CA Rennes, 7e ch., 26 janvier 2011, n° 10-00147
RENNES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
IMS Ille et Vilaine Mayenne Sanitherm (SA)
Défendeur :
Hervault, Centaure(SA), Ram Gamex (Sté), RSI Bretagne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Laurent
Conseillers :
M. Garrec, Mme Lafay
Avoués :
SCP Gautier-Lhermitte, SCP d'Aboville de Moncuit St Hilaire, SCP Guillou & Renaudin, SCP Bourges & Bourges
Avocats :
ASS ABC, Me Doucet, SELARL André & Salliou
Le 22 mars 2005 Monsieur Sébastien Hervault, artisan plombier chauffagiste, a acquis auprès de la société IMS Ille et Vilaine Mayenne Sanitherm une échelle transformable Centaure T2 fabriquée par la société Centaure, livrée le 30 mars 2005.
Le 20 avril 2005 au cours de la réalisation de travaux dans une école publique sur un plafond suspendu, le pied de l'échelle s'est rompu, ce qui a provoqué la chute de Monsieur Hervault et lui a occasionné une fracture de vertèbre dorsale nécessitant une intervention chirurgicale et une incapacité temporaire de travail de 90 jours.
Le 9 novembre 2005, une ordonnance de référé a ordonné une expertise technique afin de déterminer la cause de la rupture du pied de l'échelle.
L'expert conclut que le piètement fut probablement endommagé lors du transport de livraison de l'échelle à Monsieur Hervault par la société IMS.
Monsieur Hervault a assigné la société Centaure, en sa qualité de fabricant, et la société IMS, en sa qualité de vendeur, devant le Tribunal de grande instance de Rennes en responsabilité sur le fondement des articles 1386-1 et 1641 du Code civil.
Le 27 octobre 2009, le Tribunal de grande instance de Rennes a condamné la société IMS sur le fondement de l'article 1641 du Code civil, prononcé la mise hors de cause de la société Centaure, et ordonné une expertise afin d'évaluer le préjudice corporel de Monsieur Hervault après sa consolidation.
La société IMS a fait appel de cette décision.
L'appelante soutient que le jugement attaqué n'a pas caractérisé l'existence d'un vice antérieur à la vente nécessaire à l'engagement de sa responsabilité sur le fondement de l'article 1641 du Code civil.
Elle ajoute que la cause de la déformation du piètement de l'échelle n'est pas certaine, qu'il n'est pas établi que le vice existait au moment de la vente, qu'il a pu apparaître une fois l'échelle livrée.
L'intimé demande la confirmation du jugement sauf en ce qu'il l'a débouté à l'encontre de la société Centaure, et de condamner cette dernière solidairement à la société IMS à la réparation de son préjudice.
La société Centaure demande à la Cour la confirmation de la décision.
La cour se réfère aux conclusions déposées le 1er octobre 2010 pour la société IMS Ile et Vilaine Mayenne Sanitherm SA, le 18 novembre 2010 pour Monsieur Sébastien Hervault, le 17 novembre 2010 pour la société Centaure, pour l'exposé des moyens et prétentions des parties.
Motifs de la décision
Sur la responsabilité du fait des produits défectueux :
Considérant que selon les articles 1386-1 et suivants du Code civil, le producteur est responsable du dommage causé par un de ses produits lorsque ce dernier ne répond pas à la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre au moment de sa mise en circulation ;
Que le produit est considéré comme étant mis en circulation à partir du moment où le producteur s'en est dessaisi ;
Que le producteur est exonéré de sa responsabilité du fait d'un de ses produits si le défaut du produit est né postérieurement à la mise en circulation ;
Considérant qu'en l'espèce, la mise en circulation du produit est matérialisée au jour où l'échelle est réceptionnée par la société IMS ;
Que selon les conclusions de l'expert, l'échelle ne fait l'objet ni d'un défaut de conception, ni d'un défaut de fabrication ;
Qu'il en résulte une forte probabilité que le défaut du produit soit survenu à l'occasion du transport de l'échelle soit entre le fabricant et le vendeur, soit entre le vendeur et l'acheteur.
