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Décisions

CA Rouen, ch. corr., 28 septembre 2006, n° 06-00125

ROUEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Ministère public

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Catenois

Conseillers :

M. Picquendar, Mme Bellamy-Chaline

Avocats :

Mes Malle, Dechezlepretre

TGI Evreux, du 10 janvier 2006

10 janvier 2006

Rappel de la procédure

Michel R. et Serge L. ont été renvoyés devant le Tribunal correctionnel d'Evreux par ordonnance d'un juge d'instruction de ce siège en date du 3 juin 2005 sous la prévention:

Le docteur vétérinaire Michel R.

- d'avoir à Pacy sur Bure et Val de Reuil courant 1998, altéré frauduleusement la vérité dans un écrit ou tout autre support de la pensée destinée à établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques, en l'espèce en falsifiant des ordonnances;

Infraction prévue par l'article 441-1 du Code pénal et réprimée par les articles 441-1 alinéa 2, 441-10, 441-11 du Code pénal;

Serge L.

- d'avoir à Pacy-sur-Eure courant 1998, fait usage de faux dans des écrits ayant pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques, en l'espèce les ordonnances rédigées à posteriori par le vétérinaire prescripteur;

Infraction prévue par l'article 441-1 du Code pénal et réprimée par les articles 441-1 alinéa 2, 441-10, 441-11 du Code pénal;

- d'avoir à Pacy sur Eure et Val de Reuil courant 1998, délivré des médicaments vétérinaires sans que soit présentée l'ordonnance qui doit s'y attacher;

Infraction prévue par les articles L. 5432-1 alinéa 11, L. 5132-8 alinéa 1, L. 5132-1, L. 5132-6, R. 132-1, R. 5132-6, R. 5132-22 du Code de la santé Publique et réprimée par les articles L. 5432-1 du Code de la santé publique;

- d'avoir à Val de Reuil courant 1998 et jusqu'au 27 décembre 2000, par quelque moyen que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers, étant partie ou non au contrat, trompé ou tente de tromper les clients éleveurs, acheteurs d'aliments médicamenteux destinés aux animaux sur les qualités substantielles et la composition des marchandises, en l'espèce en livrant des aliments médicamenteux contenant des produits non prescrits par un vétérinaire, des produits non conformes à la réglementation en vigueur ou des substances prohibées, avec cette circonstance que les faits ont eu pour conséquence de rendre l'utilisation de la marchandise dangereuse pour la santé de l'homme ou de l'animal.

Faits prévus et réprimés par les articles L. 213-1, L. 213-3, L. 216-1, L. 216-2, L. 216-3 et L. 216-8 du Code de la consommation;

Jugement

Par jugement contradictoire en date du 10 janvier 2006, après débats à l'audience publique du 18 octobre 2005, le Tribunal correctionnel d'Evreux, statuant:

Sur l'action publique a:

- déclaré Serge L. coupable des faits reprochés et l'a condamné à une amende délictuelle de 6 000 euro

- déclaré Michel R. coupable des faits reprochés et l'a condamné à la peine de 6 mois d'emprisonnement avec sursis.

Sur l'action civile :

- reçu le Conseil Supérieur de l'ordre des vétérinaires en sa constitution de partie civile

- condamné Serge L. et Michel R. à payer, chacun, au Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires la somme de 2 000 euro à titre de dommages-intérêts et la somme de 1 000 euro au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Le tribunal dans son jugement omettait de statuer sur la recevabilité de la constitution de partie civile et les demandes indemnitaires du Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral

Appels

Par déclarations au greffe du tribunal, il a été interjeté appel:

- le 16 janvier 2006, sur l'action civile, par le Syndicat National des Vétérinaires d'Exercice Libéral (SNEVL) à l'encontre des deux prévenus;

- le 18 janvier 2006 par le prévenu Serge L. sur les dispositions pénales et civiles et le Ministère public à titre incident à son encontre sur les dispositions pénales;

Décision

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi

En la forme

Au vu des énonciations qui précèdent et des pièces de la procédure, les appels interjetés par le Syndicat National des Vétérinaires, le prévenu Serge L. et le Ministère Public dans les formes et délais des articles 498 et suivants du Code de procédure pénale sont réguliers; ils sont donc recevables.

