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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 21 janvier 2008, n° 07-02319

PARIS

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Ministère public, Française des Jeux

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guilbaud

Conseillers :

Mme Geraud-Charvet, M. Waechter

Avocats :

Mes Verbiest, Benichou, Le Fur, Herzog, Alquezar

TGI Paris 31e ch., du 16 nov. 2006

16 novembre 2006

RAPPEL DE LA PROCÉDURE :

LA PRÉVENTION :

R a fait l'objet d'une ordonnance de renvoi d'un des juges d'instruction du Tribunal de grande instance de Paris, en date du 28 juillet 2006, suivie d'une citation, pour avoir à Paris, courant 2004 et 2005, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription :

- organisé par voie d'écrit tendant à faire naître l'espérance d'un gain attribué à chacun des participants, quelles que soient les modalités de tirage au sort, en leur imposant une contrepartie financière ou une dépense, sous quelque forme que ce soit, en l'espèce un jeu à gratter intitulé "Perpétuité", distribué par le biais de la vente d'une publication, en l'espèce Fortune Magazine,

- par quelque moyen que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers, étant ou non partie au contrat, trompé ou tenté de tromper les participants à un jeu de hasard, soit sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles toute marchandise, soit sur la quantité des choses libérées ou sur leur identité par la livraison d'une marchandise autre que la chose déterminée qui a fait l'objet du contrat, soit sur l'aptitude à l'emploi, les risques inhérents à l'utilisation du produit, les contrôles effectués, les modes d'emploi ou les précautions à prendre en l'espèce, en mentionnant dans le tableau de lots à gagner figurant au règlement du jeu intitulé Perpétuité des indications tendant à faire croire aux participants que la probabilité de gagner au 1er rang est d'une chance sur 13 983 816 alors qu'elle n'est que de une chance sur plus de trois cents mille milliards,

LE JUGEMENT :

Le tribunal, par jugement contradictoire à l'encontre de R, prévenu et à l'égard de La Française des Jeux, partie civile, a :

- Sur l'action publique :

- déclaré R :

* non coupable et l'a relaxé des fins de la poursuite pour les faits qualifiés d'organisation de loterie prohibée, faits commis courant 2004 et 2005 à Paris, inaction prévue par les articles 3 al. 1, 4 al. 1, 1, 2 de la loi du 21.05.1836 et réprimée par l'article 3 de la loi du 21.05.1836,

* non coupable et l'a relaxé des fins de la poursuite pour les faits qualifiés de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, faits commis courant 2005 à Paris, infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation,

* coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, faits commis courant 2004 à Paris, infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation,

et, en application de ces articles, l'a condamné à une amende délictuelle de quinze mille euro (15 000 euro),

Vu les articles 132-29 à 132-34 du Code pénal,

- a dit qu'il sera sursis pour un montant de sept mille cinq cents euro (7 500 euro) à l'exécution de cette peine, dans les conditions prévues par ces articles,

- a dit que la présente décision était assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de quatre-vingt-dix euro (90 euro) dont est redevable le condamné,

- Sur l'action civile :

- déclaré recevable, en la forme, la constitution de partie civile de la Française des Jeux,

- condamné R à payer à la Française des Jeux, partie civile, la somme de un euro (1 euro) à titre de dommages-intérêts, et en outre la somme de mille euro (1 000 euro), au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

- débouté la Française des Jeux, partie civile, du surplus de ses demandes,

LES APPELS :

Appel a été interjeté par :

- Monsieur le Procureur de la République, le 21 novembre 2006 contre Monsieur R,

- La Française des Jeux, le 23 novembre 2006 contre Monsieur R,

- Monsieur R, le 27 novembre 2006, des dispositions civiles et pénales,

DÉROULEMENT DES DÉBATS :

À l'audience publique du lundi 2 juillet 2007,

Monsieur le président a indiqué que l'affaire était renvoyée à l'audience publique du lundi 5 juillet 2007 à 13 heures 30, et ce, suite à la demande d'un des conseils de la Française des Jeux, retenu à l'étranger, le renvoi étant contradictoire pour les deux parties pour cette date,

A l'audience publique du lundi 5 novembre 2007, Monsieur le président a constaté l'identité du prévenu, libre,

La SELARL W & S et Maître Thierry Herzog, avocats de la Française des Jeux ont déposé au nom et pour le compte de la partie civile, des conclusions conjointes, régulièrement visées par le président et le greffier,

Maître Thibault Verbiest, avocat de R, a déposé au nom et pour le compte de ce prévenu, des conclusions régulièrement visées par le président et le greffier,

R a indiqué sommairement les motifs de son appel,

Madame Coront Ducluzeau, avocat général, représentant le Ministère public à l'audience de la cour, a sommairement indiqué les motifs de l'appel interjeté par le Procureur de la République de Paris,

Monsieur le président Guilbaud a fait un rapport oral,

R a été interrogé,

ONT ÉTÉ ENTENDUS

Maître Gesche Le Fur, substituant Maître Thierry Herzog, et, Maître Joël Alquezar, avocats des parties civiles, en leur plaidoirie,

Madame Coront Ducluzeau, avocat général, en ses réquisitions,

R, en ses explications,

Maître Thibault Verbiest, avocat, en sa plaidoirie,

et à nouveau R qui a eu la parole en dernier.

Monsieur le président a ensuite averti les parties que l'arrêt serait prononcé le lundi 21 janvier 2008.

