CA Paris, 13e ch. A, 4 juillet 2007, n° 07-01072
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
X
Défendeur :
Ministère public
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guilbaud
Conseillers :
M. Waechter, Mme Geraud-Charvet
Avocat :
Me Bernard
LA PRÉVENTION :
X a fait l'objet d'une ordonnance de renvoi devant le Tribunal correctionnel de Meaux, prise le 15 septembre 2005 par l'un des juges d'instruction du Tribunal de grande instance de Meaux, pour avoir à B et C courant 2001, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription, par quelque moyen que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers, étant partie ou non au contrat, trompé ou tenté de tromper ses contractants sur la qualité substantielle de marchandises, en l'espèce des peluches bleues en forme de pieuvre, sur les risques inhérents à l'utilisation de ces produits et sur les contrôles effectués, en l'espèce en affirmant que lesdites peluches étaient conformes aux normes de sécurité en vigueur, avec cette circonstance que les faits ont eu pour conséquences de rendre l'utilisation de la marchandise ou la prestation de service dangereuse pour la santé de l'homme ou de l'animal,
LE JUGEMENT :
Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré X coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, faits commis courant 2001, à Broons (22) et Croissy Beaubourg (77), infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation, et, en application de ces articles, l'a condamné à une amende délictuelle de dix mille euro (10 000 euro),
- a dit que la présente décision était assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de quatre-vingt-dix euro (90 euro) dont est redevable le condamné,
LES APPELS :
Appel a été interjeté par :
- X, le 2 mai 2006, des dispositions pénales,
- Monsieur le Procureur de la République, le 4 mai 2006 contre X,
DÉROULEMENT DES DÉBATS :
A l'audience publique du mercredi 9 mai 2007, Monsieur le Président a constaté l'identité du prévenu, libre,
Maître Philippe-Francis Bernard, avocat de X a déposé au nom et pour le compte du prévenu, des conclusions régulièrement visées par le président et le greffier,
X a indiqué sommairement les motifs de son appel,
Monsieur Ferlet, avocat général, représentant le Ministère public à l'audience de la cour, a sommairement indiqué les motifs de l'appel interjeté par le Procureur de la République de Meaux,
Madame la conseillère Geraud-Charvet a fait un rapport oral,
X a été interrogé,
ONT ÉTÉ ENTENDUS
Monsieur Ferlet, avocat général, en ses réquisitions,
X en ses explications,
Maître Philippe-François Bernard, avocat, en sa plaidoirie,
et à nouveau X qui a eu la parole en dernier.
Monsieur le Président a ensuite averti les parties que l'arrêt serait prononcé le mercredi 4 juillet 2007.
A cette date, il a été procédé à la lecture du dispositif de l'arrêt par l'un des magistrats ayant participé aux débats et au délibéré, conformément aux dispositions de l'article 485 dernier alinéa du Code de procédure pénale ;
DÉCISION :
Rendue contradictoirement à l'encontre du prévenu, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant sur les appels interjetés par le prévenu et par le Ministère public, à l'encontre du jugement entrepris ;
X comparait devant la cour, assisté de son avocat qui dépose des conclusions ; il expose succinctement l'objet de son appel qui tend à obtenir sa relaxe.
RAPPEL DES FAITS ET DEMANDES
Les faits ont été complètement et exactement rapportés par le tribunal dans un exposé auquel la cour se réfère expressément ; il suffit de rappeler que lors d'un contrôle effectué le 10 avril 2001 dans un magasin "A" à B les agents de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF), se sont intéressés à des peluches bleues en forme de pieuvres, importées par la société E dont X est le président directeur général ; ayant constaté que l'un des deux yeux de certaines peluches pouvaient s'arracher facilement, ils ont procédé à des prélèvements d' échantillons pour analyse ; le rapport établi le 9 août 2001 par le laboratoire inter régional de Marseille, a conclu à la "présence inacceptable sur un jouet souple à câliner destiné aux enfants de moins de 36 mois, d'un petit élément détachable à moins de 90 N, pouvant être avalé et/ou ingéré" et a déclaré le jouet non conforme aux normes applicables EN 71.1 ;
X adressait à la DGCCRF une facture d'achat du 12 mai 1998 attestant que la société E : avait acheté 700 peluches similaires auprès d'un fournisseur chinois, produits qui avaient été écoulés entre juillet 1998 et avril 2001 ; il produisait aussi un rapport de test en date du 13 janvier 1998 émanant d'un laboratoire d'analyse chinois (...), qui concluait selon lui à la conformité au produit litigieux ; il remettait enfin un rapport d'analyse du 21 novembre 2001, postérieur au contrôle à l'origine de la présente procédure, émanant des laboratoires W agrées, certifiant la conformité des peluches analysées à la norme EN 71 ;
Le 20 mars 2002, la DGCCRF, sur la base de l'analyse réalisée par le laboratoire de Marseille et rappelant qu'il incombait à la société E importateur direct d'un pays extra-communautaire du produit litigieux et responsable de sa première mise sur le marché, d'en vérifier la conformité et de constituer un dossier de fabrication permettant de s'assurer des modalités de garantie de cette conformité, établissait un procès-verbal relevant à l'encontre de X le délit de tromperie sur les qualités substantielles, les risques inhérents à l'utilisation du produit et les contrôles effectués, ayant eu pour conséquence de rendre l'utilisation de la marchandise dangereuse pour la santé de l'homme, prévu et réprimé par les articles L. 213-1 et L. 213-2 du Code de la consommation ;
Entendu le 22 mai 2002, X réclamait l'expertise contradictoire prévue à l'article L. 215-9 du Code de la consommation ; une information était ouverte ; dans un rapport du 6 mai 2004, les deux experts concluaient à la non-conformité du jouet "puisqu' il contient un petit élément détachable à moins de 90 N (œil droit), pouvant être avalé" ; lors de son interrogatoire de première comparution, X se disait étonné de ces résultats et reprenait ses explications précédentes, ajoutant qu'avant la commercialisation des produits, sa société faisait toujours procéder à des tests internes ; il était renvoyé devant le tribunal du chef de tromperie par ordonnance du 15 septembre 2005.
