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Décisions

CA Nîmes, ch. corr., 1 février 2007, n° 07-00092

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

X (Consorts)

Défendeur :

Ministère public, DDCCRF de l'Ardèche

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Trille

Conseillers :

Mme Hebrard, M. Namura

Avocats :

Mes Laick, Beraud

T. corr. Privas, du 22 févr. 2006

22 février 2006

Vu le jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Privas, le 22 février 2006, qui statuant par décision contradictoire, déclare les prévenus coupables d'avoir à Le Pouzin, Aubenas, Valence (26), sur le territoire national, entre le 17 Janvier 1998 et le 12 Avril 2001, et depuis temps non couvert par la prescription, par quelque moyen que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers étant partie ou non au contrat, trompé ou tenté de tromper diverses sociétés ou établissements clients, contractants, sur les qualités substantielles, l'origine, la composition et la nature des marchandises, en l'espèce en vendant comme marchandises propres à la transformation et à la consommation, sans restrictions particulières, des viandes ayant fait l'objet de congélation dans un établissement non agréé, sans respect des procédures réglementaires et stockées dans un établissement non agréé à cet effet, ayant des dates limites de consommation dépassées avant leur congélation, étiquetées comme produits frais, alors que déjà congelées, étiquetées sans aucune traçabilité possible, congelées dans des états de dégradations sanitaires avancées, décongelées puis recongelées à plusieurs reprises rompant ainsi la chaîne du froid, en s'abstenant de les prévenir de l'aptitude à. l'emploi des produits compte tenu de leur congélation, et des précautions à prendre en l'espèce en ne les congelant pas à nouveau, avec cette circonstance que les faits ont eu pour conséquence de rendre l'utilisation de la marchandise ou de la prestation de service dangereuse pour la santé de l'homme ;

Et, en répression, condamne à la peine de :

Pierre X :

* un an d'emprisonnement,

Dit qu'il sera sursis à l'exécution de la peine d'emprisonnement qui vient d'être prononcée contre lui,

* 25 000 euro d'amende,

Compte tenu de l'absence du condamné, le Président n'a pu donner l'avis prescrit par l'article 132-29 du Code pénal.

- A Xavier X :

* 24 mois d'emprisonnement,

Dit qu'il sera sursis à l'exécution de la peine d'emprisonnement qui vient d'être prononcée contre lui,

* 40 000 euro d'amende,

Compte tenu de l'absence du condamné, le président n'a pu donner l'avis prescrit par l'article 132-29 du Code pénal.

- A Roger X :

* six mois d'emprisonnement,

Dit qu'il sera sursis à l'exécution de la peine d'emprisonnement qui vient d'être prononcée contre lui,

* 12 000 euro d'amende,

Compte tenu de l'absence du condamné, le président n'a pu donner l'avis prescrit par l'article 132-29 du Code pénal.

Ordonne la publication du présent jugement ;

Le tout par application de :

Coupable de tromperie sur une marchandise entrainant un danger pour la sante de l'homme ou de l'animal, infraction prévue par les articles L. 213-2 1, L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-2, L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3, L. 216-8 du Code de la consommation

et des articles 473 et suivants du Code de procédure pénale ;

Vu les appels interjetés par:

Monsieur X - Pierre, le 6 Mars 2006, son appel étant limité aux dispositions pénales

Monsieur X Roger, le 6 Mars 2006, son appel étant limité aux dispositions pénales

Monsieur X Xavier, le 6 Mars 2006, son appel étant limité aux dispositions pénales

M. le Procureur de la République, le 6 Mars 2006 contre Monsieur X Pierre,

M. le Procureur de la République, le 6 Mars 2006 contre Monsieur X Roger,

M. le Procureur de la République, le 6 Mars 2006 contre Monsieur X Xavier

Vu les citations données aux parties les 21, 22 et 26 juin 2006 en vue de comparaître à l'audience du 9 novembre 2006 pour voir statuer sur lesdits appels ;

Et ce jour, le 9 Novembre 2006, l'affaire appelée en audience publique,

Maître Laick avocat substituant Maître Beraud, avocat des consorts X a réitéré la demande de renvoi sollicité par courtier faxé en date du 7 novembre 2006 ;

