CA Paris, 13e ch. A, 14 mai 2007, n° 06-09135
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Martellière
Défendeur :
Ministère public
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Guilbaud
Conseillers :
M. Waechter, Mme Geraud-Charvet
Avocat :
Me Paul
RAPPEL DE LA PROCEDURE :
LA PRÉVENTION :
Martellière Dominique a fait l'objet d'une convocation notifiée, sur instructions du procureur de la république près du Tribunal de grande instance de Bobigny, par un officier de police judiciaire, selon les dispositions de l'article 390-1 du Code de procédure pénale,
- pour avoir à Pantin et Aubervilliers, entre décembre 2003 et avril 2004, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription, es qualité de représentant légal de la société Mega Distribution, par quelque moyen que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers, étant partie ou non au contrat, trompé ou tenté de tromper les contractants sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la qualité des choses livrées, leur identité, par la livraison d'une marchandise autre que la chose déterminée qui a fait l'objet du contrat, l'aptitude à l'emploi, les risques inhérents à l'utilisation du produit, les contrôles effectués, les modes d'emploi, les précautions à prendre, de marchandises, en l'espèce, en détenant en vue de leur vente 15 828 voitures radiocommandées "Superior Racing Car" ref.680603 et en en vendant 1073, ces produits ayant été reconnus non conformes à la norme NF EN 50088, avec cette circonstance que les faits ont eu pour conséquence de rendre l'utilisation de la marchandise ou la prestation de service dangereuse pour la santé de l'homme ou de l'animal, ont été commis à l'aide de poids et de mesures ou autres instruments faux ou inexacts, en l'espèce, de manœuvres ou procédés tendant à fausser les opérations d'analyse ou de dosage, pesage ou mesurage ou à modifier frauduleusement la composition, le poids ou le volume des marchandises, d'indications frauduleuses tendant à faire croire à une opération antérieure et exacte, en l'espèce, échauffement entrainant un risque de brûlure,
LE JUGEMENT :
Le tribunal, par jugement contradictoire à l'encontre de Martellière Dominique, prévenu, a déclaré Martellière Dominique, coupable de tromperie sur une marchandise entraînant un danger pour la santé de l'homme ou de l'animal, faits commis du 1 décembre 2003 au 30 avril 2004, à Pantin, infraction prévue par les articles L. 213-2 1°, L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-2, L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3, L. 216-8 du Code de la consommation,
et, en application de ces articles, l'a condamné à une amende délictuelle de mille cinq cents euro (1 500 euro),
Vu les articles susvisés, à titre de peine complémentaire, a ordonné à l'encontre de Martellière Dominique, la destruction de la marchandise saisie,
- a dit que la présente décision était assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de quatre-vingt-dix euro (90 euro) dont est redevable le condamné,
LES APPELS :
Appel a été interjeté par :
- Monsieur Martellière Dominique, le 31 octobre 2005, des dispositions pénales,
- Monsieur le Procureur de la République, le 31 octobre 2005 contre Monsieur Martellière Dominique,
DÉROULEMENT DES DÉBATS :
A l'audience publique du lundi 26 mars 2007, Monsieur le Président a constaté l'identité du prévenu, libre,
Maître Olivier Paul, avocat de Martellière Dominique, a déposé au nom pour le compte du prévenu, des conclusions régulièrement visées par le Président et le greffier,
Martellière Dominique a indiqué sommairement les motifs de son appel,
Monsieur Ferlet, avocat général, représentant le Ministère public à l'audience de la cour, a sommairement indiqué les motifs de l'appel interjeté par le Procureur de la République de Bobigny,
Monsieur le Président Guilbaud a fait un rapport oral,
Martellière Dominique, a été interrogé,
ONT ÉTÉ ENTENDUS
Monsieur Ferlet, avocat général, en ses réquisitions,
Martellière Dominique, en ses explications,
Maître Paul Olivier, avocat, en sa plaidoirie,
et à nouveau Martellière Dominique, qui a eu la parole en dernier.
Monsieur le Président a ensuite averti les parties que l'arrêt serait prononcé le lundi 4 mai 2007.
A cette date, il a été procédé à la lecture du dispositif de l'arrêt par l'un des magistrats ayant participé aux débats et au délibéré, conformément aux dispositions de l'article 485 dernier alinéa du Code de procédure pénale ;
DÉCISION :
Rendue contradictoirement à l'encontre du prévenu, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant sur les appels relevés par le prévenu et le Ministère public à l'encontre du jugement déféré auquel il est fait référence.
Monsieur l'avocat général, qui souligne que Dominique Martellière n'a pas demandé l'expertise contradictoire prévue par l'article L. 215-9 du Code de la consommation dans le délai fixé à l'article L. 215-11 du même code, estime établie en tous ses éléments l'infraction visée à la prévention et requiert la confirmation de la décision attaquée.
Par voie de conclusions, Dominique Martellière demande à la cour de :
- Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Bobigny en date du 25 octobre 2005,
- Ordonner une contre-expertise pratiquée par un tiers ayant pour mission d'examiner la conformité aux prescriptions de la norme NF EN 50088, aux dispositions du décret n° 89-662, et plus généralement à la réglementation en vigueur, du stock de la société Mega Distribution composé de 15 828 exemplaires de la voiture radiocommandée "Superior Racing Car" (ref. 680-03).
Il fait essentiellement valoir les arguments suivants :
- avant la mise sur le marché du produit litigieux, la société Mega Distribution avait pris l'initiative de faire procéder aux tests requis en la matière par un laboratoire international, le laboratoire ITS (Intertek Testing Services) qui a conclu, le 27 mai 2003, à l'absence totale de dysfonctionnement,
- c'est au vu de ce résultat favorable que la société Mega Distribution amis le produit sur le marché,
- les tests pratiqués à la demande de la DGCCRF, par le Laboratoire National d'Essais, ont porté sur un nombre d'exemplaires très limité du produit litigieux, alors que le stock de la société Mega Distribution se compose de pas moins de 15 828 exemplaire, de sorte qu'il est tout à fait envisageable que le dysfonctionnement constaté ne constitue en réalité qu'un événement isolé,
- la sanction prononcée par le tribunal, sans qu'aucune autre expertise ne vienne conforter, sur un nombre représentatif d'échantillons, l'analyse du Laboratoire National d'Essai, s'avère totalement inéquitable en l'état, et très préjudiciable à la société Mega Distribution dont l'investissement réalisé en son temps pour l'acquisition d'un stock aussi substantiel se trouverait réduit à néant par la perte totale et injustifiée de ce dernier.
RAPPEL DES FAITS
Les premiers juges ont complètement et exactement rapporté les circonstances de la cause dans un exposé des faits auquel la cour se réfère expressément.
Il suffit de rappeler que dans le cadre d'un contrôle relatif à la sécurité des jouets exposés à la vente sur le marché de Noël du parvis de la Défense, deux agents de la DGCCRF de Nanterre ont procédé, le 12 décembre 2003, au prélèvement d'un jouet commercialisé par la société Paca Distribution de Marseille.
Le jouet en question, une voiture radio commandée dénommée "Superior Racing Car" réf. 680-3, a fait l'objet d'un double prélèvement officiel en 3 échantillons. Un premier prélèvement a été envoyé au laboratoire de la répression des fraudes de Marseille afin de vérifier, en regard de la norme NF EN 71 parties 1 ; 2 ; 3 et 6 la sécurité des dits jouets. Le second prélèvement a lui été adressé au laboratoire de la répression des fraudes de Paris Massy afin de vérifier, en regard de la norme NF EN 50 088, la sécurité électrique de ces produits.
Pour chaque prélèvement en trois exemplaires, les deux échantillons non envoyés aux laboratoires ont été conservés, pour l'éventualité d'une demande d'expertise contradictoire, l'un la DDCCRF des Hauts-de-Seine et l'autre par la SARL Paca Distribution.
S'agissant des exigences (norme NF EN 71-1, 71-2, 71-3, 71-6) relatives à la sécurité des voitures radio commandées, aucune remarque n'a été faite par le laboratoire de fraudes de Marseille. En revanche, sur la base des analyses réalisées par le LNE, le laboratoire inter régional de la répression des Fraudes de Paris Massy, le jouet a été reconnu non conforme et dangereux. La réalisation d'un court-circuit entre les piles de 1,5 volts provoquait en effet un réchauffement de celles-ci et du comportement à piles, supérieur à la limite prévue par la norme et entraînant un risque de brûlure inacceptable.
Il s'avérait que les articles litigieux avaient été achetés par la société Paca Distribution à la SARL Mega Distribution de (93500) Pantin qui les avait, elle-même, acquis de la société luxembourgeoise Sandweiller et introduit sur le marché français.
Lors d'un contrôle réalisé le 20 avril 2004 au siège de la société Mega Distribution, son gérant, Dominique Martellière, informé du caractère dangereux de ses produits, s'engageait I) à adresser une lettre d'avertissement à tous ses clients en leur enjoignant de retourner l'ensemble des voitures radio commandées invendues, II) à réunir tous les stocks de voitures radio commandées dans un entrepôt d'Aubervilliers pour permettre leur saisie.
Le 22 avril 2004 des agents de l'administration procédaient à la saisie de 15 828 voitures radio commandées "Superior Racing Car".
Entendu par les services de police le 27 mai 2005, Dominique Martellière reconnaissait les infractions relevées. Il précisait que ses fournisseurs lui avaient délivré le certificat de conformité concernant les voitures radio commandées ainsi que des expertises effectuées dans leur laboratoire en Chine et qu'il pensait ainsi pouvoir mettre la marchandise sur le marché.
Après remise d'une copie du rapport du laboratoire inter-régional de Paris Massy et avoir été avisé qu'un délai de trois jours francs lui était imparti pour présenter ses observations et faire savoir s'il réclamait l'expertise contradictoire prévue par le Code de la consommation, il déclarait ne pas réclamer cette mesure d'instruction. Lors de la même audition, il consentait à la destruction de la marchandise placée sous scellée et consignée dans son entreprise.
Le casier judiciaire du prévenu mentionne une condamnation.
