CA Angers, ch. corr., 29 novembre 2007, n° 07-00387
ANGERS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Ministère public, Conseil national de l'ordre des pharmaciens
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vermorelle
Conseillers :
MM. Lavergne, Turquet
Avocat :
Me Truffreau
Rappel de la procédure
La prévention
SARL X... est prévenue de s'être:
- à Chemille (49), entre le 1er juillet 2004 et le 1er avril 2006, en tout cas sur le territoire national, et depuis temps n'emportant pas prescription, livré à des opérations réservées aux pharmaciens, sans réunir les conditions exigées pour l'exercice de la pharmacie, en l'espèce en fabriquant et distribuant les produits suivants : des gélules de bourdaine écorce, de Cascara sagrada, de griffe du chat, d'lspaghul semence, de millepertuis, de séné ainsi que de l'huile essentielle de Cajaput, répondant à la qualification de médicaments par fonction;
- entre le 1er juillet 2004 et le 1er avril 2006, en tout cas sur le territoire national, et depuis temps n'emportant pas prescription, par quelque moyen que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers, étant partie ou non au contrat, trompé ou tenté de tromper ses clients, ainsi que les consommateurs finaux, sur les qualités substantielles des produits suivants: des gélules de bourdaine écorce, de Cascara sagrada, de griffe du chat, d'lspaghul semence, de millepertuis, de séné ainsi que de l'huile essentielle de Cajaput, en les présentant faussement comme des compléments alimentaires alors qu'il s'agit de médicaments par fonction;
- entre le 1er juillet 2004 et le 1e avril 2006, en tout cas sur le territoire national, et depuis temps n'emportant pas prescription, par quelque moyen que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers, étant partie ou non au contrat, trompé ou tenté de tromper ses clients, ainsi que les consommateurs finaux, sur les qualités substantielles des produits suivants : des gélules d'Echinacéa, produit dangereux, en le présentant faussement comme un aliment dépourvu de toute toxicité;
- entre le 1er juillet 2004 et le 1er avril 2006, en tout cas sur le territoire national, et depuis temps n'emportant pas prescription, exposé ou mis en vente des denrées servant à l'alimentation de l'homme ou des animaux des boissons ou des produits agricoles ou naturels, qu'il savait falsifiés, corrompus, ou toxiques, en l'espèce des gélules d'Echinacéa, produit dangereux;
- entre le 24 octobre 2003 et le 5 janvier 2005, en tout cas sur le territoire national, et depuis temps n'emportant pas prescription, exposé ou mis en vente des denrées servant à l'alimentation de l'homme ou des animaux, des boissons ou des produits agricoles ou naturels, qu'il savait falsifiés, corrompus, ou toxiques, en l'espèce de l'Ephédra, produit interdit à la vente par décision de I'AFSSAPS (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de santé), en date du 8 octobre 2003 et publiée au Journal Officiel le 22 octobre 2003;
- entre le 24 octobre 2003 et le 5 janvier 2005, en tout cas sur le territoire national, et depuis temps n'emportant pas prescription, exposé, mise en vente ou détenu des denrées servant à l'alimentation de l'homme ou des animaux des boissons ou des produits agricoles ou naturels, qu'il savait falsifiés et nuisibles à la santé, en l'espèce de l'Ephédra, produit interdit à la vente par décision de I'AFSSAPS, en date du 8 octobre 2003 et publiée au Journal Officiel le 22 octobre 2003;
C. Yves est prévenu d'avoir entre le 1er juillet 2004 et le 1er avril 2006, en tout cas sur le territoire national, et depuis temps n'emportant pas prescription:
- ouvert ou fait fonctionner un établissement mentionné à l'article L. 5124-3 du Code de la santé publique, en l'espèce un établissement pharmaceutique, sans l'autorisation administrative mentionnée à l'article L. 5124-3 du Code de la santé publique, en l'espèce les autorisations délivrées par l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, pour l'activité de fabrication et de distribution en gros de médicaments;
- livré à des opérations réservées aux pharmaciens, sans réunir les conditions exigées pour l'exercice de la pharmacie, en l'espèce en fabriquant et distribuant les produits suivants, des gélules de bourdaine écorce, de Cascara sagrada, de griffe du chat, d'lspaghul semence, de millepertuis, de séné ainsi que de l'huile essentielle de Cajaput, répondant à la qualification de médicaments par fonction;