L'affaire a été renvoyée à l'audience du 30 novembre 2006 sauf à aviser la DDCCRF de l'Ardèche ;

Vu l'avis transmis le 9 novembre 2006 à la DDCCRF de l'Ardèche lui indiquant que l'affaire était renvoyée à l'audience du 30 novembre 2006 ;

Et ce jour, le 30 Novembre 2006, l'affaire appelée en audience publique, la cour ainsi composée:

Président: Monsieur Trille,

Conseillers : Monsieur Namura, Madame Hebrard,

En présence de :

Ministère public : Monsieur Senechal, substitut général,

Greffier : Madame Durcicel, greffier

Monsieur le Président Trille a fait le rapport de l'affaire ;

Monsieur Pierre X prévenu, a sommairement exposé les motifs de son appel, a été interrogé et a fourni ses explications et réponses ;

Monsieur Roger X prévenu, a sommairement exposé les motifs de son appel, a été interrogé et a fourni ses explications et réponses ;

Monsieur Xavier X, prévenu, a sommairement exposé les motifs de son appel, a été interrogé et a fourni ses explications et réponses ;

Monsieur Alain M représentant la DDCCRF de l'Ardèche, a été entendu ;

Le Ministère Public a été entendu en ses réquisitions ;

Maître Beraud, avocat pour les trois prévenus, a déposé des conclusions qu'il a développées en plaidant ;

Roger X, prévenu, a eu la parole le dernier ;

Xavier X, prévenu, a eu la parole le dernier ;

Pierre X, prévenu, a eu la parole le dernier ;

Les débats terminés, la cour a mis l'affaire en délibéré pour son arrêt être rendu le 1er février 2007, toutes parties présentes ou représentées avisées de s'y trouver ;

La cour s'est retirée et, dans la même composition, ces magistrats du siège en ont délibéré conformément à la loi, pour le présent arrêt être rendu ce jour.

SUR CE

En la forme

Les appels interjetés dans les formes et délais légaux sont réguliers et recevables ;

Au fond

Attendu que l'information et les débats ont éclairé les faits suivants :

Au mois de décembre 2000, janvier et février 2001, plusieurs inspections étaient conduites par les services de la Direction Départementale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes ainsi que par la Direction des Services Vétérinaires de l'Ardèche dans les locaux de l'entrepôt frigorifique Stock FR011) (devenu la Sarl Mercado à compter du 01.01.01) sis au Pouzin (07).

Ces contrôles mettaient en lumière les faits suivants :

- le 22 décembre 2000, présence de sept palettes de viande appartenant à la SA X dont cinq étaient conditionnées mais non étiquetées,

- les deux autres palettes, contenaient des produits frais dont les dates limites de consommation étaient dépassées, s'avérant impropre à la consommation,

- le 26 décembre 2000, présence de six nouvelles palettes de viandes congelées identifiées contenant des produits frais dont la date limite de consommation était dépassée,

- le 4 janvier 2000, présence de seize palettes de jambons congelés identifiés dont l'étiquetage n'indiquait pas la température de conservation.

L'ensemble de ces palettes était placé en consigne vétérinaire.

Enquêtant sur la provenance de tous ces produits, les verbalisateurs relevaient l'estampille sanitaire de la société Etablissements X spécialisée dans le commerce en "gros" de viandes, salaisons et produits de charcuterie, sise à Aubenas (07), qui, selon les indications du nommé G gérant de l'entrepôt, aurait transporté elle-même ces palettes sur place sans y adjoindre le moindre bordereau d'accompagnement indiquant la provenance des viandes et leur dénomination.

Les enquêteurs relevaient d'emblée que l'atelier de découpe de viandes de la société X ne possédait aucun agrément sanitaire pour les travaux de congélation et ne pouvait donc pas apposer son estampille sur des produits de cette nature.

Poursuivant leurs recherches ils établissaient que les produits en cause avaient été congelés dans l'entrepôt de surgélation Vivacoop d'Aubenas à l'initiative de la société X.

