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Décisions

CA Montpellier, 3e ch. corr., 7 janvier 2010, n° 09-00835

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Ministère Public

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rajbaut

Conseillers :

Mme Bresdin, M. Andrieux

Avocat :

Me Vinckel

TGI Carcassonne du 3 sept. 2008

3 septembre 2008

Rappel de la procédure

Par jugement contradictoire du 03 septembre 2008 le Tribunal correctionnel de Carcassonne saisi par citation directe a

Sur l'action publique : renvoyé B. Jérôme ds fins de la poursuite sans peine ni dépens pour :

* avoir à Trebes (Aude), le 03105/2005, trompé la société CVB Beziers, contractant, sur la nature des marchandises, en l'espèce, en commercialisant 235 hl. de vin rouge sous la dénomination vin de pays de l'Aude alors que ce lot incluait 42 hl. de vin de table rouge, infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3, L. 216-8 AL. 5 du Code de la consommation.

Appel

Par acte au greffe le 15 septembre 2008 le Ministère Public a interjeté appel à titre principal de ce jugement.

Déroulement des débats

A l'appel de la cause à l'audience publique du 05 novembre 2009 Monsieur Rajbaut, Président, a constaté l'identité du prévenu.

Monsieur Andrieux, Conseiller, a fait le rapport prescrit par l'article 513 du Code de procédure pénale.

Le prévenu comparaît assisté par son conseil ; il sera statué à son égard par arrêt contradictoire.

Le prévenu a été entendu en ses explications.

La Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes de l'Aude a été entendue à titre de renseignement.

Le Ministère Public est entendu en ses réquisitions.

Maître Vinckel Jean Luc pour M. B. Jérôme est entendu en sa plaidoirie. Ii dépose des conclusions, lesquelles ont été visées par le président et la greffière, mentionnées par cette dernière aux notes d'audience et jointes au dossier.

Le prévenu a eu la parole en dernier.

A l'issue des débats, la cour a mis l'affaire en délibéré et Monsieur le Président a averti les parties que l'arrêt serait prononcé à l'audience publique du 07 janvier 2010.

Les faits :

Le 5 avril 2005, les agents Pey et Pla, inspecteurs des Services Extérieurs de la DGCCRF, se présentaient au domaine viticole de la SCEA Chateau Millegrand et procédaient au recensement des vins détenus dans le chais, au cours duquel il apparaissait, au regard des vins déclarés en stock au 30 août 2004, de la déclaration de récolte en date du 24 novembre 2004, des titres de mouvement, un excédent de vins de pays de l'Aude rouge de 42 hl.

Ils constataient en effet que 1.550 hl. étaient sortis de l'exploitation, 277 hl. étaient encore stockés pour 1 785 hl. agréés en vins de pays, soit un excédent de 42 hectolitres.

Interrogé par ces agents le 3 mai 2005, le régisseur de la SCEA, Monsieur Main Sarrato, déclarait qu'il y avait eu un mélange dans la cuve n° 35 entre 72 hl. d'un vin de pays de l'Aude rouge de la récolte 2004 et un vin de table pour 42 hl., ces 114 hl. ayant été assemblés à un autre lot pour constituer un ensemble de 235 hl., enlevé sous l'appellation " vin rouge pays Aude " selon DAA n° 13 236, à destination de la CVB 34 à Béziers.

Interrogé le 17 mai 2005, Monsieur B. déclarait qu'il n'était pas au courant, tout en soutenant que les 42 hl. de vin de table assemblés n'avaient pas été commercialisés en vin de pays, que la raison qui avait amené le régisseur à agir ainsi était d'éviter que les 70 hl. de vin de pays contenus dans la cuve n 35 d'une contenance de 114 hl. ne s'altèrent en restant en vidange, ayant considéré qu'il pouvait l'assembler du fait du caractère analytiquement identique de l'autre vin.

Il précisait également la faiblesse de la plus-value du fait du faible écart entre le prix du vin de pays et celui du vin de table.

L'article 51 paragraphe 3 du règlement CEE 1493-99 du 17 mai 1999 prévoit que les vins de table peuvent bénéficier d'une indication géographique sous réserve de provenir exclusivement du territoire délimité et de conditions de production particulières.

Un décret du 1er septembre 2000 est venu définir pour ces vins bénéficiant de l'appellation " Vins de Pays " l'encépagement, le rendement à l'hectare, le degré minimum, l'analyse et la dégustation.

Pour leur défense, lors de la procédure en première instance, les deux prévenus Jérôme B. et Alain Sarrato avaient produit une modification de la déclaration de récolte en date du 6 janvier 2005, dont la DDCCRF de l'Aude dans son courrier adressé le 12 septembre 2008 au Procureur de la République de Carcassonne, au soutien de sa demande d'appel de la décision, soutient qu'il n'a pas été authentifié par une autorité administrative, alors que la déclaration doit être présentée aux services des douanes, service de la viticulture, ce qui n'a pas été le cas ct que ce document prétendument antérieur au contrôle n'a pas été présenté lors de celui-ci, le seul document présenté ayant été la déclaration officielle du 24 novembre 2004, les deux prévenus ne l'ayant jamais invoqué en autre lors de leurs auditions. Toutefois cela n'aurait pas privé les nouvelles quantités de la nécessité de l'agrément qui n'est pas démontré. Ils ont produit également une attestation d'un œnologue qui certifie que les 114 hl. de la cuve n° 35 ont été préparés qualité VDP de l'Aude, ce à quoi la DDCCRF répond que seul l'Onivins (Viniflhor) peut délivrer des certificats d'agrément VDP.

Prétentions des parties

Par conclusions de confirmation de sa relaxe reçues le 3 novembre 2009, Monsieur Jérôme B. soutient l'absence d'élément matériel, au motif que le vin ajouté était le même que celui de la cuve, au regard de la déclaration modificative de récolte en date du 6 janvier 2005 et de l'attestation de l'œnologue Lacassy, qui indique que le vin est le même sur le plan quantitatif, organoleptique, qu'il est issu des mêmes parcelles, du même cépage, ce qui rend l'allégation d'ajout de 42 hl. de vin de table fausse, les ventes ayant représenté un volume de 1785 hl. inférieur à l'agrément de 2095 hl.

La vente des 235 hl. de vin proviennent d'un assemblage des cuves n° 2 pour 81,50 hl., n° 27 pour la même quantité et n° 35 pour 72 hl. et non pas 114 hl., corroboré par la vente du même jour de 236 hl de vin de table dont 42 hl. de la cuvée n° 35.

Il n'y avait aucune intention frauduleuse.

Motifs de la décision

La cour après en avoir délibéré,

Les appels réguliers en la forme et les délais sont recevables.

Sur la culpabilité

La décision déférée sera réformée sur la culpabilité.

En effet il ressort des constatations des inspecteurs de la Direction Régionale de la concurrence, de la consommation, de la répression des Fraudes que ces derniers ont constaté le 5 avril 2005, après avoir examiné la déclaration de stock n° 8 du 30 août 2004, la déclaration de récolte n° 4 du 24 novembre 2004, la copie des titres de mouvement, après avoir procédé à un recensement général de toutes les catégories de vin détenues dans les chais et ce, de manière contradictoire avec le régisseur du viticole de la SCEA Château Millegrand, Monsieur Alain Sarrato, qu'alors qu'il n'y avait aucun stock de vin Rouge de Pays de l'Aude au 1er septembre 2004, que 1.785 hl. de vin rouge ont été agréés sous cette appellation alors que 1.550 hl. sont sortis sous cette dénomination depuis cet agrément, que la cuve n° 26 en contenait 81,50 hl., la cuve n° 27 la même quantité et la cuve n° 35 114 hl., ce qui fait un excédent de 42 hl.

Il résulte de l'audition sans ambiguïté de Monsieur Alain Sarrato, que ce dernier a procédé à un mélange dans la cuve n° 35 entre du vin de pays de l'Aude rouge de la récolte 2004 et du vin de table rouge de la récolte 2004, ce qui explique l'excédent, ce lot de 114 hl. ayant lui-même été assemblé pour constituer un volume de 235 hl., le régisseur expliquant que ce lot global a été enlevé ce jour, selon DPA N 13236 " vin rouge pays de l'Aude " 12 à destination de CVB 34 à Béziers ;

Cette déclaration est confirmée par le bordereau administratif d'accompagnement de la livraison, qui fait état de l'expédition en date du 3 mai 2005 à 10 heures c'est à dire au moment où le contrôle venait de débuter, de 235 hl. de vins de pays d'Aude 12. Elle est confirmée également par la facture adressée à la CVB à Béziers en date du 10 mai 2005 qui fait état de 235 hl. de vin de pays d'Aude.

Lors de son audition le 17 mai 2005, Monsieur Jérôme B. avait d'ailleurs expliqué la raison du mélange, précisant que c'était par suite d'un dédit de vente avec l'UCCOAR que 70 hl. de vin de pays étaient restés stockés et que pour éviter leur altération il avait été mélangé avec ce vin qui, précisait-il, était analytiquement identique. Reconnaissant la difficulté il avait toutefois précisé à la décharge de l'entreprise, que ce vin n'avait pas été commercialisé en vin de pays, ce qui est parfaitement contredit par les documents précités, qui démontrent la fausseté de sa déclaration.

Devant le premier juge il avait produit une nouvelle déclaration de récolte tendant à laisser croire que l'agrément aurait été obtenu pour 2.095 hl. ce qui permettait de vendre un excédent. Or ce document produit également en appel manque de crédibilité puisque cette déclaration modificative ne porte aucun cachet du service chargé de la recevoir à savoir le service viticulture des douanes, précision faite qu'il n'en a jamais été fait état ni lors du contrôle, ni lors de l'audition alors qu'elle a été établie à la date 6 janvier 2005, ce qui est pour le moins surprenant et peu convaincant. Il avait produit également devant le premier juge, comme il l'a fait en cause d'appel, une attestation de Monsieur Lacassy œnologue conseil du laboratoire Dejean, qui mentionne que le vin contenu dans la cuve 35 pour un volume global de 114 hl. a été préparé VDP de l'Aude dont 72 hl. uniquement ont été présentés et acceptés à l'agrément.

Cette manipulation terminologique, quant à une préparation qui donnerait une qualité VDP à un vin considéré comme vin de table, n'enlève rien au fait que seuls 72 hl. sur les 114 hl. que comptaient la cuve étaient agréés comme vin de pays de l'Aude. En effet seul l'agrément permet de considérer que les dispositions de l'article 51 et 3 du règlement CE 1493-9 du 17 mai 1999 ont été respectées et que les conditions prévues par les dispositions du décret d'application pour la France du 1er septembre 2000 (encépagement, rendement à l'hectare, degré minimum, analyse et dégustation) l'ont été également. Dès lors que les 42 hl. n'étaient pas agrées il ne pouvait porter l'appellation " vin de pays d'Aude ".

Monsieur B. nous indique que les qualités substantielles étaient les mêmes quand bien même n'avaient-elles pas été reconnues officiellement. On comprend mal alors pourquoi il n'avait pas sollicité l'agrément si ce vin était le même que celui agréé son raisonnement conduit à faire fi de la garantie de l'origine et des qualités substantielles prévues par la législation concernant les vins de pays.

En acquérant un vin qu'on lui garantissait comme vin de pays de l'Aude la société CVB a cru qu'elle acquérait un vin agrée c'est à dire élevé dans des conditions de terroir et de qualité particulières, ce qui n'était pas le cas du fait du mélange intervenu.

Elle a donc été trompée sur la nature, l'origine, les qualités substantielles la composition ou la teneur du vin vendu ce qui constitue l'élément matériel de l'infraction prévue et sanctionnée par l'article L. 213-1 du Code de la consommation.

Monsieur B. soutient qu'il n'y aurait aucune intention et qu'il n'était pas au courant. Il ne soutient pas que Monsieur Sarrato aurait été délégué dans la direction du domaine. Il lui appartenait donc de prendre toute mesure nécessaire pour éviter que les vins sortant de sa propriété soient commercialisés sous une appellation trompeuse, ce qu'il n'a pas fait.

Il sera déclaré coupable de l'infraction qui lui est reprochée.

Sur la peine :

Compte tenu de la gravité des faits et de la personnalité du prévenu qui n'a jamais été condamné, il y a lieu de le condamner à la peine d'amende de 5 000 euro assortie du sursis.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire à l'égard de B. Jérôme, prévenu, en matière Correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi, en la forme, Reçoit l'appel régulier et dans les délais, au fond, Infirme le jugement attaqué et, statuant à nouveau, Déclare Jérâme B. coupable des faits qui lui sont reprochés, En répression, Condamne Jérôme B. à la peine d'amende de 5 000 euro, Dit qu'il sera sursis à l'exécution de la peine dans les conditions, le régime et les effets du sursis simple défini aux articles 132-29 et suivants du Code pénal, Rappelle à Jérôme B. que s'il commet une nouvelle infraction, il pourra faire l'objet d'une nouvelle condamnation qui sera susceptible d'entraîner l'exécution de la première condamnation sans confusion avec la seconde et qu'il encourra les peines de la récidive dans les termes des articles 132-8 à 132-16 du Code pénal ; Dit que le condamné sera soumis au paiement du droit fixe de procédure d'un montant de 120 euro prévu par l'article 1108 A du Code général des impôts. Informe le condamné que le montant du droit fixe de procédure sera diminué de 20 % s'il s'en acquitte dans le délai d'un mois à compter du prononcé du présent arrêt. Le tout conformément aux articles visés au jugement et au présent arrêt et aux articles 512 et suivants du Code de procédure pénale.