- commercialisé ou distribué à titre gratuit ou onéreux, en gros ou en détail, une spécialité pharmaceutique, ou tout autre médicament fabriqué industriellement sans autorisation de mise sur le marché, en l'espèce, pour avoir commercialisé et distribué les médicaments suivants: des gélules de bourdaine écorce, de sagrada, de griffe du chat, d'Ispaghul semence, de millepertuis, de séné ainsi que de l'huile essentielle de Cajaput;
- par quelque moyen que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers, étant partie ou non au contrat, trompé ses clients, ainsi que les consommateurs finaux, sur les qualités substantielles des produits suivants : des gélules de bourdaine écorce, de Cascara Sagrada, de griffe du chat, d'lspaghul semence, de millepertuis, de séné ainsi que de l'huile essentielle de Cajaput, en les présentant faussement comme des compléments alimentaires alors qu'il s'agit de médicaments par fonction;
- par quelque moyen que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers, étant partie ou non au contrat, trompé ou tenté de tromper ses clients, ainsi que les consommateurs finaux, sur les qualités substantielles du produit suivant, des gélules d'Echinacéa, produit dangereux, en le présentant faussement comme un aliment dépourvu de toute toxicité;
- exposé, mis en vente ou détenu, des denrées servant à l'alimentation de Phomme ou des animaux, des boissons ou des produits agricoles ou naturels, qu'il savait falsifiés, corrompus ou toxiques, en l'espèce des gélules d'Echinacéa, produit dangereux;
- détenu sans motif légitime, des denrées servant à l'alimentation de l'homme ou des animaux, qu'il savait être falsifiées, corrompues, toxiques et nuisibles à la santé de l'homme ou de l'animal, en l'espèce, de la poudre d'Ephédra, produit interdit à la vente par décision de l'AFSSAPS, (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de santé), en date du 8 octobre 2003 et publiée au Journal Officiel le 22 octobre 2003;
- vendu des denrées servant à l'alimentation de l'homme, qu'il savait falsifiées, corrompues, toxiques et nuisibles à la santé de l'homme ou de l'animal, en l'espèce de Ephédra (poudre et plante), produit interdit â la vente par décision de I'AFSSAPS, (Agence Française de Sécurité Sanitaire des produits de santé), en date du 8 octobre 2003 et publiée au Journal Officiel le 22 octobre 2003;
- par quelque moyen que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers, étant partie ou non au contrat, trompé ou tenté de tromper ses clients ainsi que les consommateurs finaux, sur les qualités substantielles du produit suivant, de I'Ephédra, (poudre ou plante), en le présentant faussement comme un complément alimentaire, alors que le dit produit a été interdit à la vente par décision de I'AFSSAPS, (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de santé), en date du 8 octobre 2003 et publiée au Journal Officiel le 22 octobre 2003. Cette tromperie ayant eu pour conséquence de rendre l'utilisation de la marchandise dangereuse pour la santé de l'homme ou de l'animal;
- préparé, importé ou distribué des médicaments à usage humain, en l'espèce des gélules de Bourdaine écorce, de Cascara Sagrada, de griffe du chat, d'lspaghul semence, de Millepertuis, de séné ainsi que de l'huile essentielle de Cajaput, sans respecter les bonnes pratiques, notamment l'usage de protection personnelle assurant une bonne hygiène et l'installation des locaux plus propres, mieux entretenus et mieux adaptés;
Le jugement
Le tribunal correctionnel d'Angers, par jugement du 27 novembre 2006:
Sur l'action publique
- a relaxé LA SARL X... des faits de tromperie, par personne morale, sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, d'exposition ou vente, par personne morale, de denrée alimentaire, boisson ou produit agricole falsifié, corrompu ou toxique, d'exposition ou vente, par personne morale, de denrée alimentaire, boisson ou produit agricole falsifié, corrompu ou toxique, d'exposition ou vente, par personne morale, de denrée alimentaire, boisson ou produit agricole falsifié ou corrompu et nuisible à la santé;
- l'a déclaré coupable d'exercice illégal de la pharmacie;