A l'audience publique de la cour, le 22 juin 2006, Serge L. est présent et assisté ; Michel R. est présent ; le Syndicat National des Vétérinaires d'Exercice Libéral et le Conseil Supérieur de l'ordre des vétérinaires sont représentés. Il sera donc statué par arrêt contradictoire à l'égard des parties.

Au fond

Des pièces de la procédure résultent les faits suivants:

La Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes effectuait, dans les derniers mois de l'année 1998, plusieurs contrôles relatifs à l'alimentation animale au sein de la Société Nutrition Dievet-Trouw (SNDT) sise à Val de Reuil et devenue depuis le 8 décembre 1999 Agn Dievet Nutrition ainsi qu'auprès d'éleveurs. Un rapport transmis au parquet d'Evreux allait mettre en évidence de nombreuses irrégularités en matière de prescription de médicaments, de fabrication et de délivrance d'aliments médicamenteux mettant donc en cause d'une part la Société Nutrition Dievet Trouw sise au pare industriel d'Incarville à Val de Reuil et alors spécialisée dans la production et la délivrance d'aliments complémentaires pour animaux de vente, dont Serge L. était le directeur général et d'autre part le Docteur vétérinaire Michel R., identifié comme tant le prescripteur.

L'étude des documents remis et les explications de Serge L. recueillies le septembre 2001 sur le fonctionnement de la Société Nutrition Dievet Trouw permettaient d'établir le circuit des aliments médicamenteux depuis l'unité de fabrication française à Vigny (95) ou Belge à Gent jusqu'aux éleveurs, coopératives ou grossistes d'aliments pour animaux d'élevage.

La Société Trouw Nutrition France était une filiale du groupe Hollandais Nutreco, rattachée à l'une de ses divisions "Agri International" spécialisé dans la fabrication et la distribution de produits destinés à l'alimentation animale ; la Société Trouw Nutrition France avait un site de production à Vigny et dépendaient de cette société au temps de l'information ouverte le 8 novembre 1999 plusieurs Sociétés filiales chargées de commercialiser, vendre et distribuer ces produits, dont la société Nutrition Dievet France sise à Val de Reuil, qui avait été aussi un site de production jusqu'en fin 1998. Par délibération du Conseil d'administration du 7 mars, Serge L., qui allait devenir administrateur de ladite société le 28 mars 1997, avait été nommé directeur général de cette Société Nutrition DievetTrouw.

Consécutivement à un changement de Président du Conseil d'administration, par délibération dudit conseil en date du 10 novembre 1998, il était à nouveau désigné comme directeur général de la société, son mandat social devant se terminer le 31 décembre 2003. Entre temps, la société Nutrition Dievet Trouw le 8 décembre 1999 fusionnait avec deux autres établissements, Ouest Minéraux situé à Beau Préau et Agri Elevage Nutrition situé à Clety pour devenir la Sté Agri Dievet Nutrition dont Serge L., qui devenait alors le responsable des trois sites regroupés sous cette entité, restait le directeur général.