A cette date, il a été procédé à la lecture du dispositif de l'arrêt par l'un des magistrats ayant participé aux débats et au délibéré, conformément aux dispositions de l'article 485 dernier alinéa du Code de procédure pénale ;

DÉCISION :

Rendue contradictoirement à l'encontre du prévenu et à l'égard de la partie civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels relevés par le Ministère public, la Française des Jeux et R à l'encontre du jugement déféré auquel il est fait référence.

Par voie de conclusions, la partie civile demande à la cour de :

- déclarer les appels interjetés réguliers et recevables,

- statuer ce que de droit sur les réquisitions de Monsieur le procureur général,

- dire et juger R mal fondé en son exception d'illégalité relative à la législation française et au monopole attribué à la Française des Jeux pour la gestion et l'organisation des jeux de loteries,

Vu les dispositions combinées des articles 384 et 386 du Code de procédure pénale,

- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a relaxé R du chef de loterie prohibée,

- confirmer le jugement querellé en ce qu'il a déclaré R coupable du délit de tromperie,

- déclarer R coupable des faits objets de la prévention, à savoir l'organisation de loterie illicite et tromperie,

-déclarer la Française des Jeux recevable et bien fondée en sa constitution de partie civile,

- y faire droit,

En conséquence,

- condamner le prévenu à lui verser la somme de un euro en réparation du préjudice subi,

- ordonner la publication du jugement à intervenir aux frais de R dans les 3 publications suivantes: Le Parisien, Aujourd'hui et le Figaro, sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder 10 000 euro,

- le condamner au paiement de la somme de 10 000 euro en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ainsi qu'aux entiers dépens.

Sur le délit de loterie illicite, la Française des Jeux fait essentiellement valoir que :

- a) l'élément matériel de l'infraction est constitué dans la mesure où le jeu Perpétuité ne revêt pas la nature d'une loterie publicitaire, dès lors que la motivation de l'acte d'achat ne porte plus sur le produit ou le service mais sur le jeu qui devient alors l'élément essentiel,

- b) subsidiairement, le jeu Perpétuité ne respecte pas les règles relatives aux loteries à double entrée qui sont en principe licites à la condition que l'accès à la voie gratuite soit réel et effectif et que les chances de gain par les deux voies soient équivalentes, étant rappelé qu'en l'espèce, les investigations diligentées ont montré que les consommateurs n'avaient connaissance du canal gratuit qu'après avoir acheté au prix de 3 euro, la publication et le ticket de jeu, la mention dudit canal gratuit figurant en page 15 de la publication et au verso du ticket de jeu, étant précisé que la vente de l'ensemble se présentait sous emballage plastique et que le recto du ticket de jeu était mis en évidence et masquait la couverture de la publication.

Sur l'élément intentionnel de l'infraction, la partie civile souligne que R était parfaitement informé des conditions de licéité des loteries à double entrée et notamment de la nécessité de la réalité et de l'effectivité du canal gratuit, et ce d'autant plus que par l'intermédiaire de son associé, Jacques Séguéla, il avait interrogé directement les services du Ministère de l'intérieur sur un projet de loterie par l'intermédiaire d'une chaîne télévisée interactive.

Subsidiairement, la partie civile soutient que la réglementation est conforme au droit communautaire (articles 43 et 49 du traité de Rome) en exposant les arguments suivants :

- aucun texte européen n'a posé à ce jour le principe de l'autorisation des jeux et des paris sur le fondement des articles 43 et 49 du traité CE relatifs à la liberté d'établissement et à la libre prestation de service et, plus encore, ce sujet a été, à deux reprises au moins, expressément exclu de directives communautaires,

- certes, la Commission européenne a, le 27 juin dernier, adressé aux autorités françaises un avis motivé concernant le monopole des jeux, exigeant l'ouverture à la liberté de prestation de services, mais cet avis ne concerne que le secteur des paris sportif et non les jeux de loterie dans leur ensemble.

Elle souligne que la question des jeux en droit européen relève donc, jusqu'ici, de la seule jurisprudence de la Cour de justice des Communautés Européennes qui a retenu les principes suivants :

- les jeux d'argent constituent une activité à caractère économique et plus précisément des prestations de service qui sont soumises, à ce titre, aux dispositions du traité CE relatives à la libre prestation de services et à la liberté d'établissement, cependant, des raisons impérieuses d'intérêt général, telles la protection des consommateurs, la prévention de la délinquance, la protection de la moralité publique, la limitation de la demande jeux d'argent ou le financement d'activités d'intérêt général justifient que les Etats puissent apporter librement des restrictions à l'exploitation des jeux de hasard,

- les restrictions peuvent aller jusqu'à accorder à un seul organisme public ou à certains organismes des droits exclusifs d'exploitation de ces jeux,

- mais les restrictions doivent être propres à la réalisation de l'objectif poursuivi, ne doivent pas être disproportionnées, ni discriminatoires et doivent avoir pour objectif soit de réduire véritablement les occasions de jeux de manière cohérente et systématique, car la collecte d'argent ne peut être leur justification réelle, soit de prévenir l'exploitation des activités des jeux de hasard à des fins criminelles et frauduleuses en les canalisant dans des circuits contrôlables,

- une politique d'expansion contrôlée dans le secteur des jeux de hasard est cohérente avec l'objectif visant à attirer des joueurs exerçant des activités de jeux et de paris clandestins interdites en tant que telles vers des activités autorisées et réglementées et, afin d'atteindre cet objectif de réduction des occasions de jeux, les opérateurs autorisés doivent constituer une alternative fiable, mais en même temps attrayante, à une activité interdite, ce qui peut en soi impliquer l'offre d'une gamme de jeux étendue, une publicité d'une certaine envergure et le recours à de nouvelles techniques de distribution,

