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Décisions

CA Poitiers, 2e ch. civ., 9 septembre 2008, n° 07-00536

POITIERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Samko (SAS)

Défendeur :

CL Alsace (SARL), MAAF Assurances (SA), Entretien et Réparation René (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roux

Conseillers :

Mme Fevre, M. du Rostu

Avoués :

SCP Musereau Mazaudon-Provost-Cuif, SCP Alirol & Laurent, SCP Landry & Tapon

Avocats :

SCP Wiehn-Besnard-Dabin-Moulay, SCP Menegaire-Loubeyre-Fauconneau

TGI Niort, du 27 nov. 2006

27 novembre 2006

DÉBATS :

A l'audience publique du 21 avril 2008,

Les conseils des parties ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour être mise à disposition des parties au greffe le 10 juin 2008, date prorogée au 9 Septembre 2008,

Ce jour, a été rendu contradictoirement et en dernier ressort, l'arrêt dont la teneur suit :

Vu le jugement du Tribunal de grande instance de Niort en date du 27 novembre 2006, dont la teneur est réputée connue qui a :

- dit n'y avoir lieu à rabat de l'ordonnance de clôture,

- condamné la société Samko à payer à la société CL Alsace les sommes hors taxes de 20 000 euro au titre du remboursement du matériel litigieux et de 13 037,50 euro au titre du préjudice économique résultant du sinistre,

- ordonné l'exécution provisoire,

- débouté la société CL Alsace de ses demandes à l'encontre de la société Entretien et Réparation René et de la société MAAF Assurances,

- condamné la société Samko aux dépens en ce compris les frais d'expertise de 653,66 euro,

Vu la déclaration d'appel de la société Samko en date du 30 janvier 2007 et les pièces régulièrement produites à la procédure.

Vu les dernières conclusions régulièrement signifiées par la société Samko, appelante, tendant à voir infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau à voir :

- débouter la société CL Alsace, la société Entretien et Réparation René et la société MAAF Assurances de l'ensemble de leurs demandes à son encontre,

- ordonner à titre subsidiaire l'organisation d'une nouvelle expertise contradictoire et aux frais avancés de la société CL Alsace afin de rechercher la cause originelle de l'incendie,

- débouter à titre infiniment subsidiaire la société CL Alsace de ses demandes au titre des préjudices subis et à tout le moins en réduire le quantum,

- condamner en tout état de cause in solidum la société CL Alsace, la société Entretien et Réparation René et la société MAAF Assurances à lui payer la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.

Vu les dernières conclusions régulièrement signifiées par la SARL CL Alsace, intimée et appelante incidente, tendant à voir confirmer le jugement déféré et y ajoutant à voir :

- condamner solidairement la société Samko et la SARL Entretien et Réparation René, cette dernière in solidum avec la société MAAF Assurances, à lui payer les sommes accordées en première instance en application des articles 1386 et suivants du Code civil, outre les sommes de 5 000 euro à titre de dommages-intérêts pour appel abusif et de 3 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens,

- condamner, à titre subsidiaire en cas de recours à une expertise pour évaluer son préjudice économique in solidum la société CL Alsace, la société Entretien et Réparation René et la société MAAF Assurances à lui payer une provision de 10 000 euro hors taxes.

Vu les dernières conclusions régulièrement signifiées par la société MAAF Assurances et la SARL Entretien et Réparation René, intimées, tendant à voir confirmer le jugement déféré et à voir en tant que de besoin condamner la société Samko à les relever indemnes de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées contre elles en principal, intérêts et frais, outre la condamnation de la société Samko à lui payer la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 18 avril 2008,

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu qu'il ressort des faits constants de la cause tels qu'ils sont établis par les écritures des parties et les documents versés aux débats que :

- le 25 octobre 2003, la société CL Alsace a confié sa remorque, immatriculée 989 SN 62, de marque Benalu à la société Entretien et Réparation René pour la réfection des freins qui a procédé à la réparation en installant un kit de freinage fabriqué par la société Samko,

- le 8 juillet 2004, un incendie est survenu sur le semi-remorque appartenant à la société CL Alsace qui circulait en Haute-Saône,

- le 23 décembre 2004 une expertise amiable a été réalisée,

- se prévalant des conclusions de cette expertise, la société CL Alsace a fait assigner le garagiste et son assureur en réparation du préjudice subi qui a appelé en garantie le fabriquant,

Attendu qu'au soutien de son appel, la société Samko fait conclure que

- à titre principal la société CL Alsace ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un défaut du ressort de rappel incriminé et d'un lien de causalité certain entre le vice allégué et le sinistre, une vraisemblance ne suffit pas à établir la certitude de la défectuosité du produit dont l'allongement est la conséquence de l'incendie et non la cause, l'implication du produit ne suffit pas davantage à établir la cause de l'incendie, l'expertise n'a pas été objective et n'a pas permis de procéder à l'examen des composants internes du côté droit de l'essieu central permettant d'exclure que le départ du feu ne peut avoir été provoqué par le ressort ce qui est matériellement impossible,

- à titre subsidiaire la société CL Alsace ne justifie pas du montant des sommes réclamées en réparation du préjudice subi que ce soit sur la valeur de remplacement de la remorque qui n'a pas été intégralement détruite ou sur l'indemnité d'immobilisation de la remorque alors qu'elle a été informée tardivement du sinistre ;

Attendu qu'en réponse la société CL Alsace fait valoir que la responsabilité de plein droit de la société Samko est engagée en vertu des articles 1386-1 et suivants du Code civil compte tenu du caractère défectueux du système de freinage qu'elle a fabriqué lequel est à l'origine du sinistre, que l'expertise réalisée a été contradictoire, que le technicien qualifié mandaté par la société Samko n'a émis aucune protestation sur la mission de l'expert et ne lui a soumis aucun dire sur les hypothèses qu'elle accrédite désormais pour s'exonérer de sa responsabilité lesquelles n'ont pas été envisagées par l'expert en l'absence de tous éléments sur des problèmes afférents au levier régleur ou au circuit pneumatique ; qu'elle justifie du préjudice subi ; que le garagiste qui a fourni le système de freinage fabriqué par la société Samko et l'a installé sur son véhicule est solidairement responsable avec le fabriquant du dommage subi.

