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Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 1, 23 mai 2011, n° 10-02195

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Acte Iard (SA)

Défendeur :

Leroy Merlin France (Sté), Robilliart

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Merfeld

Conseillers :

Mmes Metteau, Doat

Avoués :

SCP Deleforge, Franchi, SCP Levasseur Castille Levasseur, Me Quignon

Avocats :

Mes Sellier, Simoneau, Robilliart

TGI Béthune, du 23 févr. 2010

23 février 2010

Mme Monique Robilliart a acheté le 3 novembre 2003, au magasin Leroy Merlin de Vendin Le Vieil, du carrelage 36 X 36 "cerame émaillé" de marque Atlas, les plinthes assorties et les matériaux nécessaires pour en assurer la pose, pour un montant de 5 959,17 euro TTC. La pose de ce carrelage a été effectuée à son domicile à [...] par M.Constantin, aujourd'hui son époux.

Après quelques mois, Mme Robilliart a constaté l'éclatement de l'émail de plusieurs carreaux.

Elle s'est alors adressée à son assureur qui a fait procéder à une expertise en présence de la société Leroy Merlin France et de la SA Compagnie Européenne de céramiques (Cedec), fabricant du carrelage.

L'expert, la société Cecanord, a établi un rapport le 7 mars 2005 dans lequel il conclut que les désordres sont dus à des éclats de l'émail se décollant du biscuit, qui engagent la responsabilité du fabricant.

A défaut d'accord amiable Mme Robilliart, par acte d'huissier du 31 octobre 2005, a fait assigner la SA Leroy Merlin devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Béthune aux fins d'expertise judiciaire. Le 22 décembre 2005, la société Leroy Merlin a attrait en la cause la société Cedec et Me Nardi représentant des créanciers de cette société.

Par ordonnance du 20 janvier 2006 le juge des référés a commis M. Rollet en qualité d'expert, lequel a établi son rapport le 30 mai 2007 concluant comme suit :

Après constatations, il a été démontré que rapidement, le carrelage faisait apparaître un problème qui mettait l'émaillage en cause.

Ce problème, qui est apparu après pose, d'abord par l'éclatement de l'émail cloqué, avant d'évoluer par des fissures et des décollements, ne peut provenir que d'un vice de fabrication imputable à la SA Cedec.

Il y avait donc vice caché de par ce défaut dans le carrelage fourni, non visible à la livraison, mettant en cause les obligations contractuelles du fabricant.

Par ordonnance du 14 septembre 2007, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Béthune a condamné la SA Leroy Merlin à payer à Mme Robilliart la somme provisionnelle de 15 000 euro à valoir sur la réparation de son préjudice.

Par acte d'huissier du 23 octobre 2007 Mme Robilliart a fait assigner la société Leroy Merlin France devant le Tribunal de grande instance de Béthune pour la voir condamner à lui verser, en application des articles 1641 et suivants du code civil, la somme de 22 131 euro, coût de la remise en état et des frais accessoires ainsi qu'en réparation de son préjudice.

La société Leroy Merlin a assigné en garantie, par acte du 26 mai 2008, la société Acte Iard, assureur de la société Cedec.

Par jugement du 23 février 2010, le tribunal a :

- rejeté l'exception tirée de la nullité de l'assignation du 26 mai 2008,

- rejeté les fins de non recevoir tirées de l'existence de prescriptions,

- condamné la société Leroy Merlin à garantir Mme Robilliart à raison des vices cachés affectant le carrelage acheté le 3 novembre 2003, à hauteur de 20 631 euro,

- donné acte à la société Leroy Merlin, qu'une somme de 15 000 euro a d'ores et déjà été versée par elle à Mme Robilliart à titre provisionnel,

- condamné la société Leroy Merlin à payer à Mme Robilliart la somme de 5 631 euro avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- déclaré le rapport d'expertise judiciaire opposable à la société Acte Iard,

- condamné la société Acte Iard à garantir la société Leroy Merlin à hauteur de 18 344,26 euro en principal,

- condamné la société Leroy Merlin à payer à Mme Robilliart la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Leroy Merlin aux dépens y compris les frais d'expertise et de la procédure de référé,

- condamné la société Acte Iard à garantir la société Leroy Merlin des condamnations prononcées à son encontre au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

La SA Acte Iard a relevé appel de ce jugement le 26 mars 2010 en intimant uniquement la société Leroy Merlin France. Le 15 juin 2010, elle a étendu son appel à Mme Robilliart épouse Constantin. Le Conseiller de la mise en état a joint ces deux recours par ordonnance du 19 juillet 2010.

