitivista Arcalis.

Ces textes imposent au vendeur de remettre à l'acheteur une chose qui ne révèle pas, après la livraison, des vices à la fois graves, cachés, antérieurs à la vente et imputables à la chose, la rendant inapte à son usage normal, sous peine de résolution du contrat, de réduction du prix de vente et/ou de dommages et intérêts.

Le défaut constaté par l'expert judiciaire est imputable à la chose puisqu'il n'est nullement lié à une utilisation défectueuse ou une usure habituelle, grave puisqu'il ne permet pas aux filets de remplir leur fonction jusqu'à leur terme normal alors que s'agissant d'un produit neuf, l'acquéreur est en droit d'exiger un service quasi irréprochable, caché malgré un examen normalement attentif puisque seul un usage prolongé et une analyse spécialisée étaient de nature le révéler, antérieur à la vente puisqu'inhérent à la structure même de la chose et il apparaît évident que si cet acquéreur en avait eu connaissance lors de l'achat, il n'aurait pas contracté, de sorte que toutes les conditions posées pour entraîner la garantie vis à vis des acquéreurs occasionnels qu'étaient les arboriculteurs sont réunies.

L'acheteur victime des conséquences dommageables du défaut de la chose est en droit de choisir d'intenter non pas une action redhibitoire ou estimatoire mais une action simplement indemnitaire, laquelle peut être exercée de manière autonome puisqu'elle résulte du principe même posé à l'article 1645 du Code Civil mais reste subordonnée à la mauvaise foi du vendeur.

Or, en sa qualité de professionnel la SAS Vitivista Arcalis est irréfragablement qualifiée de vendeur de mauvaise foi ou plutôt de vendeur ne pouvant ignorer les vices de la chose.

L'expert précise que l'efficacité contre le risque de grêle n'est plus obtenue dès la seconde année alors que la durée de vie attendue d'un tel équipement est de dix ans et qu'il est donc indispensable de remplacer les filets défaillants, le coût de ce remplacement étant égal à celui du produit augmenté de la main d'œuvre de dépose et de pose soit 8 319 euro HT par hectare.

Les acquéreurs sont bien fondés à exiger l'intégralité de cette dépense qui constitue le dommage effectivement subi en relation de causalité directe avec le vice affectant l'objet vendu.

L'indemnité due à chacun d'eux s'établit ainsi aux sommes respectives de :

* 4 159,50 euro HT pour M. Damiani

* 5 823,30 euro HT pour l'Earl Courtise

* 23 566,06 euro HT pour la Scea bhm Julien

augmentée de la TVA sur justificatif fiscal de ce qu'elle n'est pas récupérable

ainsi que précisé par le premier juge.

En vertu de l'article 1153-1 alinéa 2 in fine du Code civil l'indemnité allouée portera intérêts moratoires au taux légal à compter du 14 février 2008, date de l'assignation à titre de dommages et intérêts compensatoires.

Sur les actions récursoires

de la SAS Vitivista Arcalis à l'égard de la SAS European Trade

L'action récursoire exercée par la SAS Vitivista Arcalis envers son propre vendeur, la SAS European Trade, doit également être admise sur le fondement de la garantie légale des vices cachés des articles 1641 et suivants du Code civil.

En effet, en raison de sa nature, le vice existait obligatoirement lors des ventes intermédiaires conclues entre ces deux parties suivants factures les matérialisant versées aux débats puisqu'il est intrinsèque à la chose, lié à l'état dans lequel celle-ci a été commercialisée, ainsi que déjà analysé.

Et aucune clause restrictive ou exclusive de garantie au titre de ces ventes n'est invoquée en cause d'appel.