- les juridictions nationales sont seules compétentes pour apprécier, à partir des critères retenues par la cour de justice, les raisons d'intérêt général invoquées pour justifier les restrictions à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services, leur caractère non discriminatoire et leur proportionnalité à l'objectif poursuivi,

Elle affirme par ailleurs que les décisions européennes ou nationales rendues dans le cadre des dispositions du traité de Rome qui protègent la liberté d'établissement et la liberté de prestation de services d'un ressortissant d'un Etat membre au sein d'un autre Etat membre et visaient des sociétés de paris sportifs qui disposaient dans leur pays d'origine des autorisations nécessaires pour exercer leur activité, n'impliquent pas nécessairement que toute activité commerciale liée au jeu, quelle qu'elle soit et quelles que soient les conditions d'exploitations, doive être considérée comme légale s'il s'avérait que l'Etat a porté atteinte à la liberté d'établissement ou à la liberté de prestation de services, sauf à accepter que des activités aujourd'hui criminelles ne soient plus punissables, ce qui serait manifestement contraire à l'objectif souhaité tant par les instances européennes que par la cour de justice

Elle rappelle d'ailleurs que la procédure d'infraction ouverte le 12 octobre 2006 par la Commission Européenne à l'égard de la France concerne uniquement les paris sportifs à l'exclusion des loteries et que s'agissant, en l'espèce, non pas de paris sportifs mais de l'organisation d'une loterie, tous les développements du prévenu sont inopérants et qu'il est constant que la réglementation française des jeux de loterie "est en ligne" avec les objectifs mis en exergue par la cour de justice.

A titre infiniment subsidiaire, la Française des Jeux affirme que l'examen combiné des jurisprudences communautaires et françaises montre que la question de la compatibilité de la loi française avec le droit communautaire peut être tranchée par le juge national, sans qu'il soit besoin de recourir à l'interprétation du traité par la CJCE, dès lors que celui-ci dispose de tous les éléments de droit lui permettant de statuer.

Sur le délit de tromperie, la Française des Jeux expose que :

- le délit de tromperie est parfaitement applicable en l'espèce même à supposer que l'on considère que le ticket à gratter proposé par Global Sal Editions l'ait été à titre gratuit, ce qui n'est nullement le cas, comme précédemment démontré,

- le tableau de lots mentionné à l'article 4 du règlement de jeu est erroné puisqu'il tend à faire croire au joueur que la probabilité de gagner au premier rang serait identique à celle du jeu du Loto organisé par la Française des Jeux, à savoir une chance sur un 13 millions, alors que la probabilité de gagner la rente à vie est en réalité d'une chance sur 300 000 milliards, donc quasiment nulle.

Madame l'avocat général estime que la réglementation française sur les jeux n'est pas contraire au droit communautaire et qu'il n'y a pas lieu de saisir la cour de justice des communautés européenne d'une question préjudicielle.

S'en rapportant aux termes de la requête d'appel établie le 4 janvier 2007 par le Procureur de la République de Paris elle requiert la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a relaxé R du chef d'organisation de loterie prohibée, de déclarer le prévenu coupable de la totalité des faits visés par la prévention et de le condamner à une amende délictuelle de 15 000 euro.

Elle estime, en effet, qu'en l'espèce le canal gratuit permettant d'accéder au jeu ne peut être considéré comme étant effectif, et l'information du consommateur comme étant facilement accessible.

Elle souligne, par ailleurs, que les constatations des services de police et de la DRCCRF faites sur le magazine Fortune magazine (format et contenu) ont permis d'établir que ce dernier constitue un accessoire de la vente déguisé d'un coupon du jeu.

Par voie de conclusions, R demande à la cour de :

A TITRE PRINCIPAL

- confirmer le jugement en ce qu'il a relaxé le prévenu du chef de loterie illicite,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné le prévenu du chef de tromperie,

- En conséquence, relaxer le prévenu,

A TITRE SUBSIDIAIRE

- saisir la cour de justice des communautés européennes de la question préjudicielle suivante

"Est-il compatible avec les articles 43 et 49 du traité de Rome d'intenter des poursuites pénales contre une personne établie dans un Etat membre au seul motif qu'elle offre une loterie au public alors que la partie plaignante - en situation de monopole - ne peut justifier d'une politique suffisante de canalisation de ses jeux?".

A l'appui de sa demande tendant à voir confirmer le jugement sur la relaxe prononcée du chef de loterie illicite, R expose les arguments suivants :

- on ne peut considérer que le journal "Fortune magazine" n'était que le support de l'opération Perpétuité,

- des affiches et affichettes avaient été mises au point pour annoncer dans chaque point de vente l'existence du jeu,

- des présentoirs avaient été adaptés pour offrir aux clients des buralistes la possibilité d'accéder sans achat préalable aux modalités de la loterie,

- le règlement du jeu était à la disposition des clients sur leur demande tandis qu'en ligne la consultation du site www.perpétuité.com permettait d'en prendre connaissance et qu'en tout état de cause toute personne pouvait en demander communication en demandant remboursement des frais d'affranchissement,

- dès le 26 janvier 2004, de nombreux détaillants avaient informé l'organisateur de leur souhait de mettre fin à leurs relations et avaient retourné les éléments qui leur avaient été confiés de telle sorte que les vérifications effectuées plusieurs semaines plus tard dans deux établissements ne peuvent être de nature à emporter la conviction,

- il n'est donc pas établi que les difficultés pour accéder gratuitement au jeu étaient telles qu'en réalité seul le canal onéreux était accessible.