Examinant les documents détenus par l'entrepôt Stock froid/Mercado, ils décelaient un contrat de location supplémentaire de 60 palettes dans un autre entrepôt sur Valence.

Ils procédaient alors à l'inventaire exhaustif des produits consignés et constataient que certains morceaux de viande étaient stockés sans aucun emballage, qu'ils présentaient pour partie des brûlures par le froid ou étaient conditionnés dans des "sous vide" non hermétiques voire même présentaient des colorations verdâtres.

Remontant la "chaîne du froid" des produits consignés, les verbalisateurs poussaient leurs investigations vers la Coopérative fruitière Vivacoop de Saint Sernin (07) où ils apprenaient qu'en raison de la baisse très sensible de la production fruitière, l'établissement avait été amené à louer à la société X des espaces de conservation depuis une dizaine d'années, allant jusqu'à la mise à disposition, depuis 2000, d'une chambre froide complète (171 m2) pour le stockage des viandes mais sans utilisation du "tunnel de congélation" réservé à la congélation de fruits "en masse".

Le représentant qualifié de Vivacoop, Monsieur Le R précisait que les apports de viandes de la société X étaient quasiment quotidiens et que cette société disposait même des clefs des entrepôts pour gérer son stock. Il s'agissait donc d'entreposer directement des produits température positive dans une chambre de stockage de produits congelés.

Les différentes alertes lancées sur la qualité des viandes à l'occasion de la campagne concernant l'ESB avaient conduit Vivacoop à résilier son contrat de location avec la société X à fin 2000.

Les auditions des représentants de la société X, et notamment de son directeur général, Monsieur Roger X, comme de ses fils Pierre et Xavier, ou du responsable de qualité, Monsieur Laurent C confirmaient la pratique très ancienne (depuis 1975) d'une congélation illicite des produits de l'entreprise faute de la moindre autorisation administrative.

Initialement réalisée dans les locaux mêmes de la société, dans un congélateur, les opérations s'étaient poursuivies à partir de la fin des années 1980 par le biais des entrepôts de Vivacoop selon le mode ci-dessus décrit d'une livraison à température positive de produits pour certains emballés sous vide depuis 5 à 15 jours, simplement déposés dans les chambres froides de la coopérative fruitière, sans aucun recours au "tunnel de congélation".

La destination de ces produits était retrouvée auprès de quatre sociétés spécialisées dans la fabrication de produits transformés à base de viande sur Lyon, Thionville et St Genis Laval, ayant acquis pour partie des "produits congelés".

Il s'avérait en outre qu'aucune "traçabilité" des viandes traitées n'était assurée du fait même des carences d'organisation et de méthodes de la société X, ce qui excluait tout contrôle de l'origine et de la qualité des viandes en cause comme toute vérification d'une congélation avant la date limite de consommation.

A titre d'exemple, les enquêteurs retrouvaient chez la SARL Paturel, dans le département voisin de la Drôme des foies de porc congelés provenant de la société X étiquetés comme produit frais sans aucune référence de date d'emballage et de consommation.

Entendus sur la provenance des viandes traitées par la société, leur qualité, et leur destination, les salariés se montraient au cours de l'information, pour certains, très critiques et donnaient les indications suivantes :

* la société X procédait effectivement à la congélation de produits d'origine animale clans un établissement non agréé, au mépris total des procédures réglementaires, sans utiliser de tunnel de surgélation, sans indiquer de date ni de provenance des viandes traitées et en "rompant la chaîne du froid",

* la société X procédait à la congélation de produits frais alors que la date limite de consommation était dépassée :

- les viandes étaient travaillées après leur décongélation et vendues comme produits frais avec une nouvelle date limite de consommation auprès d'établissement tels les hôpitaux, les établissements scolaires, les maisons de retraite,

- certaines viandes, de couleur verdâtre, dégageant une odeur nauséabonde totalement impropres à la consommation avaient été travaillées et recongelées en dépit des mises en garde des employés, sur ordre de Xavier X qui s'était vanté d'avoir fait une affaire,

-certains transports entre Vivacoop et la SA X étaient effectués dans des camions ou véhicules sans système de réfrigération,

- aucun système ne permettait d'assurer la traçabilité de la viande et il était impossible de connaître l'origine de la viande alors que la SA X ne pouvait prétendre ignorer l'obligation de la mise en place d'un système de traçabilité puisque celui lui avait été notifié par courrier à la suite d'un précédent contrôle en 1999 par la DDCCRF,

- afin d'échapper à tout contrôle de police, les camions étaient toujours précédé d'une voiture et à chaque contrôle vétérinaire, la marchandise étaient entreposée dans des camions qui tournaient pendant toute la durée de l'opération,

- les responsables de la SA X (Xavier X, Pierre X et Roger X) avaient tous agis en connaissance de cause.

Attendu qu'en cause d'appel les prévenus demandent :

"- Constater que le dossier pénal ne comporte ni plaintes, ni doléances de la part d'un client direct ou indirect des Ets X

- Constater qu'il n'a été procédé à aucune analyse des marchandises consignées malgré les demandes expresses du propriétaire.

- Constater que les conditions des interrogatoires du personnel des Ets X et le défaut de cohérence et de concordance entre les déclarations faites et l'absence de plainte, l'absence d'analyses selon la procédure instituée par le Code de la Consommation, l'absence de procès-verbaux antérieurs et les résultats satisfaisants des analyses faites dans les semaines ayant précédé la consignation, enlèvent toute valeur probatoire à ces auditions.

- Constater que les faits susceptibles d'être constitutifs de contraventions ont fait l'objet d'une ordonnance de non-lieu définitive.

- Constater que le juge d'instruction expressément et le tribunal implicitement, ont manqué aux dispositions de l'article L. 216-4 du Code de la consommation.

- Constater que les dépositions recueillies ne visent pas la date des faits dénoncés et que le parquet échoue dans la charge de la preuve de la démonstration d'un délit de tromperie entre le 17 janvier 1998 et le 12 avril 2001.

- Constater qu'il n'est pas établi une intention frauduleuse de tromper la clientèle à l'encontre des trois prévenus.

- Accueillir en conséquence l'appel régularisé à l'encontre du jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Privas le 22 février 2006 et prononcer au profit de Messieurs Roger X, Pierre X et Xavier X, une relaxe".

Attendu que la société X apparaît comme une entreprise familiale, constituée sous forme de SA au moment des faits, réalisant un chiffre d'affaire de 56 millions de francs et employant 40 personnes au moment de l'inspection ;

Que le président directeur général est Monsieur Roger X fondateur de l'entreprise, chargé plus particulièrement de l'achat des bêtes vivantes et des relations avec les fournisseurs de bêtes ;

Que le fils aîné, Pierre X occupe les fonctions de directeur général, et supervise plus particulièrement le secteur boucherie, les transports et les bureaux ;

Que le fils cadet, Xavier X, est employé comme cadre, chargé du secteur charcuterie, de l'emballage et de la congélation ;

Attendu que les pratiques de la société en matière de congélation des viandes sont mises en cause dans le cadre du délit de tromperie sous trois aspects :

la nature et la qualité des viandes congelées (absence de traçabilité),

les conditions de congélation dans une entreprise non agréée,

- l'utilisation des produits congelés ;

1 La nature et la qualité des viandes congelées :

Attendu que la DSV et la DDCCRF ont relevé en premier lieu un problème de traçabilité de la viande bovine, le système mis en place dans l'entreprise ne permettant pas en fait de remonter à la bête sur pied ;

Attendu que les consorts X reconnaissaient avoir tardé à organiser la traçabilité sur les veaux, et affirment avoir amélioré leur système concernant les bêtes adultes ;

Attendu que des éléments importants ont été recueillis sur commission rogatoire quant à la qualité des viandes destinées à la congélation ;

Qu'il est ainsi apparu que les viandes n'étaient pas congelées à bref délai après l'abattage, comme le veut la réglementation, mais parfois même après la date limite de consommation ;

Qu'à ce sujet quatre employés de la société X et une personne extérieure à l'entreprise ont déclaré :

Monsieur R (D 152), employé depuis 1987, avait vu des viandes destinées à la congélation comportant une date limite de consommation dépassée, au maximum d'une semaine, certaines fois ces viandes étant "fatiguées",

- Monsieur P (D 153), employé depuis 1991, affirmait que 25 % des viandes destinées à la congélation étaient "fatiguées", avaient "changé de couleur",

- Monsieur L (D 154), employé depuis 1987, confirmait, parlant de "viandes pourries" et estimait que la moitié des viandes congelées étaient impropres à la consommation, la date limite de consommation étant dépassée parfois de 1 mois,

- Monsieur E (D 155), employé, déclarait qu'étaient partis à la congélation des produits dans un état impropre à la consommation, avec "du liquide autour",

- Monsieur G locataire d'un entrepôt voisin (D 150) avait le souvenir d'un déchargement de rôtis de porc destiné à la congélation dont la date limite de consommation était dépassée ;

Attendu que les prévenus contestent ces charges mais s'avèrent toutefois incapables d'expliquer le nombre et la concordance des témoignages autrement que par la crainte des enquêteurs, alors même que deux personnes concernées sont toujours employées dans leur entreprise et en lien de subordination à leur égard ;

Attendu que les cinq personnes ci-dessus visées ont été régulièrement entendues par les fonctionnaires de la section financière du SRPJ, qu'aucun élément de la procédure ne corrobore les dires des prévenus qui traitent à la barre de la cour les intéressés de menteurs, alors qu'ils se sont bien gardés, tant devant les premiers juges qu'en cause d'appel, de les citer en qualité de témoins ;

Attendu qu'en ce qui concerne la date des faits, les quatre employés de la Sté X les ont situés entre leur arrivée dans l'entreprise (1987, 1989, 1990, 1991) et la date des inspections (décembre 2000 - avril 2001) ;

Attendu dès lors que la période de prévention (17 janvier 1998 - 12 avril 2001) n'est pas couverte par la prescription comme indiqué dans les conclusions des prévenus ;

Attendu par ailleurs que le témoin C ne parle quant à lui que de l'année 2000 :

"En effet, à deux ou trois reprises au cours de l'année 2000, en arrivant dans l'entrepôt, vers 6 heures - 6 heures 30, j'ai vu entreposé face au bureau, dans la pièce principale non-réfrigérée de l'entrepôt, deux ou trois palettes de viande fraîche placée dans des bacs plastiques rouges.

Ces viandes étalent posées à même dans les bacs. Elles étaient "nues" c'est-à-dire sans aucune protection.

ll y avait, à mon souvenir, une seule étiquette par palette, mais je ne me souviens pas de leurs inscriptions.

Je sais simplement que ces viandes étaient stockées à température ambiante, sans aucune protection.

Ces viandes ne pouvaient être destinées qu'aux Ets X car c'est la seule société qui stockait de la viande à Vivacoop".

"Lors de mes visites matinales, je voyais presque à chaque fois, le fils X prénommé Xavier en train de préparer des palettes de viandes, qu'il destinait, selon moi, à la vente.

Il était toujours seul.

D'ailleurs, il s'agit de la seule personne que je voyais à ces heures-là, chez Vivacoop.

Dans la journée, par contre, venaient également les employés de X dont j'ignore l'identité.

En ce qui concerne la qualité de la marchandise que les Ets X venaient entreposer dans la journée :

Je n'ai jamais trop prêté attention à la marchandise.

Toutefois, j'ai souvenir d'un déchargement de rôtis de porcs non congelés dont les dates limites de consommation avaient été dépassées et qui étaient destinés à être congelés. Ce dépôt a eu lieu courant de l'année 2000 et a été fait par un des véhicules X.

Par contre, je me souviens aussi, d'une autre livraison que je suis incapable de dater, toujours effectuée par un véhicule marqué "X". Sitôt, les portes de ce véhicule ouvertes, il s'est dégagé une odeur "nauséabonde" de viande "faisandée".

2 Les conditions de congélation et d'entreposage :

Attendu que l'infraction a révélé que la SA X avait utilisé jusqu'à fin 2000 les établissements Vivacoop à Aubenas, puis l'entreprise Mercado sur les deux sites du Pouzin et de Valence (26) ;

Attendu qu'il est constant que :

- la congélation se faisait par simple entreposage en chambre froide, et sans utilisation d'un tunnel de surgélation comme imposé par la réglementation;

- ni la SA X ni l'entreprise Vivacoop n'étaient titulaires des agréments pour la congélation ;

- seul l'entrepôt Mercado au Pouzin était agréé pour l'entreposage de viande congelée ;

Attendu que les prévenus ne contestent pas ces manquements, faisant valoir leur bonne foi et leur sentiment d'avoir été trompés par leurs prestataires de service ;

Que toutefois :

- Monsieur C (D 140), responsable de la station de congélation Vivacoop a indiqué que Xavier X avait à un moment demandé le n° d'agrément de la station pour la congélation des viandes et, apprenant son inexistence, avait dit qu'il "s'en passerait" ;

Monsieur C. (D 171), engagé comme "responsable qualité" a indiqué avoir "constaté la présence de viande congelée dans les locaux de la Vivacoop, alors que cette société n'avait pas les autorisations requises", et "en avoir référé à Xavier X "lequel n'avait pas répondu" ;

Qu'il s'était en outre rendu à Vivacoop à l'initiative de Xavier X, qui lui "avait demandé s'il était possible d'agréer ces locaux" et avoir indiqué à celui-ci que "c'était impossible";

Attendu que de toute façon le fait pour les prévenus de se "défausser" sur la prestataire de service ne saurait être admis puisqu'il s'agissait d'une location pour "conservation" et non "congélation" ;

Attendu qu'au cours des 11 années de location chez Vivacoop les quantités congelées n'ont cessé d'augmenter pour atteindre une somme forfaitaire de 1 million de francs en l'an 2000 ;

Attendu par ailleurs que les constatations de la DSV et de la DDCCRF ont établi qu'aucun registre des stocks congelés n'était tenu, la présence de viande d'agneau portant l'estampille des anciens abattoirs d'Aubenas et datant donc au moins de 1997 étant constatée au cours des contrôles ;

3 L'utilisation des produits congelés :

Attendu que plusieurs employés Monsieur R (D 152), Monsieur P (D 153), Monsieur L (D 154), Monsieur B (D 150) ont indiqué que :

- des produits décongelés étaient vendus comme produits frais, au risque que les acheteurs ne les recongèlent,

* certains produits décongelés étaient "douteux", "d'une couleur inhabituelle", "parfois dans un état de putréfaction important", qu'ils étaient généralement transformés par la charcuterie, avec ou sans cuisson, ou vendus à des collectivités ;

Attendu que les prévenus contestent là encore les témoignages recueillis, dont ils ne peuvent toutefois expliquer la teneur ;

Attendu qu'ils déplorent qu'aucune analyse des produits consignés n'ait été pratiquée par un laboratoire indépendant alors qu'ils n'ont pas demandé une telle mesure au juge d'instruction ;

Que par ailleurs, le procès-verbal dressé le 21 mars 2001 entraînant la consignation des marchandises porte la signature de deux médecins vétérinaires, les docteurs Anne-Marie R et Pascale S qui ont notamment constaté le 22 janvier 2001 :

"Au cours de cet inventaire, il a été constaté que des morceaux de viande étaient stockés sans aucun emballage et mordraient des brûlures par le froid, que certains sous vide étaient fermés ou n'étaient pas hermétiques et que des pièces de viande découpées présentaient une coloration verdâtre" ;

Attendu qu'il résulte de l'ensemble des éléments ci-dessus repris que les faits reprochés aux trois prévenus sont établis ;

Que les témoignages recueillis, nombreux et circonstanciés, sont corroborés par les constatations des services d'inspection qui ont mis la lumière sur les pratiques de la société X, indifférente aux prescriptions sanitaires les plus élémentaires pendant de nombreuses années et pour des quantités de viande importantes ;

Que l'absence de plainte d'un client de la SA est indifférente quant à la matérialité de l'infraction ;

Attendu que celle-ci a été régulièrement notifiée à chacun des trois prévenus par le juge d'instruction le 7 août 2002 au cours des premières comparutions D 190, 191, 192.

"Après avoir constaté l'identité de la personne, nous lui faisons connaître chacun des faits dont nous sommes saisi en vertu d'un réquisitoire introductif en date du 12 avril 2001 et d'un réquisitoire supplétif en date du 4 septembre 2001 de Monsieur le procureur de la République, et pour lesquels elle comparaît devant nous, ainsi que leur qualification juridique :

* pour avoir à Le Pouzin (07), Aubenas (07), Valence (26), en tout cas sur le territoire national, entre le 17 janvier 1998 et le 12 Avril 2001, et en tout cas depuis temps non prescrit, par quelque moyen que ce sait, même par l'intermédiaire d'un tiers étant partie ou non au contrat, trompé ou tenté de tromper, diverses sociétés ou établissements clients, contractants, sur les qualités substantielles, l'origine, la composition et la nature des marchandises, en l'espèce en vendant comme marchandises propres à la transformation et à la consommation, sans restrictions particulières, des viandes ayant fait l'objet de congélation dans un établissement non agréé, sans respect des procédures réglementaires et stockées dans un établissement non agréé à cet effet, ayant des dates limites de consommation dépassées avant leur congélation, étiquetées comme produits frais, alors que déjà congelées, étiquetées sans aucune traçabilité possible, congelées dans des états de dégradations sanitaires avancées, décongelées puis recongelées à plusieurs reprises rompant ainsi la chaîne du froid, en s'abstenant de les prévenir de l'aptitude à l'emploi des produits compte tenu de leur congélation, et des précautions à prendre en l'espèce en ne les congelant pas à nouveau, avec cette circonstance que les faits ont eu pour conséquence de rendre l'utilisation de la marchandise ou de la prestation de service dangereuse pour la santé de l'homme,

faits prévus et réprimés par les articles L. 213-1, L. 216-1, L. 216-2, L. 213-2 et L. 216-8 du Code de la consommation".

Attendu dès lors que les prévenus ne sauraient soutenir que le juge d'instruction a substitué un fondement juridique dans son ordonnance de renvoi à celui initialement retenu ;

Attendu qu'aucun des trois prévenus, en l'absence de délégation de pouvoir et du fait de son rôle actif dans l'entreprise familiale, ne peut exciper de sa bonne foi et prétendre n'avoir jamais voulu tromper ses clients sur une qualité substantielle de la viande vendue ;

Attendu que l'importance des quantités vendues, le nombre d'années pendant lesquelles les faits ont été commis, les déclarations des témoins C et C et le niveau intellectuel des intéressés (Bac + 2 pour Xavier et Pierre X, spécialistes de l'agro-alimentaire) attestent au contraire de l'intention frauduleuse des intéressés ;

Attendu que l'infraction reprochée étant caractérisée dans tous ses éléments constitutifs y compris la circonstance que les faits ont eu pour conséquence de rendre l'utilisation de la marchandise dangereuse pour la santé de l'homme (L. 213-2 du Code de la consommation), le jugement déféré sera confirmé sur la culpabilité ;

Attendu que la gravité des faits et la personnalité de chacun des trois prévenus justifient par ailleurs la confirmation de la décision entreprise sur la répression, y compris la publication ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant contradictoirement, En la forme, Reçoit les appels ; Au fond, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, Dit que la publication interviendra dans le quotidien Dauphine Libéré ; En l'absence des condamnés, lors du prononcé du délibéré, le président n'a pu leur donner l'avertissement prévu à l'article 132-29 du Code pénal ; En l'absence des condamnés lors du prononcé du délibéré, le président n'a pu les informer des dispositions de l'article 707-3 du Code de procédure pénale qui stipule : - "que, s'ils s'acquittent du montant de l'amende prononcée dans un délai d'un mois à compter de ce jour, son montant est diminuée de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1 500 euro, - et que le paiement de l'amende ne fait pas obstacle à l'exercice des voies de recours." La présente décision est assujettie au droit fixe de procédure d'un montant de 120 euro dont est redevable le prévenu, en application de l'article 1018-A du Code général des Impôts.