SUR CE LA COUR
SUR LA DEMANDE DE CONTRE-EXPERTISE
Considérant que Dominique Martellière a, conformément aux dispositions des articles L. 215-9 et L. 215-11, reçu communication du rapport d'expertise et été avisé qu'un délai de trois jours francs lui était imparti pour présenter ses observations et solliciter, le cas échéant l'expertise contradictoire ;
Qu'il a déclaré ne pas solliciter l'expertise contradictoire et laissé passer le délai de trois jours francs prévu à l'article L. 215-11 du Code de la consommation ;
Considérant que la demande de contre-expertise aujourd'hui présentée ne correspond d'ailleurs pas à l'expertise contradictoire des articles 215-9 et suivants du Code de la consommation, qui porterait sur un nombre limité d'échantillons, conformément à l'article L. 214 du même Code, puisque le prévenu souhaite en réalité l'examen d'un nombre représentait substantiel d'échantillons en rappelant que le stock de Mega Distribution se compose de 15 828 exemplaires du produit litigieux ;
Considérant que les formalités prévues par l'article L. 215-11 du Code de la consommation ayant été pleinement respectées, la cour, qui s'estime par ailleurs suffisamment informée, rejettera la demande de contre-expertise introduite par Dominique Martellière ;
SUR LE FOND
Considérant que la détention en vue de la vente et la mise en vente, constatées le 20 avril 2004 de jouets visés par le décret n° 89-662 du 12 septembre 1989 alors qu'ils ne respectent pas l'ensemble des dispositions du décret les réglementant et notamment les exigences essentielles de sécurité des jeunes utilisateurs sont constitutives d'une tentative de tromperie sur les qualités substantielles et les risques inhérents à l'utilisation du produit ;
Que la vente de 1073 voitures radio commandées "Superior Racing Car" réf. 680 à onze clients (factures cotes 12.2 à 12.14) alors que ces jouets ne respectent pas l'ensemble des exigences du décret les réglementant compromet la sécurité des jeunes utilisateurs et est donc constitutive du délit de tromperie sur les qualités substantielles et les risques inhérents à l'utilisation du produit ;
Considérant en effet que le décret n° 89-662 du 12 septembre 1989, relatif à la prévention des risques liés à l'usage des jouets, est la transcription en droit national de la directive 88-378-CEE (sécurité des jouets) ;
Que dès lors, seuls les rapports d'essai réalisés par les organismes notifiés par les états membres et par les pays de l'association européenne de libre-échange dans le cadre de cette directive sont admissibles, la liste correspondante étant publiée au journal officiel des communautés européennes ;
Considérant que les laboratoires chinois Guangzhou Worldwide Standards and Testing Co. LTD et Intertek Testing Services auteurs des rapports d'essai concluant à la conformité de la voiture radio commandée référence 680-3 aux exigences des normes NE EN 71 et NF EN 50 088 ne figurent pas sur cette liste ;
Considérant que Dominique Martellière, agissant pour le compte de la SARL Mega Distribution, a fourni lors du contrôle les rapports d'essai en sa possession en soutenant qu'il pensait s'être acquitté des devoirs et responsabilités lui incombant lors de l'introduction des jouets litigieux ;
Qu'il a par ailleurs fait valoir aux fonctionnaires qu'il avait, de sa propre initiative, fait réaliser par un laboratoire notifié, les essais nécessaires à la compatibilité électromagnétique de la voiture radio commandée saisie ;
Considérant que c'est donc en parfaite connaissance de cause que le prévenu s'est contenté de rapports d'essai insuffisants réalisés par des laboratoires chinois non notifiés pour les essais relatifs aux normes NF EN 71 (sécurité des jouets) et NF EN 50 088 (sécurité des jouets électriques), ce qui démontre à tout le moins une négligence dont la conséquence est ta mise en danger de jeunes utilisateurs, son produit ayant été reconnu "non conforme et dangereux" ;
Considérant que l'intérêt financier d'une telle pratique d'achat et de revente de jouets sans effectuer les contrôles requis par les laboratoires européens notifiés est évident dans la mesure où elle permet une baisse du coût de l'importation et donc une augmentation des bénéfices dégagés ;
Considérant que le délit visé à la prévention est caractérisé en tous ses éléments à l'encontre de Dominique Martellière ;
Considérant que la cour confirmera le jugement attaqué sur la déclaration de culpabilité, sur la peine d'amende et en ce qu'il a ordonné, par application de l'article L. 216-2 alinéa 3 du Code de la consommation, la destruction de la marchandise saisie, ces sanctions constituant une application modérée de la loi pénale qui se justifie par la bonne volonté manifestée lors du contrôle par le prévenu qui a demandé le retour des jouets litigieux et facilité leur, saisie par l'administration ;
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement à l'encontre du prévenu, Reçoit le prévenu et le Ministère public en leurs appels, Rejette la demande de contre-expertise introduite par Dominique Martellière, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Le condamné n'étant pas présent au jour du délibéré, l'avertissement prévu par l'article 707-3 du Code de Procédure pénale, n'a pu être donné. Rejette toutes conclusions plus amples ou contraires.