En sa qualité de professionnel assimilé à un vendeur de mauvaise foi, règle qui joue aussi dans les rapports entre vendeur et revendeur professionnel, la SAS European Trade est tenue à garantie envers son propre acheteur, la SAS Vitivista Arcalis, simple revendeur sans réelle capacité de contrôle de la chose vendue en raison de la nature même du vice affectant les filets qu'il ne connaissait pas en les achetant puisque leur aspect extérieur était usuel et conforme ; il n'est pas, en effet, contradictoire d'affirmer que l'acquéreur ne connaissait pas le vice de la chose lors de son achat mais était réputé, en raison de sa qualité de vendeur professionnel, le connaître à l'égard du sous-acquéreur lors de la revente.

Ainsi, la SAS European Trade doit être déclarée tenue à garantie vis à vis de son propre acheteur, la SAS Vitivista Arcalis, de l'ensemble des condamnations prononcées à l'encontre de cette dernière au profit de M. Damiani, l'EARL de Courtise, la SCEA Bhm Julien en principal et intérêts.

de la SAS European Trade à l'égard de la SA Rodenas y Rivera

Le recours exercé par la SAS European Trade à l'encontre de son propre fournisseur, la SA Rodenas y Rivera, respecte les exigences de l'article 56 du Code de procédure civile dès lors que l'assignation en intervention forcée et en garantie diligentée par la première société à l'encontre de la seconde le 18 avril 2008 définit parfaitement l'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit puisqu'elle reproduit la teneur de l'action principale des sous acquéreurs, de l'appel en garantie du vendeur intermédiaire et qu'elle mentionne que ce dernier exerce une action récursoire à l'encontre du fabricant en précisant clairement "qu'elle n'avait d'autre alternative que d'appeler en cause la société Rodenas et Rivera qui lui a vendu les filets litigieux affectés d'une vice caché aux fins d'entendre condamner cette dernière à relever et garantir de toutes condamnations en principal, intérêts et sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile qui pourraient être prononcées à son encontre sur la demande au principal de M. Damiani, l'Eurl de la Courtise et de la Scea Bhm Julien. L'action en garantie des vices cachés reste acquise au vendeur intermédiaire dès lors qu'elle présente pour lui un intérêt direct et certain".

Et l'article 565 du Code de procédure civile l'autorise à présenter devant la cour des demandes tendant aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si le fondement juridique est différent.

Le contrat liant la SAS European Trade à l'encontre de la SA Rodenas y Rivera doit être qualifié de contrat de vente et non de contrat d'entreprise.

Au vu des pièces communiquées et notamment des fax échangés entre parties la conception, le mode de réalisation et les propriétés d'utilisation du produit n'ont pas été déterminées par celui à qui il doit être livré mais par le fabricant lui-même qui a adressé ses catalogues et échantillons, a travaillé sur son propre matériel avec sa propre matière selon un processus technique défini et arrêté par lui.

Les seules spécificités des commandes du client visaient la largeur des rouleaux et lisières, la couleur de ces dernières et l'étiquetage personnalisé des rouleaux, qui ont du être adaptés à ses souhaits propres.

L'action récursoire exercée par la SAS European Trade envers son propre vendeur, la SA Rodenas y Rivera doit être admise sur le fondement de la garantie légale des vices cachés des articles 1641 et suivants du Code civil et non sur la violation de l'obligation de délivrance des articles 1603 et suivants du même Code.

En effet, en droit, dès lors que les filets fournis ne sont pas conformes à l'usage auxquels ils étaient destinés puisque leur oxydation photochimique liée à la composition de ses fils et à ses additifs stabilisants UV conduit à une perte notable et prématurée de leurs propriétés mécaniques, ils sont atteints d'un vice caché.

Or, en raison de sa nature même le vice existait déjà lors des ventes entre ces deux parties car inhérent à la structure même de la chose et était indécelable même pour l'acquéreur professionnel qu'était la SAS European Trade, puisque seules des analyses chimiques dans un laboratoire spécialisé étaient de nature à le révéler de sorte qu'en sa qualité de simple importateur/revendeur, il n'avait pas de réelle capacité de contrôle de la chose directement acquise auprès du fabricant lui-même, la SA Rodenas y Rivera, tenu de connaître les vices affectant la chose fabriquée et vendue par lui.