Il rappelle, en substance, que les loteries ne sont prohibées que lorsqu'elles réunissent cumulativement quatre conditions (une offre au public, l'espoir d'un gain, l'intervention du hasard et un sacrifice pécuniaire du joueur pour pouvoir participer au jeu) et que, de plus, une loterie dite "à double entrée" offrant cumulativement au choix du consommateur un accès gratuit et l'autre payant, n'est pas considéré comme illicite, alors qu'en l'espèce l'accès à la voie gratuite était indéniablement réel et effectif.

Il souligne qu'à tort la partie civile invoque le prix élevé de Fortune Magazine et la vacuité de son contenu éditorial.

Il relève que la loterie "Perpétuité" est conforme à la loi du 21 mai 1836 et à l'article L. 121-36 du Code de la consommation et que donc la loi du 12 juillet 1983 n'est donc pas applicable au cas d'espèce.

A l'appui de sa demande tendant à voir infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné du chef de tromperie, il fait observer que :

- l'article L. 213-1 du Code de la consommation suppose l'existence d'un contrat ou d'un acte à titre onéreux et n'est donc pas applicable si l'objet ou le service est remis à titre gratuit,

- pour décider que la matérialité du délit est établie les juges du fond se sont fondés sur les calculs de la Française des Jeux qui sont incomplets, la partie civile ne détaillant pas, au surplus, sa méthode de calcul,

- la loi n'oblige pas à indiquer les probabilités de gains et c'est donc dans un souci de transparence que le prévenu a donné cette précision dans le règlement du jeu,

- le délit de tromperie est un délit intentionnel alors que le prévenu a accompli toutes les diligences nécessaires pour s'assurer de l'authenticité de l'opération et qu'il a consulté un cabinet d'avocat sur la légalité du jeu et la rédaction de son règlement.

A l'appui de sa demande subsidiaire tendant à voir saisir la CJCE d'une question préjudicielle, R fait notamment observer que :

- le droit communautaire prime sur le droit national,

- tout juge national a l'obligation d'appliquer intégralement le droit communautaire en laissant inappliqué toute disposition contraire de la loi nationale,

- les Etats membres ne sauraient invoquer des raisons impérieuses d'intérêt général liées à la protection des consommateurs, tout en poursuivant parallèlement une politique active du développement du jeu à travers leurs monopoles nationaux,

- l'Etat français mène une politique très active de développement des jeux à travers la FDJ, tout en justifiant les restrictions imposées par un objectif supposé de protection des consommateurs,

- la FDJ ne poursuit pas une politique visant à "encadrer la consommation des jeux afin de prévenir le développement des phénomènes de dépendance". Tout au contraire, l'expansion de son offre, sans prise en charge du phénomène de la dépendance, est contraire aux exigences de cohérence et de "systématisme" imposé par le droit communautaire.

Oralement, le prévenu, par la voix de son avocat, demande l'attribution d'une somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 800-2 du Code de procédure pénale ;

RAPPEL DES FAITS

Les premiers juges ont exactement et complètement rapporté les circonstances de la cause dans un exposé des faits auquel la cour se réfère expressément.

Il suffit de rappeler que le 19 mai 2005, la société d'économie mixte, la Française des Jeux déposait plainte avec constitution de partie civile contre X du chef de loterie illicite et tromperie, concernant un jeu intitulé "Perpétuité".

Le jeu "Perpétuité" est organisé par la SARL Global Sat et propose de gratter l'une des pastilles recouvertes d'un film opaque dissimulant une somme en euro. Le participant est invité ensuite à gratter la case rectangle et l'une des quatre pastilles rondes. Le ticket est gagnant lorsque le montant inscrit dans la case rectangulaire est identique à celui figurant dans la pastille ronde grattée par le joueur. Si ce montant s'élève à 3 000 euro, le joueur gagne 3 000 euro par mois pendant 12 mois consécutifs et se voit également offrir la possibilité de participer à la loterie Perpétuité se présentant sous la forme d'une grille de 49 numéros parmi lesquels il doit en sélectionner 7. A l'issue d'un tirage au sort, le joueur dont les 7 numéros sélectionnés correspondent aux 7 numéros tirés, est éligible au gain d'une rente mensuelle viagère d'un montant de 3 000 euro.

La partie civile faisait valoir que cette loterie était constitutive d'une loterie illicite telle que définie par les articles L. 121-36 et suivants du Code de la consommation et par la loi du 21 mai 1836 aux termes de laquelle "sont réputées loteries et interdites comme telles (...) toutes opérations offertes au public, sous quelque dénomination que ce soit, pour faire naître l'espérance d'un gain qui serait acquis par la voie du sort".

Il était en outre soutenu que le jeu Perpétuité réunissait cumulativement les quatre caractéristiques suivantes permettant de caractériser le délit de loterie illicite :

- un appel au public, par quelque moyen que ce soit,

- l'espérance d'un gain,

- l'intervention du hasard,

- le sacrifice financier.

S'agissant du délit de tromperie, la Française des Jeux faisait valoir que le tableau des lots mentionnés à l'article 4 du règlement du jeu était erroné et qu'il tendait à faire croire au joueur que la possibilité de gagner au premier rang serait identique à celle du joueur du Loto organisé par elle, à savoir une chance sur 13 983 816 millions. En effet, selon l'analyse du tableau des lots faite par la partie civile, il s'avère que la chance de gagner la rente de 3 000 euro à vie n'est que d'une chance sur plus de 300 mille milliards, ce qui équivaut à l'absence de toute chance de gain.