- l'a condamné à une amende délictuelle de trois mille euro (3 000 euro);
- a ordonné l'affichage du présent jugement, pendant une durée de deux mois de la décision de condamnation sur les portes de l'entreprise sise 21, Rue d'Arbrissel 49120 Chemille;
- a relaxé C. Yves des faits de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise (Echinacea), d'exposition ou vente de denrée alimentaire, boisson ou produit agricole falsifié, corrompu ou toxique (Echinacea) et de préparation, importation ou distribution de médicaments à usage humain sans respect des bonnes pratiques;
- l'a déclaré coupable d'ouverture d'un établissement pharmaceutique sans autorisation, d'exercice illégal de la pharmacie, de commercialisation ou distribution sans autorisation de mise sur le marché de médicament, spécialité pharmaceutique, générateur, trousse ou précurseur, tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise (gélules de Bourdaine écorce, de Cascara Sagrada, de griffe du chat, d'lspaghul, de Millepertuis, de Séné et huile essentielle de Cajeput), de détention et de vente de denrée alimentaire, boisson ou produit agricole falsifié ou - corrompu et nuisible à la santé et de tromperie sur une-marchandise entraînant un danger pour la santé de l'homme ou de l'animal;
- l'a condamné à une amende délictuelle de cinq mille euro (5 000 euro);
- a ordonné la publication par extrait du dit jugement aux frais du condamné dans le Courrier de l'Ouest, édition du Maine et Loire, sans que le coût de la publication ne puisse dépasser la somme de six cents euro (600 euro);
- ordonné la confiscation des scellés;
- a dit que, conformément aux articles 707-2 et 707-3 du Code de procédure pénale, le montant des amendes prononcées sera diminué de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1 500 euro, si le condamné s'acquitte du paiement dans un délai d'un mois à compter de la date à laquelle le jugement a été prononcé;
- le paiement de l'amende ne fait pas obstacle à l'exercice des voies de recours;
Sur l'action civile
* a reçu le Conseil national de l'ordre des pharmaciens en sa constitution de partie civile;
- a condamné in solidum la SARL X... et C. Yves à lui payer:
. la somme de deux mille euro (2 000 euro) à titre de dommages et intérêts
. la somme de mille cinq cents euro (1 500 euro) en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;
- les a condamnés en outre solidairement aux dépens sur l'action civile;
Les appels
Appel a été interjeté par:
Monsieur le Procureur de la République, le 7 décembre 2006 contre C. Yves.
La SARL X... le 12 décembre 2006 limité à l'amende délictuelle, l'affichage et sur les dispositions civiles.
Monsieur C. Yves le 12 décembre 2006 limité à l'amende délictuelle, la publication, la confiscation et les dispositions civiles,
La cour
Demandes devant la cour.
La partie civile, le Conseil National de l'Ordre des Pharmaciens, conclut à la confirmation des dispositions civiles, et demande 5 000 euro au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale devant la cour.
Le Ministère public requiert condamnation pour le tout, et confirmation des peines.
La SARL X..., personne morale, et Monsieur C., personne physique concluent à leur relaxe pour le tout, et au rejet des demandes de la partie civile.
Monsieur C., présent en personne, déclare reconnaître les faits mais pas leur présentation.
Nonobstant celle reconnaissance, les conclusions déposées proposant un certain nombre d'arguments à l'appui de la demande globale de relaxe (personne morale et personne physique).
- Monsieur C. (personne physique) ne pouvait pas être poursuivi puisque les prétendues infractions concernent exclusivement l'activité commerciale de la SARL X....
- Les faits ne peuvent pas être poursuis au-delà du 1er avril 2006.
- Si infractions il y a, c'est dérisoire, puisque cela ne représente que 0,22 % du chiffre d'affaire.
- l'élément légal fait défaut, puisqu'il n'est pas établi que les produits en cause seraient des médicaments.
- Il n'y a pas d'élément Intentionnel.
- En e qui concerne le défaut d'hygiène, Monsieur C. ne peut être poursuivi.
De plus un seul salarié sur 29 est concerné.
Motifs
Sur l'action publique.
La cour répondra tout d'abord aux arguments globaux présentés dans les conclusions des prévenus.
