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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 17 septembre 2008, n° 07-10551

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

M., Voyages et Pèlerinages Notre-Dame du Salut (SA), Ministère public

Défendeur :

B. (Consorts), D. (Consorts), L. (Consorts)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guilbaud

Conseillers :

M. Waechter, Mme Geraud-Charvet

Avocats :

Mes Absil, Coustou

TGI Paris 31e ch., du 19 sept. 2007

19 septembre 2007

LA PRÉVENTION :

M. Olivier et la SA Voyages et Pèlerinages Notre-Dame du Salut ont été poursuivis à la requête du Procureur de la République de Paris, pour avoir à Paris, courant 2005 et en tout cas depuis temps non couvert par la prescription pénale, trompé ou tenté de tromper la clientèle sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition, la teneur, les principes utiles et en l'espèce sur le déroulement d'une croisière sur le Danube, la brochure de présentation et le programme détaillé du voyage comportant des prestations ayant été annulées ou remplacées,

LE JUGEMENT :

Le tribunal, par jugement contradictoire à l'encontre de M. Olivier et la SA Voyages et Pèlerinages Notre-Dame du Salut, prévenus et à l'égard de D. Patrick, D. Rose, B. Antoine et B. Marie-Thérèse, parties civiles, et par jugement contradictoire à signifier (article 420-2 du Code de procédure pénale) à l'égard de L. Alfreda et L. Eloi, parties civiles, a :

- Sur l'action publique :

- déclaré M. Olivier coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, faits commis courant 2005, à Paris, infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation,

- déclaré la SA Voyages et Pèlerinages Notre-Dame du Salut coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, faits commis courant 2005, à Paris, infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation,

Et par application de ces articles, a condamné :

- M. Olivier à une amende délictuelle de cinq mille euro (5 000 euro),

Vu les articles 132-29 à 132-34 du Code Pénal,

- a dit qu'il sera sursis totalement à l'exécution de cette peine, dans les conditions prévues par ces articles,

- la SA Voyages et Pèlerinages Notre-Dame du Salut à une amende délictuelle de cinq mille euro (5 000 euro),

- a dit que la présente décision était assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de quatre-vingt-dix euro (90 euro) dont est redevable chaque condamné,

- Sur l'action civile :

- reçu les constitutions de partie civile de L. Alfreda et L. Eloi, D. Patrick et D. Rose et de B. Antoine et B. Marie-Thérèse,

- condamné solidairement M. Olivier et la SA Voyages et Pèlerinages Notre-Dame du Salut à payer aux époux L., parties civiles, la somme de mille euro (1 000 euro) à titre de dommages et intérêts,

- condamné solidairement M. Olivier et la SA Voyages et Pèlerinages Notre-Dame du Salut à payer aux époux D., parties civiles, la somme de mille euro (1 000 euro) à titre de dommages et intérêts et chacun la somme de mille euro (1 000 euro) au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

- condamné solidairement M. Olivier et la SA Voyages et Pèlerinages Notre-Dame du Salut à payer aux époux Bonacorsi, parties civiles, la somme de mille euros (1 000 euro) à titre de dommages et intérêts et chacun la somme de mille euros (1 000 euro) au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

LES APPELS :

Appel a été interjeté par :

Monsieur M. Olivier, le 28 septembre 2007, des dispositions pénales et civiles,

- la SA Voyages et Pèlerinages Notre-Dame du Salut, le 28 septembre 2007, des dispositions pénales et civiles,

- Monsieur le Procureur de la République, le 8 Septembre 2007 contre Monsieur M. Olivier et la SA Voyages et Pèlerinages Notre-Dame du Salut,

DÉROULEMENT DES DÉBATS :

À l'audience publique du mercredi 28 mai 2008, Monsieur le président a constaté l'identité de M. Olivier, prévenu,

Maître Louis-Marie Absil, avocat de M. Olivier et la SA Voyages et Pèlerinages Notre-Dame du Salut a déposé au nom et pour le compte des prévenus, des conclusions régulièrement visées par le Président et le greffier,

M. Olivier a indiqué sommairement les motifs de son appel, interjeté en son nom et en qualité de représentant légal de la SA Voyages et Pèlerinages Notre-Dame du Salut ;

Madame Coront Ducluzeau, avocat général, représentant le Ministère public à l'audience de la cour, a sommairement indiqué les motifs de l'appel interjeté par le Procureur de la République de Paris ;

Madame la conseillère Geraud-Charvet a fait un rapport oral ;

M. Olivier a été interrogé ;

ONT ÉTÉ ENTENDUS :

D. Patrick, partie civile, en ses observations ;

Maître Jean-Louis Coustou, avocat de B. Antoine, B. Marie-Thérèse, D. Patrick et D. Rose, parties civiles en sa plaidoirie ;

Madame Coront Ducluzeau, avocat général, en ses réquisitions ;

M. Olivier en ses explications ;

Maître Louis-Marie Absil, avocat de M. Olivier et de la SA Voyages et Pèlerinages Notre Dame du Salut, en sa plaidoirie ;

et à nouveau M. Olivier, qui a eu la parole en dernier.

Monsieur le Président a ensuite averti les parties que l'arrêt serait prononcé le mercredi 17 septembre 2008.

A cette date, il a été procédé à la lecture du dispositif de l'arrêt par l'un des magistrats ayant participé aux débats et au délibéré, conformément aux dispositions de l'article 485 dernier alinéa du Code de procédure pénale ;

DÉCISION :

Rendue contradictoirement à l'encontre des prévenus et de Bonacorsi Antoine, Bonacorsi Marie-Thérèse, D. Patrick et D. Rose, parties civiles, contradictoirement à signifier à l'égard de L. Alfreda et de L. Eloi, parties civiles, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels interjetés par les prévenus et par le ministère public à l'encontre du jugement entrepris.

RAPPEL DES FAITS

La SA Voyages et Pèlerinages Notre-Dame du Salut dont Olivier M. est le directeur général délégué, a organisé du 25 juillet au 3 août 2005 une croisière intitulée "Le Danube des Portes de Fer à la Mer Noire", de Constanza à Bratislava ; en décembre 2005, trois couples de participants à cette croisière Monsieur et Madame B., Monsieur et Madame D. et Monsieur et Madame L., ont saisi la DDCCRF; ils se plaignaient de ce que plusieurs prestations annoncées dans la brochure de présentation de la croisière n'étaient pas conformes à ce qui était prévu : le transport aérien à l'aller s'était effectué à bord d'un avion charter et non sur une compagnie régulière, la visite du château de Gödölö avait été supprimée, la mini-croisière sur le Danube et la soirée Hongroise annulées, à Saint-Georges la ballade en charrette avait été remplacée par une promenade en tracteur et le spectacle folklorique roumain consistait en une chorale de huit dames âgées interprétant sans préparation des airs russes insipides.

Lors de son audition par la DDCCRF puis par les services de police, Olivier M. expliquait que le charter permettait d'avoir un vol direct Paris/Constanza ce qui était préférable pour le confort des passagers, que les annulations de la mini-croisière sur le Danube, du groupe folklorique hongrois et de la visite du château de Gödölö étaient dues à un passage d'écluse tardif lié aux impératifs locaux, qu'il n'y avait pas assez de charrettes pour la promenade.

A l'issue de son enquête, la DDCCRF établissait un procès-verbal d'infraction pour tromperie à l'encontre d'Olivier M. et de la SA Voyages et Pèlerinages Notre-Dame du Salut qui étaient renvoyés devant le tribunal de ce chef d'infraction.

Les bulletins n° 1 des casiers judiciaires des prévenus ne portent pas mention de condamnation.

Devant la cour

Les parties civiles, Monsieur et Madame B. et Madame Rose D. représentés par leur avocat, Monsieur Patrick D. assisté de son avocat, demandent la confirmation du jugement sur leur action civile ; Monsieur et Madame L., par courrier, demandent confirmation du jugement sur leur action civile.

Madame l'avocat général requiert la confirmation du jugement.

Olivier M. et la SA Voyages et Pèlerinages Notre-Dame du Salut assistés de leur avocat, demandent par conclusions leur relaxe ; ils font notamment valoir que les plaignants ont contracté en janvier 2005 sur la base de la brochure générale envoyée en fin d'année 2004 qui ne comprenait qu'un descriptif général de la croisière ; qu'ils ne peuvent donc prétexter avoir formé leur consentement en raison de visites ou d'activités dont ils n'avaient pas connaissance à cette date puisqu'elles n'étaient mentionnées que dans le programme détaillé du voyage qui leur a été transmis à titre informatif quelques mois plus tard ; qu'en conséquence le remplacement de la visite du château de Gödölö ou l'annulation de la mini-croisière sur le Danube ne peuvent être pris en compte pour caractériser l'existence du délit de tromperie ; que s'agissant du vol aller par charter spécialement affrété, les plaignants en ont été informés quinze jours avant le départ et n'ont pas cherché à obtenir l'annulation de leur voyage, ne manifestant leur mécontentement que sur la question du panier repas ;

Qu'enfin lors de l'édition de la brochure générale en 2004, Olivier M. n'était pas directeur général délégué, de sorte que l'élément intentionnel de la tromperie n'est pas caractérisé.

SUR CE

Sur l'action publique

Considérant qu'il n'est pas contesté que les plaignants se sont inscrits à la croisière "le Danube des portes de Fer à la mer Noire" sur la base de la brochure générale qu'ils ont reçue fin 2004 ; que cette brochure mentionnait notamment que le prix de la croisière comprenait "le transport aérien aller-retour sur compagnies régulières" ; que tel n'a pas été le cas en l'espèce puisque le voyage aller s'est déroulé par avion charter, peu important la pertinence ou pas de cette modification ; que les contractants ont ainsi été trompés sur une qualité substantielle du voyage qu'ils avaient choisi, et ce même s'ils n'ont pas manifesté leur désaccord lors de l'information sur les modalités du voyage donnée 15 jours avant le départ, étant observé au demeurant que cette information était loin d'être explicite sur le fait qu'il s'agissait d'un vol charter ; que s'agissant des prestations annoncées sur le programme détaillé envoyé le 25 février 2005, elles engagent le voyagiste dans le suivi du contrat et déterminent les contractants à maintenir ou non leur réservation à un moment où ils en ont encore la possibilité ; que l'annulation de certaines d'entre elles, considérées comme déterminantes de par leur attrait indéniable, comme c'est le cas pour la visite du château de Gödölö ou la mini-croisière de nuit sur le Danube, et ce pour des raisons dites "de navigation" qui, selon le programme n'étaient susceptibles d'entraîner que des modifications des ordres de visite, est constitutive de tromperie au sens de l'article L. 213-1 du Code de la consommation ; que l'élément intentionnel de l'infraction est caractérisé à l'encontre d'Olivier M., directeur général délégué de la SA Voyages et Pèlerinages Notre-Dame du Salut à la date du voyage litigieux et par ailleurs directeur commercial au moment de la rédaction de la brochure, qui, bien que professionnel de l'organisation de voyages, n'a pas pris les précautions nécessaires quant aux possibilités de réalisation effective des prestations annoncées ; qu'en conséquence la cour confirmera le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité pour la personne physique et pour la personne morale, ainsi que sur les peines d'amende prononcées pour l'une et pour l'autre qui constituent une juste application de la loi pénale compte tenu des circonstances de l'espèce.

Sur l'action civile

Considérant que la cour ne trouve pas motif à modifier l'exacte appréciation faite par le tribunal du préjudice résultant directement pour les parties civiles des faits dont se sont rendus coupables Olivier M. et la SA Voyages et Pèlerinages Notre-Dame du Salut ; qu'elle confirmera donc le jugement sur l'action civile.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement à l'égard des prévenus et des parties civiles Monsieur et Madame Bonacorsi et Monsieur et Madame D., par arrêt contradictoire à signifier en application de l'article 420-1 du Code de procédure pénale à l'égard de Monsieur et Madame L. ; Reçoit les appels des prévenus et du Ministère public ; Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions tant pénales que civiles. M. Olivier n'étant pas présent au jour du délibéré, l'avertissement, prévu à l'article 132-29 du Code pénal, n'a pu lui être donné. M. Olivier, en qualité de représentant légal de la SA Voyages et Pèlerinages Notre-Dame du Salut n'étant pas présent au jour du délibéré, l'avertissement prévu par l'article 707-3 du Code de procédure pénale, n'a pu être donné.