CA Paris, 13e ch. A, 26 juin 2006, n° 05-08822
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Ministère public
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guilbaud
Conseillers :
M. Waechter, Mme Geraud-Charvet
Avocat :
Me Martin
Rappel de la procédure:
La prévention :
B. Philippe, Karim est poursuivi pour avoir à Saint Thibault des Vignes (77), en tout cas sur le ressort du Tribunal de grande instance de Meaux et sur le territoire national, de juillet 2001 à mai 2002, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, en sa qualité dc gérant de la SARL X..., par quelque moyen que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers, étant partie ou non au contrat, trompé ou tenté de tromper des consommateurs sur l'aptitude à l'emploi, les risques inhérents à l'utilisation du produit, les contrôles effectués, en l'espèce, en mettant sur le marché national après y avoir apposé un marquage CE attestant de la conformité de ces produits aux exigences essentielles et de la vérification de cette conformité, des chargeurs de voyage pour téléphones portables (2 100 unités + 500 unités) qui se sont avérés après expertise, dangereux (risque de choc électrique pour l'utilisateur) et non conformes à la réglementation applicable, sans avoir effectué aucune vérification dans le cadre de son obligation d'auto-contrôle,
La SARL X... prise en la personne de son gérant B. Karma est poursuivie pour avoir à Saint Thibault des Vignes (77), en tout cas sur le ressort du Tribunal de Grande Instance de Meaux et sur le territoire national, de juillet 2001 à mai 2002, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, pour son compte et du fait de son représentant légal B. Karim, Philip, par quelque moyen que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers, étant partie ou non au contrat, trompé ou tenté de tromper des consommateurs sur l'aptitude à l'emploi, les risques inhérents à l'utilisation du produit, les contrôles effectués, en l'espèce en mettant sur le marché national après y avoir apposé un marquage CE attestant de la conformité de ces produits aux exigences essentielles et de la vérification de cette conformité, des chargeurs de voyage pour téléphones portables (2100 unités + 500 unités), qui se sont avérés après expertise, dangereux (risque de choc électrique pour l'utilisateur) et non conformes à la réglementation de son obligation d'auto-contrôle,
Le jugement:
Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré:
- B. Philippe, Karim coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise. Faits commis de juillet 2001 à mai 2002, à St Thibault des Vignes (77), infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation,
- la SARL X... coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, faits commis de juillet 2001 à mai 2002, à St Thibault des Vignes (77), infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation,
Et par application de ces articles, a condamné:
- B. Philippe, Karim à la peine d'un mois d'emprisonnement avec sursis.
- la SARL X... prise en la personne de son gérant B. Karim à une amende délictuelle de dix mille euro (10 000,00 euro),
- a dit que la présente décision était assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de quatre-vingt dix euros (90,00 euro) dont sont redevables chaque condamné,
Les appels:
Appel a été interjeté par:
Monsieur B. Philippe, le 21 avril 2005, des dispositions pénales,
- la SARL X..., le 21 avril 2005, des dispositions pénales,
Monsieur le Procureur de la République, le 22 avril 2005 contre Monsieur B. Philippe et la SARL X...,
Déroulement des débats:
A l'audience publique du lundi 22 mai 2006, Monsieur le Président a constaté l'identité de B. Philippe, prévenu, gérant de la SARL X...,
Maître Bruno Martin, avocat de B. Philippe et de la Société X... SARL, a déposé au nom et pour le compte de ces prévenus, des conclusions régulièrement visées par le Président et le Greffier,
B. Philippe, Karim a indiqué sommairement les motifs de son appel,
Monsieur Guenot, avocat général, représentant le ministère public à l'audience de la cour, a sommairement indiqué les motifs de l'appel interjeté par le procureur de la République de Meaux,
Madame la Conseillère Geraud-Charvet a fait un rapport oral,
B. Philippe, Karim a été interrogé,
Ont été entendus:
Monsieur Guénot, avocat général, en ses réquisitions,
B. Philippe, Karim en ses explications,
Maître Bruno Martin, avocat de B. Philippe et de la SARL X..., en sa plaidoirie, et à nouveau B. Phuippe qui a eu la parole en dernier.
Monsieur le Président a ensuite averti les parties que l'arrêt sera prononcé le lundi 26 juin 2006.
