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Décisions

CA Grenoble, 1re ch. corr., 14 octobre 2008, n° 08-00397

GRENOBLE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Procureur général

Défendeur :

G, UFC "que choisir"

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fournier

Conseillers :

MM. Pradier, Fournier

Avocats :

Mes Roy, M'Barek

T. corr. Grenoble, du 10 sept. 2007

10 septembre 2007

Le jugement:

Le Tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré Guy G coupable d'avoir à Voiron (38), le 2 janvier 2006:

* trompé sur les qualités substantielles en mettant en vente:

- sous l'appellation "Rosette de Lyon" une rosette non labellisée,

- 4 pré-emballés d'abats et 4 paquets de poisson dont la date limite de consommation a été prolongée de 2 jours,

- des produits avec un étiquetage différent des données fournies par le fournisseur; infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-L, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation

* exposé, fait circuler ou mis en vente des denrées animales ou d'origine animale non conformes aux normes sanitaires et qualificatives pour être reconnues propres à la consommation, en commercialisant de la viande hachée à l'avance, en l'espèce deux préemballés pour un poids de 12,6 kg et en utilisant un type de viande non autorisée en l'espèce de la dinde;

infraction prévue par les articles R. 237-2 5°, 13°, R. 231-18, R. 231-16, R. 231-13 AL. 1, R. 231-12 du Code rural et réprimée par l'article R. 237-2 AL. 1 du Code rural

* étant exploitant d'un établissement de denrées animales ou d'origine animale, omis de le déclarer à l'autorité compétente, en l'espèce en commercialisant des denrées animales à des intermédiaires sans agrément ou dispense d'agrément;

infraction prévue par les articles R. 237-2 7°,1 3°, R. 231-20, R. 231-12, R. 231-13 du Code rural et réprimée par l'article R. 237-2 AL. 1 du Code rural

et, en application de ces articles, l'a condamné à 1 amende de 1 500 euro, 2 amendes de 500 euro et ordonné l'affichage du jugement pendant une durée de 2 semaines à l'entrée du magasin Champion à Voiron,

et, a statué sur l'action civile en:

- recevant l'Union fédérale des consommateurs "que choisir" de l'Isère (UFC 38), prise en la personne de son représentant légal en exercice,

- condamnant Guy G à lui payer:

la somme de 1 500,00 euro au titre du préjudice collectif,

la somme de 300,00 euro en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Déroulement des débats:

La cause appelée à l'audience publique du 09 septembre 2008,

Monsieur Jean-Pierre Pradier, conseiller a fait le rapport

Maître M'Barek Yamina, avocat, a déposé des conclusions pour la partie civile et les a développées dans sa plaidoirie,

Monsieur Meffre, substitut général, a résumé l'affaire et a été entendu en ses réquisitions,

Maître Roy Jean-François, avocat, a déposé des conclusions et les a développées dans sa plaidoirie, pour la défense de Guy G,

Sur quoi la cour a mis l'affaire en délibéré, après en avoir avisé les parties présentes, elle a renvoyé le prononcé de son arrêt à l'audience publique de ce jour en laquelle, la cause à nouveau appelée, elle a rendu l'arrêt suivant;

Motifs de la décision:

Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure et des débats les faits suivants:

Un contrôle effectué le 2 janvier 2006 par la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de l'Isère au supermarché Champion de Voiron, relevait plusieurs anomalies dont l'inspecteur chargé du contrôle dressait procès-verbal. Il était constaté:

- au rayon boucherie:

* la confection de 12,6 kilogrammes de viande hachée, la direction départementale de la concurrence, la consommation et la répression des fraudes de l'Isère indiquant dans son procès-verbal que la viande doit être hachée "sur le champ et à la vue de l'acheteur", que l'établissement qui hache de la viande doit avoir reçu l'agrément de la direction des services vétérinaires pour le faire et qu'il est interdit de hacher de la viande de dinde sans y ajouter d'additif;