Préliminairement à l'examen des faits, il convient de rappeler:

* qu'aux termes de l'article 607 en vigueur au moment des faits et devenu l'article L. 5141-2 du Code de la santé publique on entend:

- par prémélange médicamenteux tout médicament vétérinaire préparé à l'avance et exclusivement destiné à la fabrication ultérieure d'aliments médicamenteux,

- par aliment médicamenteux tout médicament vétérinaire constitué à partir d'un mélange d'aliment et de prémélange médicamenteux, présenté pour être administré aux animaux sans transformation dans un but thérapeutique, préventif ou curatif, l'aliment médicamenteux ne pouvant être fabriqué qu'à partir d'un prémélange médicamenteux ayant reçu l'autorisation de mise sur le marché,

* qu'aux termes de l'article 615 en vigueur au moment des faits et devenu L. 542-1 du Code de la santé publique, lorsque les établissements de fabrication et de vente en gros d'aliments médicamenteux ne sont pas la propriété d'un pharmacien, d'un vétérinaire ou d'une société à la gérance ou à la direction générale de laquelle participe un pharmacien ou un vétérinaire, le contrôle de la fabrication et de la délivrance est assuré par un pharmacien ou un vétérinaire, ce dernier étant personnellement responsable de l'application des dispositions législatives et réglementaires concernant les aliments médicamenteux, sans préjudice, le cas échéant, de la responsabilité solidaire de la Sté,

* qu'aux termes de l'article L. 617 en vigueur au moment des faits et devenu L. 5142-4 du Code de la santé publique les aliments médicamenteux ne peuvent être délivrés et fournis par les établissements de préparation de vente en gros que sur prescription d'un docteur vétérinaire,

La finalité de la législation sur les aliments médicamenteux étant qu'avant toute délivrance de ce type de produit un vétérinaire visite les animaux, établisse la pathologie et prescrive sur ordonnance le traitement le plus adapté et qu'ensuite l'éleveur se rende chez le fabricant muni de cette ordonnance et qu'à la vue de ce document ce dernier puisse fabriquer l'aliment médicamenteux, c'est à dire un mélange d'aliments et de prémélange médicamenteux.

Le 4 novembre 1998, les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes se présentaient dans les locaux de la société Nutrition Dievet Trouw à Val de Reuil, qui était jusqu'à cette date spécialisée tant dans la production que la délivrance et la commercialisation d'aliments médicamenteux.

Du procès-verbal établi le 28 septembre 1999 il ressort qu'au cours de ce contrôle et des investigations effectuées il était donc constaté de nombreuses irrégularités et notamment une identification imprécise sur les ordonnances des animaux à traiter et des élevages destinataires, des durées de traitement prescrites pour les aliments médicamenteux livrés supérieures à celles préconisées par les autorisations de mise sur le marché des prémélanges médicamenteux, des divergences entre la composition de l'aliment prescrit et la composition de l'aliment livré à l'éleveur, des substitutions sur les étiquettes des aliments médicamenteux entre les numéros des autorisations de mise sur le marché des prémélanges médicamenteux et les numéros de leur conditionnement.

Il était ainsi établi qu'une grande partie des aliments médicamenteux était produite avant même toute commande d'un éleveur, que les ordonnances n'étaient nécessairement communiquées aux éleveurs qu'après l'achat des aliments à la société distributrice, qu'elles étaient manifestement établies sans connaissance des animaux traités de la part du vétérinaire prescripteur, le docteur Michel R. et qu'il s'agissait de supplémentations médicamenteuses s'inscrivant dans le cadre d'une gamme préétablie d'aliments n'obéissant pas à des finalités thérapeutiques vérifiées par le prescripteur, indépendamment de tout besoin thérapeutique, principalement dans le but de suggérer aux éleveurs une amélioration des performances zootechniques au moyen desdites marchandises, et tout cela bien que le docteur vétérinaire R., aux termes d'une convention signée le 6 octobre 1997 avec Serge L., le directeur général de la SNDT, ait été chargé du contrôle de la fabrication et de la délivrance des aliments médicamenteux.

D'une manière générale, les éleveurs expliquaient qu'après la visite de l'élevage en compagnie d'un commercial de la société, ils discutaient de leurs besoins et passaient commande d'aliments médicamenteux par référence à une gamme de produits proposés. Les produits leur étaient ensuite directement livrés, puis quelque temps après ils recevaient l'ordonnance les prescrivant du docteur R..