A cette date, il a été procédé à la lecture du dispositif de l'arrêt par l'un des magistrats ayant participé aux débats et au délibéré, conformément aux dispositions de l'article 485 dernier alinéa du Code de procédure pénale;
Décision:
Rendue contradictoirement à l'encontre de B. Philippe et de la SARL X..., après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant sur les appels principaux des prévenus, Philippe B. et la SARL X... et sur l'appel incident du ministère public, interjetés à l'encontre du jugement entrepris;
Philippe B. et la SARL X... dont il est le gérant, comparaissent, assistés de leur avocat qui dépose des conclusions,
Rappel des faits et demandes
Dans le cadre d'une enquête de la DDCCRF de Seine et Marne auprès de la société Hama pour vérifier si cette société s'acquittait de ses obligations d'autocontrôle pour les produits fabriqués dans des pays tiers et importés sur le marché français, l'administration prélevait pour analyse le 19 juin 2002, trois chargeurs de voyage pour téléphone mobile raccordables au réseau électrique ; dans son rapport d'examen du 15 octobre 2002, le Laboratoire interrégional de la répression des fraudes de Paris Massy, déclarait non conformes et dangereux les chargeurs de téléphone examinés pour "non-respect des prescriptions de points des clauses prises en considération de la norme NF EN 60950 d'avril 2002, ... faisant courir à l'utilisateur un risque de choc électrique ".
L'enquête de la DDCCRF établissait que le chargeur référencé 36627 HF (Ericsson) provenait d'un lot de 100 unités acquises le 10 avril 2002 par la société Hama auprès de la SARL X... ; Philippe B. gérant de cette société déclarait avoir importé 2100 unités de ce produit entre juillet 2001 et mai 2002 auprès d'un fournisseur chinois, la société Hann Hwa, sans avoir procédé à des autocontrôles, ni constitué de dossier de fabrication ; il ne pouvait produire que des documents comprenant le certificat "CE", établis par le fabricant dans un pays tiers, ayant trait à des normes relatives à la compatibilité électromagnétique, aucun ne traitant de sécurité électrique; concernant le chargeur référencé 0078211F (Sagem), il provenait d'un lot de 500 pièces produites par la société Asia Technology à Hong-Kong, importé le 10 avril 2002 par la SARL X... à la demande de la société Hama et livré directement à celle-ci le même jour ; aucun dossier de conformité n'avait été constitué par la société X....
Le 10 mars 2003, la DDCCRF dressait procès-verbal pour tromperie sur l'aptitude à l'emploi, les risques inhérents à l'utilisation d'un produit à l'encontre de la SARL X... et de son gérant, et de l'EURL Hama et de ses gérants.
Entendu le 30 juin 2003 par les services de police, Philippe B. déclarait que les produits vendus à la société Hama étaient emballés et mis sur le marché par cette société ; il indiquait qu'il n'avait pas mis en doute les certificats délivrés par ses fournisseurs ; Il précisait que depuis le contrôle il avait retiré de la vente l'ensemble de la gamine des produits incriminés et qu'il procédait à des contrôles rigoureux en vérifiant l'authenticité des certificats fournis.
Le bulletin N°1 du casier judiciaire de Philippe B. ne porte trace d'aucune condamnation.
Devant la cour
Philippe B. en son nom et en qualité de représentant de la SARL X..., reconnaît qu'il a manqué à ses obligations d'autocontrôle ; il motive son appel par sa contestation, en droit, de la qualification de tromperie.
Monsieur l'Avocat général requiert la confirmation du jugement déféré sur la déclaration de culpabilité et ne s'oppose pas à ce que seule une peine d'amende soit prononcée.
Philippe B. et la SARL X..., par voie de conclusions, demandent à la cour leur reine ; ils font valoir:
- que l'obligation de conformité des produits qui leur incombe en qualité d'importateur doit s'apprécier à la date de première mise sur le marché, laquelle était, au vu des factures produites, le 10 avril 2002 alors que les produits incriminés ont ôté analysée au regard de la nouvelle norme NF EN 60950-1entrée en vigueur le avril 2002, donc non applicable au cas d'espèce ; ils soutiennent que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, un produit ne peut être jugé dangereux en dehors de toute norme;
- que la prévention ne saurait leur imputer l'apposition du marquage "CE" puisque les deux produits incriminés ont été conditionnés sous "blister" par la société Hama; quant aux marquages "CE" figurant sur les étiquettes signalétiques des deux produits, ils ont été apposés par les fabricants des chargeurs et non par l'importateur;
- que l'élément intentionnel de la tromperie n'est pas caractérisé ; ils exposent que pour le chargeur Ericsson, la société X... avait un dossier sur la conformité électromagnétique et que de son côté la société Hama détenait un dossier de conformité sur la sécurité électrique établi en octobre 2000 sur le même modèle bien que de provenance distincte ; pour le chargeur Sagem, la société X... était persuadée qu'il s'agissait du produit fabriqué par la société Systech, pour lequel la société Hama détenait déjà un dossier de conformité complet;
A titre infiniment subsidiaire, ils sollicitent l'indulgence compte tenu des mesures correctives prises afin de remédier aux manquements constatés,
Sur ce
Considérant qu'il ressort des constatations régulières des procès-verbaux de la DDCCRF que les étiquettes signalétiques des chargeurs litigieux portaient le marquage "CE" destiné en principe à attester que les produits ont fait l'objet des contrôles de conformité prévus par le décret n° 95-1081 du 3 octobre 1995 relatif à la sécurité des personnes, des animaux et des biens lors de l'emploi de matériels électriques; que toutefois la SARL X... n'a pu produire que des certificats "CE" émanant du fabricant, établis dans un pays tiers, uniquement relatifs à la compatibilité électromagnétique et non à la sécurité électrique; qu'il lui incombait en tant qu'importatrice des chargeurs litigieux et responsable de leur première mise sur le marché, de procéder à l'auto contrôle de ces produits, ce qu'elle n'a pas fait; que s'agissant de sa responsabilité propre d'importateur, il est sans effet d'invoquer la responsabilité du fabricant établi dans un pays tiers dont les pièces, au demeurant, ne sont pas relatives à la sécurité électrique, ni la responsabilité de l'acheteur du produit quand bien même il aurait réalisé le conditionnement.
Considérant que les expertises réalisées par le laboratoire de Paris-Massy sur chacun des chargeurs, concluent à la non-conformité et à la dangerosité des appareils ; que si, comme l'a relevé le tribunal, la non-conformité ne peut en l'espèce être retenue dans la mesure ou le laboratoire s'est référé à la norme NF EN 60950 du 20 avril 2002 non encore applicable lors de l'importation des produits par la société X... le 10 avril 2002, la dangerosité des appareils par "risque de choc électrique pour l'utilisateur" qui est établie, suffit à caractériser l'un des éléments de l'infraction de tromperie visée à la prévention; qu' en effet, en application de l'article 2 du décret n° 95-1081 du 3 octobre 1995 précité, les matériels électriques doivent être fabriqués conformément aux règles de l'art prévalant en matière de sécurité et ne pas compromettre la sécurité des personnes, ce qui n' était pas le cas des chargeurs litigieux.
Considérant que l'élément intentionnel de l'infraction de tromperie résulte de l'aveu même de Philippe B. qui a reconnu n'avoir pas effectué les vérifications qu'il savait lui incomber en sa qualité d'importateur responsable de la première mise sur le marché européen d'un matériel électrique.
Considérant en conséquence que le délit de tromperie sur l'aptitude à l'emploi, les risques inhérents à l'utilisation du produit et les contrôles effectués, est caractérisé en tous ses éléments à l'encontre de la SARL X... et de son gérant Philippe B. ; qu'il convient donc de confirmer le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité.
Considérant que la peine d'amende prononcée par le tribunal à l'encontre de la personne morale est justifiée en son montant et que la cour la confirmera ; que s'agissant de Philippe B., pour mieux tenir compte de son absence d'antécédent judiciaire et des mesures correctives prises après le contrôle de la DDCCRF, la cour, réformant le jugement, ne prononcera qu'une seule peine d'amende.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement à l'encontre de B. Philippe et de la SARL X..., Reçoit les appels des prévenus et du ministère public; Confirme le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité et sur la peine d'amende prononcée à l'encontre de la SARL X... ; Réformant le jugement en répression à l'égard de Philippe B. : Condamne Philippe B. à une amende de 3 000 euro.