Les conditions générales régissant leurs propres relations contractuelles ne sont pas communiquées mais aucune clause exclusive ou limitative de garantie n'est invoquée.

Ainsi, la SA Rodenas y Rivera doit être condamnée à relever indemne

la SAS European Trade de l'ensemble des condamnations prononcées contre elle au profit de la SAS Vitivista Arcalis en principal et intérêts.

Sur les demandes annexes

La SA Rodenas y Rivera qui succombe dans son recours supportera donc la charge des dépens d'appel et ne peut, de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Eu égard aux circonstances de la cause et à la position des parties, il est inéquitable de laisser à la charge de M. Damiani, de l'EARL de Courtise, de la SCEA Bhm Julien, de la SAS Vitivista Arcalis et de la SAS European Trade la totalité des frais exposés pour agir, se défendre et assurer leur représentation en justice en cause d'appel et non compris dans les dépens, ce qui commande l'octroi à ce titre des sommes de 700 euro à chacun de ces trois sous-acquéreurs et de 1 500 euro à chacun des vendeurs successifs, mises à la charge de la Sa Rodenas y Rivera.

Le sort fait par le jugement aux dépens de première instance doit être confirmé.

Il en va de même pour les frais irrépétibles alloués à chacun des acheteurs successifs, sauf à compléter cette décision sur une omission de statuer et de dire que l'action récursoire exercée par chacun des deux vendeurs successifs, la SAS Vitivista Arcalis et la SAS European Trade à l'encontre respectivement de son propre vendeur et du fabricant inclut la condamnation prononcée au titre des frais irrépétibles au profit respectivement des sous-acquéreurs et du vendeur intermédiaire.

Les actions récursoires exercées par la SAS Vitivista Arcalis et la SAS European Trade devant le premier juge portaient, en effet, sur toute condamnation "tant en principal, intérêts que sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile".

Ainsi, la SAS European Trade sera condamnée à relever et garantir la SAS Vitivista Arcalis des condamnations prononcées contre elle au profit de M. Damiani, l'EARL de Courtise, la SCEA Bhm Julien en principal (33 548,86 euro HT augmentée de la TVA sur justificatif fiscal de ce qu'elle n'est pas récupérable), intérêts (à compter du 14 févier 2008) et frais irrépétibles (600 + 600 + 1 300 euro).

La société Rodenas y Rivera sera condamnée à relever et garantir la SAS European Trade des condamnations prononcées contre elle au profit de la SAS Vitivista Arcalis, soit l'ensemble de celles prononcées au profit de ces trois arboriculteurs en principal, intérêt et frais irrépétibles, augmenté de l'indemnité supplémentaire qui lui a été personnellement octroyée au titre des frais irrépétibles soit 2 500 euro.

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement, Le complétant sur une omission de statuer, Condamne la SAS European Trade à relever et garantir la SAS Vitivista Arcalis des condamnations de 600 euro, 600 euro et 1 300 euro mises à sa charge au profit respectivement de M. Jean-François Damiani, l'EARL de Courtise, la SCEA Bhm Julien sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Dit que la SAS European Trade sera intégralement relevée indemne par la société Rodenas y Rivera de ces trois condamnations ainsi que de la condamnation complémentaire de 2 500 euro prononcée contre elle au profit de la SAS Vitivista Arcalis sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Y ajoutant, Condamne la société Rodenas y Rivera à payer les sommes de 700 euro à M. Jean-François Damiani, 700 euro à l'EARL de Courtise, 700 euro à la SCEA Bhm Julien, 1 500 euro à la SAS Vitivista Arcalis, 1 500 euro à la SAS European Trade, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel. Déboute la société Rodenas y Rivera de sa demande à ce même titre. Condamne la société Rodenas y Rivera aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de la SCP Dessart Sorel Dessart, Me de Lamy et la SCP Boyer, Merle, Lescat, avoués.