- Les infractions commises tant par une société à travers ses dirigeants, que par les dirigeants personnes physiques ne sont pas exclusives les unes des autres, et le Ministère public a, en quelque sorte le choix: poursuivre l'un ou l'autre, ou les deux.
- Les faits ne pourraient pas être poursuivis au-delà du 1 avril 2006. Or Il apparaît qu'une seule des préventions vise des faits commis entre le 27 avril 2005 et le 16 mai 2006, qui concerne Monsieur C., personne physique, pour non-respect des bonnes pratiques, faits constatés par la gendarmerie de Cholet lors de son intervention. L'argument n'est donc pas pertinent.
- Le pourcentage très faible du taux d'infraction (0,22 % du chiffre d'affaire), n'est pas un argument déterminant, susceptible en tout cas de faire disparaître une infraction éventuelle.
Pour le surplus les arguments concernant le défaut d'élément légal et d'élément intentionnel, seront évoqués dans le corps de la motivation.
Les poursuites sont essentiellement fondées sur deux enquêtes effectuées en 2005 et 2006 par deux services différents. Le tribunal les a rappelées et la cour en reprendra les termes:
Le 27 avril 2005, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) de Maine et Loire et l'inspection Régionale de la Pharmacie procédaient au contrôle de la SARL X... dont le gérant était Monsieur Yves C., le siège social situé 21 rue d'Arbrissel à Chemille et le chiffre d'affaire annuel d'environ 2 500 000 euro hors taxe.
Cette SARL, créée en 1978, est l'héritière d'une entreprise familiale qui existait à Chemille depuis 1868, dont l'objet social était l'achat, la fabrication, le conditionnement de produits d'herboristerie et de plantes médicinales sous toutes ses formes et qui fonctionnait sous l'enseigne commerciale "Herboristerie Centrale de Maine et Loire".
Ce contrôle avait un double objet:
- contrôle qualitatif des compléments alimentaires fabriqués par la société,
- vérification des dispositions prises par la société pour la mise en conformité de ses produits avec la législation sur les compléments alimentaires.
A cette occasion, les contrôleurs constataient que la société précitée fabriquait, détenait et commercialisait sous forme de gélules, flacons, huile ou sachets des compléments alimentaires à base de plantes ayant fait l'objet de la part de l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de santé (AFSSAPS) de décisions de suspension de la fabrication et de ta commercialisation ainsi que d'avis défavorables de l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA).
Il s'agissait des produits suivants:
- Bourdaine écorce
- Cascara sagrada
- Cajeput
- Griffe du chat
- Echinacea
-Gui
- lspaghul semence
- Millepertuis
- Séné.
En outre, dans le local de stockage des matières premières était découvert un sac en kraft contenant de l'Ephédra en poudre, pour un poids total de 156 kilogrammes, plante non admise en alimentation humaine en raison de ses effets indésirables cardiovasculaires et neuro psychiatriques. Elle avait fait l'objet d'une décision d'interdiction de I'AFSSAPS du 8 octobre 2003. Le 16 mai 2005, le laboratoire inter régional de la CCRF de STRASBOURG confirmait que cette poudre était bien de l'Ephédra toxique en tant que denrée alimentaire.
De l'analyse des catalogues, factures et documents commerciaux, il ressortait que la SARL X... avait bien commercialisé les produits incriminés et notamment l'Ephédra postérieurement au 8 octobre 2003.
Dans ces conditions, la DGCCRF verbalisait le dirigeant des chefs suivants:
- tromperie sur les qualités substantielles de marchandises présentant un caractère dangereux et toxique pour la santé de l'homme ou de l'animal,
- mise en vente de denrées servant à l'alimentation de l'homme sachant qu'elles sont toxiques et nuisibles à la santé de l'homme.
Le 16 mai 2006, les gendarmes de la Brigade de Recherche de Cholet procédaient à une perquisition dans l'ensemble des bâtiments de la SARL X... dans le cadre de laquelle ils découvraient, dans le local de stockage, des gélules d'Echinacea, de la poudre d'Ephédra et l'huile de Cajeput reconditionnée.
Par ailleurs, ils constataient que des personnes chargées de la confection des gélules et infusettes destinées à la consommation humaine travaillaient sans aucune protection hygiénique particulière et que la vétusté des locaux ne semblait pas convenir à la fabrication de tels produits.
Ils précisaient, en outre, qu'entre les deux contrôles, la SARL avait revendu pour environ 6 000 euro hors taxe de produits incriminés.
Il ressortait de la synthèse réalisée par la gendarmerie que le sieur Callaud avait continué à produire et à revendre ces produits sans tenir vraiment compte des observations faites par la DGCCRF à la suite du contrôle de 2005.
D'ailleurs, devant la cour, Monsieur C. a expressément reconnu qu'il avait eu tort de conserver le sac d'Ephédra, même si celui-ci était dans un local fermé à clef.
La mise en règle partielle (vérifiée) pour certains produits ne fait pas disparaître la totalité des infractions.
Le premier problème à résoudre est de savoir si les produits en cause, ou certains d'entre eux découverts lors des enquêtes sont des médicaments ou non.
Les gélules d'Echinacéa et la poudre d'Ephédra seront traitées à part. Les produits essentiellement concernés sont au nombre de 7 il s'agit de: Bourdaine écorce, Cascara Sagrada, Griffe du chat, lspaghul semence, millepertuis, séné, huile de cajeput.
Le Tribunal a évoqué dans son jugement l'article L. 5 111-1 du Code de la santé publique qui définit le médicament ainsi que la directive communautaire du 31 mars 2004 qui a étendu la définition. Il a également évoqué deux décisions sur ce sujet
La cour reprendra ces éléments qui constituent une base utile de motivation
En vertu de l'article L. 5 111-1 du Code de la santé publique, on entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales ainsi que tout produit pouvant être administré à l'homme ou l'animal, en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques.
La directive communautaire 2004127/CE du 31 mars 2004 a étendu cette définition à "toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ; ou toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l'homme pouvant lui être administrée en vue soit de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique, soit d'établir un diagnostic médical".
La Cour de justice des communautés européennes a eu l'occasion à plusieurs reprises, et notamment les 30 Novembre 1983 Van Benmkam et 16 avril 1991 UP John, de préciser que les expressions "pouvant être administré et en vue de n'impliquaient pas que l'on ait à faire la preuve des effets sur les fonctions organiques.
C'est cette même jurisprudence qu'a réaffirmé la chambre criminelle de la Cour de Cassation dans un arrêt du 22 février 2000.
Or, les propriétés pharmacologiques des plantes sont traditionnellement reconnues comme pouvant être utilisées en vue de restaurer, corriger ou modifier les fonctions organiques conférant ainsi à ces produits, sur la base de la jurisprudence citée, la qualité de médicaments par fonction.
C'est pourquoi l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de santé édite régulièrement notes, avis et décisions sur les indications thérapeutiques de chacune des plantes Inscrites à la pharmacopée.
Le tribunal s'est expliqué sur chacun des produits en cause, en se référant utilement aux avis de l'AFSSAPS. La cour reprendra donc cette énumération.
C'est ainsi que s'agissant de la Bourdaine écorce, l'AFSSAPS a rendu le 15 décembre 2004 une décision de suspension de la fabrication, de l'exploitation et de la mise sur le marché de ce produit qui est un médicament par fonction en raison de ses effets laxatifs. Il en a été décidé de même par décision de février 2005.
S'agissant du Cascara segrada, il s'agit d'une plante inscrite sur la liste de la pharmacopée française qui par décision du 15 décembre 2004 de l'AFSSAPS a été considérée comme étant un médicament par fonction en raison de ses qualités de puissant laxatif.
Concernant le Cajeput, I'AFSSAPS dont une décision du 4 février 2005 publiée au Journal Officiel du 24 mars 2005 a considéré qu'il s'agissait d'un médicament par fonction, l'huile de Cajeput possède des propriétés rubéfiantes et anti-rhumatismales et des propriétés antiseptiques par voie respiratoire.
Pour la Griffe du chat, il ne s'agit pas d'une plante inscrite sur la liste de la pharmacopée française mais par décisions du 15 décembre 2004 et du 11 février 2005 de l'AFSSAPS ce produit a été reconnu comme étant un médicament par fonction en raison de ses propriétés anti-inflammatoires et anti-mutagéniques.
S'agissant du Gui, par décision du 16 mai 2002 publiée au Journal Officiel du 23 juin 2002, l'AFSSAPS a Interdit sa fabrication et son exploitation en raison des propriétés Intrinsèques de la feuille de gui qui a une action immunostimulante.
Au sujet de l'lspaghul semence, l'AFSSAPS par décision du 15 décembre 2004 a considéré qu'il s'agissait d'un médicament par fonction du fait des propriétés intrinsèques du tégument de la graine d'lspaghul qui est un laxatif de lest du fait de sa richesse en mucilage.
Concernant le Millepertuis, II a été qualifié de médicament par fonction par l'AFSSAPS, par décision du 22 janvier 2001 publiée au Journal Officiel du 27 janvier 2001 du fait de son activité antidépressive. Ce même organisme par décision du 15 décembre 2004 publiée au Journal Officiel du 28 janvier 2005 a suspendu le conditionnement et la mise sur le marché de gélules de millepertuis.
Pour le Séné, par décision du 15 décembre 2004 publiée au Journal Officiel du 23 Janvier 2005 ainsi que par décision du 23 mai 2005, l'AFSSAPS e considéré qu'il s'agissait d'un médicament par fonction car il s'agit d'un puissant laxatif en raison des hétérosides anthracéniques qu'il contient.
En ce qui concerne l'Echinacea, s'il ne peut être établi formellement, qu'il s'agit d'un médicament par fonction, il résulte d'une note de l'AFSSAPS du 3 Juin 2002, qu'en Allemagne, pays de l'Union Européenne, la commission des médicaments évoquait l'existence de réactions allergiques liées à la consommation de ce produit et relevait 143 cas d'effets indésirables ainsi que 5 mortels. Il s'agit donc d'un produit qui n'est pas dépourvu de toxicité (5 cas mortels recensés). Ces données inquiétantes qui ne pouvaient, ou ne devaient, être ignorées de Monsieur C. devaient naturellement l'amener à ne pas commercialiser ce produit. D'ailleurs une décision de police sanitaire relative aux effets indésirables, voire mortels de ce produit, en date du 23 juin 2006, certes après la période concernée par la prévention, a été publiée au Journal Officiel de la République.
Dans ces conditions, le jugement sera réformé et Monsieur C., ainsi que la société déclarés coupables des faits concernant ce produit.
En ce qui concerne l'Ephédra, selon décision de l'AFSSAPS du 8 octobre 2003 publiée au Journal Officiel du 22 octobre suivant, le produit en cause a été interdit d'importation, de préparation, de prescription et de délivrance.
En raison des risques importants d'accidents vasculaires cérébraux pouvant entraîner une éduction fatale, et des infarctus cérébraux sylviens, s'agissant d'un médicament par fonction qui a une action sympathomimétique" au niveau cardiovasculaire et pulmonaire. Ces effets complètement indésirables qui étaient connus au moins des spécialistes, ont entraîné au moins 15 décès depuis 1996. Ainsi le jugement ayant retenu la culpabilité de la personne physique et de la personne morale sera confirmé.
En ce qui concerne le non respect des bonnes pratiques, les faits ont été constatés par la gendarmerie de Cholet le 16 mai 2006. Ils sont rapportés de la manière suivante : "Par ailleurs nous constatons que les personnes chargées de la confection des gélules et infusettes destinées à la consommation humaine travaillent sans aucune protection hygiénique. Plus précisément les gélules sont remplies sans gant, ni charlotte, ni blouse ou bien encore masque. De plus, la vétusté des locaux ne semble pas convenir à une telle fabrication".
Le fait qu'une seule personne ait été vue dans ces conditions le 16 mai 2006, ne fait pas disparaître l'infraction. En conséquence le jugement sera réformé sur ce point, et Monsieur C. déclaré coupable.
En ce qui concerne la relaxe de la Société des chefs de tromperie sur les qualités substantielles des produits, et mise en vente de denrées falsifiées la cour intimera le jugement. En effet selon l'article 121-2 du Code Pénal les personnes morales sont pénalement responsables des infractions commises pour leur compte par leurs organes ou représentants, Dès lors que les faits reprochés sont matériellement établis la personne morale est responsable sans qu'il soit besoin de se référer à la notion d'intentionnalité.
La responsabilité est cumulative, avec celle de la personne physique.
Quant à l'élément intentionnel, qui a été discuté, non pas tellement par le prévenu lui-même que par son conseil dans les conclusions déposées, il est parfaitement établi, et l'audition de Monsieur C. par la Gendarmerie de Cholet, le 16 mai 2006, ne laisse subsister aucun doute sur ce point, malgré certaines dénégations ponctuelles.
En effet la SARL en cause a été créée en 1978 et Monsieur C., nonobstant sa formation alléguée d'ingénieur est en quelque sorte l'héritier d'une longue tradition d'herboristerie qui existait à Chemille depuis 1868. Il connaissait donc nécessairement les caractéristiques et les conséquences des produits qu'il vendait, en leur donnant d'ailleurs la fausse appellation de complément alimentaire.
Il savait pertinemment qu'il n'était pas pharmacien et ne pouvait se livrer à l'activité en cause.
D'ailleurs quand le Directeur Départemental des Fraudes, dans une note figurant au dossier, stigmatise l'attitude de Monsieur C., dictée selon lui, par le goût du profit, ce dernier est en quelque sorte d'accord avec lui, puisque dans l'audition du 16 mai 2006 évoquée, plus haut, on peut relever les passages suivants:
Question .Pourquoi n'avez-vous pas cessé la production de ces produits et/ou, ne pas avoir sollicité une demande d'autorisation, d'ouverture d'un établissement pharmaceutique nécessaire à notre activité,
Réponse de Monsieur C. : C'est en raison des frais importants à mettre en regard du chiffre d'affaire de l'entreprise que je n'ai pas fait la demande.
Ainsi donc, respecter la réglementation, lui coûtait trop cher. D'ailleurs le sac d'Ephedra découvert par les fraudes en 2005 a été retrouvé par les gendarmes en 2006, malgré l'injonction faite de s'en débarrasser l'année précédente, et Monsieur C. a reconnu sans ambages que les ventes avaient continué :
"C'est en retard que j'ai appris que cette plante et ses dérivés étaient interdits, mais je ne peux que constater avec vous, qu'effectivement, il y a eu une poursuite des ventes malgré l'interdiction".
L'intention frauduleuse ne pose donc aucun problème.
En ce qui concerne les peines tant principales que complémentaires prononcées, et qui sont particulièrement clémentes, elles seront cependant confirmées, sauf a supprimer la mention de coût maximum de la publication concernant Monsieur C., cette mention étant prohibée.
Sur l'action civile.
Aucun élément nouveau n'est proposé quant à son appréciation, et la demande de relaxe globale présentée par le conseil du prévenu ne modifie pas ce constat. Il en est de même de la critique concernant la constitution de cet ordre professionnel.
En effet les infractions reprochées ont nécessairement causé un préjudice au Conseil National de l'Ordre des Pharmaciens, compte tenu de l'atteinte portée aux intérêts collectifs qu'il défend.
Les dispositions civiles seront donc confirmées et la demande au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, équitablement reçue à concurrence de 3 000 euro, devant la cour.
Par ces motifs, LA COUR statuant publiquement et contradictoirement. Déclare les appels recevables en la forme. Réformant partiellement le jugement déféré. Déclare Monsieur C. et la SARL X... coupables de l'ensemble des faits reprochés: Confirme sur les peines et la confiscation des scellés. Réformant uniquement sur la peine complémentaire concernant Monsieur C.. Ordonne la publication par extrait du présent arrêt dans le Courrier de l'Ouest, édition du Maine et Loire, aux frais du condamné. La cour vous informe que, après avoir demandé un relevé de condamnation pénale au Greffe de la Cour d'appel d'Angers, si vous effectuez le paiement de l'amende dans le délai d'un mois à compter de la présente décision, conformément aux dispositions de l'article 707-2 du Code de procédure pénale, vous pouvez bénéficier d'une diminution légale de 20%, dans la limite de 1 500 euro.
La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 euro dont est redevable les condamnés, conformément aux dispositions de l'article 1018-A du Code Général des Impôts. Confirme les dispositions civiles du jugement. Condamne Monsieur C. et la SARL X..., solidairement, à payer au Conseil National de l'Ordre des Pharmaciens 3 000 euro pour frais irrépétibles d'appel.