Que l'hypothèse selon laquelle le défaut serait apparu au cours du premier trajet peut être écartée puisqu'il est établi que la société IMS a accepté la réception de l'échelle sans réserve et qu'il peut donc en être déduit qu'elle ne présentait aucun défaut au moment de sa mise en circulation ;
Que la preuve n'est pas rapportée d'un défaut du produit imputable à la société Centaure en relation directe avec le dommage de Monsieur Hervault ;
Que le défaut du produit étant né postérieurement à la mise en circulation, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur Hervault de sa demande contre la société Centaure sur ce fondement ;
Sur la garantie des vices cachés :
Considérant que selon l'article 1641 du Code civil le vendeur est tenu des vices cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ;
Qu'il doit être établi que le vice existait antérieurement à la vente de la chose ou à sa livraison, ou encore que le dit vice existait à l'état de germe ;
Que selon l'article 1595 du Code civil, la vente est formée par l'accord des parties sur la chose et sur le prix.
Considérant qu'en l'espèce la vente s'est formée entre Monsieur Hervault et la société IMS le 22 mars 2005 ;
Que selon le rapport d'expertise, il est probable que le défaut de l'échelle est apparu au cours du transport du 24 mars 2005, assurant la livraison au domicile de l'acheteur ;
Que l'expert ajoute qu'il est très peu probable que le défaut existât au jour du premier trajet assurant le transport de la chose entre le fabricant et l'acheteur ;
Que selon le rapport d'expertise, la cause de ce défaut peut être déduite de plusieurs facteurs concordants qui tendent à admettre que l'origine du défaut de piètement est liée à un effet "étau" ramenant sensiblement le pied de l'échelle à la perpendiculaire du dernier barreau ;
Que compte tenu du matériau composant la chose et de sa résistance seul un effort très important sur cette partie de l'échelle peut causer un tel défaut, et qu'il y a donc lieu d'exclure une origine qui serait due au stockage de l'échelle après la livraison ou à une utilisation de l'acheteur une fois la chose livrée ;
Que cependant il est nécessaire pour aboutir à une telle conclusion de connaître les conditions dans lesquelles Monsieur Hervault a conservé l'échelle durant les semaines qui ont précédé l'accident ;
Que l'expert ne relève pas dans quelles conditions l'échelle fut conservée et se fonde pour cela sur le seul élément connu à savoir l'emplacement de l'échelle au jour de l'expertise ;
Que cette constatation ne peut permettre à elle seule, d'exclure la période de stockage de Monsieur Hervault de l'échelle dans la recherche de l'apparition du défaut de l'échelle ;
Qu'à défaut d'autres éléments versés aux débats il est impossible de déterminer avec certitude que l'événement occasionnant le défaut de piètement est survenu avant la vente plus qu'à l'occasion d'un stockage inconvenant à la bonne conservation de la chose ;
Qu'il en résulte que la preuve de l'existence d'un défaut de la chose antérieure à la vente, ou à tout le moins à la livraison, n'est pas rapportée, en sorte que le défaut dont est affectée l'échelle ne peut constituer un vice caché au sens de l'article 1641 du Code civil, quand bien même il ne fut pas apparent pour un acheteur profane ;
Que Monsieur Hervault sera débouté de sa demande sur ce fondement à l'encontre des sociétés IMS et Centaure ;
Par ces motifs, LA COUR, Infirme la décision déférée. Déboute Monsieur Sébastien Hervault de ses demandes à l'encontre de la société IMS Ille et Vilaine Mayenne Sanitherme et de la société Centaure. Vu l'article 700 du Code de procédure civile déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne M. Sébastien Hervault aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.