Le bulletin n° 1 du casier judiciaire du prévenu, ne mentionne aucune condamnation.
Devant la Cour
Monsieur l'avocat général requiert la confirmation du jugement déféré sur la déclaration de culpabilité et sa modification sur le montant de l'amende qu'il demande de voir ramenée à 5 000 euro.
Par conclusions, le prévenu sollicite l'infirmation du jugement et sa relaxe, en faisant valoir :
- le caractère peu convaincant de l'expertise contradictoire, l'échantillon examiné étant celui ayant déjà fait l'objet de la première analyse par le laboratoire de Marseille et alors qu'en application de la partie 1 de la norme NF EN 71-1 "lorsque les essais de fraction portent sur les matériaux souples (ce qui est le cas ici), ils doivent être effectués sur un nouveau jouet", dès lors que "les mâchoires utilisées pour attacher la masse ou la force au composant risquent d' endommager celui-ci ou le matériau sur lequel il est fixé, compromettant ainsi les essais" ;
- son absence de mauvaise foi, compte tenu :
* du certificat de conformité délivré, avant l'importation, par un laboratoire accrédité H, labellisation reconnue comme équivalente à celle des laboratoires missionnés dans le présent dossier, l'identité des produits analysés et de ceux livrés et commercialisés résultant des documents produits,
* du rapport effectué par le laboratoire français S W accrédité qui a déclaré les peluches conformes après contrôle
SUR CE
Considérant que la non-conformité de la peluche litigieuse avec la norme EN 71.1 relative à la sécurité des jouets (propriétés mécaniques et physiques), caractérisée en l'espèce par la présence, sur un jouet souple destiné aux enfants de moins de 36 mois, d'un petit élément (œil droit de la pieuvre) détachable à moins de 90 N, pouvant donc être avalé ce qui est un élément de dangerosité, est établie en l'espèce par le rapport d'essai réalisé le 9 août 2001 par le laboratoire inter régional de Marseille, lequel est corroboré par l'expertise contradictoire réalisée par les deux experts désignés par le juge d'instruction dont l'un sur la proposition de X, ayant donné lieu au rapport du 6 mai 2004 ;
Que X conteste vainement le caractère probant de la seconde expertise ; qu'en effet, contrairement à ce qu'il soutient (et à ce qui a été rapporté faussement dans l'ordonnance de renvoi sur le constat de ce que le 3e échantillon prélevé avait été égaré), il ne ressort pas de l'analyse des pièces du dossier que cette seconde expertise ait été réalisée sur le même échantillon que celui précédemment analysé ; il est au contraire précisé par les experts que l'échantillon examiné est arrivé sous scellés et que ceux-ci étalent intacts comme l'atteste la photo jointe au rapport, constatations dont il résulte qu'il s'agissait bien du 2e échantillon prélevé le 3e laissé à la garde du magasin de A ayant été égaré ;
Considérant qu'il ressort des éléments du dossier, qu'avant la mise sur le marché européen et la commercialisation en France des peluches litigieuses, la société E s'est contentée de se fier aux seules analyses du laboratoire chinois Y lesquelles, même si le laboratoire bénéficiait d'une certaine crédibilité du fait de son agrément H, étaient manifestement insuffisantes ; qu'en effet, comme l'a justement relevé le tribunal, ce rapport, rédigé en anglais et que le prévenu n'a pas cru utile de faire traduire, se borne à certifier la conformité à la norme européenne EN 71, sans indication, s'agissant des propriétés mécaniques et physiques du jouet, sur la nature des tests réalisés ce qui empêche toute comparaison utile et toute vérification de conformité avec les exigences de la réglementation; qu'en outre X qui n'a constitué aucun dossier de fabrication ne démontre pas s'être assuré par lui-même que les produits étaient bien conformes à la réglementation en vigueur, ne faisant réaliser ces examens que postérieurement au contrôle de la DGCCRF ;
Que ce défaut de vérification, s'agissant de peluches destinées aux enfants de moins de 36 mois dont les parties à risque sont suffisamment connues des professionnels pour définir quels contrôles doivent être effectués, caractérise l'élément intentionnel de l'infraction de tromperie ;
Qu'en conséquence, les éléments constitutifs de l'infraction visée à la prévention étant caractérisés, la cour confirmera le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité de X ; que pour mieux tenir compte des circonstances de l'espèce, la cour modifiera dans le sens de l'atténuation le montant de l'amende prononcée à l'encontre du prévenu.
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement à l'encontre du prévenu, Reçoit les appels du prévenu et du Ministère public ; Confirme le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité ; Le Modifiant en répression Condamne X à 5 000 euro d'amende. Et aussitôt, le président a avisé le condamné, comme prévu par l'article 707-3 du Code de procédure pénale, que s'il s'acquittait de cette amende dans un délai d'un mois à compter de la date de la présente décision, ce montant serait minoré de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1 500 euro. Le Président a informé le condamné que le paiement de l'amende ne faisait pas obstacle à l'exercice des voies de recours. Dans le cas d'une voie de recours contre les dispositions pénales, il appartient à l'intéressé de demander la restitution des sommes versées.