Postérieurement à l'arrêt de son activité de fabrication fin 1998, la société SNTD, devenue en décembre 1999 la Sté Agri Dievet Nutrition, ne conservait plus que des fonctions commerciales, continuant à assurer dans les mêmes conditions la commercialisation et la délivrance des aliments médicamenteux qu'elle obtenait auprès du site de production belge à Gent ou français à Vigny.

Le 25 novembre 2000, les services des douanes interceptaient un camion appartenant à la société VOS Logistique transportant à destination de la Sté Agri Dievet Nutrition 5975 kilogrammes d'aliments médicamenteux.

D'une manière générale, les éleveurs expliquaient qu'après la visite de l'élevage en compagnie d'un commercial de la société ils discutaient de leur besoins et passaient commande d'aliments médicamenteux par référence à une gamme de produits proposés. Les produits leur étaient ensuite directement livrés, puis, quelques temps après, ils recevaient l'ordonnance les prescrivant du docteur R..

Postérieurement à l'arrêt de son activité de fabrication fin 1998, la société SNTD, devenue en décembre 1999 la Sté Agri Dievet Nutrition ne conservait plus que des fonctions commerciales, continuant à assurer dans les mêmes conditions la commercialisation et la délivrance des aliments médicamenteux qu'elle obtenait auprès du site de production belge à Gent ou français à Vigny.

Le 25 novembre 2000, les services des douanes interceptaient un camion appartenant à la société VOS Logistique transportant à destination de la Sté Agri Dievet Nutrition 5975 kilogrammes d'aliments médicamenteux destinés aux porcelets sans ordonnance vétérinaire, et l'enquêteur de la DGCCRF constatait le 28 novembre 2000 la détention sur le site de Val de Reuil de 38 275 kgs d'aliments médicamenteux fabriqués sans ordonnance vétérinaire, certains d'entre eux comportant des mélanges non autorisés de plusieurs prémélanges médicamenteux.

Philipe Meunier, responsable commercial à la société Agri Dievet Nutrition depuis le 17 janvier 2000, s'occupait de la démarche commerciale auprès des éleveurs et principalement des porcs. Son rôle consistait à les conseiller dans les domaines de l'alimentation et de la technique de l'élevage. Les commandes d'aliments médicamenteux étaient directement effectuées par l'éleveur de la société ; si les produits étaient disponibles en stock chez agri Dievet Nutrition, ils étaient alors livrés ; dans le cas contraire, ils étaient d'abord fabriqués par la société Trouw Nutrition soit à Vigny, soit à Gent. La délivrance des ordonnances relevait de la gestion administrative de la société

Lors de son audition le 5 septembre 2001, Michel R., depuis octobre 1997 le vétérinaire prescripteur de la société SNTD devenue par la suite société Agri Dievet Nutrition, confirmait que les éleveurs passaient directement leurs commandes d'aliments médicamenteux auprès de la société, lesquels étaient ensuite approuvés par ordonnance signés de sa main. Il avait mis en place une ordonnance type ; passé la commande, cette ordonnance qui était renseignée en fonction du produit commandé et de l'éleveur, était éditée, envoyée par fax à son cabinet, puis remise à l'éleveur signée de sa main par l'intermédiaire de la société.

Michel R. disait assurer une visite annuelle des élevages mais reconnaissait ne pas vérifier l'état sanitaire des porcins à chaque délivrance d'une ordonnance ; selon lui, il était impossible d'agir autrement, compte tenu du nombre d'élevage, de leur implantation géographique et de l'arrivée d'une nouvelle bande de porcelet toutes les trois semaines environ, appliquant ce faisant, selon ses dires, une pratique commerciale courante dans le domaine de l'alimentation animale.