Attendu qu'en ce qui les concerne, la société MAAF Assurances et la société Entretien et Réparation René font conclure que toute erreur de montage de la part de la société Entretien et Réparation René ayant été exclue par les experts, elle a légitimement été mise hors de cause, que la société Samko, en sa qualité de fabricant du ressort défectueux, est responsable de plein droit du dommage causé par le défaut de son produit, et devrait, le cas échéant, les relever indemnes de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre ;

Attendu qu'en application de l'article 1386-1 du Code civil, le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime ;

Attendu que les parties soumettent les mêmes moyens et prétentions que ceux soumis à l'appréciation du premier juge qui, par des motifs pertinents, que la cour fait siens a estimé que :

- l'expertise de Monsieur Gontier en date du 23 décembre 2004 corroborée par l'expertise de Monsieur Pruvot en date du 25 janvier 2005, mandaté par la société MAAF Assurances, établit que l'incendie en cause trouve son unique origine dans le décrochement du ressort de rappel de la garniture inférieure droite de frein de l'essieu milieu qui a léché le tambour et s'est échauffé générant l'incendie dans le tambour lequel s'est propagé à la remorque et que ce décrochement est dû à l'élongation des spires inférieures du ressort,

- les constatations des experts ont mis en évidence que le ressort de rappel de la mâchoire de frein inférieure droite de l'essieu milieu est le seul à être décroché et qu'il y a un allongement des spires inférieures de ce ressort alors que la température la plus élevée se trouve en partie supérieure et qu'il présente seul ce défaut, ce qui exclut que l'incendie soit la cause de l'allongement des spires du ressort comme le prétend la société Samko,

- la responsabilité du producteur du produit défaillant qui n'a pas offert la sécurité à laquelle on pouvait légitiment s'attendre et qui est à l'origine du sinistre est engagée de plein droit,

- la société Entretien et Réparation René et son assureur doivent être mis hors de cause en l'absence de responsabilité du garagiste qui a correctement posé le système de freinage fourni par la société Samko, dont le produit est défectueux dans l'un de ses éléments intégré au système de freinage fabriqué, plus de huit mois avant la survenance de l'incendie et après plusieurs mois de circulation ;

Attendu qu'il sera ajouté que l'expertise amiable a été contradictoire et que chacune des parties, dont l'expert mandaté par la société Samko, pour y participer a eu toute possibilité pour faire valoir ses arguments, demander des vérifications et déposer un dire contestant les conclusions de l'expert, ce que Monsieur Ragons n'a pas fait élaborant une théorie expressément contredite par les seules constatations expertales parfaitement objectives et incontestables sur le plan physique et scientifique établissant qu'un seul ressort est décroché alors que les deux autres ne le sont pas et que seules les spires de ce ressort sont distendues ; que les autres supputations de la société Samko sur un dysfonctionnement du levier régleur ou du correcteur pneumatique sont pour le moins tardives et développées pour les besoins de la cause dans le cadre la présente instance sans être étayées par aucun élément sérieux et probant de nature à remettre en cause l'expertise qui suffit à établir le mécanisme très simple de l'incendie dû au décrochement du ressort de rappel en cause qui a engendré un blocage de la roue milieu droite, puis son échauffement et le début de l'incendie sur la roue qui s'est propagé à la remorque ; qu'ainsi c'est le ressort de rappel fabriqué par la société Samko qui est défectueux et qui est seul à l'origine du sinistre ; que la responsabilité du producteur tenu à une obligation de sécurité de résultat est ainsi engagée de plein droit, ce qui exclut la responsabilité du garagiste qui n'est pas responsable de la défectuosité du produit ;

Attendu qu'en ce qui concerne les dommages-intérêts, il est établi que le châssis, le flanc droit et le plancher de la benne de la remorque sont partiellement fondus, qu'elle n'est pas économiquement réparable et que sa valeur de remplacement justifiée est de 20 000 euro hors taxes ;

Attendu que le préjudice économique a été justement évalué par le premier juge compte tenu des justificatifs fournis par la société CL Alsace dont la remorque a été immobilisée pendant 250 jours à compter du sinistre dont la société Samko est seule responsable et qui a toujours refusé d'en assumer les conséquences ;

Attendu qu'il convient, en conséquence, de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu à dommages-intérêts pour appel abusif ; que la société CL Alsace sera débouté de sa demande à ce titre ;

Attendu qu'il est inéquitable de laisser à la charge des parties intimées le montant de leurs frais irrépétibles en cause d'appel ; qu'il convient d'allouer à la société CL Alsace d'une part et à la société Entretien et Réparation René et à son assureur d'autre part la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que la société Samko qui succombe supportera ses frais irrépétibles et les dépens d'appel.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Et y ajoutant Condamne la société Samko à payer à la SARL CL Alsace la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Samko à payer à la société Entretien et Réparation René et à la société MAAF Assurances la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Rejette toutes autres demandes, Condamne la société Samko aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.