Par conclusions du 21 janvier 2011, la société Acte Iard demande à la cour d'infirmer le jugement, de déclarer tardives les demandes de Mme Robilliart contre la société Leroy Merlin, qui n'ont pas été formulées dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil, de déclarer également tardives les demandes de la société Leroy Merlin à son égard, de dire que le rapport d'expertise de M.Rollet lui est inopposable puisqu'elle n'a pas été appelée à ses opérations, en conséquence débouter la société Leroy Merlin de l'ensemble de ses demandes.

A titre subsidiaire, elle soutient que les garanties du contrat d'assurance conclu le 19 avril 1996 avec la société Cedec ne peuvent être mobilisées car les désordres qui sont d'ordre purement esthétique sont exclus par l'article 3-114 de la convention spéciale fabricant.

Plus subsidiairement encore, elle fait valoir que sa garantie ne s'applique que sous déduction d'une franchise de10 % et ne s'exerce pas pour le remplacement du carrelage puisque le contrat d'assurance exclut de la garantie de la responsabilité des dommages aux constructions le remplacement du produit.

Elle ajoute que le préjudice subi par Mme Robilliart ne peut excéder la somme de 5 335 euro évaluée par le Cabinet Cecanord, expert de sa compagnie d'assurance, et qu'elle est fondée à opposer la faute commise par la société Leroy Merlin qui n'a pas accepté la proposition de transaction présentée par le Cabinet Cecanord de sorte que son éventuelle garantie ne peut porter que sur la somme de 2 267,50 euro.

Elle se porte demanderesse, à l'égard de la société Leroy Merlin, d'une somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Appelante incident, la SA Leroy Merlin France a conclu, le 7 mars 2011, à l'infirmation du jugement, au rejet de la demande de Mme Robilliart et à sa condamnation à lui rembourser la provision allouée par l'ordonnance de référé du 14 septembre 2007.

Elle soutient que les désordres qui se matérialisent uniquement par des éclats d'émail sont de nature esthétique et ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination de sorte que la garantie des vices cachés ne peut recevoir application.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que l'évaluation du dommage par l'expert est excessive et que le montant de la condamnation doit être réduit à de plus justes proportions.

Elle sollicite la confirmation de la condamnation à garantie de la société Acte Iard à laquelle le rapport d'expertise judiciaire a, à bon droit, été déclaré opposable. Elle ajoute que la garantie de l'assureur est recherchée au titre de la responsabilité encourue par la société Cedec en tant que fabricant et non pour la responsabilité des dommages aux constructions de sorte que la société Acte Iard ne peut se prévaloir de la clause prévoyant l'exclusion du remplacement du produit.

Elle se porte demanderesse, à l'égard de tout succombant, d'une somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme Robilliart épouse Constantin a conclu, le 4 novembre 2010, à la confirmation du jugement, à l'exception du rejet de sa demande de dommages-intérêts duquel elle relève appel incident pour obtenir la condamnation de la société Leroy Merlin à lui verser la somme de 1 500 euro à titre de dommages-intérêts en réparation notamment du préjudice de jouissance qu'elle va subir du fait de l'exécution des travaux de pose.

Elle demande que la condamnation de la société Leroy Merlin sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile soit portée à 4 000 euro.

Elle soutient que le bref délai de l'article 1648 du Code civil ne commence à courir que du jour où l'échec de la négociation a été consommé et déclare que les pourparlers engagés avec la société Leroy Merlin n'ont échoué qu'en août 2005, en raison du défaut de réponse de l'assureur de cette société.

Elle déclare que le désordre affectant le carrelage est évolutif, que l'émail se fissure au fil du temps et qu'il est évident qu'elle n'aurait pas acquis ce carrelage si elle avait connu le vice dont il était atteint.

Sur ce

1) sur l'action de Mme Robilliart

a) sur le bref délai

Attendu qu'aux termes de l'article 1648 du Code civil en sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 17 février 2005, en raison de la date de la vente, l'action résultant des vices cachés doit être intentée par l'acquéreur, dans un bref délai, suivant la nature des vices rédhibitoires et l'usage du lieu où la vente a été faite ;

Attendu que la société Acte Iard soutient que Mme Robilliart qui prétend avoir découvert le vice dans les cinq mois qui ont suivi la pose du carrelage, c'est-à-dire au mois d'avril 2004, n'a pas respecté la condition de bref délai puisqu'elle n'a assigné la société Leroy Merlin en référé que par acte du 31 octobre 2005 ;

Mais attendu que la notion de bref délai doit être examinée à partir de la date à laquelle l'acheteur a eu connaissance du vice, en son ampleur et ses conséquences ; que c'est en effet la connaissance, non de l'anomalie, mais du vice lui-même qui fait courir ce délai ;

Qu'avant les opérations d'expertise de la société Cecanord, désignée par son assureur, Mme Robilliart n'avait découvert que certaines manifestations du dommage ; que ce n'est qu'au vu du rapport d'expertise de la société Cecanord qui explique l'écaillement des carreaux par un décollement de l'émail de certaines zones fragilisées du biscuit, dû à des problèmes de fabrication, rendant nécessaire le remplacement du carrelage, qu'elle a pu se convaincre de la réalité d'un vice ;

Que le point de départ du bref délai doit donc être fixé au 7 mars 2005, date du rapport d'expertise ;

Que le délai de sept mois qui a séparé cette date de celle du 31 octobre 2005, date de l'assignation de la société Leroy Merlin en référé aux fins d'expertise judiciaire, n'est pas excessif compte tenu des pourparlers qui se sont instaurés entre la GMF, assureur de Mme Robilliart et la société Leroy Merlin ainsi que le montrent les courriers de cette société en date des 10 et 17 juin 2005 (pièces n° 6 et 8 de Mme Robilliart) ;

Que l'action de Mme Robilliart est recevable ;

b) sur le vice

Attendu que M.Rollet, expert judiciaire, indique que les locaux carrelés posant problème sont ceux de l'entrée, du salon, du séjour, de la cuisine et de la salle d'eau, soit 40 m2, que les dégradations de l'émail concernent chacun de ces locaux, qu'elles consistent en des cratères dans l'émail suite à un cloquage évoluant pour certains vers des décollements plus marqués, avec fissures,

Que l'expert a indiqué que le carrelage souffre d'un problème d'émaillage évident dû à un défaut de fabrication et que les seules prescriptions possibles pour solutionner le problème sont la dépose du carrelage dans toutes les pièces concernées ;

Attendu que le problème de fabrication qui existait donc antérieurement à la vente est apparu après la pose, d'abord par éclatement de l'émail cloqué avant d'évoluer vers des fissures et des décollements ; qu'il s'agit d'un vice caché ;

Que ce vice rend la chose vendue impropre à son usage ; que le tribunal a relevé par des motifs pertinents que la cour adopte que la destination d'un carrelage est d'être à la fois fonctionnel et décoratif, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque l'émail des carreaux est cloqué et présente des fissures et décollements ; que le vice touche effectivement pour partie à l'esthétisme mais ce fait n'est pas de nature à lui enlever son caractère d'impropreté à l'usage, eu égard à la nature de la chose vendue dont l'objet est notamment de décorer ;

Qu'en outre le vice étant évolutif, les fissures et décollements vont se poursuive, se généraliser et porter atteinte à la structure même du revêtement de sol ;

Que le caractère de gravité n'est pas contestable puisque le carrelage doit être remplacé ;

Que Mme Robilliart n'aurait pas acheté ce carrelage si elle avait connu le vice qui l'affectait ;

Que la société Leroy Merlin, vendeur du carrelage présentant un vice caché le rendant impropre à son usage, est tenue de garantir Mme Robilliart sur le fondement de l'article 1641 du Code civil ;

c) sur l'évaluation des désordres

Attendu que selon l'article 1644 du Code civil, l'acheteur qui agit en garantie contre le vendeur en raison des vices cachés de la chose vendue dispose à son choix des deux actions rédhibitoire et estimatoire ;

Que Mme Robilliart fait le choix de l'action estimatoire qui permet de replacer l'acheteur dans la situation où il se serait trouvé si la chose vendue n'avait pas été atteinte de vices ; qu'il est donc fondé à demander la restitution du prix correspondant au remplacement ;

Qu'en application de l'article 1645 du Code civil, il peut également demander, à titre de dommages-intérêts, le paiement des frais entraînés par les opérations de dépose et repose du carrelage ainsi qu'une indemnité pour préjudice accessoire, la société Leroy Merlin, vendeur professionnel, étant tenue de connaître les vices affectant la chose vendue ;

Attendu que le tribunal a entériné l'évaluation de l'expert qui a retenu une somme de 15 000 euro HT, soit 17 940 euro TTC pour la dépose de l'ancien carrelage et des plinthes, la fourniture et la pose du nouveau carrelage et des plinthes, la reprise des peintures et revêtements après réfection des plinthes, le déménagement du mobilier et notamment le démontage des meubles de cuisine et salle de bains puis leur réinstallation et les suggestions pendant la durée des travaux ; qu'il a également retenu une somme de 2 250 euro HT soit 2 691 euro TTC pour les frais de maîtrise d'œuvre, d'où un total de 20 631 euro, montant de la condamnation prononcée par les premiers juges à l'encontre de la société Leroy Merlin, sous déduction de la provision de 15 000 euro allouée à Mme Robilliart par l'ordonnance de référé ;

Attendu que la société Leroy Merlin et la société Acte Iard considèrent que cette somme est excessive et font valoir qu'elle est sans commune mesure avec l'estimation faite par la société Cecanord dans son rapport d'expertise extra-judiciaire à la somme de 5 335 euro ;

Mais attendu que l'acquisition du carrelage, des plinthes et des matériaux nécessaires à la pose, en novembre 2003, s'élevait déjà à la somme de 5 959,17 euro selon la facture du magasin Leroy Merlin ;

Que les appelants ne peuvent donc s'en tenir à la somme de 5 335 euro alors qu'il convient également de tenir compte du coût de la main d'œuvre pour le travail d'enlèvement du carrelage et des plinthes et pour la nouvelle pose, de la reprise des peintures et revêtements après réfection des plinthes, de l'enlèvement et de la réinstallation des meubles de cuisine et salle de bains ainsi que du mobilier de la salle à manger et du salon, outre les perturbations pour l'organisation des repas ; qu'il convient de confirmer la somme de 17 940 euro TTC retenue à ce titre par le tribunal ;

Attendu qu'en revanche la nature des travaux ne nécessite pas le recours à un maître d'œuvre ; qu'il y a lieu à infirmation du jugement en ce qu'il a intégré dans son évaluation la somme de 2 691 euro pour ces frais ;

Attendu que le tribunal a débouté Mme Robilliart de sa demande de dommages-intérêts pour la somme de 1 500 euro au motif que l'expert n'avait pas précisé pour quel préjudice cette somme était proposée ;

Que devant la cour Mme Robilliart explique que cette somme a pour contrepartie le préjudice de jouissance qu'elle subira pendant les travaux puisqu'elle sera tenue de déménager les différentes pièces d'habitation et de prendre des dispositions pour quitter provisoirement l'immeuble ;

Que ce préjudice a déjà été pris en compte dans la somme de 17 940 euro précédemment accordée, étant en outre observé que les chambres ne sont pas affectées par les travaux ; qu'il n'y a pas lieu à dommages-intérêts complémentaires, l'appel incident de Mme Robilliart étant rejeté ;

Attendu que l'indemnité due par la société Leroy Merlin s'établit donc à 17 940 euro d'où un solde de 2 940 euro restant dû après déduction de la provision.

2) sur l'appel en garantie

Attendu que l'appel en garantie de la société Leroy Merlin France contre la société Acte Iard est également fondé sur la garantie des vices cachés ;

Que les carrelages fournis par la société Cedec à la société Leroy Merlin étaient affectés d'un vice de fabrication dont la société Cedec, vendeur professionnel, aurait dû avoir connaissance ;

a) sur la recevabilité

Attendu que la société Acte Iard soutient que la société Leroy Merlin qui a attendu le 26 mai 2008 pour l'assigner en garantie alors qu'elle était parfaitement informée de la nature, de l'étendue et des conséquences du vice affectant le carrelage n'a pas agi dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil et qu'ainsi son action est irrecevable ;

Attendu que dans le cas d'une action récursoire exercée par un revendeur à l'encontre de son fournisseur, à la suite d'une réclamation émanant du client final, c'est le jour de l'assignation opérée par ce dernier qui est considéré comme le moment où le défaut s'est révélé à l'acquéreur intermédiaire ;

Attendu que la société Leroy Merlin a été assignée en référé expertise par Mme Robilliart le 31 octobre 2008 et au fond le 23 octobre 2007 ;

Attendu que le 22 décembre 2005, la société Leroy Merlin a assigné en référé la société Cedec et son représentant des créanciers afin que les opérations d'expertise leur soient opposables ; que la société Cedec en redressement judiciaire et Me Nardi n'ont pas comparu devant le juge des référés, ni devant l'expert judiciaire ;

Que la société Leroy Merlin a alors tenté de mettre en cause l'assureur de la société Cedec dont elle ignorait les coordonnées ; qu'elle a fait délivrer, le 15 février 2007, une assignation à la société Axa France Iard devant le Président du Tribunal de commerce de Paris qui a, par ordonnance du 6 mars 2007, pour une bonne administration de la justice, invité la société Leroy Merlin à présenter sa demande devant le Tribunal de grande instance de Béthune, ce qui n'a pu être fait avant le dépôt du rapport d'expertise judiciaire le 30 mai 2007 ;

Attendu que la société Leroy Merlin a rencontré d'importantes difficultés pour obtenir les coordonnées de l'assureur de la société Cedec en redressement judiciaire, ainsi que le montre le courrier adressé le 8 août 2007 par la SCP Boob-Petit, huissiers de justice au conseil de la société Leroy Merlin ; que l'huissier explique avoir, dans un premier temps, contacté la compagnie d'assurance Lucas qui lui a indiqué que Cedec pouvait avoir été assurée par Axa San Pedro à Albi, que cette assurance ne répondant pas il a contacté la SCP Bayle Geoffroy qui lui a dit ne plus être, depuis le 5 février 2007, l'administrateur judiciaire de la société Cedec, cette société ayant fait l'objet d'un plan de continuation, que la société Cedec l'a informé qu'en 2003-2004 elle était assurée par la société Acte Iard à Strasbourg, que cette société l'a renvoyée à Acte Iard à Metz, que, contactée, Acte Iard à Metz lui a déclaré que la société Cedec était en fait assurée par BMC Assurances, courtier de Acte Iard, qu'elle ne pouvait indiquer les coordonnées de ce courtier, mais que Acte Iard Strasbourg, service des courtages, pourrait répondre, que, contactée, Acte Iard Strasbourg service des courtages, lui a indiqué que BMC Assurances se trouvait à [...] et que Cedec était assurée par cette compagnie de 1996 à 2004, qu'elle lui a fourni le numéro client et le numéro de la police d'assurance ;

Que dans ces conditions, eu égard aux contraintes auxquelles la Société Leroy Merlin a dû faire face pour identifier l'assureur de la société Cedec pour la période concernée puis obtenir ses coordonnées, l'assignation délivrée à la société Acte Iard le 26 mai 2008 n'excède pas le bref délai de l'article 1648 du Code civil ;

b) sur l'opposabilité du rapport d'expertise judiciaire

Attendu que la société Acte Iard reproche au tribunal d'avoir violé l'article 16 du Code de procédure civile en fondant sa décision sur le rapport d'expertise judiciaire déposé par M. Rollet le 30 mai 2007 alors que ce rapport ne lui était pas opposable puisqu'elle n'avait pas été appelée à participer à l'expertise et n'était pas représentée lors de celle-ci ;

Mais attendu que l'assureur qui, en connaissance des résultats de l'expertise dont le but est d'établir la réalité et l'étendue de la responsabilité de son assurée qu'il garantit, a eu la possibilité d'en discuter les conclusions, ne peut, sauf s'il y a eu fraude à son encontre, soutenir qu'elle lui est inopposable ;

Qu'aucune fraude n'est alléguée ;

Que la société Acte Iard, appelée à la procédure dès la première instance, a reçu communication du rapport d'expertise de M.Rollet sur lequel elle avait la possibilité de faire toute observation et émettre toute critique si elle l'estimait nécessaire ; que le rapport d'expertise de M.Rollet lui est opposable ;

c) sur les exclusions et limites de garantie

Attendu que la société Cedec avait conclu avec la société Acte Iard un contrat d'assurance de responsabilité professionnelle des fabricants et négociants de matériaux de construction ;

Que ce contrat se compose des conditions générales, de la convention spéciale fabricants et des conditions particulières fabricants et assimilés RC/RD ;

Attendu que selon l'article 3 des conditions générales la société garantit l'assuré contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile qu'il peut légalement encourir en raison des dommages corporels, dommages matériels et dommages immatériels consécutifs à un dommage matériel ou corporel garanti, causés aux tiers et résultant des activités déclarées aux conditions particulières du contrat ;

Que l'article 2 de la convention spéciale fabricant prévoit que l'ensemble des garanties qui font l'objet du présent titre s'exercent après la livraison des produits ;

Attendu que la société Acte Iard fait valoir que l'article 3-114 de cette convention spéciale fabricants exclut de la garantie les réclamations concernant l'esthétique et notamment les modifications d'aspect relatives à la couleur ou à la planéité.

Que cette clause d'exclusion ne peut être invoquée en l'espèce ; qu'il résulte en effet des motifs qui précèdent que les désordres affectant le carrelage ne se résument pas à des défauts d'esthétisme puisqu'il a également été relevé des décollements et fissures et que les désordres sont évolutifs ;

Attendu que la société Acte Iard invoque également une clause figurant en page 3 des conditions particulières ainsi rédigée :

La garantie des dommages aux constructions et responsabilité du fait des composants incorporés à des travaux de bâtiment est limitée à la seule fabrication de carrelage émaillé à l'exclusion du remplacement du produit.

Attendu que la société Acte Iard considère que cette clause exclut de la garantie le remplacement du carrelage et que la garantie se trouve donc limitée aux préjudices annexes ;

Attendu que selon l'article L. 113-1 du Code des assurances les clauses d'exclusion ne sont valables que si elles sont formelles et limitées ; qu'une clause faisant état d'une garantie limitée "à la seule fabrication de carrelage émaillé" vise l'activité couverte par la garantie ; qu'il est curieux qu'une exclusion de garantie soit prévue dans une telle clause ;

Attendu qu'en toute hypothèse et, ainsi que le tribunal l'a relevé à bon droit, cette clause ne concerne que la garantie des dommages aux constructions et la responsabilité du fait des composants incorporés à des travaux de bâtiments alors qu'en l'espèce la garantie de l'assureur est recherchée pour la responsabilité civile de la société Cedec en raison des dommages autres qu'aux constructions ;

Qu'en effet, il résulte de l'article 2 de la convention spéciale fabricants que la société Acte Iard garantit l'assuré, en raison des dommages autres qu'aux constructions, contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile qu'il peut encourir en sa qualité de fabricant du fait des dommages définis aux conditions générales, causés au préjudice de tiers et résultant d'un vice caché des produits énumérés aux conditions particulières ou d'une faute ou erreur commise dans l'exercice de son activité professionnelle ; que la société garantit également l'assuré contre les conséquences de la responsabilité découlant de ces mêmes fondements à raison des dommages matériels aux constructions neuves ainsi qu'aux existants et des dommages immatériels qui en résultent ;

Que le vice de fabrication affectant le carrelage n'a causé aucun dommage à l'immeuble de Mme Robilliart ;

Que la garantie n'est pas recherchée pour des dommages aux constructions ni du fait des composants incorporés à des travaux de bâtiment à la réalisation desquels l'assuré aurait contribué ; qu'il s'ensuit que l'exclusion de garantie invoquée par la société Acte Iard n'est pas applicable ;

Attendu que les conditions particulières du contrat d'assurance prévoient pour la responsabilité civile après livraison une franchise de 10 % du montant du sinistre avec un minimum de 15 000 F (2 286,74 euro) ;

Que la garantie de la société Acte Iard à l'égard de la société Leroy Merlin s'établit donc à la somme de 15 653,26 euro (17 940 euro - 2 286,74 euro) ;

d) sur la faute reprochée à la société Leroy Merlin

Attendu que la société Acte Iard soutient que la société Leroy Merlin a commis une faute en refusant l'offre de la société Cecanord qui proposait, en accord avec Mme Robilliart, une indemnisation limitée à 50 % du coût de la réfection chiffrée par cet expert à 5 335 euro, au motif qu'elle attendait la prise en charge préalable de son fournisseur ; que la société Acte Iard estime qu'il appartenait à la société Leroy Merlin de supporter les conséquences du vice caché et seulement après, de se retourner contre son fournisseur ; qu'elle fait valoir que l'accord n'a pas pu se concrétiser en raison du refus de la société Leroy Merlin d'assumer ses obligations ;

Mais attendu que la société Acte Iard produit elle-même à son dossier un courrier qu'elle a adressé le 12 avril 2005 à la société Cedec pour lui refuser sa garantie au titre de la réclamation de Mme Robilliart au motif que la réclamation de l'assureur de Mme Robilliart du 31 mars 2005 était postérieure à la résiliation de la police d'assurance intervenue le 13 septembre 2004, alors que le versement des primes pour la période qui se situe entre la prise d'effet du contrat d'assurance et son expiration a pour contrepartie nécessaire la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait qui s'est produit pendant cette période ; que le défaut de fabrication à l'origine du sinistre était nécessairement antérieur à la vente du 3 novembre 2003 et donc à la résiliation du contrat d'assurance ; que la garantie était donc due ; que la société Acte Iard n'a d'ailleurs pas maintenu cette argumentation devant la cour mais qu'il convient de constater qu'elle a, elle aussi, refusé d'assumer ses obligations ; que si elle avait répondu favorablement à la demande de la société Cedec en avril 2005, la société Leroy Merlin aurait accepté la proposition de Cecanord et le litige se serait transigé ;

Que la société Acte Iard qui est donc à l'origine de l'absence de transaction doit garantir la société Leroy Merlin de l'intégralité des condamnations prononcées à son égard, sous déduction de la franchise, soit à hauteur de 15 653,26 euro ;

Attendu que les dispositions du jugement sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens, en ce compris ceux de la procédure de référé et les frais d'expertise judiciaire, seront confirmées, y compris pour la condamnation à garantie de la société Acte Iard ;

Attendu que la société Acte Iard sera condamnée aux dépens d'appel et à verser à la société Leroy Merlin une somme de 1 500 euro pour ses frais irrépétibles d'appel ;

Attendu que la cour ayant réduit le montant de la condamnation au profit de Mme Robilliart, celle-ci sera déboutée de la demande qu'elle a présentée pour ses frais irrépétibles d'appel contre la société Leroy Merlin ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, Confirme le jugement en ses dispositions non contraires au présent arrêt, Le réformant sur le montant de l'indemnisation de Mme Monique Robilliart en raison du vice caché affectant le carrelage acheté le 3 novembre 2003 et donc sur le montant de la garantie de la société Acte Iard, Fixe l'indemnité due à Mme Robilliart par la société Leroy Merlin France à la somme de 17 940 euro, En conséquence, condamne la société Leroy Merlin France à verser à Mme Robilliart la somme de 2 940 euro après déduction de la provision de 15 000 euro, avec intérêts au taux légal à compter du 23 février 2010, date du jugement, Condamne la société Acte Iard à garantir la société Leroy Merlin France de cette condamnation à hauteur de 15 653,26 euro en principal, Condamne la société Acte Iard aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Levasseur Castille Levasseur, avoués, La condamne en outre à verser à la société Leroy Merlin France une somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel. Déboute Mme Robilliart de sa demande au titre de ses frais irrépétibles d'appel à l'égard de la société Leroy Merlin France.