Lors de son audition de 5 septembre, Serge L. reconnaissait qu'il était informé de la législation en vigueur en matière d'aliments médicamenteux et en particulier concernant les prémélanges médicamenteux indiquant notamment savoir que le recours au mélange de plusieurs prémélanges médicamenteux était interdit. Il admettait que cette législation n'était pas respectée et que sa société proposait aux éleveurs une gamme de produits comportant des mélanges de prémélanges médicamenteux, estimant indispensable d'y recourir pour constituer l'aliment médicamenteux proposé aux éleveurs. Il disait être conscient des risques sanitaires que pouvait occasionner la suralimentation des animaux en antibiotiques mais précisait que face à la concurrence "l'aliment blanc" (sans médicament) ne satisfaisait pas les éleveurs.

Serge L., selon lequel il était matériellement impossible d'organiser des visites systématiques des élevages par un vétérinaire, reconnaissait que sa société disposait d'un logiciel contenant des modèles d'ordonnances au nom de Michel R.. Dès qu'une commande était passée par le client, "l'ordonnance était déclenchée", faxée au vétérinaire pour signature et ensuite transmise signée à l'éleveur par la société.

Ceci étant, la délivrance par un vétérinaire d'ordonnances prescrivant des aliments médicamenteux sans examen des animaux et à seule fin de régulariser la délivrance de ces produits déjà effectuée dans des conditions illicites par la société Nutrition Dievet Trouw, dès lors que ces documents sont créés en vue d'éluder la loi et de créer l'apparence d'une situation juridique de nature à porter préjudice à autrui entre dans les prévisions de l'article 441-1 du Code pénal ; il est donc établi et, en l'absence d'appel le concernant sur l'action publique, définitivement acquis que Michel R. courant 1998, ce faisant, s'est bien rendu coupable du délit de faux prévu et réprimé par les articles 441-1, 441-9, 441-10 et 441-11 du Code pénal.

S'agissant de Serge L. auquel il est reproché d'avoir courant 1998 délivré des médicaments vétérinaires sans que soient présentées les ordonnances qui doivent s'y attacher et fait usage de faux en remettant aux éleveurs des ordonnances délivrées a posteriori par le vétérinaire prescripteur, puis d'avoir courant 1998 et jusqu'au 27 décembre 2000 trompé ou tenté de tromper les clients éleveurs, acheteurs d'aliments médicamenteux destinés aux animaux, sur les qualités substantielles et la composition des marchandises, ce dernier sollicite sa relaxe de ces chefs de poursuite au motif que les dispositions de l'article L. 5142-1, anciennement 615, du Code de la santé publique instaurent une délégation de pouvoirs obligatoire au profit du vétérinaire personnellement responsable de l'application des dispositions législatives et réglementaires concernant les aliments médicamenteux sans préjudice, le cas échéant, de la responsabilité solidaire de la société, que la responsabilité pénale pèse de droit sur Michel R. délégué obligatoirement à cet effet et que sa responsabilité de dirigeant de la société ne peut être retenue aux côtés de la responsabilité de droit du vétérinaire délégué, les dispositions de l'article L. 5142-1 du Code la santé publique n'instaurant la possibilité d'une responsabilité solidaire du vétérinaire qu'avec la société et non ses dirigeants, et au motif qu'il n'avait pas reçu délégation de pouvoirs pour supporter la responsabilité pénale de la société SNTD en matière de fabrication et de distribution d'aliments médicamenteux.

Ceci étant, durant l'année 1998 et jusqu'au 27 décembre 2000 Serge L. exerçait les fonctions de Directeur Général de la société Nutrition Dievet Trouw devenue le 8 décembre 1999 la société Agri Dievet Nutrition, des fonctions de commandement d'autorité et de représentation qu'il a nécessairement acceptées, eu égard à la durée de leur exercice par ce dernier sans qu'il ne les contestât, et qui s'accompagnent implicitement d'une délégation de pouvoirs de la part de son président, étant observé qu'il fut expressement accordé dans les décisions précitées à Serge L. des pouvoirs de direction ainsi qu'en atteste en outre le fait qu'il fut personnellement signataire au nom de la SNDT de la convention passée avec Michel R. pour la surveillance de la fabrication d'aliments médicamenteux et de son renouvellement, que Serge L. a encore reconnu qu'il était informé de la législation en vigueur en matière d'aliments médicamenteux, qu'il savait que cette législation n'était pas respectée et notamment en 1998 lorsque la Sté Nutrition Dievet Trouw était encore un site de production placé sous responsabilité et qu'il a convenu que la délivrance par le vétérinaire de l'ordonnance a posteriori n'avait pour but que de régulariser les commandes et délivrances d'aliments médicamenteux. Serge L. n'est donc pas fondé à invoquer l'absence d'une délégation expresse de pouvoirs ou encore de compétence pour se soustraire à sa responsabilité.