Le 2 août 2005, une information était ouverte contre X des chefs de loterie illicite et de tromperie.

Une enquête préliminaire avait été diligentée à la suite d'une première plainte déposée auprès du service de la sous-direction des courses et des jeux. La FDJ produisait à l'appui de cette plainte deux constats d'huissier en date du 11 mars 2004 réalisés dans les bars-brasseries "Le Balto" et "Le Magazine". Le service enquêteur saisissait dans les mêmes circonstances le 21 mai 2004 ce magazine acheté auprès d'un bar que le tenancier leur avait remis suite à leur demande d'un ticket à gratter du jeu Perpétuité. L'enquête préliminaire était jointe au dossier d'information.

Au terme de cette enquête, la société Global Sat Editions, dont l'activité consiste en l'édition, la diffusion et la fabrication sous toutes ses formes de toutes informations sous tous supports, a organisé depuis le premier janvier 2004. Le jeu intitulé "Perpétuité" ayant fait l'objet d'un règlement déposé entre les mains d'un officier ministériel.

Le magazine Fortune Magazine est principalement diffusé dans les bars-tabac, points PMU et points Loto. Lors de leurs transports dans différents bars, les services de police constataient que des publicités étaient exclusivement faites pour le jeu et non pour Le magazine Fortune Magazine.

L'article 3.3 du règlement du jeu indique deux voies d'accès au jeu "Perpétuité", l'une payante, ouverte en cas d'achat du magazine, le ticket étant scellé dans l'emballage, l'autre gratuite, le participant devant écrire à Fortune Magazine et faire l'avance du timbre pour obtenir l'envoi du ticket. Les lots susceptibles d'être gagnés consistent en des sommes d'argent pouvant aller jusqu'à une rente viagère.

Entendu par les services de police, R, gérant de la SARL Global Sat Editions et directeur de la publication, expliquait que Fortune Magazine était un magazine destiné à être lu rapidement sur les comptoirs des cafés-bars et qu'il y avait inséré un jeu gratuit, sans obligation d'achat, pour lancer ce concept. Ce magazine trimestriel, vendu 3 euro avec un prix de revient évalué à 0,09 euro, avait pour objet le recensement des principaux jeux et concours organisés par les grandes marques.

R affirmait que le jeu Perpétuité était un jeu gratuit sans obligation d'achat dont le gain donnait le droit de participer à une loterie en vue d'obtenir une rente à vie de 3 000 euro mensuelle. Le participant pouvait espérer gagner des sommes allant de 3 euro payés instantanément à 3 000 euro mensuels à vie. Pour participer à ce jeu, le public avait le choix entre le canal payant (via l'achat au prix de 3 euro du magazine Fortune Magazine, qui inclut le ticket à gratter gratuit) et le canal gratuit (toute personne pouvant par voie postale demander un billet gratuit, le remboursement de l'affranchissement étant effectué). Il précisait qu'en raison d'une situation financière délicate le jeu Perpétuité avait été suspendu.

Le mis en cause admettait que 15 000 tickets avaient été vendus via le canal payant et seulement 90 par le canal gratuit.

Mis en examen des chefs de loterie illicite et tromperie, R confirmait ses premières déclarations. Il contestait les faits et se retranchait derrière les conseils que lui avait donnés un cabinet d'avocats en amont de la création de ce jeu. Il ajoutait que l'accès au règlement du jeu Perpétuité pouvait se faire par Internet sur le site Perpétuité ainsi que dans chaque point de vente où des magazines "ouverts" étaient remis au commerçant à la disposition des clients. S'agissant du délit de tromperie, R affirmait n'avoir pas eu connaissance de l'analyse de la Française des Jeux et que les probabilités mentionnées dans le règlement du jeu avaient été validées par un huissier de justice.

Le casier judiciaire du prévenu ne mentionne aucune condamnation.

SUR CE LA COUR

SUR L'ACTION PUBLIQUE

Sur la demande tendant à voir saisir la CJCE d'une question préjudicielle

Considérant que la cour relève, tout d'abord, qu'aucun texte européen n'a posé à ce jour le principe de l'autorisation des jeux et des paris sur le fondement des articles 43 et 49 du traité précité ;

Qu'ainsi, le point 5 de l'article 1er de la directive n° 2000-31-CE sur le commerce électronique dispose qu'elle n'est pas applicable aux activités de jeux d'argent impliquant des mises ayant une valeur monétaire dans des jeux de hasard, y compris les loteries et les transactions portant sur des paris ;

Qu'il en va de même de la directive n° 2006-123-CE du 12 décembre 2006, relative aux services, qui ne s'applique pas, aux termes de son article 2.2, aux jeux d'argent ;

Considérant que, certes, la commission européenne a adressé, le 27 juin dernier, aux autorités françaises, un avis motivé concernant le monopole des jeux, exigeant l'ouverture à la liberté de prestations de services, mais cet avis ne concerne que le secteur des paris sportifs et non les jeux de hasard dans leur ensemble ;

Considérant que la question des jeux, en droit européen, relève donc, quant à présent, de la seule jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes ;

Considérant que les principes actuellement retenus par cette juridiction sont les suivants :

- les jeux d'argent constituent une activité à caractère économique et plus précisément des prestations de services qui sont soumises, à ce titre, aux dispositions du traité CE relatives à la libre prestation de services et à la liberté d'établissement,