* la mise en vente de rosette sous la dénomination "rosette de Lyon pur porc: label rouge", étant rappelé que l'appellation "rosette de Lyon" est une "indication géographique protégée", en cours de reconnaissance par la communauté européenne et que le label "label rouge" est un gage de qualité supérieure, alors que le produit mis en vente n'était ni une rosette de Lyon ni un produit "label rouge";

* la mise en vente d'abats pré-emballés sous forme de quatre paquets de cervelles de veau, dont la date limite de consommation était axée au 4 janvier 2006 par le fournisseur, alors que la date limite de consommation apposée par le magasin sur ces produits était fixée au 6 janvier 2006;

- au rayon poissonnerie : la découverte de quatre paquets de merlan pané dont la date limite de consommation du fournisseur était fixée au 2 janvier 2006 alors que celle apposée par le magasin indiquait le 4 janvier 2006;

- dans un meuble réfrigéré : la découverte de produits appelés "croq junior au fromage", dont il était constaté, d'une part, que la liste réelle des ingrédients les composant était différente de celle inscrite sur ces produits et, d'autre part, dont les quantités de fromage et de poisson énoncées sur l'étiquette étaient supérieures aux quantités de ces ingrédients réellement contenues dans les produits concernés.

Entendu sur ces faits, Guy G déclarait que, concernant les abats, il s'agissait d'une erreur humaine du boucher; que, concernant les poissons panés, la vendeuse, dans la panique, avait présenté à l'inspecteur une étiquette d'emballage qui ne correspondait pas à la marchandise qui se trouvait en rayon; que, concernant les "croq junior au fromage", il ne contestait pas la matérialité des faits mais faisait valoir qu'il avait fait appel à un service spécialisé dans la "programmation des balances" qui, surchargé à cause de la période des fêtes, n'avait pas tenu ses engagements ; que, concernant la rosette de Lyon, il n'était pas au courant de la "nouvelle" réglementation ; que, concernant la viande hachée, il s'agissait d'un service rendu à un restaurant vietnamien ayant pris fin après le contrôle et qu'il ignorait que l'arrêté du 29 février 1996 l'obligeait à ajouter un additif dans la viande de dinde hachée ; que, concernant l'agrément de la direction des services vétérinaires, une dispense était systématiquement accordée par cette administration qu'il pensait avoir obtenue. Il précisait que, depuis le contrôle, cette situation avait été régularisée et que des contrôles bactériologiques étaient régulièrement effectués.

Sur les poursuites exercées à raison de ces faits, le Tribunal de grande instance de Grenoble a statué par un jugement contradictoire prononcé le 10 septembre 2007, dont il a été régulièrement relevé appel par l'association UFC "que choisir" de l'Isère, le 19 septembre 2007, par le prévenu, le même jour, en ce qui concerne ses dispositions tant pénales que civiles et le 21 septembre 2007 par le ministère public.

Sur ce

- Sur l'action publique

Attendu qu'en droit, l'article L. 213-1 du Code de la consommation dispose que : "sera puni d'un emprisonnement de deux ans au plus et d'une amende de 37 500 euro au plus ou de l'une de ces deux peines seulement quiconque, qu'il soit ou non partie au contrat, aura trompé ou tenté de tromper le contractant, par quelque moyen ou procédé que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers:

1. 1° Soit sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de toutes marchandises;

2° Soit sur la quantité des choses livrées ou sur leur identité par la livraison d'une marchandise autre que la chose déterminée qui a fait l'objet du contrat;

3° Soit sur l'aptitude à l'emploi, les risques inhérents à l'utilisation du produit, les contrôles effectués, les modes d'emploi ou les précautions à prendre.";

qu'en l'espèce, le procès-verbal de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de l'Isère n° CX 12, clos le 9 février 2006, a établi la matérialité des faits constituant la tromperie en ce qu'il a été constaté que, le 2 janvier 2006, un produit dénommé "rosette de Lyon pur porc label rouge" était mis en vente au supermarché Champion de Voiron alors que, selon le fournisseur du produit, il ne s'agissait ni de ce produit, ni d'un produit labellisé, que quatre barquettes d'abats et quatre paquets de merlan pané présentaient une date limite de consommation prolongée de deux jours par rapport à la date limite de consommation fixée par le fournisseur et que l'étiquetage des produits "croq junior au fromage" différait des données fournies par le fournisseur; que le prévenu ne conteste pas la matérialité de ces faits constituant le délit de tromperie dont le caractère intentionnel résulte de leur constatation par l'administration compétente;