Serge L., alors qu'en 1998 les contrôles effectués par la DGCCRF portait sur une époque où la société Nutrition Dievet Trouw assurait non seulement la commercialisation et la délivrance des aliments médicamenteux, ainsi qu'il en sera sous sa direction jusqu'au 27 décembre 2000, mais encore la production de ces produits, n'est pas davantage fondé pour se soustraire à sa responsabilité pénale, à prétendre que la responsabilité du vétérinaire instituée par l'article L. 5142-1 du Code de la santé publique (anciennement 615) dans l'application des dispositions législatives et réglementaires applicables aux aliments médicamenteux exclurait toute responsabilité pénale de sa part, ce texte ne faisant pas obstacle à ce que la responsabilité pénale des personnes physiques et en particulier des dirigeants au sein de la Sté soit engagée en qualité d'auteur, co-auteur ou complice lors de la commission d'infractions à l'occasion de la vente et de la délivrance d'aliments médicamenteux.

Ceci étant Serge L. qui ne méconnaissait pas la réglementation applicable en matière d'aliments médicamenteux et n'ignorait pas les pratiques en vigueur dans la société dont il était le directeur général, alors qu'il lui incombait de s'assurer du respect de la réglementation en vigueur:

- en autorisant en 1998 que la société Nutrition Dievet Trouw délivre aux éleveurs des aliments médicamenteux sans prescription vétérinaire s'est bien rendu coupable du délit prévu et réprimé par l'article L. 5432-1 anciennement article 658-8-III, du Code de la santé publique pour avoir omis de respecter les dispositions réglementaires prévues aux articles L. 5132-1, L. 5132-6 L. 5132-8 et 5142-4 du Code de la santé publique interdisant la cession d'aliments médicamenteux sans ordonnance vétérinaire. en faisant en 1998 parvenir aux éleveurs des ordonnances rédigées à posteriori par le vétérinaire prescripteur, sans examen des animaux et dans le seul but de régulariser la délivrance de ces produits déjà effectuée dans des conditions illicites, s'est bien rendu coupable du délit d'usage de faux prévu et réprimé par les articles 441-1 et 441-10du Code pénal.

- en délivrant courant 1998 et jusqu'en 27 décembre 2000 à des clients éleveurs des aliments médicamenteux destinés aux animaux, alors qu'il n'ignorait pas que le ou les prémélange(s) médicamenteux n'avait(ent) pas été prescrit(s) par le vétérinaire, que le recours au mélange d'aliments avec plusieurs prémélanges médicamenteux était interdit, et que la suralimentation en antibiotiques des animaux n'étant pas sans risque pour la santé de l'animal et de l'homme, a bien trompé ses co-contractants sur les qualités substantielles et la composition des marchandises par eux acquises et s'est ainsi rendu coupable, dans les termes de la prévention, du délit de tromperie prévu et réprimé par les articles L. 213-1, L. 213-2, L. 216-3, L. 216-8 du Code de la consommation.

Le jugement déféré sera donc confirmé sur la déclaration de culpabilité de Serge L. et, en répression la cour, infirmant partiellement le jugement déféré sur la sanction pénale, le condamne à une amende délictuelle de 9 000 euro.