- cependant, des raisons impérieuses d'intérêt général, tels que la protection des consommateurs, la prévention de la délinquance, la protection de la moralité publique, la limitation de la demande de jeux d'argent ou le financement d'activités d'intérêt général justifient que les Etats puissent apporter librement des restrictions à l'exploitation des jeux de hasard

- les restrictions peuvent aller jusqu'à accorder à un seul organisme public ou à certains organismes des droits exclusifs d'exploitation de ces jeux,

- mais les restrictions doivent être propres à la réalisation de l'objectif poursuivi, ne doivent pas être disproportionnées, ni discriminatoires et doivent avoir pour objectif soit de réduire véritablement les occasions de jeux de manière cohérente et systématique, car la collecte d'argent public ne peut être leur justification réelle, soit de prévenir l'exploitation des activités de jeux de hasard à des fins criminelles et frauduleuses en les canalisant dans des circuits contrôlables,

- les juridictions nationales sont seules compétentes pour apprécier, à partir des critères retenus par la cour de justice, les raisons d'intérêt général invoquées pour justifier les restrictions à la liberté d'établissement et à la libre prestation de service, leur caractère non discriminatoire et leur proportionnalité à l'objectif poursuivi ;

Considérant que la réglementation française des loteries est conforme au droit communautaire et ne s'oppose en rien aux objectifs mis en exergue par la cour de justice ;

Considérant qu'elle permet de proposer au public une offre de jeux de loterie respectant les objectifs suivants :

- assurer l'intégrité, la sécurité et la fiabilité des opérations de jeux et veiller à la transparence de leur exploitation.

- canaliser la demande de jeux dans un circuit contrôlé par l'autorité publique, afin de prévenir les risques d'une exploitation des jeux d'argent à des fins frauduleuses ou criminelles et de lutter contre le blanchiment d'argent,

- encadrer la consommation des jeux afin de prévenir le développement des phénomènes de dépendance,

- veiller à ne pas inciter les mineurs à jouer ;

Considérant que la cour observe que la loi du 10 octobre 2004 qui a modifié les articles L. 562-1 à L. 562-10 du Code monétaire et financier, a ainsi assujetti la Française des Jeux à la procédure de "déclaration de sommes ou d'opérations soupçonnées d'être d'origine illicite" et que depuis, cette procédure a été mise en œuvre à plusieurs reprises ;

Que de même un comité consultatif a été créé afin de veiller à la mise en œuvre de la politique d'encadrement des jeux et du jeu responsable ;

Qu'un arrêté du 22 février 2006 détermine les pouvoirs d'approbation et de contrôle de la Française des Jeux qui sont confiés au ministre chargé du Budget ;

Considérant que la cour relève par ailleurs les points suivants :

- depuis 2000 la Française des Jeux subventionne, par le biais de sa fondation d'entreprise, l'association SOS Joueurs,

- en 2003, elle a adopté une charte éthique fixant les obligations et les engagements de l'entreprise en matière de sécurité financière, d'intégrité du jeu et de transparence, de prévention des phénomènes de dépendance et de protection des mineurs,

- en 2004, la fondation d'entreprise de la Française des Jeux a développé une collaboration avec l'hôpital Louis Mourier (Ile de France) afin d'améliorer la prise en charge des joueurs excessifs,

- elle s'est également engagée au sein de la World Loterie Association (WLA) et de l'association européenne des loteries et lotos d'Etats dans la promotion du jeu responsable,

- en 2005, elle a nommé un directeur de programme rattaché directement à la direction générale, lequel est chargé de coordonner le plan d'action de l'entreprise en faveur du jeu responsable, cette même année, une charte publicitaire a également été établie, ce document ayant pour vocation de veiller particulièrement à la protection des mineurs,

- alors que le décret du 17 février 2006 ne visait que les mineurs de moins de 16 ans, celui-ci a été amendé par le décret n° 2007-729 du 7 mai 2007, entré en vigueur le 10 juillet 2007 aux termes duquel "les jeux de loterie ne peuvent être vendus aux mineurs, même émancipés",

- la Française des Jeux a mis en place un message de prévention sur différents supports de jeux intitulé "Restez maître du jeu" accompagné de la mention "Fixez vos limites",

- elle a multiplié ses collaborations dans le monde de la recherche afin d'être informé des pratiques étrangères en matière de jeu excessif,

- De surcroît, elle met en œuvre une politique de formation de ses détaillants et courtiers mandataires pour les associer étroitement à l'objectif de jeu responsable ; elle a ainsi, dans les contrats avec ses détaillants, inséré de nouvelles obligations réglementaires et éthiques et leur a imposé de nouvelles règles de transparence et de sécurité,

- en complément, la Française des Jeux a créé, au sein de la formation de ses détaillants, un nouveau module intitulé "Jeu Responsable",

- ces mesures se sont traduites par une baisse du budget publicitaire qui est passé de 0,93 % du chiffre d'affaires en 1998 à 0,73 % en 2005 ;

Considérant que la cour souligne par ailleurs que l'introduction éventuelle, dans le secteur des jeux d'argent, de nouveaux opérateurs, dans le but de renforcer les principes de la liberté d'établissement et de la libre prestation de service, supposerait, en tout état de cause, un agrément des dits opérateurs par les autorités compétentes ;

Considérant en définitive que les restrictions imposées par la réglementation française à l'exploitation des loteries ne sont, ni disproportionnées ni discriminatoires, par rapport aux objectifs poursuivis ;

Considérant que cette réglementation de même que ses modalités d'application par les pouvoirs publiques et la Française des Jeux s'inscrivent parfaitement dans le cadre de la jurisprudence communautaire ;

Considérant qu'en l'absence de difficulté d'interprétation du traité instituant les communautés européennes la cour ne fera pas droit à la demande du prévenu tendant à la saisine de la CJSE d'une question préjudicielle

Sur le fond

Le délit de loterie illicite

Considérant que selon la réglementation, les loteries ne sont prohibées que lorsqu'elles réunissent cumulativement quatre conditions (une offre au public, l'espoir d'un gain, l'intervention du hasard et un sacrifice financier du participant pour pouvoir participer au jeu) ;

Que, par ailleurs, une loterie dite "à double entrée" offrant cumulativement au choix du consommateur un accès de participation gratuit et l'autre payant, n'est pas considérée comme illicite ;

Considérant, au surplus, que dans le cas d'une loterie "à double entrée" il n'est pas exigé une égalité des conditions d'accès entre la voie gratuite et la voie payante mais un accès réel et effectif à la voie gratuite permettant de bénéficier d'une équivalence de chances et de gains et que le consommateur ait été clairement informé de l'existence de la voie gratuite ;

Considérant que pour relaxer le prévenu, les premiers juges rapportent que "des affiches et des affichettes avaient été mises au point pour annoncer dans chaque point de vente l'existence du jeu" et que "des présentoirs avaient été adaptés pour offrir aux clients des buralistes la possibilité d'accéder sans achat préalable aux modalités de la loterie" ;

Mais considérant que l'examen des pièces citées par le tribunal fait apparaître que les affiches ne faisaient qu'annoncer l'existence de ce jeu mais ne mentionnaient aucune information sur l'existence de la voie gratuite ;

Considérant en outre que la présence des présentoirs, comprenant des magazines en accès libre, alléguée par le prévenu n'a été constatée lors de l'enquête, ni par les services de police lors de leurs transports dans les bars-tabac ni par les deux constats d'huissier en date du 11 mars 2004 produits par la partie civile ;

Considérant qu'il convient de rappeler qu'au terme de l'enquête, le magazine Fortune Magazine était vendu sous plastique fermé et qu'en conséquence le consommateur devait payer le magazine pour connaître le règlement du jeu ;

Que de plus, les vérifications faites par le service de police sur le site Internet www.perpetuite.com ont permis de constater que la notion de gratuité n'était pas indiquée de prime abord puisqu'il fallait cliquer sur l'onglet "règlement", en plus petits caractères, en haut à gauche du site pour pouvoir télécharger le règlement du jeu "Perpétuité" et trouver les modalités de remboursement au paragraphe 3.6 ;

Considérant qu'il était donc nécessaire d'utiliser un accès supplémentaire, télécharger et lire le règlement jusqu'à la page 4 pour connaître l'existence d'un canal gratuit ;

Qu'ainsi, au cas d'espèce, le canal gratuit ne saurait être considéré comme étant effectif et l'information du consommateur comme étant facilement accessible dans la mesure où :

- l'adresse pour pouvoir bénéficier de ce canal n'était pas inscrite sur la couverture du magazine et qu'il fallait acheter cette publication pour la connaître,

- sur le site Internet, l'existence du canal gratuit était peu apparente puisqu'il n'en était fait mention qu'au sein d'un règlement à télécharger ;

Considérant que par ailleurs, les constatations des services de police et de la DRCCRF faites sur le magazine Fortune Magazine (format et contenu) ont permis d'établir que ce dernier constituait en réalité un accessoire de la vente déguisé d'un coupon de jeu ;

Qu'il y a lieu en effet de relever que :

- le ticket du jeu est de format sensiblement égal à celui du magazine,

- les informations fournies par les quinze pages du magazine (dont le jeu représente la couverture) sont particulièrement générales et sommaires,

- malgré ce contenu des plus succincts, "Fortune Magazine" était vendu (essentiellement dans des bars-tabac, points PMU et points Loto) pour la somme de 3 euro, prix de magazines de fond tels que le Point, l'Express, le Nouvel Observateur (prix de revient de 0,09 euro, soit 2,91 euro de bénéfice et donc 500 000 magazines x 2,91 euro = 1 455 000 euro de bénéfice (...)) ;

Considérant que la cour observe que la gratuité du jeu perpétuité ne présente qu'un caractère factice dès lors que le magazine est le support du jeu et non l'inverse ;

Considérant que R savait parfaitement qu'il devait indiquer une adresse pour le canal gratuit, afin que l'opération soit licite ;

Que toutefois, la difficulté d'accès à cette information, voire la nécessité d'acquérir un magazine sous cellophane en le payant, ont ruiné le dispositif prévu.

Considérant que le délit d'organisation de loterie prohibée est caractérisé en tous ses éléments à l'encontre de R, du moins pour les faits commis courant 2004, les faits poursuivis ayant cessé en 2005 ;

Que la cour, dès lors, la cour, par substitution de motifs, confirmera le jugement entrepris en ce qu'il a relaxé le prévenu du chef d'organisation de loterie prohibée, pour les faits commis courant 2005 mais, l'infirmant pour le surplus, déclarera R coupable pour les faits qualifiés d'organisation de loterie prohibée, commis à Paris courant 2004 ;

Le délit de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise

Considérant que le tableau des lots mentionné à l'article 4 du règlement du jeu "Perpétuité" est erroné en ce qu'il tend à faire croire que la probabilité de gagner au premier rang serait identique à celle du Loto, à savoir une chance sur 13 millions alors qu'après analyse de la partie civile la chance de gagner la rente de 3 000 euro à vie n'est que de une chance sur plus de 300 mille milliards, ce qui équivaut à l'absence de toute chance de gain ;

Considérant que vainement R soutient que les observations effectuées par la FDJ auraient été effectuées seraient inexactes car effectuées à partir d'une dotation globale ;

Considérant que la cour relève, comme souligné à juste titre par les premiers juges, que ces critiques ne sont pas fondées dans la mesure où les calculs ont été opérés à partir des phases successives du jeu ;

Que la cour observe par ailleurs que R ne conteste pas sérieusement le caractère erroné du tableau de probabilité de gains puisqu'il précise lui-même dans ses écritures que ce tableau, réalisé par ses soins, et transmis à ses conseils comportait deux grossières erreurs de calcul dont l'une seulement avait été rectifiée dans le règlement final du jeu.

Considérant que la cour souligne par ailleurs que :

- même si les avocats du prévenu ont procédé au calcul critiqué et que celui-ci a été validé par un huissier, en tant que mandataire de la société Global Sat Editions, R avait l'obligation de vérifier personnellement, sa responsabilité pouvant être engagée en tant qu'éditeur du jeu,

- il aurait dû le soumettre à un mathématicien professionnel des probabilités, afin de s'assurer de sa justesse et non à des juristes dont ce n'est nullement le métier, - si la loi n'impose pas d'informer les joueurs sur les probabilités de gains, il importe que celles-ci, lorsqu'elles sont annoncées à la seule initiative de l'organisateur du jeu, soient exactes afin de ne pas induire le consommateur en erreur,

- si les probabilités de gain ont été communiquées, c'est évidemment pour inciter le consommateur à jouer et à acheter le jeu,

- or une chance sur 13 millions de gagner est sans commune mesure avec une chance sur 300 mille milliards ;

Considérant que R ne peut utilement faire plaider la non-applicabilité du délit de tromperie à un acte gratuit clans la mesure où le canal gratuit de la loterie "à double entrée" litigieuse n'était pas effectif ;

Considérant qu'annoncer des probabilités de gain inexactes est constitutif du délit de tromperie visé à la prévention ;

Considérant que dès lors la cour confirmera le jugement querellé en ce qu'il a, à bon droit, retenu la culpabilité du prévenu pour le délit de tromperie commis au cours de l'année 2004 et prononcé sa relaxe de ce chef pour l'année 2005, l'opération analysée ayant cessé à cette période ;

En répression

Considérant qu'en répression, la cour, réformant le jugement dont appel condamnera R, pour les deux délits, à une peine d'amende de 15 000 euro ;

SUR L'ACTION CIVILE

Considérant que la cour qui dispose des éléments nécessaires et suffisants pour apprécier le préjudice certain, subi par la partie civile et résultant directement des faits visés à la prévention, confirmera la décision critiquée en ce qu'elle a condamné R à verser à la Française des Jeux la somme de un euro à titre de dommages-intérêts ;

Considérant que réformant le jugement déféré pour le surplus, la cour ordonnera, à titre de réparation complémentaire, la publication par extraits de l'arrêt à intervenir, aux frais du prévenu, dans les quotidiens "Le Parisien" (édition de Paris) et "Aujourd'hui en France", dans la limite de 10 000 euro par insertion;

Qu'y ajoutant, la cour condamnera R à payer à la Française des Jeux la somme de 6 000 euro sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Que la cour déboutera la partie civile du surplus de ses demandes ;

Sur la demande présentée par le prévenu au titre de l'article 800-2 du Code de procédure pénale

Considérant que cette demande ne peut prospérer compte tenu de la décision de condamnation à intervenir,

Qu'au surplus cette demande, formulée oralement, ne respecte pas les formes imposées par l'article R. 249-3 du Code de procédure pénale et doit donc être déclarée irrecevable ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement à l'encontre du prévenu et de la partie civile, Reçoit le Ministère public, la partie civile et le prévenu en leurs appels, Sur l'action publique, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a relaxé R des fins de la poursuite pour les faits qualifiés d'organisation de loterie prohibée et de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, commis courant 2005 à Paris, Confirme le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré R coupable du délit de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, faits commis courant 2004 à Paris, l'Infirmant pour le surplus, Déclare R coupable pour les faits qualifiés d'organisation de loterie prohibée, commis à Paris courant 2004, Condamne R à 15 000 euro d'amende, Et aussitôt, le président a avisé le condamné, comme prévu par l'article 707-3 du Code de procédure pénale, que s'il s'acquittait de cette amende dans un délai d'un mois à compter de la date de la présente décision, ce montant serait minoré de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1 500 euro . Le président a informé le condamné que le paiement de l'amende ne faisait pas obstacle à l'exercice des voies de recours. Dans le cas d'une voie de recours contre les dispositions pénales, il appartient à l'intéressé de demander la restitution des sommes versées. Sur l'action civile, Confirme la décision critiquée en ce qu'elle a condamné R à verser à la Française des Jeux la somme de un euro à titre de dommages-intérêts, Réformant le jugement déféré pour le surplus, Ordonne, à titre de réparation complémentaire, la publication par extraits du présent arrêt, aux frais de R, dans les quotidiens "Le Parisien" (édition de Paris) et "Aujourd'hui en France", dans la limite de 10 000 euro par insertion, Y ajoutant, Condamne R à payer à la Française des Jeux la somme de 6 000 euro sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, Déboute la partie civile du surplus de ses demandes, Sur la demande présentée par R au titre de l'article 8002-2 du Code de procédure pénale, Déclare irrecevable la demande présentée par R sur le fondement de l'article 800-2 du Code de procédure pénale, Rejette toutes conclusions plus amples ou contraires.