Attendu, par ailleurs, que la confection de 12,6 kilogrammes de viande hachée constatée par le procès-verbal de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de l'Isère clos le 11 mai 2006, dont une barquette de 6,6 kilogrammes de viande hachée de dinde dont le hachage n'est pas autorisé, a été réalisée sans respect des normes sanitaires en vigueur et sans que le supermarché Champion obtienne préalablement l'agrément de la direction des services vétérinaires ; que ces faits, non contestés par le prévenu, permettent de caractériser les deux contraventions de cinquième classe qui lui sont reprochées, prévues et réprimées par l'article R. 237-2 5° et 7° du Code rural; qu'en conséquence, les infractions qui lui sont reprochées étant constituées, il convient de confirmer la déclaration de culpabilité du prévenu prononcée par le Tribunal de grande instance de Grenoble;

Attendu qu'en répression, Guy G est condamné pour le délit, au regard de la gravité des faits, à l'amende prévue par la loi dont le montant, compte tenu de ses revenus déclarés, est fixé à la somme de 3 000 euro ; que, par ailleurs, les premiers juges ont fait une juste application de la loi pénale concernant la répression des contraventions, tenant compte à la fois des circonstances des infractions et de la personnalité de l'auteur ; que le jugement sera confirmé sur ce point ; qu'en revanche, il sera infirmé en ce qu'il a prononcé la peine complémentaire d'affichage de la décision aux portes de l'entreprise pendant un mois, par application de l'article L. 470-2 du Code de commerce, cette décision revenant à sanctionner la personne morale à raison des faits reprochés à Guy G personnellement;

- Sur l'action civile:

Attendu qu'en proposant aux consommateurs de la viande hachée sans respecter les normes sanitaires en vigueur et en les trompant sur les qualités substantielles de certains produits proposés à la vente, Guy G a causé à l'association UFC que choisir de l'Isère, dont l'objet social consiste précisément à défendre les intérêts de la collectivité des consommateurs, un préjudice découlant directement des infractions dont il a été reconnu coupable ; qu'en fixant à 1 500 euro le montant de l'indemnisation destinée à assurer la réparation intégrale de ce préjudice, les premiers juges n'en ont pas fait une exacte évaluation; qu'en conséquence, Guy G est condamné à payer à la partie civile la somme de 3000 euro en indemnisation du préjudice collectif subi, outre celle de 250 euro sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale en compensation des frais non payés par l'Etat, exposés en cause d'appel par la partie civile, en sus de la somme qui lui a été accordée à ce titre en première instance;

Par ces motifs:

LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi. Sur l'action publique, Confirme le jugement du Tribunal de grande instance de Grenoble en ce qui concerne la déclaration de culpabilité et la condamnation de Guy G au paiement de deux amendes contraventionnelles de 500 euro chacune, l'Infirmant quant à la peine délictuelle prononcée, Condamne Guy G à une amende de 3 000 euro, Constate que l'avertissement prévu à l'article 707-3 du Code de procédure pénale sur le paiement des amendes sans sursis a été donné au condamné, dans la mesure de sa présence effective à l'audience où le présent arrêt a été rendu. Sur l'action civile : l'Infirmant quant à l'action civile, condamne Guy G à payer à titre de dommages -intérêts à l'association UFC que choisir de l'Isère la somme de 3 000 euro en indemnisation de son préjudice, outre celle de 250 euro sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, en sus de la somme qui lui a été accordée à ce titre en première instance, Dit le condamné tenu au paiement du droit fixe de procédure, Le tout par application des dispositions des articles susvisés.