Sur l'action civile exercée

par le Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires, lequel dans des conclusions développées par son avocat, demande la confirmation des condamnations civiles prononcées à son profit dans le jugement déféré.

Le tribunal a fait une exacte appréciation de la recevabilité de la constitution de partie civile du Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires qui a qualité tour se constituer partie civile et agir en justice lorsque les intérêt de la profession, comme en l'espèce, sont atteints, l'établissement des faux commis par Michel R. et leur usage par Serge L., par l'atteinte à son honorabilité et à son image qu'ils ont générée, ayant causé de manière certaine à la profession un préjudice moral, de la responsabilité civile de Serge L. et de Michel R. et de la réparation de ce préjudice moral causé à la profession par leurs agissements ainsi qu'une équitable application des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale au profit de cette partie civile. Ne trouvant aucun motif à modifier l'évaluation de ce préjudice et l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, la cour, statuant dans les limites de l'appel interjeté par Serge L., confirme le jugement déféré en ses dispositions civiles édictées à l'encontre de ce dernier au profit du Conseil Supérieur de l'ordre des vétérinaires.

par le Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral (SNVEL)

Le tribunal ayant omis de statuer sur la recevabilité de la constitution de partie civile et les demandes indemnitaires du SNVEL, la cour, saisie par l'appel de cet organisme, dont les statuts, adoptés le 14 décembre 1993 et versés aux débats, démontrent en leur article J qu'il est un syndicat professionnel et en leur article 3 que son activité a pour but notamment de défendre les intérêts professionnels, moraux et matériels de tous les vétérinaires adhérents, l'obligation d'évoquer et de statuer.

Dans des conclusions développées par son avocat, le SNVEL demande à la cour de le recevoir en sa constitution de partie civile et de condamner solidairement Michel R. et Serge L. à lui payer une somme de 15 000 euro à titre de dommages et intérêts et une somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Au vu des énonciations précitées résultant des articles 1 et 3 de ses statuts la constitution de partie civile du syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral est recevable, les agissements précités du docteur vétérinaire Michel R. qui a délivré de fausses ordonnances et de Serge L. qui en a fait sciemment usage, des agissements préjudiciables aux professionnels qui respectent les contraintes réglementaires, ayant incontestablement jeté le discrédit sur les pratiques de l'ensemble de la profession et causé à celle-ci de manière certaine un préjudice moral.

Au vu des éléments soumis à son appréciation, la cour en réparation de ce préjudice condamne solidairement Michel R. et Serge L. à payer au Syndicat National des vétérinaires d'exercice libéral une somme de 4 500 euro à titre de dommages et intérêts. De même, il est équitable d'accorder à cette partie civile, qui a du faire assurer la défense de ses intérêts tant en première instance qu'en cause d'appel, une somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, En la forme, Déclare les appels du Syndicat National des vétérinaires, d'exercice libéral, de Serge L. et du Ministère Public à son encontre recevables. Au fond, Statuant dans les limites des appels : Sur l'action publique, Confirme le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité de Serge L., L'infirmant sur la sanction pénale, Condamne Serge L. à une amende délictuelle de 9 000 euro. Le Président, conformément aux dispositions de l'article 707-3 du Code de Procédure Pénale, rappelle que sue montant de l'amende est acquitté dans un délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt ou de sa signification, ce montant est diminué de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1 500 euro et que dans ce cas le paiement volontaire de l'amende ne fait pas obstacle à l'exercice des voies de recours. Sur l'action civile, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions civiles édictées à l'encontre de Serge L. au profit du Conseil Supérieur de l'ordre des vétérinaires, Evoquant sur l'appel du Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral, Déclare recevable la constitution de partie civile du Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral, Déclare Michel R. et Serge L. responsables du préjudice causé à cette partie civile, Condamne solidairement Michel R. et Serge L. à payer au Syndicat National des vétérinaires d'exercice libéral la somme de 4 500 euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral causé à la profession, la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel.